Mercredi 19 Décembre 2023

(10h30)

Ha-na demeura silencieuse, les yeux obstinément baissés sur sa boisson chaude.

Elle devina plus qu'elle ne le vit, le regard de Jimin effleurer son visage et peser un instant de trop lorsqu'il prit place en face d'elle.

Machinalement, elle laissa ses doigts glisser sur l'anse de la porcelaine, la serrant avec plus de fermeté que nécessaire avant de porter la tasse à ses lèvres.

_ Bonjour Ha-na.

La voix de Jimin s'éleva, de cette tonalité douce qu'elle lui connaissait. La brune perçut la chaleur du faible sourire qui l'accompagnait et répondit d'un hochement de tête, avalant une gorgée de sa boisson avec précaution.

_Je suis désolé d'être en retard. J'espère que tu n'as pas attendu trop longtemps.

_Tu n'es pas en retard, corrigea t-elle en reposant le contenant  sur la table, je suis juste arrivée plus vite parce que je vis tout près..., comme tu le sais.

Elle avait relevé les yeux sur ces dernières paroles, son regard accrochant enfin le sien pour appuyer ses mots.

Cette précision était en réalité un reproche. Une façon de lui demander pourquoi, de tous les endroits possibles, il avait choisi ce lieu.

Jimin le comprit et son regard vacilla, rompant le contact visuel pour glisser sur ses mains posées sur ses cuisses, comme s'il s'interrogeait lui-même.

Son attention dériva ensuite vers le comptoir, et un doux sourire adressé à la propriétaire lui servit d'échappatoire furtive avant qu'il ne revienne à Ha-na.

Ses lèvres s'entrouvrirent, hésitantes et mal assurées. Ha-na comprit aussitôt la tournure qu'allait prendre leur conversation et son cœur manqua un battement.

Ressasser leur passé commun n'était pas le but de cette rencontre. Il n'était pas question qu'il la replonge dans ce chapitre qu'elle s'efforçait de garder clos. Elle devait immédiatement lui oter toute idée contraire de la tête.

_Je suis heureux que tu aies demandé à me voir. Il y a un tas de choses que je...

_Jungkook, coupa t-elle sans détour.

L'interruption fut si brusque que Jimin cligna des yeux, ses lèvres suspendues dans l'élan de ce qu'il s'apprêtait à dire.

_ Je voulais te voir pour qu'on parle de Jungkook, appuya t-elle. Tu es son meilleur ami, alors tu en sais sûrement plus que moi sur..., sur tout ça. Moi je suis complètement paumée.

Le brun eut un mouvement de recul, ses épaules s'affaissant, comme privées du poids de leur assurance. Il détourna alors les yeux, n'offrant qu'un faible acquiescement pour toute réponse.

_J'en ai assez qu'on me répète qu'il n'est plus et qu'il faut que je m'y fasse, ajouta t-elle, s'autorisant à lui montrer son désespoir. J'ai besoin d'avis objectifs, professionnels..., j'ai besoin qu'on me donne un peu d'espoir. Il m'a laissé la carte de son médecin mais son autre me l'a prise alors je me disais que tu pourrais...

Ha-na s'interrompît en voyant Jimin acquiescer vivement, comme s'il n'avait pas besoin d'en entendre davantage.

_ Hyung aussi a demandé à te rencontrer, fit-il en réponse, tirant son téléphone de sa poche.

Ha-na l'observa avec curiosité alors qu'une soudaine détermination gagnait ses traits. Il tapa rapidement quelques mots sur son clavier, puis posa son téléphone avant de croiser ses doigts sur la table, la fixant d'un air résolu.

_Je t'emmènerai le voir, mais avant ça il faut que tu m'écoutes.

_ Hyung ?

Jimin haussa légèrement les sourcils, prenant seulement conscience du détail évoqué dans sa précédente réplique. Une grimace passa sur ses lèvres qu'il humecta nerveusement avant de reprendre la parole, son regard glissant sur elle avec précaution.

_Le médecin de Jungkook est Jung Hoseok..., et c'est aussi notre frère aîné.

Les yeux d'Ha-na s'élargirent de stupeur, dévisageant l'homme en face d'elle avec incrédulité, la bouche béate.

_Tu as un autre frère dont j'ignorais l'existence..., comprit-t-elle dans un murmure, la réalisation s'écrasant douloureusement contre sa poitrine.

Ses prunelles, prises d'une humidité soudaine, balayèrent la surface de la table, à la recherche d'un point d'ancrage qu'elles ne trouvèrent pas.

_ C'est une longue histoire, tenta t-il d'une voix coupable, mais Jungkook ne se souvenait pas de lui et c'était important pour sa thérapie qu'il ne le sache pas.

_ Laisses Jungkook en dehors de ça !
s'emptorta t-elle, tu as un autre frère dont j'ignorais l'existence. Est-ce que tu réalises ce que ça veut dire ?

Le brun se retira de la table pour retrouver le dossier de sa chaise, les yeux baissés sur ses mains, fuyant la confrontation.

_ Est-ce que tu as une idée de ce que j'ai ressenti en arrivant chez mon petit ami, en te trouvant à ses côtés, en entendant son ton enjoué quand il m'a présenté son meilleur ami, son frère ?

Est-ce que tu sais ce que ça m'a coûté de devoir te sourire et faire semblant de ne pas être bouleversée alors que j'étais à deux doigts de m'effondrer ?

Tu sais ce que ça m'a fait de réaliser que l'homme avec qui j'ai été en couple durant deux ans de ma vie avait une famille dont il ne m'a jamais parlé ? D'abord Jungkook, puis Namjoon, et maintenant tu me dis qu'il y en a un autre ?

Un rire lui échappa, brisé, amer, étranglé par les picotements qui menaçaient sa gorge.

_ Est-ce que toi et moi, ça voulait vraiment dire quelque chose pour toi ? Est-ce que je comptais pour toi ? Est-ce que tu m'as aimé ne serait-ce qu'un tout petit peu ? Ou peut-être que je n'étais qu'une œuvre de charité qui te faisait te sentir un peu mieux dans ta peau ?

Les mots s'écrasèrent entre eux, et les yeux de Jimin la percutèrent de plein fouet, reflétant un éventail d'émotions. La surprise, le choc et l'horreur se succédèrent à vive allure, puis se fut autour d'une lueur fugace qu'Ha-na ne sut définir.
Si c'était de la douleur, il n'en laissa rien paraître, se contentant de l'encaisser sans l'exprimer.

Il garda le même silence en revenant vers la table pour y poser à nouveau ses doigts entremêlés. Et lorsqu'il parla enfin, sa voix était d'un calme parfaitement maîtrisé.

_J'ai eu des débuts difficiles dans la vie. J'ai vu et vécu des choses qui ne se racontent pas. Tout ce qui concerne mes frères et moi est bien trop sombre et je ne voulais pas t'imposer ça. Je ne voulais pas ajouter mon sombre passé à ce que tu traversais.
Cette partie de moi, c'est la dernière chose dont tu avais besoin. Si tu peux comprendre pourquoi Jungkook t'a caché des détails de sa vie, alors tu peux comprendre pourquoi je l'ai fait.

La stupeur ébranla la brune une nouvelle fois. Elle fut choquée de l'absurdité de cette comparaison.

_Tu veux t'engager sur cette voie ? Tu veux vraiment comparer ma toute nouvelle relation à celle qu'on a eue tous les deux ?

Jungkook avait peur. Il était terrifié et il avait tous les droits de l'être. Lui et moi n'avons eu que huit malheureux mois pour apprendre à nous connaître. Et aussi amoureux, aussi épris que l'on puisse être, huit mois ce n'est pas assez pour révéler votre secret le plus sombre à quelqu'un que vous apprenez encore à connaître.

Ce n'est pas assez pour faire disparaître la peur d'être jugé, la peur d'être rejeté pour ce que vous êtes.

Tu ne peux pas utiliser cette excuse. Parce que toi et moi c'était totalement différent.

Toi et moi on a passé trois années de notre vie ensemble. On a été amis bien avant d'être amants, ce qui veut dire que personne ne me connaissait mieux que toi.
Pas une seule once de ma vie, pas une seule once de mes pensées ne t'étaient inconnues. Je t'ai donné accès à tout ce que j'étais mais pas une seule fois tu ne m'as laissée te connaître.

Tu prends Jungkook en exemple, mais à bien y réfléchir, j'en sais plus sur lui que je n'en ai jamais su sur toi. Avoir un secret ne l'a jamais empêché de m'ouvrir son cœur et me confier ses faiblesses.  Je le connais suffisamment pour être certaine qu'il m'aurait tout révélé s'il avait eu un peu plus de temps.

Mais toi..., trois longues années n'ont pas suffit à ce que je trouve grâce à tes yeux. Tout ce qu'on a vécu n'a pas suffit à ce que tu me juge digne de te connaître, à ce que tu me vois autrement que comme un animal blessé, une créature fragile que tu devais toujours épargner.

On était un couple mais tu ne m'as jamais réellement vu comme ta partenaire.

Compter l'un sur l'autre, porter le fardeau l'un de l'autre, je pensais que c'était le but. A quoi ça rimait s'il n'y en avait qu'un de nous qui devait tout encaisser pour deux ?

On était un couple, Jimin ! Pourquoi fallait-il toujours que tu encaisses tout ?!

_ Parce que je suis comme ça ! lâcha t-il, sa tension libérée, et ses mains se muant en poings serrés sur la table. Je ne sais pas me plaindre, on ne me l'a jamais enseigné.

On m'a appris à me boucher les oreilles, fermer les yeux et attendre que ça passe.

On m'a appris à redouter le simple fait d'ouvrir la bouche, à encaisser sans jamais protester, à faire taire mes émotions quand j'avais envie de les hurler.

On m'a appris à faire passer quelqu'un d'autre avant moi, au détriment de ce que je voulais, au détriment de ce que je ressentais.

Encaisser, encaisser et toujours encaisser, pour son bien à lui, pour qu'il se tienne tranquille, pour le bien de tout le monde.

La brune le détailla, le souffle suspendu entre deux battements de cœur. Son regard glissa sur ses poings crispés, sur la tension qui vibrait dans ses bras et la peine qui pulsait sur ses traits. Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, elle le voyait céder.

_Tu as raison, reprit t-il avec fermeté, je ne sais pas m'ouvrir et tout ce que tu veux. Tu peux remettre en question tout ce que tu veux, mais pas à quel point tu comptais à mes yeux.
Tu ne peux pas mettre en doute l'amour que je ressentais pour toi.
Te voir assise là en face de moi et t'entendre me dire ça..., c'est la pire façon dont tu puisses me torturer.

_ Et bien ça aussi, tu vas devoir l'encaisser ! s'exclama-t-elle, les larmes roulant sur ses joues. Parce que si tu m'aimais vraiment tu ne m'aurais pas fait ça ! Tu ne m'aurais pas quittée comme une malpropre, tu ne m'aurais pas traitée comme si rien de ce qu'on avait vécu n'avait jamais rien signifié pour toi.

_Je n'avais pas d'autres choix ! rétorqua t-il avec la même peine. J'avais beau tout essayer, je ne te faisais pas le moindre bien, je te détruisais un peu plus chaque jour, je te rendais malade. Ça m'a couté de l'admettre, mais il fallait que je te laisse partir. Et il fallait que tu me détestes assez pour ne jamais vouloir revenir.

La conversation prit une tournure dénuée de toute logique, noyant la brune dans la confusion la plus totale. Elle le fixa, recherchant un sens à tout ce qu'il venait de dire, mais elle ne comprenait pas.

_De quoi tu parles..., qu'est-ce que tu racontes ?

_Ha-na, tes crises sont liées à ce que tu ressens. Elles se déclenchent quand ce que tu ressens dépasse ce que tu es capable de supporter.

_ Ça je le sais déjà. Quel est le rapport avec toi ?

Jimin ferma brièvement les yeux et déglutit longuement.

Sur la table, ses doigts se détendirent, et son regard s'attarda longuement sur ses paumes. Il sembla soudainement peu sûr de lui et vulnérable, et c'est les yeux baissés sur ses mains qu'il lui répondit.

_Tu sais ce qu'a dit ton médecin de l'époque la dernière fois que je t'ai emmené aux urgences ? commença-t-il d'une voix faible.
J'ai d'abord cru qu'il me disait ça simplement pour me réconforter.
Je devais avoir l'air misérable, à me morfondre de t'avoir entraînée avec moi dans ce froid. Tu n'arrêtais pas de pleurer à cause de cette maudite dédicace, et rien de ce que je disais ne t'apaisait.

Alors quand il a parlé, j'ai cru un instant que ses mots avaient pour but de me remonter le moral. Puis, la minute d'après j'ai compris.
J'ai compris qu'il essayait peut-être de me faire passer un message.

''Elle a beaucoup de chance de vous avoir..., c'est une chance que vous soyez toujours auprès d'elle lorsque ses crises se déclenchent...''.

Ha-na perdit son souffle. Son cœur rata un battement, puis se mit à pulser violemment. La peur d'entendre la suite de son récit lui noua le ventre. 

_Ces quelques mots se sont avérés extrêmement venimeux. Le poison s'est mis à contaminer mes pensées et j'ai tenté de l'expulser par le déni.

J'étais ton putain de petit ami. J'étais censé être celui qui te soutient, celui qui t'apaise. Je ne pouvais pas être celui qui t'enfonce, ça ne pouvait pas être notre réalité !

J'avais beau me le répéter, le poison était plus fort. Il a continué de s'infiltrer en moi, il a fait remonter tous les souvenirs et les a assemblés pour qu'ils s'emboîtent à la perfection. Il m'a montré une évidence que je ne pouvais plus nier.

A chaque fois que tu vacillais..., c'était toujours en ma présence. D'une façon que je ne comprenais pas, j'étais devenu celui qui t'abimait. Et le poison a eu raison de moi quand il m'a forcé à l'accepter.
Il m'a forcé à accepter qu'il fallait que je te laisse partir.

Le brun releva lentement la tête et Ha-na le fixa avec effroi. Une vague de vertige s'empara d'elle, le sol se dérobant sous ses pieds et l'entrainant dans le vide. Le bruit ambiant s'effaça et son esprit rassembla les pièces du puzzle que Jimin venait d'éparpiller devant elle.

Tout ce qu'elle avait cru savoir, toutes les certitudes qu'elle avait tissées au fil des années volaient en éclat.

Ses coudes se posèrent sur la table et ses mains s'enfoncèrent dans ses cheveux. Son ventre se remplit de regrets, sa gorge se remplit de reproches, et une irritation grandissante pulsa dans ses nerfs.

Elle aurait préféré l'entendre dire qu'il l'avait quittée pour les raisons qu'elle croyait. Celles qui lui paraissaient logiques, celles qu'elle pouvait comprendre. Mais la vérité s'avérait être d'une incongruité qui l'aurait fait exploser de rage s'il n'y avait pas du monde autour d'eux.

_C'était donc pour ça ? Pour cette conclusion erronée que tu as tirée des mots de mon médecin que tu as mis un terme à tout ce qu'on était ?

_Elle n'était pas erronée.

_Elle l'était ! hurla t-elle. Et si tu avais pris la peine de me le demander, si tu m'avais parlé au lieu de prendre cette décision tout seul, je t'aurais dit combien tu avais tout faux !

_Oui, acquiesça-t-il, c'est exactement ce qui se serait passé. Tu m'aurais dit que je me trompais et je t'aurais écoutée. J'aurai mis ma raison de côté et j'aurai écouté mon coeur qui me suppliait de ne pas t'arracher à lui. Je me serai laissé convaincre, je t'aurais gardé pour moi, et je t'aurai regardé te haïr un peu plus chaque jour par ma faute. 

_Jimin, pour l'amour de Dieu...

_J'ai pris cette décision seul parce que tu n'étais pas en mesure d'être objective, reprit t-il sans la laisser finir. Je voulais que tu me détestes pour que tu trouves la force de m'oublier, mais je n'ai pas supporté l'idée que tu puisses me haïr.

J'ai voulu te dire la vérité mais j'avais attendu trop longtemps. Tu ne pouvais plus me voir en face, tu m'évitais comme la peste à chaque fois que j'essayais de t'approcher, et à cause de ça tu t'es mise dans la tête une idée complètement absurde.

C'était moi que tu étais censée détester, pas toi. Pourquoi il a fallu que tu retournes ça contre toi ? C'était moi le putain de poids !

_Non ! trancha la brune avec force, non tu te trompes ! Je te dis que tu te trompes !

Le brun laissa échapper un rire bref, étouffé par un soupir amer lorsque son dos retrouva le dossier de son siège.

Une main dépitée glissa dans sa chevelure et balaya quelques mèches en arrière. Son regard capta les paires d'yeux curieux braqués sur eux et les balaya pour revenir à elle.

_ Je me trompe ?

Cette fois, il la regardait réellement. Ses yeux s'étaient ancrés aux siens sans faiblir, et la brune fut un instant déstabilisée par ce changement.

_Tu peux me dire combien de fois tu as eu de crises depuis que tu es avec Jungkook ?

_Je..., ça ne prouve rien du tout. La preuve est que j'en avais toujours longtemps après qu'on se soit séparé.
J'en ai parce que je suis de nature anxieuse et hypersensible.
J'angoisse toujours pour un oui pour un non. J'en ai parce que mes émotions sont instables !

_Mais pas avec Jungkook, insista t-il.

Ha-na s'était tenue prête à répliquer, mais sa gorge se serra brusquement, et aucun mot ne parvint à franchir ses lèvres.
Ce n'était pas qu'elle hésitait. Les mots ne sortaient pas, tout simplement parce qu'elle ne les avait plus.

_ Est-ce que tu comprends maintenant ce que j'essaie de te dire ? conclut t-il de son mutisme. Ça n'a jamais été toi le problème. Je n'étais juste pas celui qu'il te fallait.

À nouveau, l'étau se resserra autour du cou de la jeune femme. Son regard se fit fuyant, tandis que celui de Jimin continuait de peser sur elle.

Elle savait qu'il attendait.

Ses mots disaient peut-être le contraire mais elle savait qu'il espérait encore. Il espérait qu'elle le contredise, qu'elle balaie de ses mots, ce fardeau qu'il portait depuis tout ce temps. Il espérait qu'elle le soulage, qu'elle lui prouve qu'il avait tort.

Mais ces  preuves, elle ne les avait plus.
Son esprit avait soudainement érigé une barrière qui l'interdisait même d'essayer.

L'image de l'homme qu'elle aimait se révéla à elle, et elle comprit que la période durant laquelle Jimin et elle auraient encore pu revenir en arrière était révolue.

Elle comprit que ses forces n'aspiraient plus à se battre pour lui et il sembla le comprendre aussi, acquiesçant en silence.

Le téléphone de Jimin vibra sur la table et mit fin à leur tourmente. Le brun attrapa l'appareil et lut sur son écran ce qui devait être la confirmation du médecin.

_On peut y aller maintenant, se contenta t-il de conclure.

Et durant tout le trajet jusqu'à leur destination, le sujet ne fut pas remis sur la table.
Jimin s'était comporté comme s'il avait clos ce chapitre pour de bon, tout en prenant le soin de ne pas la mettre mal à l'aise.

Bien que la conclusion de leur échange pesait encore sur le cœur d'Ha-na, cette discussion les avait tous les deux soulagés d'un poids bien plus lourd.

Quelques vérités enfin dites avaient suffi pour que la brune se libère de ce qui l'avait si longtemps tourmentée et pour qu'une part importante de son mal être soit dissipée.

Et lorsqu'elle se surprit à lui parler avec une spontanéité qu'elle croyait perdue, elle regretta qu'ils n'aient pas eu cette conversation plus tôt.  

Jimin lui relata le passé des cinq frères. Une enfance dérobée, brisée sous le poids d'une cruauté, qui avait retourné l'estomac de la jeune femme.
Elle comprit bien vite qu'il lui avait épargné l'horreur brute, qu'il pesait ses mots, omettant des détails, sans doute pour la ménager. Mais même ainsi filtrée, la vérité suffit à lui glacer le sang.
Ce qui la frappa encore plus que la brutalité de leur histoire, ce fut la neutralité avec laquelle Jimin la relatait.
Il évoquait la perte de leur innocence comme on énonçait de simples faits. Mécaniquement, sans trace de colère, ni de rancune.
Et avec effroi, elle se demanda quelle quantité d'horreurs il fallait avoir vu, combien de souffrances il fallait endurer, pour parvenir à raconter son propre calvaire avec un tel détachement.

Peut-être ne s'autorisait-il juste pas à flancher devant elle. Peut-être qu'après tant d'années, il n'en était même plus capable.

Ce constant besoin de contrôle, ses silences chargés de non-dits, elle en comprenait enfin l'origine. Tout ce qu'elle avait toujours voulu décoder chez lui sans y parvenir lui parut plus clair.

Et enfin, le passé de celui qu'elle appelait JK fut abordé et quelque chose changea dans le ton de Jimin. Ses mots se firent plus lourds quand il évoqua l'incendie dont le plus jeune d'entre eux avait été la cause. Une faute dont les conséquences furent irréversibles, coûtant la vie à leurs bourreaux, mais aussi à l'un d'entre eux.
Les doigts tremblants d'Ha-na effleurèrent ses lèvres pour contenir son choc.

Jimin  ne décrivit pas les flammes, ni les larmes, ni la fumée qui avait tout dévoré. Mais elle les imagina malgré elle.

Elle imagina surtout un petit garçon terrifié et figé dans l'horreur de son propre acte. Ce drame qui avait brisé ce qui restait de leur unité, le petit garçon en avait payé lourdement le prix.

_Vous..., vous  l'avez abandonné ?

La question, formulée d'une voix à peine audible, n'en était pas vraiment une, mais plutôt une conclusion qui s'était frayée un chemin elle. Le brun ne répondit pas avec ses mots, mais le confirma en  posant  sur elle un regard où se mêlaient tristesse et culpabilité.

La voix d'Ha-na se brisa.

_Ce n'était qu'un enfant...

Jimin acquiesça. Et ses prunelles se voilèrent d'une ombre de regret lorsqu'il lui répondit.

_Nous étions tous des enfants.

Ces simples mais déchirantes paroles continuèrent de flotter dans l'habitacle lorsqu'ils arrivèrent à destination.

Ha-na n'entendit pas le moteur s'éteindre et perçut à peine Jimin descendre du véhicule. Tout ce qu'elle venait d'apprendre la travaillait en profondeur et dans sa torpeur elle vit JK sous un jour plus humain.

L'image du petit garçon se superposa à celle de l'homme qu'elle avait jugé sans connaître.
Et elle se sentit prise au piège entre la compassion qu'elle éprouvait pour lui et son espoir que l'homme qu'elle aimait lui revienne de façon permanente.

Quelquechose se tordît dans son ventre au souvenir de la promesse qu'elle lui avait faite d'être plus à l'écoute de ce qu'il ressentait.

N'était-ce pas faillir à sa promesse que d'aller voir son psy dans son dos dans l'espoir d'obtenir des réponses qui ne lui seraient pas favorables ?

N'était-ce pas faillir à sa promesse que de chercher ces réponses auprès de l'un de ceux qui l'avaient rejeté ?

Une bourrasque s'engouffra dans l'habitacle et elle cligna des yeux, revenant à la réalité. Sa portière était ouverte. Jimin s'était penché, une main sur le capot, son visage désormais à hauteur du sien.

_Tu ne viens pas ? demanda-t-il doucement.

_Je ne sais pas..., je me souviens maintenant de la colère qu'il avait dans les yeux en lisant le nom sur la carte de visite. Et maintenant que je sais d'où vient sa colère, je me sens mal de faire ça dans son dos...

_ Tu ne fais rien de mal, assura t-il. Tu as le droit de vouloir des réponses et son psy est le seul à pouvoir te les donner. Jungkook le savait, c'est pour ça qu'il t'a laissé cette carte. Pour le moment, ne pense qu'à lui.

La brune se mordit nerveusement la lèvre inférieure, loin d'être débarrassée de ses doutes, mais choisit quand même de l'écouter.

Ils longèrent le parking souterrain ou un air froid régnait et rejoignirent un ascenseur dans lequel Jimin renseigna le quatrième étage.

Les portes s'ouvrirent sur un couloir sobrement éclairé à la quiétude presque solennelle.
Sur les murs épurés s'alignaient des portes aux plaques sobres indiquant les noms de différents praticiens. 

Les pensées d'Ha-na continuaient de se bousculer dans son esprit quand quelqu'un passa si près d'elle qu'une épaule frôla la sienne.

Mais ce ne fut pas ce contact qui la fit ralentir. Elle s'arrêta net pour se retourner en constatant que Jimin ne marchait plus à ses côtés. 

Le brun s'était figé, son regard rivé sur les portes de l'ascenseur, qui se refermaient sur un homme qu'elle perçut qu'à peine.

_Jimin ? l'appela-t-elle en se rapprochant. Tout va bien ?

Ses yeux restèrent accrochés à l'ascenseur  pourtant parti, puis dérivèrent  sur le sol. Les sourcils froncés, il balaya la surface carrelée comme s'il y cherchait des réponses.

_Oui, répondit-il encore ailleurs,  j'ai juste..., j'ai cru voir...

Il s'arracha à sa torpeur pour relever les yeux.

_J'ai cru reconnaitre quelqu'un mais je me suis sûrement trompé, sourit t-il légèrement. Viens, c'est par ici.

Loin du cadre austère auquel elle s'attendait, l'intérieur du cabinet dégageait une chaleur qui la surprit. Un parfum discret flottait dans l'air, mêlé à celui du bois ciré des étagères et des plantes qui apportaient une touche de vie à l'espace.
Les murs aux tons clairs étaient décorés de tableaux minimalistes et des fauteuils confortables encadraient une table basse ou trônait un vase de fleurs encore fraîches et quelques magazines.

L'accueil était cependant désert, laissant le tout dans un silence pesant.

Jimin donna deux coups à la porte, et dès l'instant où ils pénétrèrent dans le bureau du psychiatre, une vision étrange s'imposa à eux.

Assis derrière son bureau, le praticien semblait avoir été pétrifié, pris au piège d'un monde complètement déconnecté de la réalité, incapable de remarquer même leur présence.

Ha-na lança une œillade à Jimin pour l'interroger du regard mais déjà le brun s'était jeté sur son aîné.

_Hyung ? s'inquiéta-t-il, sa main secouant doucement son épaule.

Suspendu dans une sorte d'état second, l'homme n'émit aucune réaction. Jimin le prit donc par les épaules pour le secouer avec un peu plus de vigueur, l'appelant à plusieurs reprises jusqu'à  dissiper la brume qui l'enveloppait.

Le psychiatre revint alors à lui, les yeux grands ouverts sur son cadet comme s'il peinait à le reconnaître.

_Jimin..., murmura t-il, à peine audible.

Ses paupières battirent plusieurs fois derrière le verre de ses lunettes, puis ses yeux reprirent vie et il déglutit.

_ Hyung, qu'est-ce que..., tu vois, je t'avais dit que tu avais besoin de repos. Tu fais peur à voir.

Le regard du psychiatre glissa sur Ha-na qui était resté en retrait et son index réajusta ses lunettes sur son nez.

_ Mademoiselle Baek, fit-il, reprenant contenance et se levant de son siège. C'est bien ça ?

_Oui..., mais je préfère Ha-na.

L'homme acquiesça et l'invita à s'approcher avant de se présenter, scellant leur rencontre d'une poignée de main courtoise.

Désormais assise face à lui, Ha-na nota qu'il n'avait rien de l'image austère qu'elle s'était faite d'un psychiatre de son envergure.

Le châtain foncé dégageait une aura bienveillante et quelque chose en lui inspirait naturellement confiance. Les lunettes aux montures fines qui s'ajustaient parfaitement à son visage lui donnaient un air réfléchi malgré les ombres de fatigue qui marquaient ses traits.

_Jimin m'a fait savoir que vous vouliez me rencontrer...

_Oui, confirma le psychiatre. Mais une habitude que j'ai gardée de mon métier est de donner la parole avant de la prendre. J'imagine que vous avez des questions à me poser ?

La brune hésita, ses lèvres se serrant sous le poids de doutes. Elle tourna la tête vers Jimin assis à coté d'elle et le brun lui fit un doux signe de tête pour l'encourager à s'exprimer.

_A vrai dire, commença-t-elle avec un soupir, j'en avais préparé des tonnes, mais là tout de suite je ne demande que de l'espoir. Ce trouble... ou peu importe le nom que vous lui donnez, je veux juste que vous me disiez que tout le monde se trompe, que ce n'est pas définitif et que je n'ai pas perdu Jungkook pour toujours.

Le châtain eut un instant de silence. Elle lut sa compassion dans ses yeux, mais au lieu d'une réponse, ce fut une question qui lui revint.

_Vous voulez bien me décrire comment se sont déroulées les dernières semaines avec l'autre de votre petit ami ?

Ha-na ne comprit pas l'intérêt de sa question mais elle en savait assez sur les psychiatres pour deviner qu'il préférait analyser les faits avant de se prononcer. Si elle voulait qu'il l'éclaire, elle devait lui donner matière à le faire.

_On a connu des débuts assez mouvementés, reconnut t-elle, mais on a pris le temps d'en discuter. J'ai été honnête avec lui et il s'est montré  plus compréhensif que je ne l'avais espéré. Les semaines suivantes ont donc été un peu plus calmes, mais...

La brune hésita, se demandant s'il était nécessaire d'évoquer ce détail qui la mettait mal à l'aise.

_Mais ? l'encouragea le châtain.

_ JK est devenu un peu trop familier..., beaucoup trop à vrai dire. Et c'est arrivé comme ça du jour au lendemain. C'était tellement déroutant que j'ai fini par prendre mes distances.

_Quand vous dites ''Trop familier'' vous ...

_JK ?

L'intervention de Jimin coupa l'aîné et dirigea leur attention sur le brun.

_J'avais besoin de pouvoir faire la part des choses, s'expliqua la jeune femme. C'est peut être toujours Jungkook pour vous mais tout ça c'est trop pour moi. 
Mon cerveau l'accepte mieux si peux clairement les dissocier. Alors je lui ai demandé et il a dit que je pouvais.

_Tu veux dire qu'il t'a autorisée à l'appeler comme ça ? se surprit Jimin.

Ha-na ne comprit pas sa réaction, et fut davantage troublée en voyant les deux hommes échanger un regard dans une compréhension mutuelle qui lui échappait.

_Qu'est ce qui se passe ... j'ai mal agi ?

_ Pas du tout, s'empressa de la rassurer le psychiatre. Jimin vient juste de comprendre pourquoi je tenais à vous rencontrer.

Ha-na n'eut pas le temps de s'attarder sur ce mystère. La porte d'entrée s'ouvrit brusquement, sans qu'on ait pris la peine de frapper.
Un grand blond à la carrure imposante et à l'aura écrasante pénétra dans la pièce et les survola de son regard acéré.

La brune ne mit pas de temps à reconnaître ce port de tête fier, cette démarche assurée, et cet air condescendant.
Tout le monde savait qui était Kim Namjoon, elle avait déjà travaillé pour lui. Et l'unique raison pour laquelle elle ne détestait pas complètement cette expérience, c'est qu'elle lui avait permis de rencontrer Jungkook.

Le blond leva son poignet pour regarder sa montre.

_J'ai exactement vingt minutes, déclara-t-il de sa voix grave. Si je n'entends rien de concluant d'ici les cinq premières, je m'en vais.

Sur ces mots, il s'installa sur le canapé en retrait et posa une cheville sur son genoux, sa chaussure cirée dansant sous le poids de son impatience. L'élégance étudiée de son costume noir sous un trench en cuir de la même couleur resplendissait dans cette position assise.

Jimin laissa échapper un soupir.
Ce n'était pas de l'agacement, ni une réaction outrée, mais une lassitude évidente. L'habitude sans doute.

La jeune femme se tourna vers le psychiatre pour l'interroger sur la présence du dernier arrivé, mais ses mots moururent sur ses lèvres.

Le châtain avait le même air absent que lorsqu'ils étaient arrivés, fixant Namjoon sans vraiment le voir. Et l'espace d'une seconde, un instant si bref qu'elle crut l'avoir imaginé, les mains du châtain avaient tremblés.

Il s'était levé l'instant d'après, quittant son bureau pour arpenter la pièce, les mains enfouies dans ses poches.
Alors qu'ils étaient tous suspendus à ses lèvres, le chatain semblait s'être plongé dans ses réflexions.

_Ha-na, interpella t-il, et la brune se figea. Le résumé de vos dernières interactions avec JK me laisse entrevoir deux possibilités. Il se peut que votre petit ami influence son comportement, mais il se peut aussi que vous lui plaisiez tout simplement.
La bonne nouvelle c'est que dans ce cas, comme dans l'autre, cela joue en notre faveur...

Le cœur d'Ha-na rata un battement.

_Jungkook influencerait son comportement ? répéta-t-elle, encore sous le choc. Vous voulez dire qu'il y a une chance qu'il soit toujours conscient ?

_Oui. Il y a une chance.

Ha-na perçut le mouvement de Namjoon qui s'était redressé, ses jambes s'ancrant fermement sur le sol.

_Mais, reprit le châtain, cela ne restera qu'une hypothèse tant qu'on ne l'aura pas vérifiée. J'aurai pu le faire si l'hôte acceptait de m'accorder au moins une séance, mais c'est peine perdue. Je vais donc devoir utiliser une autre méthode, et c'est là que vous intervenez.

Le psychiatre s'était immobilisé, cessant ses allées et venues pour lui faire face de là où il se tenait.

_ Si j'en crois les dires de Jimin, votre petit ami se serait brièvement manifesté à travers l'hôte au cours d'une conversation qui vous concernait.

Ha-na tourna la tête vers Jimin qui le lui confirma d'un regard. 

_Il arrive que les alters se manifestent de cette façon quand le sujet évoqué éveille une émotion forte, poursuivit-il le psychiatre, nous allons donc recréer ces conditions pour en avoir le cœur net.

Mais, qu'il s'exprime à travers JK ne me convaincra pas. Ce que je veux, c'est vérifier qu'il peut reprendre le contrôle et s'exprimer de sa propre voix, ne serait-ce que pour quelques secondes. Et seule une émotion plus agressive pourrait le permettre. 

La brune fronça les sourcils. Plus il parlait, plus elle avait l'impression que quelque chose lui échappait. Notamment la raison pour laquelle il l'avait mentionnée comme un élément clé de ce qu'il projetait.

_Une émotion plus agressive...

Le châtain hocha la tête.

_L'émotion agressive la plus dominante de votre petit ami est sa jalousie. Et elle a tendance à s'éveiller le plus violemment quand ça vous concerne. Nos séances lui ont d'ailleurs souvent servi de défouloir...

_Je..., je ne comprends pas..., la jalousie vous dites ? Vous êtes sûr qu'on parle bien de Jungkook ? Parce que le Jungkook que je connais n'est pas du tout comme ça.

A côté d'elle, Jimin lâcha un rire sec, chargé d'ironie. Ses lèvres s'étirèrent d'un rictus sans humour qui laissa la brune confuse.

_Il y a eu la fois où ton entreprise t'a envoyée une semaine en retraite avec une bande de développeurs masculins, la fois où tu as dû travailler en binôme pendant des semaines avec un type qu'il n'aimait pas sans aucune raison, la fois où tu as travaillé tard plusieurs soirs d'affilée sur un projet en petit comité et toutes ces autres fois ou j'ai eu droit au même cirque.
Des appels nocturnes où il ralait qu'il ne comprenait pas pourquoi il fallait toujours que ça soit toi qu'on mette dans ce genre de situations. Il m'a tellement saoulé avec ça que j'en avais des migraines.

_Mais..., bégaya la brune, toutes ces fois..., je lui ai toujours demandé si ça le dérangeait. Il m'a toujours dit que non...

_Et bien il t'a menti, rétorqua le brun en la regardant fixement. Tu vois ? il sait mentir, lui aussi. Faut croire qu'il n'est pas si parfait que ça finalement. 

L'amertume dansait dans les yeux de Jimin, mêlé à cet air satisfait qu'elle ne lui reconnaissait pas. Pourquoi réagissait-il ainsi tout d'un coup ? Une pensée naquit dans son esprit mais elle la refoula aussitôt, préférant s'arracher à son regard.

C'était sans compter sur les deux paires d'yeux qu'elle croisa, et qui semblaient n'avoir rien raté de leur court échange.

Un rictus fugace étira les lèvres de Namjoon et le psychiatre réajusta furtivement ses lunettes.

Le cœur d'Ha-na fit un bond dans sa poitrine.

Est-ce qu'ils savaient ?

''Ils sont frères, Ha-na'' lui rappela sa conscience.

_ Monsieur Jung, reprit la brune, dissimulant son embarras. Pouvez-vous me dire ce que vous attendez de moi exactement ?

Le châtain parut embarrassé, une main glissant à l'arrière de son cou.

_ Et bien je...

_ C'est pourtant évident, non ? Il vous demande d'éveiller sa jalousie.

La voix grave du blond venait de trancher l'air.

_ Et comment suis-je supposée faire ça ?

Ce fut un lourd silence qu'elle eut pour réponse, et l'appréhension s'immisça rapidement en elle.

Son regard glissa vers Jimin, mais il évita le sien. Elle chercha un soutien du côté du psychiatre mais l'homme semblait peser ses mots. Ce fut en croisant à nouveau les prunelles acérées du blond qu'elle comprit.
Ce sourcil haussé et ce regard appuyé lui demandait sans détour si elle était stupide ou si elle feignait de l'être.

Les yeux d'Ha-na s'écarquillèrent sous le choc.

_ Attendez..., vous me demandez de...non..., non, je ne peux pas faire ça.

_Vous ne pouvez pas faire quoi ? Mettre votre mec dans votre lit ?

_Ce n'est pas mon...

_Oh, épargnez-nous ces conneries, coupa sèchement le blond. Ils sont tous les deux taillés dans le même moule, c'est pas comme si on vous demandait de vous enfiler une queue différ...

_Namjoon, s'ilteplait ! s'indigna le psychiatre.

_Ce n'est pas le problème, enchaîna Ha-na en fixant durement l'homme d'affaires. Vous me demandez de flirter avec JK en espérant que ça fera réagir Jungkook. Mais pour ça je devrai le manipuler. Je devrai jouer avec ses sentiments ! 

_Qu'est-ce qu'on en a à foutre de ses sentiments ? Jungkook n'est-il pas censé être votre priorité ?

La jeune femme se tut un instant, fixant l'homme dont les mots l'avaient frappée de plein fouet. Comment pouvait-il mépriser à ce point un frère avec qui il avait grandit ? Cette idée l'écoeura et l'amertume lui monta à la gorge.

_Maintenant je comprends pourquoi il disait qu'il vous haïssait...

Namjoon ne répondit pas. Son regard s'assombrit et Ha-na lui tenu tête avec la même aigreur.
Le psychiatre s'engagea à mettre fin à ce silence tendu quand Jimin le devança.

_Tout à l'heure tu as évoqué la possibilité qu'il ne soit pas influencé et qu'il soit tout simplement attiré par elle, rappela le brun à l'intention du châtain. Si je te dis que c'est le cas, ça change la donne ?

_Ça rendrait les choses un peu plus simples ..., mais on n'a aucun moyen de savoir si...

_Elle lui plaît, coupa Jimin. C'est quoi le plan dans ce cas ?

_Tu peux nous expliquer pourquoi tu en es aussi certain ?

_Elle lui plaît, insista t-il, sa voix se faisant étrangement plus dure. Je le sais c'est tout. Elle lui a toujours plu.

Personne ne parut comprendre ce qu'il sous-entendait. La brune le scruta avec attention mais il ne lui accorda pas un seul regard.

_Ha-na, reprit le psychiatre en s'adressant à la jeune femme. S'il tient véritablement à vous, vous pourrez peut-être le convaincre de suivre une thérapie. Et là on saura ce qu'il en est.

La jeune femme laissa échapper un soupir.

_On en revient quasiment au même point. Dans les deux cas je dois le manipuler pour obtenir ce que je veux.

_Je crois que j'ai eu mon compte de conneries, s'exaspéra le blond en se levant pour prendre la porte.

_Namjoon, assieds-toi.

L'homme d'affaires ignora délibérément la demande du châtain, ses pas lourds atteignant la sortie.

_Assieds-toi ! exigea l'aîné avec une fermeté qui claqua comme un coup de fouet.

Le blond fut forcé de ralentir, puis s'immobilisa sur le pas de la porte. Ce fut avec la mâchoire serrée à s'en fendre qu'il revint sur ses pas pour s'exécuter.

A côté d'Ha-na, Jimin semblait s'être retiré dans un monde intérieur. Une main dépitée sur son visage, voilait ses traits que le chaos ambiant avait épuisés.

_Ha-na, reprit le châtain, je constate que leur intérêt à tous les deux vous porte à cœur et je le comprends. C'est le cas pour moi aussi. Je veux le bien de Jungkook tout comme celui de JK . Mais ce dernier ne me fait pas confiance. Vous êtes ma seule chance de l'atteindre.

_Mais je ...

_Je ne vous demande pas de le manipuler, la reprit doucement le psychiatre. Si ça peut vous rassurer, je vous encourage même à lui dire toute la vérité quand vous le verrez. Dites-lui que vous nous avez rencontré, dites-lui qu'on projette de faire revenir Jungkook, dites-lui que Namjoon se fout des conséquences tant qu'il obtient ce qu'il veut.

_Tu te fous de moi ? cracha le blond. Tu as vu tout le bordel qu'il fout déjà ? Ça va lui faire péter un câble et il viendra me trouver.

_ Oui c'est justement ce que j'espère, rétorqua le châtain en direction de son frère. Mais fais-moi confiance, je t'expliquerai plus tard.

Puis, revenant à Ha-na, il poursuit :

_Quand vous lui aurez dit tout ça, et précisé que vous avez refusé de nous aider, il saura qu'il peut vous faire confiance. Et s'il sent qu'il peut vous faire confiance il y a de fortes chances qu'il vous écoute..

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Hello !!! il était très long ce chapitre et un peu chaotique.
Mais on a eu quelques révélations 👀. Est-ce qu'elles vous ont surpris ?

J'espère en tout cas qu'il vous a plu. 😊

Oh j'allais oublier. Juste une précision. Une lectrice m'a demandé pourquoi j'utilisais parfois le terme médecin pour Hoseok alors qu'il est psychiatre.
Je comprends que ça peut porter à confusion. Je l'utilise pour éviter les répétitions mais ce n'est pas une erreur.

Contrairement aux psychologues, les psychiatres sont bien des médecins. Ils peuvent établir des diagnostics et prescrire des médicaments comme tout médecin puisqu'ils suivent exactement le même parcours avant de choisir leur spécialité.

Désolée si ce terme vous a laissés confus vous aussi 🥲.