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Je place mes aides, et il part au galop dans une éclaboussure. Les vagues viennent vers nous, puis repartent vers l'horizon. Les sabots de Phœnix frappent durement le sol, et le rythme de son galop s'accélère. Arrivés à l'autre bout de la plage vide, je lui demande de repasser au pas, ce qu'il fait immédiatement.
Je descends de son dos, et m'assois à côté de lui, aperçevant un orage se rapprocher dangereusement de l'endroit où nous sommes. Un éclair fend le ciel. Phœnix se cabre, voulant me protéger de la foudre, et soudain, il n'est plus là.
- Zio, calme-toi, je t'en supplie..
Je recule, à moitié réveillé, devant cette voix trop détendue à mon goût, puis je me rends compte que c'est Jevi, et je me précipite dans ses bras.
- J'ai fait un cauchemar, je crois...
Je me dégage de ses bras, pris d'une toux virulente. Secoué par cette force invisible, je ne peux faire qu'encaisser les coups. Jevi tape mon dos, espérant que ça va s'arrêter, puis je finis par me calmer. Je n'arrive pas à ralentir ma respiration, respirer calmement, avec de grandes goulées d'air n'y fait rien. Je regarde Jevi, paniqué, ne sachant pas quoi faire, alors qu'il appuie sur le bouton. Son regard inquiet croise le mien, alors que des infirmières s'occupent de moi, sous les yeux effrayés de Jevi.
Je suis à demi-conscient, quand ils me mettent sur un brencard, me branchent à des machines qui n'arrêtent pas de bipper, et m'emmènent je-ne-sais-où, puis je m'évanouis.
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J'émerge doucement, essayant de me rappeler du pourquoi je suis ici. Encore cette foutue salle de réveil. Je souffle légèrement, avant de me rendre compte que j'ai du mal à respirer. Je ferme les yeux, me forçant à rester calme, à ne pas paniquer. Je sens les aiguilles enfoncées dans mon bras, l'électro-cardio-gramme qui calcule la fréquence des battements de mon cœur, les respirations bruyantes des personnes dans la même pièce que moi...
Je secoue la tête, quand je perçois une présence à côté de moi. Je souris, presque sûr de savoir qui c'est, sauf que quand j'ouvre les yeux, je ne vois pas Jevi, mais je vois l'anéstésiste Kim. Je ne veux pas le voir, alors je tourne la tête de l'autre côté du lit.
- Zio, écoute, je sais que tu m'en veux, je n'aurais pas dû m'immiscer autant dans ta vie privée, et je m'en excuse. Mais je suis ton médecin, et je dois te dire ce qu'il s'est passé, s'explique-t-il.
- Allez-y, alors, et faîtes vite, je réponds insolemment, en tournant mon regard vers le sien, qui me détaille, inquiet.
- Je ne voulais pas te le dire tout de suite, mais j'y suis obligé.
Il marque une pause, puis reprend :
- C'est ton cancer, qui prend de l'ampleur. En fait, ton accident a en quelque sorte "déclenché" ton cancer. Tu sais que tu l'as depuis tout petit, on te l'avait diagnostiqué, mais tu n'avais aucun des symptômes d'une tumeur des poumons.
- Sauf que ce sont les premiers symptômes, qui sont apparus, je le coupe, comprenant.
- Exactement, on a pu donc voir précisément ce que tu avais, et c'est donc une tumeur du poumon à petites cellules.
- Et donc ? je demande.
- Les principaux symptômes sont une toux qui devient de plus en plus importante, et une... respiration difficile, lâche-t-il, en me fixant sérieusement.
Je lève la main, détourne le regard, et dis doucement :
- Je connais la suite. Vous allez m'annoncer qu'il n'y a pas de traitement, ou qu'il y en a un, mais qui ne ralentit seulement les cellules cancéreuses, et que je vais bientôt crever. Alors, allez-y, dîtes-moi.
Il me regarde, éberlué par ce que je viens de dire.
- Comment tu sais tout ça ? chuchote-t-il.
- Les séries, toutes les mêmes, je réponds en levant les yeux au ciel, alors ?
- Quoi, alors ? lance-t-il, essayant de ne pas me dire ce que je veux entendre.
- Je vais mourir quand ? je demande brusquement.
- Oh... honnêtement, nous ne savons pas, normalement, ça dépend de l'avancée de la tumeur.
- Et dans mon cas, vous en pensez quoi ?
- Je... je ne peux pas te dire.
- Putain, mais vous faîtes vraiment chier ! je m'écrie en frappant la barre de fer sur le côté de mon lit.
Son regard est désolé, mais je m'en fous. Je pourrais mourir maintenant ou dans deux mois, je ne serais même pas au courant. Je rage intérieurement, refusant de lui montrer que ça m'affecte, mais je me doute bien qu'il sait que je suis en colère.
Il se place derrière mon lit en silence, et m'emmène enfin dans ma vraie chambre.
Il me fait rouler à travers le couloir, et ouvre doucement la porte. Jevi est allongé sur son lit, la tête dans son carnet, et ne relève absolument pas les yeux vers nous, quand nous entrons.
Je fronce les sourcils. Quelque chose ne va pas. J'ai l'impression de revivre mon premier jour ici, depuis qu'il est là. Pas un seul regard, pas une seule parole.
Je baisse la tête en sentant les larmes me monter aux yeux.
Kim me porte, pour me mettre dans mon lit d'origine, puis change les fils des machines, détachant ceux du lit dans lequel j'étais, pour les mettre dans les machines du lit fixe de la chambre. Puis il sort sans un mot.
J'hésite à regarder Jevi, plutôt que de rester les yeux rivés sur mes doigts, mais la tentation est trop forte, et mes yeux se tournent instinctivement vers sa silhouette.
- Jevi ? je l'appelle.
Aucune réponse, aucune réaction.
Mon regard revient sur mes doigts, que je triture sans cesse. Cette fois, je n'arrive pas à refouler mes larmes. Je m'enfonce dans mon oreiller et mes draps blancs, laissant mes larmes couler silencieusement.
Soudain, il n'y a plus de draps. Je cesse de bouger, de respirer. Une main se pose sur mon épaule, me retourne doucement.
Jevi se penche vers mon visage, et c'est là que je me rends compte de la colère qui orne son visage. Il me prend les poignets, et je ne peux m'empêcher de grimacer de douleur. Il repousse les manches de mon sweat beaucoup trop grand pour moi, tout en me regardant dans les yeux. Je sais ce qu'il va voir. Et ça me terrifie.
Il lève mes poignets dénudés devant mes yeux, et voit ce que je me suis infligé.
- C'est quoi ça ? murmure-t-il, d'un ton froid, les dents serrées, et les yeux luisant de colère.
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