Chapitre 44
Je me réveille en plein milieu de la nuit, les membres endoloris.
Appuyé contre la poutre, assis, mes paupières me piquent les yeux, et elles me semblent infiniment lourdes à soulever.
Une envie irrésistible de bailler me prend, et je positionne le haut de mon bras devant ma bouche par réflexe étant donné que mes mains sont liées autour de la poutre.
Je laisse mon front tomber contre mon bras, en proie à une fatigue qui me semble démesurée.
- Psssst !
Attiré par le bruit je redresse la tête tandis que mes paupières papillonnent, et je plisse les yeux, cherchant la source à travers l'obscurité.
Je finis par distinguer grâce à la faible lumière que produit ma montre la silhouette d'Astrid, qui semble tenter de me faire des grands gestes.
Je reste un moment perplexe, sans comprendre ce qu'elle veut, puis je finis par créer un lien grâce à la chaîne d'Ella et je demande :
« - Qu'est-ce que tu veux ? »
« - Te parler abruti ! »
« - Ben pourquoi tu ne le fais pas ? »
« - Pour que les caméras entendent ce que je vais dire ? Certainement pas. »
Ah oui, en effet j'avais oublié.
« - Donc t'attendais que je me réveille pour que je crée un lien et qu'on parle ? »
« - T'es encore plus lent la nuit s'en est terrifiant. »
« - Et toi encore plus chiante. »
« - Je suis tellement vexée que je vais me rouler en boule et ne plus te parler pendant 27 ans. »
« - Tu ne t'arrêtes vraiment jamais ? »
« - Faut bien rehausser le niveau quand t'es dans la pièce. »
« - T'es fatiguée non ? »
« - C'est vrai que c'est absolument anormal à trois heures du matin. »
« - Je vois... Bon sans déconner, qu'est-ce qui t'arrives ? »
« - Je voulais t'emmerder. »
« - Astrid... »
« - D'accord c'est bon t'es pas drôle. Je voudrais que tu préviennes Flynn maintenant. »
« - Pourquoi ? »
« - On ne sait pas à quel heure on sera réveillés demain matin et tout peut s'enchaîner très vite, il faut que le QG se tienne prêt. »
« - Je ne risque pas de le réveiller ? »
« - Laisse tomber, il ne dort jamais. »
« - Comment ça il ne dort jamais ? »
« - Tu te demandais pourquoi on ne le voyait pas souvent le jour non ? C'est parce qu'il rattrape son sommeil de retard. Et qu'il veille la nuit. »
« - C'est un vampire donc. Pourquoi il fait ça ? »
« - Il a toujours eu des nuits très occupées. Avant que je ne le quitte par exemple, on ne passait pas des heures à jouer au scrabble en criant « mot contre triple » à tout bout de champs. »
« - Merci c'est bon j'ai compris. »
« - J'adore te savoir gêné quand j'évoque ce genre de choses alors qu'il n'y a pas si longtemps tu étais la pire salope de la terre. »
« - Déjà je suis un mec, et j'ai changé merci. »
« - Ah ce Connor, quel pouvoir il a eu sur toi vraiment... »
« - Tais-toi. Et donc, maintenant que vous êtes plus ensembles pourquoi Flynn veille ? »
« - Ben de base, il n'aime pas dormir, et puis tout son travail de la journée il le fait la nuit pour pouvoir dormir le jour. Ne me demande pas pourquoi il a toujours fonctionné comme ça. »
« - Bizarre... »
« - Oui enfin bref, si tu le préviens maintenant il pourra organiser sans problèmes l'attaque du lendemain. »
« - Je veux bien, mais qu'est-ce que je lui dis ? Et comment je peux être sûr de réussir à le contacter ? »
« - Si tu n'y arrives pas sans objet, tu as au moins ma chaîne. Je suis persuadée que ça fonctionnera. »
« - C'est un objet pour toi, pas pour lui... »
Astrid garde le silence une seconde, et j'ai remarqué que ces dans ces moments où elle réfléchit avant de parler que son cœur s'exprime plus facilement.
« - Les objets qui nous sont chers sont connectés à nous. Comme un lien, le même que toi tu réussis à créer. Sauf qu'il est possible que deux êtres humains soient connectés de la même manière. C'est ce que je crois. »
« - Pourquoi tu penses ça ? »
« - J'ai mal quand il a mal. Il a mal quand j'ai mal. Je suis heureuse quand il est heureux. Il est heureux quand je suis heureux. C'est comme ça, il n'y a pas à chercher plus loin. »
« - Donc... La chaîne marche avec toi autant qu'avec lui ? »
« - Je pense. C'est à vérifier. »
« - Bon d'accord... Mais admettons que je parvienne à le contacter, qu'est-ce que je lui dis ? »
« - Swann, est ce que tu parviens à faire fonctionner tes pouvoirs à grande échelle en ce moment ? »
« - Je te contacte sans mal déjà. »
« - Essaye de te concentrer, et d'avoir une vue d'ensemble du bâtiment. »
« - Comment on fait ? »
« - Tu te concentres sur les présences humaines que tu détectes, puis tu prends du recul pour les voir. »
Je coupe notre lien, et puis je fais ce qu'elle me dit.
Il ne me faut qu'une seconde pour détecter les présences humaines, capter leurs pensées, leur voix, leur aura, et je prends appui sur leur parallèle pour prendre du recul.
Je vois alors des couloirs, sombres pour ceux qui sont prêts de nous, puis lorsqu'on avance, je distingue clairement que le bâtiment dans lequel nous nous trouvons n'est autre que le quartier général du Gouvernement, autrement dit les appartements de Gaïa Taylor.
« - On est au Gouvernement. Vraiment, au Gouvernement », je dis en créant de nouveau le lien.
« - Je m'en doutais. Dans les sous-sols n'est-ce pas ? »
« - Euh... Je n'en sais rien. »
« - Forcément. »
« - Comment tu peux en être si sûre ? »
« - Si tu réfléchissais trois secondes gamin, t'aurais remarqué que déjà il fait noir. Aucune fenêtre, aucune lumière du jour. Dans quel type de pièce il n'y a n fenêtres ni lumière du jour ? Bingo, des pièces en sous-sol. Deuxième indice, ça caille au cas où t'aurais pas remarqué, alors que nous sommes au mois de juin chéri, qu'est-ce que tu en conclus ? Hein, je n'entends pas bien ? Oui bravo, que les murs sont épais, que la pièce est isolée, et éloignée des autres pièces ! On peut également se dire que c'est très certainement car nous sommes dans une salle de torture, et qu'il est préférable que l'on n'entende pas ce qu'il s'y passe à l'intérieur. »
Je pourrais presque la voir lever les yeux au ciel en souriant de son petit air insolent.
Je ris légèrement, et réponds :
« - Ok, t'as sûrement raison, j'admets. »
« - Ce n'est pas « sûrement », c'est « j'ai » raison. Nous sommes dans les sous-sols du Gouvernement, c'est ce que tu peux dire à Flynn. »
« - D'accord, qu'est ce que je dis d'autre ? »
« - Tu lui expliques la situation et notre plan pour demain. Allez vas-y, de toute façon il trouvera comment s'organiser en moins de deux. »
J'obéis sans protester, de toute façon je n'ai pas mon mot à dire et je le sais.
J'ai déjà assez fait de conneries comme ça.
Je coupe le lien avec Astrid, et ressent immédiatement ce petit vide au fond de moi. Je m'applique alors à créer ce même lien, à travers la même chaîne, mais avec Flynn cette fois.
Je me concentre, visualise son visage, sa personne, et je sens immédiatement le lien se former, sans mal.
« - Swann ? » Fait immédiatement la voix de Flynn dans ma tête.
« - Oui, c'est moi. »
« - Où es-tu ? Astrid est avec toi ? »
Une furieuse envie de pleurer et de me plaindre me prend les tripes, mais je serre les dents, et réponds :
« - Dans les sous-sols du QG du Gouvernement. Oui, elle est avec moi. »
« - Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Comment vous êtes-vous faits attraper ? Vous allez bien ? »
« - Pas vraiment, mais je ne sais pas si on a vraiment le temps d'en parler. »
« - Tu as raison. »
« - C'est horrible ce que je vais te demander, mais il faut que vous veniez nous chercher. »
Un petit silence me répond d'abord, puis Flynn semble souffler :
« - J'y comptais bien en réalité. »
« - Mais ne fais pas venir tout le monde Flynn. Tu sais très bien tout comme moi que certains ne s'en sortiront pas. Je te demande de te jeter dans la gueule du loup... »
« - Je sais. Mais je comptais venir quand même, même si je sais que je risque fortement d'y rester. »
Je garde le silence une seconde, et puis dis :
« - Ne prends que ceux qui pourront vraiment aider. Ça ne sert à rien d'amener les autres. »
« - Je sais. Je viens, Alyssa aussi, ses pouvoirs aideront énormément. Raphaël également pour ses capacités physiques, Mike et Justin pour les armes. Iris pour ses pouvoirs aussi, et Connor surtout. Désolé Swann. »
« - Je sais, ne t'excuse pas. Je savais que c'était inévitable. »
« - J'en prendrais cinq autres dans ceux qui savent se battre et ont des capacités en tant que Parallèles plus élevées. Plus Astrid et toi, cela nous mène à un niveau correct. »
« - Et Sean aussi... »
« - Sean ? »
« - Il est vivant Flynn... »
Il garde une seconde le silence, visiblement surpris.
Et puis il répond :
« - Je crois que je ne vais poser aucune question pour le moment, c'est plus sage. Tout ce qui m'importe c'est de sortir Astrid de là, elle ne le mérite pas. On discutera de tout ça plus tard, ça te va ? »
« - Bien sûr. »
« - Bien. Informations importantes à me donner ? »
« - Demain matin nous allons simuler la mort d'Astrid. Aaron voulait t'appeler pour qu'elle te parle et que tu sois forcé de venir, mais s'il la croit morte, il ne t'appellera pas et ne s'attendra pas à ta venue. »
« - Très bonne idée. Aaron est du matin, il agira tôt à mon avis. Si les Parallèles et moi arrivons au Gouvernement vers huit heures du matin et que je nous rends invisibles avec l'aide de Connor, nous pourrons entrer sans problèmes. »
« - Non attends, un Cercle est activé en permanence. Astrid et Sean ne peuvent pas utiliser leurs pouvoirs. »
« - Alors il faudra trouver un stratagème pour le détruire. »
« - J'ai ma petite idée, je m'en occuperais. » Je dis.
« - Parfait. Et ensuite... »
Il s'arrête de parler, je ne comprends d'abord pas pourquoi, et puis il souffle :
« - Je vais devoir avoir affaire à ma mère. »
Je grimace.
« - Je le crains oui. »
« - Alors Astrid t'as dit la vérité ? »
« - Elle ne voulait pas, mais elle a fini par m'avouer oui. »
« - C'est mieux comme ça. De toute façon, il vaudra mieux que je prévienne la totalité des Parallèles prochainement. Si je survis. »
« - Je crois oui... »
Je garde le silence, lui aussi.
Puis il achève :
« - Je vais prévenir les Parallèles et organiser l'évasion. As-tu une idée d'où peut être le Cercle ? »
« - Je crois qu'Aaron le garde toujours avec lui. Je te préviendrais demain quand vous pourrez vous approcher de lui et que le Cercle sera brisé. »
« - Parfait. Eh bien j'espère à demain Swann. »
« - A demain Flynn. »
Je coupe le lien immédiatement, et pousse un soupire, fermant les yeux une seconde.
Puis je crée un nouveau lien, avec Astrid cette fois.
« - C'est bon, il est prévenu et on s'organise. »
« - Bon c'est déjà ça. »
« - Oui... »
Je garde le silence de nouveau, réfléchissant.
Astrid demande :
« - A quoi tu penses ? »
« - Je ne sais pas trop... A l'avenir. »
Elle ricane :
« - Alors arrête d'y penser, c'est clair tu n'en as pas. »
Je souris.
« - Tu es toujours si pessimiste ? »
« - Ecoute gamin, je ne suis pas pessimiste je suis réaliste. Nos chances de survie sont très proches de zéro t'en as conscience ? »
« - Nous sommes puissants pourtant. Nous pourrions nous défendre ? »
« - Nous n'avons jamais été en mesure de nous protéger, le Gouvernement a toujours fait en sortes de contrer nos pouvoirs. C'est dur de survivre et d'atteindre un certain âge. Je suis presque une doyenne pour les Parallèles ! »
« - J'avais remarqué, je ris. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faille perdre espoir. On peut encore s'en sortir. »
« - Honnêtement ? Non. Sois lucide. Il n'y aurait qu'une seule et unique façon de s'en sortir, et il y a 99% de chances que ça n'arrive jamais. »
« - Il y aurait un moyen de s'en sortir d'après toi ? » Je demande, intrigué.
« - Ne prend pas ce ton-là, ne va pas croire que j'ai passé des heures à réfléchir à une solution. Je préfère largement me laisser porter et vivre ma vie au jour le jour plutôt que d'essayer d'améliorer les choses. »
« - Oui, j'avais compris. Tu es un électron libre. »
« - C'est ça gamin. »
« - Sauf que tu as tout de même parlé d'une solution. Quelle serait-elle ? »
Astrid ne répond pas immédiatement, prenant son temps pour réfléchir, et puis elle finit par dire :
« - Admettons que demain, on réussisse à éliminer Aaron et Tom. A quoi ça nous servirait dans le fond si personne ne nous écoute ? Le tout c'est d'éloigner la menace du Gouvernement. De le renverser, et de parvenir à se faire écouter, et convaincre que nous ne sommes pas mauvais. De s'élever, de parler. Qu'on nous laisse nous exprimer, devant la foule devant l'état, que le peuple nous écoute et nous entende. Que l'un d'entre nous parle au nom de tous les Parallèles du monde, que l'un d'entre nous témoigne, parle de ce qu'on a vécu, explique les sacrifices que chacun d'entre nous a dû endurer, les trahisons, les morts, les séparations, les adieux. Qu'on sensibilise le public, qu'il se mette à notre place une seconde, rien qu'une seconde. Et surtout, qu'on accepte notre sort. Qu'on nous laisse nous exprimer, et qu'on laisse ensuite le peuple décider. Qu'il y ait un vote organisé, et que l'issue de ce vote décidera de notre avenir. Vivre avec les humains, en tant que tel, ou bien être exécutés. Sur le champ. »
Je suis une seconde choqué par la dureté de ses propos, et puis elle s'explique :
« - C'est de la manipulation en quelques sortes. Accepter notre sort, accepter de mourir simplement en échange de pouvoir être écouté. De cette manière, le peuple acceptera beaucoup plus facilement de nous entendre que si nous ne promettions pas de nous rendre. Sauf qu'en nous écoutant, en entendant ce qu'on a à dire, il sera plus facilement sensibilisé et concerné par notre histoire. Et il aura beaucoup moins envie de nous tuer. Même si pendant toute sa vie il a été conditionné pour nous haïr et nous craindre. »
Je suis bluffé.
Elle a beau dire qu'elle n'y a pas réfléchit énormément, son raisonnement est argumenté et construit, et il me paraît infaillible. L'intelligence d'Astrid me choque chaque jour un peu plus.
Elle reprend après une petite pause :
« - Sauf que ça, c'est impossible tant que la tête du Gouvernement n'a pas été décapitée. Gaïa Taylor est la cible numéro 1 à abattre. C'est elle qui tire les fils dans l'ombre, elle qui dirige tout sans que personne ne s'en rende compte, pas même le Président, qui n'est que sa marionnette. Si nous abattons Taylor et Aaron, alors peut-être nous aurons une chance. Peut-être. Et encore, elle est infime. »
« - Astrid, tu es un génie. »
« - Merci, je l'ai toujours su. Plus sérieusement, ce n'est même pas sûr que ça marche gamin. Même si nous abattons Taylor et que le Président nous laisse nous exprimer en échange de peut-être avoir droit de nous exécuter après l'issue du vote, ce n'est même pas dis que le public nous écoute sans broncher. »
« - Mais cela reste une idée excellente Astrid. Et je suis persuadé que si on arrive à s'en sortir ici, on doit le faire. »
« - Si tu le dis... »
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