[7] The one who whispers apologies
tw : mention de manque et de drogue
2 novembre 1998 ; Salle 4F
Quelques ronflements et soupirs se mêlaient aux grattements frénétiques des plumes sur le papier dans une salle de classe bien trop normale pour appartenir à une école de sorcellerie comme Poudlard. Dans cette pièce perdue dans un couloir du rez-de-chaussée, des bureaux en bois s'alignaient sur toute la longueur de l'espace et faisaient face à une table bien plus large sur laquelle plusieurs piles de livres poussiéreux s'entassaient. Ils rejoignaient les ouvrages qui avaient été dispersés dans la salle de classe ou qui avaient été rangés dans des bibliothèques sur le point de s'effondrer sous leur propre masse. Plusieurs lampes à huile dispersées dans la pièce éclairaient de leur lumière jaunâtre les visages profondément ennuyés des élèves. Seul un détail de la pièce rappelait la nature magique de l'établissement scolaire : la silhouette fantomatique du Professeur Binns flottant à quelques centimètres au-dessus de sa chaise. La silhouette translucide appartenait à un homme si vieux qu'il devenait complexe de lui donner un âge. Il portait des vêtements anciens qui s'assortissaient étrangement bien avec son crâne dont seule la partie supérieure était dégarnie. Ses yeux morts étaient creusés par d'indélébiles cernes que même ses lunettes en demi-lune ne parvenaient pas à camoufler. A croire qu'il était mort d'ennui ! Puis il y avait sa voix. Ses intonations étaient celles, mornes et sans émotions, des esprits les plus ennuyants. Elles rendaient ses cours si complexes à suivre pour les vivants.
Chaque élève de septième année ayant eu le courage de se déplacer en cette journée froide et pluvieuse de novembre peinait à garder son attention sur les mots de l'enseignant. Tous cherchaient une nouvelle occupation pour faire passer le temps. Granger et Théodore alignaient les mots dictés par le Professeur Binns sur un parchemin pour tenter de conserver leur concentration fragile. Ils paraissaient presque possédés et étaient parmi ces rares élèves capables de suivre les cours assommants du fantôme. Il n'était donc pas surprenant qu'ils finissent par subir les supplications de tous les autres pour rattraper ces longues heures durant lesquelles l'énergie vitale disparaissait. D'autres jeunes adultes s'occupaient avec leur voisin dans un semi-silence. Potter et Londubat chuchotaient à quelques places de leur amie et ils laissaient parfois échapper de discrètes exclamations lorsqu'une partie de morpion était gagnée dans un coin de parchemin rempli de gribouillages. Puis il y avait les personnes comme Blaise. Ceux-là ne cherchaient même pas à suivre les mots de l'enseignant ; ils se contentaient de terminer leur courte nuit sur leur paillasse. Le Serpentard laissait échapper quelques discrets ronflements et bougonnements qui parvenaient à arracher un rictus moqueur à Daphné Greengrass. Cette dernière n'hésiterait pas à se moquer de lui dès qu'ils pénétreraient dans la salle commune juste après ces deux interminables heures de cours d'Histoire de la magie.
Assis au milieu de cette large pièce pleine de jeunes adultes ennuyés, Drago Malefoy se contentait d'observer les visages plus ou moins expressifs des autres. La pointe de sa plume était suspendue à quelques millimètres d'un parchemin encore vierge. Les mots de l'enseignant parvenaient à ses oreilles sans qu'il ne puisse réellement les comprendre. La capacité de son camarade de chambre à prendre des notes sur la longue et peu palpitante Histoire des Balais se révélait presque surréaliste. S'il avait été de meilleure humeur, le garçon aux cheveux blonds n'aurait pas hésité une seule seconde pour émettre un sifflement impressionné. Lui et Granger avaient ce petit quelque chose de presque inhumain dans leur capacité à suivre avec assiduité n'importe quel cours. Seuls les quelques bâillements décrochant la mâchoire des deux bons élèves les rapprochaient du commun des mortels.
Drago avait plutôt tendance à partager la somnolence de son autre camarade de chambre. Sans toutes ces voix qui assaillaient sans cesse son esprit, il n'aurait pas hésité une seule seconde pour piquer un somme. Il l'avait bien fait pendant presque sept ans ! Les voix ne semblaient cependant pas disposées à se taire. Elles étaient toujours dans un coin de son esprit, refusant de lui offrir une seule seconde de repos. Le jeune adulte aurait pu se lamenter de leur présence. Il aurait pu hurler sa culpabilité à qui voulait bien l'entendre avant de se terrer sous sa couette pour ne plus jamais en sortir. Mais il ne pouvait pas se résoudre à manquer trop de cours. Il avait accepté de remettre les pieds dans l'école de sorcellerie pour fuir le Manoir aux Hurlements et chasser l'inquiétude tenace qui se lisait sur les traits vieillissants de sa mère. Narcissa Malefoy avait risqué sa vie pour sauver la sienne. Drago ne pouvait pas envisager d'être la source de ses maux une seconde de plus. Alors il se rendait en classe pour la rendre fière de lui et il tentait d'ignorer les voix dans sa tête qui lui assénaient des paroles toujours plus dures et cruelles.
Elles étaient toujours là, dans un coin de son esprit. Elles s'amusaient à jouer avec ses nerfs et le laissaient dans cet état constant de fragilité qu'il ne supportait plus. Seuls ses doigts, serrés autour de sa plume, et la lourdeur d'une fiole pleine de poison sauveur l'aidaient à garder ce semblant de sanité. Ses doigts se crispaient à chacune de leur remarque culpabilisante et son estomac se retournait dès que leurs hurlements surplombaient les intonations monotones de l'enseignant. Si les êtres humains possédaient leur enfer personnel, Drago avait trouvé le sien. La guerre était terminée et il ne lui restait que cette culpabilité grandissante. Même si cela lui semblait impossible, il devait apprendre à vivre avec toutes ces émotions.
Lorsque la dernière seconde du cours d'histoire de la magie fit retentir une alarme assourdissante qui parvint à réveiller les quelques élèves endormis, les explications sans vie du Professeur Binns moururent sur le bord de ses lèvres. Il eut à peine le temps de donner des consignes pour les prochaines heures de classe que la majeure partie des élèves s'était déjà éclipsée. Drago n'était pas une exception. Il avait pris ses jambes à son cou dès que la sonnerie avait fait vibrer les os de son corps. L'agitation de ses camarades de promotion l'angoissait plus qu'il n'aurait jamais voulu l'admettre et il avait besoin de s'éloigner de la cohue le plus rapidement possible. S'il avait le malheur de rester trop longtemps dans la foule d'élèves, les voix ne cesseraient de s'accentuer et elles finiraient par le rendre encore plus fou. Il avait besoin de trouver un endroit calme.
Son instinct prenant l'ascendant sur sa raison, le jeune adulte laissa son corps slalomer entre les nombreux jeunes sorciers heureux de terminer leur journée de classe. Ses pieds l'entraînaient dans un coin reculé du château où il pourrait vider cette fiole qui pesait si lourd dans la poche de son uniforme. Elle parviendrait peut-être à faire taire les voix pour un court instant. Il ne demandait rien de plus. Ses mains tremblaient d'un mélange d'appréhension et d'envie que chacun de ses pas ne cessait d'accroître. Drago aurait tant aimé pouvoir se défaire de ce terrible besoin de calmer ses angoisses par de grandes lampées de potion calmante. Il était faible. Il se laissait dévorer par cette vicieuse culpabilité qui ne l'abandonnait jamais vraiment.
A mesure que le sorcier aux yeux clairs s'éloignait des salles de classe, l'effervescence des couloirs se transforma en une quiétude presque surréaliste. L'école de sorcellerie était habitée par un bruit de fond constant auquel les élèves s'étaient habitués dès leur première année entre ses murs alors les instants où aucun son ne se faisait entendre se chérissaient comme les plus rares des trésors. Il y avait toujours ces voix moqueuses et accusatrices qui résonnaient dans son esprit, mais elles ne se mêlaient pas à la cacophonie habituelle de Poudlard. Un couloir désert dont les murs vierges de tout tableau expliquaient le silence soudain se dessina rapidement devant les prunelles claires du jeune adulte.
Les statues et peintures magiques avaient disparu de cette partie de l'école de sorcellerie. Il ne restait que ces murs en pierre et ces piliers montant à plusieurs mètres de hauteur pour supporter le plafond. Aucun autre témoin que les voix vengeresses n'assisteraient à ses actions ici. Drago s'empressa alors d'extraire le flacon de sa poche. Il pesait si lourd entre ses mains tremblantes et il eut toutes les difficultés du monde à faire sauter son bouchon. Ses doigts moites glissaient sur le morceau de liège et ne parvenaient pas à l'arracher du goulot de verre. Une minute s'écoula avant qu'il ne parvienne à s'en débarrasser et il eut l'impression que les hurlements s'étaient transformés en rires.
Un soupir de soulagement quitta les lèvres du jeune adulte dont les yeux clairs observaient la fumée métallique s'échapper de sa prison de verre. Il inhala les vapeurs addictives et rassurantes de l'unique liquide apte à calmer les pérégrinations de son esprit malade et il s'empressa de déverser le contenu de la fiole dans sa cavité buccale. Drago sentit l'élixir glisser le long de son œsophage et les voix lui parurent moins menaçantes. Elles s'atténuèrent jusqu'à ne devenir qu'un désagréable chuchotement comparable à un acouphène. Ses épaules crispées se détendirent et il ne put retenir le sourire satisfait qui étira ses lèvres. Il avait enfin le droit à un peu de calme.
Drago mentirait s'il affirmait ne ressentir aucune honte à l'idée de calmer ses angoisses à coup de grande gorgée de philtre de paix. Il sentait toujours ce pincement au cœur à chaque fois qu'il laissait sa faiblesse d'esprit dilapider son stock de potions calmantes. Mais il ne parvenait pas à supporter toutes ces voix qui l'assaillaient chaque jour et rien n'était plus efficace que ces litres de mixture reposant dans une cachette de sa malle. Il lui arrivait parfois de se détester pour son incapacité à se détacher de ce liquide aux vapeurs métalliques. Pourquoi ne parvenait-il pas à se soustraire de leurs accusations ? Pourquoi ne pouvait-il pas regagner sa vie d'avant ? Drago ignorait la réponse à ses questions. Il avait uniquement conscience de son état déplorable et des voix qui résonnaient dans sa boîte crânienne. Et le philtre de paix parvenait à calmer ces deux choses. C'était toujours éphémère, mais il se satisfaisait de la courte heure durant laquelle les effets se faisaient sentir.
Un discret sourire de soulagement venant remplacer la discrète grimace qui déformait ses lèvres maltraitées, le jeune adulte s'empressa de ranger la fiole vide dans sa poche et tourna les talons pour se diriger vers la salle commune de Serpentard. Il ne put s'empêcher de se demander si ses camarades s'inquiétaient de son absence ou s'ils continuaient de vivre comme s'il n'existait pas. A leur place, Drago n'aurait pas une seule seconde pour affirmer la seconde option. Qui pourrait bien vouloir passer une seule seconde avec lui ? Le grand et tyrannique Drago Malefoy n'existait plus. Son âme semblait l'avoir abandonné et son corps se mouvait par instinct. Il n'était plus qu'une enveloppe corporelle d'une personne dont la place aurait dû être auprès des fantômes de l'école. Il aurait dû faire partie de ces voix qui le tiraillaient lorsque le liquide rassurant ne roulait pas contre son palais.
Alors que ses idées noires le noyaient sous cette culpabilité familière et que ses pas le menaient instinctivement vers les cachots de l'école de sorcellerie, son corps en percuta un autre. Ce fut le bruit fracassant de livres rencontrant la pierre froide du sol et celui d'un glapissement terrifié précédant le son de chute qui le tirèrent de ses pensées. Une silhouette habillée aux couleurs de la maison à l'aigle se trouvait juste là. Tombée sur ses fesses, les mains supportant son poids et les traits tirés dans une expression de douleur, la jeune femme observait les nombreux parchemins et ouvrages dispersés au sol. Certains avaient fini leur course dans une flaque et leur encre commençait déjà à se diluer. Drago fut surpris de voir un juron si imagé s'échapper des lèvres d'une sorcière si délicate. Ses traits nobles se couplaient parfaitement avec ses cheveux bruns retenus par un serre-tête aux couleurs de sa maison. Jamais personne n'aurait pu penser que des lèvres si innocentes puissent se montrer si vulgaires. Drago eut un court instant d'hésitation avant de se pencher pour ramasser les quelques morceaux de papiers qui s'étaient échoués à ses pieds.
« Je vais finir par croire que tu as une dent contre moi, Malefoy, s'agaça la jeune femme en se redressant.
— De quoi parles-tu ? »
Un reniflement dédaigneux échappa à la jeune femme qui récupérait du bout de ses doigts manucurés une feuille trempée de laquelle plus aucun mot n'était lisible. Elle paraissait agacée par la disparition soudaine de ce qui représentait certainement plusieurs heures de travail et Drago ne put s'empêcher de remercier les dieux qui avaient rendu les yeux incapables de tuer. Alors qu'elle s'affairait à rassembler ses affaires éparpillées sur toute la largeur du couloir, le jeune adulte étudia ses traits. Ils lui étaient familiers, mais le sorcier était bien incapable de replacer un nom sur son visage.
« Astoria Greengrass, se présenta-t-elle en récupérant les quelques feuilles volantes qu'il avait ramassées. Tu connais bien ma sœur, précisa-t-elle. Et c'est la deuxième fois que tu me fais tomber. »
Les sourcils froncés dans une expression d'incompréhension pure, le sorcier aux cheveux blonds observa la silhouette d'Astoria s'éloigner de lui d'une démarche sautillante qui aurait pu être celle de Luna Lovegood. Un souffle moqueur lui échappa lorsqu'il l'observa trébucher et se rattraper in extremis contre le mur. Elle n'avait pas besoin de lui pour faire tomber ses affaires. La Serdaigle était si maladroite que ça en devenait presque attendrissant. Il comprenait un peu plus le caractère surprotecteur de l'aîné de la famille Greengrass.
Alors que la silhouette de la sorcière disparaissait au bout du couloir, Drago reprit la direction de sa salle commune. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, un rictus amusé étira ses lèvres abîmées. Même les voix semblaient s'être complètement tues pendant quelques secondes avant de reprendre leurs chuchotements incessants. Elles paraissaient presque supportables. Le jeune homme se retrouva devant un mur si humide que de l'eau ruisselait sur sa surface. De la mousse avait poussé dans les cavités murales et apportait une touche colorée aux parois noires.
A peine eut-il prononcé le mot de passe permettant à une porte dissimulée de s'ouvrir et posé un pied dans la salle commune que des conversations enjouées, commentaires sur les cours de la journée et rires moqueurs assaillirent le jeune adulte. La pièce était étrangement bondée et un malaise familier finit par se répandre dans son corps comme un venin mortel. Ses mains devinrent moites et ses yeux clairs se mirent à chercher le chemin le plus rapide lui permettant de rejoindre sa chambre. Il n'avait pas la moindre envie de parler aux autres. Il n'en avait pas l'énergie et il se savait incapable de supporter les œillades plus ou moins discrètes sur le tatouage qui se mouvait sur son avant-bras. L'étrange sérénité qui avait suivi sa rencontre avec Astoria dans les couloirs de l'école s'était dissipée à chacun de ses pas et son dégoût pour la vie l'avait percuté comme une vague de tsunami. Sa morosité habituelle avait repris place à ses côtés comme une vieille amie.
Drago n'eut pas la chance d'amorcer un premier pas en direction des escaliers menant aux dortoirs. Il se fit directement interpellé par ses camarades de promotion qui s'étaient lancés dans un débat dont le sujet lui importait peu. Alors qu'ils étaient installés autour d'une table sur laquelle une théière fumante trônait au milieu de quelques tasses plus ou moins remplies, le blond entendait vaguement leurs arguments stériles et leurs lamentations. Il n'avait aucune envie de les rejoindre. Son corps tout entier lui hurlait de regagner son lit pour se laisser tomber dans les bras rassurants de Morphée. La déesse du sommeil ne l'agaçait jamais et elle ne lui rappelait pas ses angoisses vivantes. Mais il ne pouvait pas passer son temps à ignorer ces personnes qui avaient partagé certains des meilleurs et pires événements de sa vie. Puis Blaise affichait cette expression de chien battu dérangeante qui le mettait mal à l'aise et qu'il conserverait tant qu'il ne les aurait pas rejoints.
Plongeant ses mains moites dans les profondeurs de ses poches où un flacon vide et froid rencontra sa peau, l'unique héritier de la famille Malefoy afficha une expression froide dans sa neutralité et il se glissa entre les élèves plus jeunes pour gagner la place libre sur le canapé que Daphné lui indiquait. La sorcière arborait un sourire bienveillant qui ne faisait qu'accentuer son malaise. Qu'avait-il bien pu faire pour mériter un sourire pareil ? Chacun de ses pas le faisait souffrir le martyre et mettait sa volonté à rude épreuve. Son corps tout entier lui hurlait de fuir le plus loin possible pour n'avoir à interagir avec aucun autre être humain, mais il s'était promis de faire bonne figure. A peine fut-il avachi sur le canapé en cuir que les voix de ses camarades de classe l'assaillirent et que l'enjeu de la conversation lui parvenait.
Blaise témoignait son admiration pour Granger – à croire qu'il était tombé sous le charme de la plus connue des Nés-Moldus tant il parlait d'elle – et Théodore. Il ne comprenait pas leur capacité à rester éveillé durant les cours d'Histoire de la magie et Daphné ne se gênait pas pour le rejoindre dans ses compliments impressionnés. Les oreilles du bon élève avaient pris une couleur écarlate alors qu'il chassait les paroles de ses amis d'un mouvement de la main. Théodore n'était pas friand des compliments comme ceux-là. Il les estimait non-mérité. Suivre les cours était aussi naturel pour lui que respirer.
« C'est mon sang de bon élève, avait-il affirmé un jour lors de leur troisième année. Suivre les cours, c'est dans mon ADN. »
Les années avaient passé, mais cette partie de sa personnalité était restée intacte. Il était toujours aussi bon élève et il suivait toujours les cours avec une assiduité qui rivalisait avec celle d'Hermione Granger. Blaise n'en démordait cependant pas. Il continuait de prononcer ces mêmes compliments qu'il répétait depuis qu'ils avaient mis les pieds dans l'école de sorcellerie. Le blond sentit une bouffée de nostalgie l'assaillir. Tout était si simple à cette époque. Il pouvait être un enfant abominable et suivre la route que son père avait tracée pour lui sans s'inquiéter des conséquences de ses actes. Il pouvait proférer des insultes affreuses sans avoir la moindre conscience de l'impact de ses mots. Il pouvait être une personne ignorante qui avait grandi dans une idéologie prônant l'inégalité du sang.
« T'en penses quoi Drago ? l'interrogea soudainement sa voisine.
— Quoi ?
— Je vous avais dit qu'il ne nous écoutait pas ! se plaignit Blaise. Il ne nous écoute jamais ! affirma-t-il en croisant les bras sur son torse. »
Drago aurait aimé être de ces personnes capables d'affirmer que ce n'était pas le cas. Il aurait tant voulu assurer qu'il était une personne à l'écoute, mais ce n'était pas le cas. Cela n'avait jamais été le cas. Alors il se contenta d'afficher un sourire à la fois timide et mal à l'aise et il passa une main dans ses cheveux clairs.
« Vous disiez ? demanda-t-il.
— Théodore affirmait que je ne faisais jamais aucun effort pour suivre les cours de Binns, se plaignit-il.
— Et ? ses yeux clairs s'étaient plissés pour essayer de voir où ses camarades voulaient en venir.
— Il affirmait que ce n'était pas le cas, murmura Daphné.
— Théo dit la vérité pourtant, remarqua-t-il. Tu viendrais avec un oreiller si tu en avais la possibilité. »
Une moue offusquée déforma les traits du jeune adulte visé par cette pique alors que ceux de Théodore affichaient une moue satisfaite. Ils continuèrent de se chamailler pendant quelques minutes. Leurs conversations futiles et les évocations de souvenirs heureux s'éternisèrent jusqu'à la désertion de la salle commune par tous les élèves plus jeunes. Drago participait aux échanges et il se surprit à apprécier le moment. Les voix ne l'assaillaient plus et il parvenait à afficher cette expression que beaucoup avaient aimé qualifier de « neutralement chaleureuse ». C'était la première fois depuis la fin de la guerre que Drago Malefoy se trouvait à sa place.
15 novembre 1998 ; Salle sur Demande
La Salle sur Demande était un endroit bien singulier.
Drago Malefoy s'en faisait la réflexion à chaque fois qu'il poussait la porte magique pour découvrir l'apparence que ses murs avaient décidé de prendre. De l'immense hangar où des babioles aussi rares que dangereuses s'entassaient à la simple chambre pour échapper à Rusard une fois le couvre-feu passé, le sorcier aux yeux céruléens avait connu de nombreuses formes de la Salle Va-et-vient. Cela n'entachait jamais sa surprise de découvrir la nouvelle apparence de la pièce magique dès que l'envie de passer trois fois devant cette tapisserie hideuse lui prenait. Il y avait pourtant d'autres endroits dans l'enceinte de Poudlard. Une statue terrifiante de sorcière borgne dissuadait certains élèves de se promener au troisième étage et elle ne dévoilait son passage secret menant à la cave de Honeydukes qu'aux plus intrépides des élèves accros au sucre. Des escaliers capricieux changeaient de direction dès que des pieds se posaient sur leurs marches et rendaient les trajets entre deux salles de classe aléatoires. Puis il y avait aussi cet arbre farouche qui n'hésitait pas à s'attaquer aux personnes osant s'approcher de lui. Tous ces coins de l'école de sorcellerie britannique fascinaient par leur singularité et ils émerveillaient les prunelles de ceux découvrant le monde magique pour la première fois. Mais aussi fantastiques et curieux soient-ils, ces lieux n'égalaient pas la Salle sur Demande aux yeux du Serpentard.
Le jeune adulte attendait toujours la nouvelle apparence que la pièce magique allait prendre avec une impatience qui se mêlait à une forme d'appréhension. Cette soirée-là n'était pas une exception. La Lune avait poussé le Soleil de son trône céleste plusieurs heures auparavant et une lumière argentée apportait un aspect mystique à chaque relief. On entendait les pas de Rusard et les miaulements insupportables de Miss Teigne résonner contre les murs. L'homme déambulait dans les couloirs à la recherche des quelques élèves qui avaient bravé le couvre-feu pour découvrir les secrets nocturnes de l'école de magie ou se câliner dans une salle de classe vide. Drago n'était pas de ceux-là.
Les voix ne lui avaient pas permis de gagner les bras rassurants de Morphée. Elles s'étaient faites plus virulentes et mauvaises qu'elles en avaient l'habitude. Le jeune adulte s'était senti misérable et sa respiration s'était tant accélérée qu'il s'était retrouvé haletant au creux de son lit. Il avait éprouvé le besoin de bouger pour évacuer le flot de pensées bruyantes et destructrices qui envahissaient son esprit. Il devait faire taire ces voix. C'était devenu vital. Drago s'était alors extirpé avec difficulté du cocon de couettes épaisses qui entouraient son corps amaigri et il avait enfilé ses chaussons molletonnés dès qu'il était parvenu à se soustraire à l'étau sécurisant de ses édredons aux couleurs de la maison au serpent. Il s'était ensuite empressé de sortir du dortoir et de la salle commune sans même jeter un regard à ses camarades de chambres ou aux élèves insomniaques qui se racontaient des histoires, bercés par la chaleur du feu dans l'âtre de la cheminée. Ses pas l'avaient conduit au septième étage de l'école de sorcellerie. Il s'était débrouillé pour ne pas croiser Rusard ou Peeves et avait fini par passer trois fois devant cette affreuse tapisserie.
Le jeune adulte avait poussé la minuscule porte en bois qui s'était dessinée sur ce mur vierge avant de se glisser à l'intérieur de la Salle sur Demande. A peine ses yeux se posèrent-ils sur l'étrange aspect de la pièce magique que sa mâchoire se décrocha et que ses bras tombèrent le long de son corps.
Il se trouvait dehors.
Un ciel nuageux typique de certaines régions de la Grande-Bretagne s'étendait à perte de vue et permettait à peine aux rayons du soleil de venir s'échouer sur les herbes folles. Elles chatouillaient ses chevilles nues, s'enroulaient autour de plusieurs structures que les enfants moldus utilisaient pour s'amuser, et camouflaient les pieds du fin grillage marquant une séparation avec un quartier résidentiel où plusieurs dizaines de personnes devaient discuter de sujet dont il n'était pas sûr de pouvoir comprendre le sens un jour.
Quelques pas incertains le conduisirent à une balançoire dont l'assise en ferraille incurvée brûlait tous ceux ayant le courage de s'y asseoir en pleine canicule. D'épaisses cordes la maintenaient à un portique si haut que le serpentard eut des doutes quant à sa capacité à toucher le sol une fois installé sur l'assise. Ses doutes furent confirmés dès qu'il se laissa tomber sur le bout d'acier courbe. La pointe de ses pieds parvenait à peine à s'enfoncer dans la terre humide. Cette absence de point d'attaque provoquait de minuscules balancements qui ne déplurent pas au sorcier aux cheveux blonds.
Ses doigts enroulés autour des cordes, il fit glisser ses prunelles claires sur les autres structures métalliques. L'aire de jeux n'était pas chargée : une balançoire horizontale, un tourniquet et un toboggan se battaient en duel dans cet espace délimité par cette barrière. Le quartier singé par la Salle sur Demande ne devait pas être assez vivant pour permettre la construction de nombreux jeux. Ce n'était pas plus mal. Drago ne pouvait s'empêcher que la présence de nombreuses infrastructures aurait attiré plus de silhouette à forme humaine. Il avait pourtant conscience que personne ne viendrait le déranger ici. Drago ne comprenait cependant pas la raison pour laquelle la Salle Va-et—vient avait pris cette apparence si inhabituelle. En passant trois fois devant cette tapisserie, il avait espéré trouver un endroit où les voix ne viendraient pas le tourmenter. Il n'en demandait pas autant.
Il voulait juste qu'elles se taisent.
A peine cette pensée eut-elle traversée son esprit malade que Drago se rendit compte qu'elles n'étaient plus là. Elles ne lui hurlaient plus ces reproches qu'il avait déjà entendu mille fois et qui faisaient toujours aussi mal. Elles ne sifflaient plus ces menaces terrifiantes qui le réveillaient parfois en pleine nuit. Elles n'étaient plus là. Il n'entendait rien d'autre que cet agréable silence que seul le grincement du tourniquet en mouvement venait rompre lorsqu'une brise magique se levait dans la Salle sur Demande.
Son corps ne perdit pas une seule seconde pour réagir à cette absence. Il se mit en mouvement bien plus rapidement que son cerveau, qui avait encore du mal à comprendre que quelque chose venait de disparaître comme par magie. Des spasmes parcoururent son corps osseux et sa vision se brouilla sous l'assaut des larmes dévalant sur des joues. La netteté du paysage se transforma en une bouillie verte, grise et marron de laquelle se détachait quelques formes abstraites. Drago chercha à faire disparaître les sillons humides que les larmes créaient sur ses joues. Il laissa les gouttes salées s'écraser sur la soie de son pantalon de pyjama. Elles grandissaient sur le tissu gris pour se rejoindre et former des traces plus grosses. Elles allaient peut-être se transformer en un chemin de cristaux salés en séchant, mais cela n'inquiétait pas le sorcier. Jamais il n'avait été autant soulagé de ne plus entendre les voix que ses propres sanglots lui paraissaient bien futiles.
Assis dans l'immensité de la Salle sur Demande, Drago finit par perdre la notion du temps. Il aurait été incapable de dire combien de temps il resta perché sur la balançoire ou la durée exacte qu'il passait à sangloter. Il avait seulement conscience de l'affreuse douleur compressant sa boîte crânienne et de cette énergie qui semblait le quitter. Il ne s'échappa pourtant pas de la Salle Va-et-Vient. Il n'avait pas envie de retourner dans l'enceinte de l'école de sorcellerie où les voix attendaient son retour avec une impatience mauvaise.
Alors il se contenta de se balancer, de déambuler dans les herbes folles et de slalomer entre les structures métalliques pour chasser l'épuisement qui le gagnait. Des fougères chatouillaient ses chevilles nues lorsqu'il se produisit une chose que même les sorciers les plus fous ne parvenaient pas à s'imaginer : une foule se dessina sous ses prunelles brûlantes de fatigue. Des adultes discutaient de la pluie et du beau temps à quelques pas seulement de l'entrée du parc. Ils remplissaient parfois une tasse en plastique d'un thé bouillant conservé dans un thermos et apportaient la boisson à leurs lèvres de façon si régulière qu'on aurait pu assurer que tout était chorégraphié. Ils ne se soustrayaient à la conversation que lorsqu'un des enfants dans le parc faisait une bêtise ou se mettait à hurler après une chute. Ceux-là intéressaient plus le jeune sorcier que les adultes ennuyants. Ils se poussaient à tour de rôle sur les balançoires, se rendaient malades à trop prendre de vitesse sur le tourniquet, faisaient sagement la queue pour quelques glissades sur le toboggan, riaient à gorge déployée, formaient des bandes avant de se lancer dans une partie d'épervier où chacun dilapiderait son énergie au grand bonheur des parents, ou se disputaient pour une brindille ressemblant vaguement à une baguette magique qui les transformait en sorcier surpuissant.
Ils s'amusaient tout simplement. Ils s'amusaient tous à l'exception d'un petit garçon. Il ne devait pas avoir plus de sept ou huit ans et son visage était déjà marqué par la dureté de la vie. De ses traits glacials et hautains, ils dévisageaient les quelques enfants rieurs dans son coin. Ses cheveux blonds étaient tirés vers l'arrière et mettaient en valeur ses traits anguleux et princiers. Ses yeux étaient si clairs qu'il accentuait les traits froids de son visage juvénile. Ses vêtements trop luxueux pour une aire de jeux noyaient son minuscule corps, mais il ne semblait pas s'en soucier. Il lui apportait du pouvoir par rapport aux autres et il ne cessait de le rappeler à tous ceux qui osaient s'approcher pour lui demander de jouer avec eux. De quel droit s'approchaient-ils de lui avec leurs habits de seconde main ?
Drago se voyait dans ce gamin. Il voyait l'enfant capricieux qui avait grandi avec une petite cuillère dans la bouche et qui n'avait eu cesse de le rappeler aux autres. Sa façon de renifler avec dédain, de toiser les autres avec tant de méchanceté qu'il pouvait provoquer les larmes et d'esquisser ce rictus mauvais dès qu'ils allaient se plaindre dans les bras de leurs parents. Drago avait fait tout ça. Il avait fait bien pire que ça ! Son éducation lui avait appris à se moquer de toutes les personnes qui n'étaient pas nées du même sang que lui. Il les avait toujours méprisés et il avait répété les mots de son père sans les comprendre. Ce garçon était comme lui.
Mais malgré l'arrogance qui peignait les traits de cet enfant solitaire et imbu de lui-même, l'élève de Poudlard crut discerner une tristesse sans fin. Ses prunelles claires se voilaient dès que les regards ne lui portaient plus attention et ses lèvres tremblotaient pour retenir de possibles sanglots. Il aurait tant voulu jouer avec les autres et tâcher ses vêtements de terre humide. Il ne pouvait pas. On lui avait appris à rester immobile et à ne pas se mélanger aux enfants qui n'étaient pas de sa classe sociale. Ce gamin était comme lui. Il se conforterait dans la supériorité de son éducation avant de voir toutes ses certitudes se briser en mille morceaux sans qu'il ne le veuille. Peut-être entendrait-il des voix. Peut-être ignorerait-il les mains tendues. Drago l'ignorait. Il ignorait si cet enfant parviendrait à trouver le bonheur un jour. Il ignorait s'il parviendrait à lier des amitiés qui n'étaient pas basées sur l'hypocrisie et les intérêts de ses parents. Il ignorait tout cela. La seule chose dont le sorcier avait conscience était l'espoir que le sourire rayonnant de l'enfant produisit chez lui lorsque leurs yeux se rencontrèrent.
« Tout ira bien, lui adressa l'enfant. Je te le promets, Drago. »
Ces mots suffirent à rassurer le sorcier. Pour la première fois depuis que la guerre s'était conclue par la défaite de Voldemort, les voix ne le tourmentaient plus et une once d'espoir commençait à gonfler dans sa poitrine.
25 novembre 1998 ; Pré-au-Lard
Une bouille de feuilles mortes et de terre détrempée recouvrait les rues clairsemées du village sorcier de Pré-au-Lard. Les bruits de chutes et de rattrapages in extremis à la manche d'un camarade déséquilibré résonnaient sur les cloisons des commerces qui avaient troqué leurs couleurs chaudes d'Halloween pour les remplacer peu à peu par les tons froids de l'hiver. Rares étaient les personnes qui s'arrêtaient pour observer les vitrines en construction pour les fêtes de fin d'année. Il fallait les comprendre ! Cela faisait presque une semaine que le ciel crachait une bruine glacée et personne n'osait mettre le nez dehors par peur d'attraper un rhume ou un autre virus. Quelques élèves de l'école avaient pris leur courage à deux mains et s'étaient soustraits au confort de leur salle commune ou à l'ambiance studieuse de la bibliothèque pour rejoindre les rues du village sorcier. Ils s'entassaient tous aux Trois Balais pour siroter une bière au beurre ou un de ces chocolats chauds capables de réchauffer un corps tout entier.
Drago Malefoy ne faisait pas partie de ceux-là. Il avait préféré errer dans les rues du village sorcier à la recherche d'un endroit calme où les voix le laisseraient enfin tranquille. Le silence inattendu qu'il avait connu dans la Salle sur Demande avait été de courte durée et les sifflements étaient revenus l'assaillir dès qu'il avait eu le malheur de reposer un pied dans les couloirs de sorcellerie. Cela faisait dix jours qu'elles paraissaient rattraper les quelques heures perdues. Elles étaient plus virulentes qu'elles ne l'avaient jamais été et elles étaient la raison pour laquelle le sorcier cherchait tant à fuir les murs de Poudlard. Il espérait que l'atmosphère vivante et enjouée de Pré-au-Lard puisse lui apporter cette paix dont il avait tant envie.
Il n'avait pas remis les pieds dans ces rues étroites depuis le jour de la rentrée et il ne s'y était pas attardé depuis la fin de la guerre. Il était bien loin le temps où tourmenter Potter et ses amis à l'abri d'une maison et remplir ses poches de friandises de chez Honeydukes suffisaient à le rendre heureux ! Il ne ressentait plus aucune envie de s'amuser dans cet endroit encore marqué par les traces du conflit. Des marques de sortilèges violents décoraient les façades des habitations, des routes étaient encore obstruées par des obstacles que personne n'avait encore eu le courage de déplacer, des bouquets de fleurs reposaient aux endroits où des personnes avaient perdu la vie, et les visages étaient marqués par cette fatigue que tous les survivants partageaient. Tout lui rappelait la guerre. Tout lui rappelait que des gens s'étaient battus dans ces rues pour sauver leur vie et que certains avaient échoué.
L'espoir de pouvoir retrouver le même calme que celui de la Salle sur Demande s'était dissipé à mesure qu'il s'enfonçait dans les ruelles de plus en plus étroites du village sorcier. Les voix l'accompagnaient partout où il allait et il ne pouvait pas espérer avoir quelques secondes de quiétude. Elles créaient une cacophonie de sifflements dans son esprit et il ne parvenait pas à s'en débarrasser. Alors le sorcier continuait de déambuler dans les rues de Pré-au-Lard dans l'espoir de trouver un endroit plus calme que les autres où ses doigts pourraient enfin relâcher le flacon lourd et froid de sa poche.
Ses pas le conduisirent à une maison plus inquiétante que toutes les autres. Comme perchée sur un rocher à une centaine de mètres de lui et fondue dans un brouillard, la construction se détachait de l'ensemble architectural du village sorcier par son aspect délabré. Elle ressemblait à une maison fantôme perdue dans une brume épaisse. Les fenêtres obstruées par des planches en bois décrépie et la friche servant de jardin se transformaient en de terrifiants monstres. Les branchages et fougères se métamorphosaient à mains crochues capables d'entraîner les plus courageux dans la blancheur opaque de l'atmosphère et le souffle glacial du vent se transformait en hurlement en s'infiltrant dans les fissures de la façade. La Cabane Hurlante portait bien son nom. Drago ne put cependant pas retenir le soufflement soulagé qui s'échappa de ses lèvres gercées. La maison était bien moins inquiétante que dans ses souvenirs d'adolescence et ses cris paraissaient bien ridicules comparés à ceux du Manoir aux Hurlements. Ceux qui hantaient l'immense maison dans laquelle il avait grandi étaient entêtants et ravivaient les souvenirs angoissants emprisonnés entre les murs de la bâtisse. Les tortures subies par les né-moldus et les traîtres à leur sang rebondissait entre les tapisseries chargées et les supplications venaient réveiller les occupants du manoir chaque nuit.
Ce n'était pas le cas de la Cabane Hurlante. Des cris s'échappaient de ses murs délabrés et rejoignaient ceux qui ne quittaient jamais l'esprit du sorcier aux yeux céruléens, mais ils paraissaient étouffés ; comme si la maison hantée du village cherchait à récupérer cette attention que la guerre lui avait volée. Ses tentatives étaient vaines. Les souvenirs des combats étaient encore trop frais dans l'esprit de tous et plusieurs années ne pourraient lui rendre sa grandeur tétanisante d'antan.
Les prunelles claires du sorcier glissèrent sur la terre trempée autour de lui et se plantèrent sur une souche à quelques pas de la barrière marquant la séparation entre le village sorcier et la maison hantée. Il se traîna jusqu'à celle-ci pour se laisser tomber dans un soupir de soulagement. Les voix étaient un peu moins fortes ici. Elles lui permettaient de respirer sans pour autant disparaître. Sa respiration ne se coupait pas à cause de cette panique familière qui l'assaillait chaque jour. Son souffle se transformait en brume légère dès qu'il s'échappait de ses lèvres asséchées et les petits nuages de condensations se mêlaient avec ceux plus gros et menaçant du ciel. Drago observa ce phénomène durant plusieurs minutes, comme hypnotisé par les formes abstraites qui se créaient sous ses yeux, avant que des éclats de rire et des bribes de conversation lui parviennent. On s'approchait de lui.
La panique revint à la charge tel un tsunami. Ses mains retournèrent les poches de sa robe et ses doigts s'enroulèrent autour de cette fiole salvatrice dont il était incapable de se séparer. Il s'accrochait à la seule chose capable de faire taire les hurlements et les voix qui le hantaient, la seule chose capable de calmer les tremblements de ses membres. La fiole se brisa entre ses phalanges lorsque ses prunelles claires remarquèrent l'absence de liquide s'évaporant en vapeur argentée dans le flacon. Il n'avait plus de philtre de paix sur lui et cette constatation le terrifiait. Il ne pouvait plus calmer l'avalanche d'émotions négatives qui s'emparait de son esprit. Les voix malignes continueraient de s'exprimer dans sa boîte crânienne. La panique se répandit dans ses veines comme un poison mortel. Focalisé sur la vague d'émotion qui s'emparait de son corps entier, Drago ne sentit pas les minuscules morceaux de verre se ficher dans sa peau fine. Seuls sa respiration hachée, le film de sueur recouvrant sa peau livide, les tremblements de chacun de ses membres et les battements frénétiques de son cœur importaient. Il n'existait rien d'autre.
Le monde se mit à tourner autour de lui et il eut l'impression que son estomac se déplaçait pour se ficher au bord de ses lèvres. Une bile acide brûla son œsophage et lui arracha un geignement douloureux alors qu'il recrachait le contenu de son estomac presque vide à ses pieds. Puis vinrent les larmes et les sanglots. Ils lui infligeaient de terribles douleurs et ne firent qu'accentuer sa haine de lui-même. Pourquoi ne parvenait-il pas à passer une journée calme ? Il se sentait si mal et si faible. Drago Malefoy n'aurait pas dû être cette petite chose fragile et incapable de garder un masque de marbre. Toutes ces émotions qu'il ressentait étaient mauvaises pour lui. Les Malefoy n'étaient pas censés ressentir tout ça. Ils se devaient de rester noble le toute circonstance et ne laissaient jamais aucun sentiment transparaître sur leurs visages.
« Malefoy ? s'inquiéta une voix familière. Malefoy ? répéta-t-elle. »
Le sorcier bondit de frayeur lorsque le propriétaire de la voix posa une main sur son épaule. Il ne l'avait pas entendu approcher et cette présence soudaine à côté de lui ne faisait qu'accentuer sa panique. Un sanglot si violent parcourut son corps que sa respiration se coupa net. Il suffoquait et ne parvenait pas à reprendre le contrôle de ses émotions. Il se sentait pathétique et honteux. Un Malefoy ne pouvait pas se montrer aussi faible. Un Malefoy n'avait pas le droit de se montrer aussi faible. L'inconnu continua de répéter son nom avec cette inquiétude qui lui donnait la nausée. Drago aurait voulu hurler à cette silhouette masculine de s'éloigner de lui. Il aurait tant voulu se montrer odieux pour qu'on le laisse tranquille.
Alors que l'angoisse se répandait dans ses veines et accentuait les tremblements de ses membres, une voix féminine rejoignit celle de l'inconnu. Elle énonçait des faits qu'il ne comprenait même pas. Il n'était pas sûr de vouloir les comprendre. Sa propriétaire s'activait comme si elle recherchait quelque chose dans un sac minuscule et elle laissait échapper quelques jurons lorsqu'elle ne trouvait pas ce qu'elle voulait. Drago connaissait ces deux personnes mais il ne parvenait pas à remettre un nom sur les contours flous de leurs silhouettes. Cette situation le dépassait. Il se noyait dans sa propre panique lorsque quelque chose de froid et lisse se posa contre ses lèvres. Puis un liquide roula sur sa langue, coula le long de son œsophage et se répandit dans son corps. Les hurlements se turent un à un et sa panique s'atténua. Quelques minutes s'écoulèrent avant que le serpentard ne reprenne ses esprits ; les battements frénétiques de son cœur se calmèrent et retrouvèrent leur rythme habituel, les tremblements de ses membres s'atténuèrent, et son champ de vision s'éclaircit à mesure que les larmes séchaient au coin de ses yeux. Les deux silhouettes devinrent nettes et le sorcier eut un mouvement de recul lorsqu'il devina leur identité. Potter et Granger se trouvaient juste là et ils le toisaient avec cette inquiétude dont il aurait aimé se passer. Ces deux-là connaissaient les tourments qui habitaient son corps et s'inquiétaient pour lui en bons élèves de Gryffondor.
« Tu te sens mieux ? lui demanda Granger avec cette froideur qu'elle arborait en sa présence.
— Oui, croassa-t-il. Je crois. »
La commissure des lèvres de la sorcière se souleva pour former un rictus amer alors qu'elle rangeait une fiole presque vide dans les poches de son manteau. Il fallut moins d'une seconde pour que Drago reconnaisse le liquide emprisonné dans le flacon. Aucune autre potion que le philtre de paix ne s'évaporait dans une vapeur argentée aussi épaisse. Hermione Granger venait de calmer ses angoisses avec ce remède dont son corps ne paraissait plus pouvoir se passer.
« Merci, souffla-t-il à sa camarade.
— Pourquoi tu me remercies ? lui demanda-t-elle dans un soupir. Ce que je viens de faire ne t'aide pas. »
Une lueur oscillant entre la peine et la colère brillant dans ses prunelles sombres, la sorcière se déplaça pour s'adosser contre la barrière délimitant l'entrée de la Cabane Hurlante. Drago ignorait pourquoi ces deux-là se montraient aussi cléments avec lui. Il avait toujours tout mis en œuvre pour rendre leurs vies compliquées et il avait participé de façon active à la destruction du monde sorcier. Il était une personne abominable qui ne méritait pas leur compassion. Il aurait préféré se prendre un coup de la part de la sorcière à ce regard compréhensif qu'elle lui jetait par instant. Il était un mangemort. Le tatouage dansant sur son avant-bras en était une preuve éternelle et il ne pourrait jamais s'en défaire. Il aurait tout donné pour retourner dans le temps et effacer cette partie-là de sa vie. S'il n'avait jamais été un mangemort, Dumbledore ne serait peut-être pas mort. S'il n'avait jamais été un mangemort, des centaines de vie auraient pu être sauvées. Drago était une des raisons pour lesquelles tant de gens étaient morts et ces deux-là ne paraissaient pas le détester plus qu'ils ne le détestaient avant. Il ne les comprenait pas.
« Pourquoi ? leur demanda-t-il après quelques secondes de silence.
— Pourquoi quoi ? renchérit Potter en rejoignant sa meilleure amie.
— Pourquoi vous ne me haïssez pas ? »
Les deux élèves de la maison au lion s'échangèrent un regard avant que Potter n'esquisse un sourire rassurant. Drago n'aimait pas ce sourire. Il n'aimait pas que son ancien meilleur ennemi puisse se montrer aussi sympathique envers lui. Saint Potter et Miss-je-sais-tout avaient toutes les raisons du monde de le détester. Ils avaient bien plus de raisons de le détester que la plupart des sorciers encore en vie après la guerre. Mais ce n'était pas le cas. Harry Potter et Hermione Granger ne lui vouaient pas une haine féroce et cela échappait à tout bon sens.
« Je ne sais pas trop, avoua Potter dans un soupir. T'es pas vraiment responsable de ton éducation et je ne suis pas sûr que tu aies un jour pu faire un choix par toi-même, tenta-t-il en jetant un coup d'œil à son amie qui acquiesça en silence. Tout le monde mérite une seconde chance, Malefoy.
— Puis tu te détestes assez pour tous les autres, continua Granger. T'as pas besoin d'avoir la haine des autres en plus de la tienne. »
3 décembre 1998 ; Salle commune de Serpentard
Les dortoirs de la maison au serpent s'étaient désertifiés au cours de cette journée ensoleillée de décembre. Les cours et examens à rédiger avaient chassé les élèves au compte-goutte et rares étaient ceux qui avaient ressenti l'envie de regagner les cachots de l'école. Ils avaient préféré les dernières éclaircies de l'année à l'humidité constante de la salle commune. Ne restait que les frileux que la cheminée allumée maintenait au chaud et les sorciers incapables de se soustraire au confort de leur lit après une longue et fatigante journée de cours. Drago Malefoy faisait plus ou moins partie de ce second groupe. Allongé au creux de son matelas, le jeune homme tentait de récupérer de l'énergie. Ses yeux clos appelaient le capricieux Morphée qui s'obstinait à lui refuser l'entrée de son royaume malgré ses supplications. Le monde des rêves paisibles lui était encore interdit et la clémence de la divinité ne lui était pas octroyée.
Sous ses paupières lourdes dansaient les ombres de ses souvenirs tourmentés. Des silhouettes longilignes et menaçantes brandissaient au bout de leurs doigts crochus une baguette qui crachait des étincelles vertes et meurtrières en direction de masses difformes. Ces dernières s'entassaient dans un coin de son esprit. Elles hurlaient à plein poumon et imploraient l'indulgence inexistante de leurs bourreaux masqués. Elles étaient ces voix sans visage qui le tourmentaient sans relâche depuis la guerre. Drago n'existait pas dans ce monde. Il était condamné à observer les pires tortures et assassinats. Son esprit ne lui laissait pas une seule seconde de répits et à peine parvenait-il à faire disparaître une scène affreuse qu'une nouvelle apparaissait, propulsant son estomac au bord de ses lèvres. Il ne pouvait pas échapper aux fantômes de la guerre. Il ne pouvait pas se débarrasser des voix.
Le sorcier finit par abandonner sa chasse veine du sommeil et il souleva ses paupières lourdes. Son corps lui hurlait de retourner dormir mais il refusait de revoir ces formes humanoïdes qui le hantaient. Il voulait avoir quelques secondes de répit. Le serpent brodé sur la toile tendue au-dessus de son lit l'accueillit comme un vieil ami et le blond ne put s'empêcher de rouler sur son lit pour échapper à ce regard animal et perçant qui sondait les endroits les plus reculés de son âme. Il se sentait vulnérable face à quelque chose qui n'était même pas vivant ! C'était aussi risible que pathétique. Un calendrier se dessina alors devant ses yeux clairs. Quelques symboles et inscriptions marquaient les dates les plus importantes : un examen de potion important, dix parchemins à rédiger pour un cours de botanique, ou encore un petit sapin annonçant le début des fêtes de fin d'année. Les trois occupants de la chambre partageaient ce calendrier et seul Blaise annotait les vacances et jours fériés. Encore deux semaines avant que la majeure partie des élèves ne s'éclipsent de l'école de sorcellerie pour rejoindre le foyer chaleureux de leur famille. Encore deux semaines avant que Drago ne regagne le Manoir aux Hurlements et que les souvenirs de la guerre ne se fassent encore plus violents. Le moindre détail de sa maison d'enfance lui rappelait des sanglots terrorisés, des tortures insoutenables ou des meurtres barbares. Drago ne voulait pas retrouver cet endroit de malheur. Même l'idée de retrouver sa mère ne parvenait pas à apporter ce soupçon d'espoir dont il avait tant besoin.
Le corps du sorcier se remit à trembler alors que les murs de sa maison se traçaient dans son esprit. Il se souvenait encore de toutes les horreurs qu'ils avaient dissimulées aux yeux de tous. Drago avait eu le malheur d'assister à quelques scènes de ces tortures barbares que sa tante aimait tant infliger aux autres et il avait entendu toutes les autres. Il n'était pas certain de savoir quels étaient ses pires souvenirs de la guerre. Tous le hantaient et l'empêchaient de retrouver un sommeil que les cauchemars ne viendraient pas envahir. Il sentait la panique et l'angoisse revenir l'étreindre comme de vieilles amies. Le jeune homme n'avait pas la force de subir une nouvelle crise. Ses yeux céruléens avaient déjà trop pleuré et ses membres avaient trop tremblé. Alors il ne perdit pas une seule seconde pour se pencher vers sa table de chevet pour récupérer une fiole pleine de ce poison rassurant sous une paire de chaussettes. Le liquide dansait dans sa prison de verre et ses yeux clairs ne parvenaient pas à se détacher des mouvements hypnotiques de la fumée argentée. Il était devenu ce marin que le chant de la sirène entraînait vers le fond de l'océan. Il se sentait minable de se satisfaire de cette situation qui le rendait malheureux. Il se laissait encore submerger par ses émotions et ses violentes pulsions à calmer les maux de son esprit par la libération éphémère du philtre de paix.
Ses doigts s'agitaient autour du bouchon de cire qui emprisonnait le philtre de paix lorsqu'un éclair lumineux vint le déloger de l'emprise de ses mains. Il observa le flacon voltiger dans les airs avant de se briser sur le plancher. La minuscule flaque s'étendit avant de disparaître dans les rainures du parquet. Une colère sourde s'insinua dans ses veines à mesure que la fumée argentée disparaissait. Et celle-ci explosa lorsque ses yeux clairs se posèrent sur les silhouettes de ses deux camarades de chambre. La baguette de Théodore était toujours brandie dans sa direction et il ne cherchait même pas à camoufler le dégoût que cette potion provoquait chez lui. Ses traits étaient tirés dans une grimace qui le rendait laid. Blaise se tenait juste derrière lui et ses yeux noirs pétillaient de cette lueur de pitié qui rendait malade. Comment osaient-ils ? De quels droits lui retiraient-ils la seule chose capable de calmer ses angoisses ?
Il ne fallut pas plus de deux secondes pour que Drago ne bondisse sur ses jambes et se précipite vers ses amis. Son poing rencontra la mâchoire du plus intellectuel de ses amis dans un craquement sonore. Il se fichait pas mal de la douleur qui se répandait dans ses phalanges. La rage avait remplacé la panique dans ses veines. Il avait l'impression que tout lui échappait et ces deux-là venaient de lui retirer la seule chose capable de le calmer.
« Pourquoi ? s'écria-t-il. Pourquoi t'as fait ça ?
— J'en ai marre que tu te bousilles la santé à boire ce truc ! répliqua Théodore sur le même ton colérique.
— Et tu veux que je fasse comment pour faire taire ces foutues voix ? cracha-t-il. Ces voix que vous ne pourrez jamais entendre parce que vous ne pourrez jamais comprendre ce que j'ai vécu pendant la guerre ! continua-t-il en réprimant un sanglot de frustration. Vous n'avez pas vécu dans le Manoir Malefoy ! Vous n'avez pas eu à côtoyer le Seigneur des Ténèbres et ma tante tous les jours ! Vous n'avez pas connu un centième des horreurs que j'ai vécues ! »
Les larmes et la colère ravageaient les traits nobles du sorcier et floutèrent les visages de ses camarades de chambre. Il ne savait plus s'ils étaient en colère ou inquiets. Drago n'en pouvait plus ! Il voulait juste retrouver le bonheur et la paix éphémères que le philtre de paix lui apportait. Pourquoi était-ce trop demander ? Pourquoi ne pouvait-il pas retrouver sa vie d'avant ? Pourquoi ne parvenait-il pas à se pardonner ?
« T'as raison ! s'énerva Théodore. On ne peut pas comprendre ce que tu as vécu pendant la guerre ! Mais est-ce que tu peux comprendre ce que nous, on a vécu ? continua-t-il. Tout le monde a connu des trucs affreux pendant cette guerre ! Tout le monde est détruit par la guerre ! Et être un foutu Malefoy ne te rend pas différent des autres là-dessus ! Tu es comme tout le monde Drago Malefoy, sa voix cassée s'atténuait à mesure qu'il crachait ses mots, et ce serait bien que tu fasses comme tout le monde. On essaie tous d'aller de l'avant et c'est facile pour aucun de nous !
— Et comment tu veux que je fasse tout ça sans philtre de paix ? asséna-t-il entre deux sanglots. C'est la seule chose qui m'aide ! C'est la seule chose qui m'empêche de me jeter du haut de la Tour d'Astronomie !
— Ne dis pas ça, l'implora Blaise d'une petite voix. »
Drago comprit qu'il était allé trop loin lorsque le poing de son ami vint s'écraser sur son nez et que le sang tacha ses phalanges tremblantes de rage. Le craquement sonore qui résonna dans la chambre lui apprit que ses os étaient brisés pour la seconde fois de l'année. Un liquide épais poisseux et épais coula jusqu'à ses lèvres et son goût métallique le ramena à la raison. Il avait dit des choses horribles à ces deux personnes qui le soutenaient depuis qu'il avait remis les pieds à Poudlard. Le sorcier aux cheveux clairs sentit ses jambes céder sous son poids et il s'effondra en pleurs sur le parquet. Ses lèvres articulaient des mots que lui-même ne comprenait pas. Ses amis finirent par le rejoindre et leurs bras autour de son corps sanglotant calmèrent ses sanglots.
« On va réussir à remonter la pente, promit Blaise d'une voix rassurante.
— Et on va le faire ensemble, compléta Théodore. »
Ensemble. C'était un beau mot. Il provoquait quelque chose chez lui que le sorcier n'était pas sûr de comprendre. Il le rendait plus léger, plus calme. Et il aurait tout donné pour que cet instant ne disparaisse jamais.
bonjour. ça faisait longtemps ? je reviens comme une fleur avec le chapitre le plus long jamais écrit de mes mains. il fait plus de 9200 mots. j'ai écrit plus long pour des os mais c'est différent dans une histoire en plusieurs chapitres.
j'ai mis si longtemps à écrire ce chapitre. entre mon manque de courage, le travail et la flemme, je me suis rarement mis devant mon pc pour poser des mots sur un document word. je ne peux pas vous dire quand le prochain chapitre arrivera, mais il arrivera un jour.
sinon je pense que je suis mitigée. j'adore certaines parties et j'en déteste d'autres. sûrement parce que c'est pas mon fort d'écrire les disputes. sinon promis, c'est un des derniers chapitres aussi tristes.
n'hésitez pas à me donner votre avis :)
on se retrouve bientôt !
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