Lorsqu'Astrid a quitté la pièce, je me suis laissé tomber dans mon lit, épuisé.

Totalement vidé d'énergie, et aussi résigné.

Les larmes me sont immédiatement montées aux yeux, et j'ai dû lutter pour les retenir.

-          Tu es plus intelligent que ce que je croyais, retentit la voix d'Aaron. Essayer de mener Astrid, si je me souviens bien, à la réflexion pour qu'elle s'interroge sur ton cas ce n'est pas idiot. Mais tu devrais arrêter de chercher à fuir Sullyver. Nous tenons Sean, et il est si épuisé qu'il ne peut pas communiquer avec toi à travers le bracelet. Ce qui n'empêche pas pour autant la transmission de la douleur...

-          La ferme, je crache.

-          Ahah, rit Aaron. J'ai presque envie de laisser Tom une demi-heure avec ton frangin, histoire de te punir pour ton insolence. Mais magnanime, je laisse passer pour cette fois. J'ai trop envie d'entendre celle qui pouvait ralentir les transmissions nerveuses des humains.

-          Elle n'a rien de particulier, je mens pour tenter de protéger Alyssa.

-          Ce sera à moi d'en juger, rétorque Aaron.

J'entends alors la porte s'ouvrir, et apparaît dans l'encadrement de la porte la frimousse toute mignonne d'Alyssa.

Salopette bleue, tee-shirt blanc, macarons frisés, yeux vifs, elle entre en souriant jusqu'aux oreilles, un plateau de muffins à la main.

-          Coucou ! Lance-t-elle.

Elle lève les yeux sur moi, et je sens dans son regard cet éclair furtif d'horreur, bien que son sourire reste figé.

Je lui souris affectueusement, et elle s'approche, un peu plus hésitante.

Elle rougit un moment alors que je sens son regard suivre la diagonale brûlée sur mon visage, et puis elle baisse les yeux une seconde.

Elle perd son sourire cette fois, se mord la lèvre, et chuchote :

-          Je... On m'avait prévenu que c'était... Choquant mais je... Je suis désolée je... Je voulais faire comme si de rien n'était mais je...

Elle perd ses moyens, et manque de faire tomber le plateau de muffins tant elle tremble.

Je souris et alors qu'elle rattrape de justesse le plateau, je lui lance :

-          Ne t'en fais pas Aly.

Elle lève les yeux sur moi, et puis pose le plateau sur la commode à mes côtés.

Elle s'approche, et s'assoit sur le bord du lit alors que je lui fais de la place.

Elle se positionne en tailleur, et puis m'observe en silence, le visage un peu moins rouge.

-          Ce n'est rien. Je ne sais toujours pas à quoi je ressemble, mais je crois que je ne préfère pas savoir...

Alyssa se mord la lèvre, et puis répond en baissant la tête :

-          Je voulais faire comme si tout était normal mais je... Je ne suis pas comme Astrid et je... Enfin... Désolée.

-          Ne t'inquiète pas pour ça, personne n'est comme Astrid. Et je préfère peut-être même une réaction plus naturelle comme la tienne plutôt qu'indifférente comme elle, je la rassure.

Alyssa relève la tête, me sourit, et puis elle dit en désignant les muffins :

-          Tiens, je t'en ai fait !

-          Pas au guacamole j'espère ?

-          Non, chocolat tout simple !

Je souris, et en saisit un pour lui faire plaisir, bien que je n'aie pas faim du tout.

Je n'ai pas mangé depuis plus de vingt-quatre heures, pourtant je ne ressens pas du tout la faim. La douleur m'a coupée tout appétit.

Croquer dans le muffin est beaucoup plus douloureux que ce que j'avais imaginé, ma peau brûlée s'étire et j'ai l'impression qu'à tous moments elle peut lâcher, et dévoiler mes os, bien que ce soit impossible.

Je lâche le muffin, trop faible, et celui-ci roule sur le sol alors que j'essaye d'avaler ce que j'ai dans la bouche.

Alyssa le regarde rouler, et peiné, je dis une fois que j'ai avalé :

-          Désolé c'est... Très bon mais vraiment douloureux et je...

-          Ne t'en fais pas, répond Alyssa en ramassant le muffin. Astrid m'avait prévenu que tu n'y arriverais peut-être pas, c'est juste moi qui ait insisté...

Je lui lance un regard désolé, et elle enchaîne sans s'y attarder :

-          Je voulais te demander...

-          Tout ce que tu veux, je réponds avec un clin d'œil.

Elle sourit en rougissant légèrement, et puis elle continue :

-          Je ne suis pas très à l'aise avec le sujet mais je... J'ai remarqué que Connor et toi vous...

Non s'il te plaît Alyssa pas ici...

Je cherche rapidement un moyen d'éviter le sujet, mais trop tard.

-          Vous êtes ensembles ?

Je prie intérieurement pour qu'Aaron n'ait pas été attentif à ce moment-là, ce qui m'étonnerait fortement évidemment.

« - Connor ? Tiens, qui est-ce ? S'enquit-il. »

-          Non, je réponds à Alyssa.

Comme je sens qu'elle va continuer sur le sujet, je dévie :

-          Et toi du coup avec Mike ?

C'est très égoïste évidemment, mais je préfère qu'Aaron s'attarde à faire du mal à Mike plutôt qu'à Connor.

Alyssa rougit immédiatement, et puis elle balbutie :

-          J-Je... J'ai un peu abandonné avec Raphaël je crois que... Qu'il est gay et puis... A côté il y avait Mike attentionné et je...

Je souris, et fait un petit geste de la main.

-          Ne t'en fais pas, j'ai compris, je ris.

Elle pousse un soupire, soulagée que je ne continue pas sur ce sujet.

Elle prend soudain un air plus sérieux, se penche en arrière pour vérifier que personne n'entre, et puis elle demande :

-          J'ai remarqué des choses étranges, mais je ne savais pas trop à qui en parler... Après je ne sais pas si tu es la bonne personne vu ce qu'il t'ait arrivé, c'est déjà un miracle que tu ai survécu et que tu sois revenu.

Je me redresse un peu, intéressé et surprit, et puis elle confie :

-          Depuis la discussion dans le bureau de Flynn avec Raphaël, Astrid et toi, je trouve Flynn très bizarre.

-          C'est-à-dire ? Je m'enquis.

-          Je ne sais... J'ai l'impression que ça a un rapport avec Astrid parce qu'il la regarde différemment, mais d'un autre côté Astrid n'a rien changé dans son comportement alors j'avoue que j'ai du mal à comprendre.

-          Qu'est-ce que tu as remarqué de différent chez Flynn ? Je demande.

-          Eh bien... Il semble moins assuré, un peu plus absent. Avant il avait toujours son petit sourire qui me mettait vraiment mal à l'aise, mais il l'a de moins en moins et il a l'air... Fatigué.

Je garde le silence, sachant pertinemment ce qui arrive à Flynn.

Il est visiblement bien moins capable qu'Astrid de cacher ce qu'il ressent, et je ne sais pas si ça lui est bénéfique en tant que chef.

Sauf que c'est Astrid qui porte l'enfant, pas lui.

-          Et qu'est-ce que tu en conclus ? Je demande à Alyssa pour avoir son avis.

-          Oh je ne sais pas, c'est le boulot des intellos de faire des rapprochements, moi je remarque juste, rie-elle.

-          Ben pourquoi tu viens me voir ? Je demande en éclatant de rire.

-          Pour moi tu es intelligent, répond-elle. Tu as tout de suite compris que tu devenais Parallèle et tu t'es enfui, presque aucun Parallèle n'a agit comme ça.

-          Euh ouais, je ne me vois pas trop comme ça mais bon ça fait toujours plaisir, je souris.

-          Donc j'ai pensé venir t'en parler, et puis tu sembles proche d'Astrid j'ai pensé que tu pourrais lui en parler.

-          Pourquoi ne pas lui en parler toi-même ? Vous êtes très proches toutes les deux pourtant...

-          Oui, je l'adore même si elle est très agaçante, sauf que je sais qu'elle ne parlerait pas de Flynn avec moi, elle aime trop préserver son intimité...

-          Parce que tu crois qu'avec moi ça passera mieux ? Je dis en éclatant de rire.

-          Je ne sais pas, elle rit. Dans tous les cas, il se passe sûrement un truc bizarre.

-          Si ça ne nous concerne pas, ça ne sert à rien de s'y attarder, je tente pour l'éloigner du sujet.

-          Oui t'as raison, admet-elle. Fin bref.

-          Comment est le nouveau QG ? Je m'enquis.

-          Très bien, moins développé que le premier, mais bon on peut toujours s'amuser... Je passe beaucoup de temps avec Iris et Mike, on s'occupe comme on peut.

-          Personne ne sort cette fois ? Je demande.

-          Non, on ne recommence plus. Enfin peut-être Astrid, et encore je ne sais pas...

« - Bon c'est très ennuyeux tout ça, j'aimerai savoir de quoi elle est capable en tant que Parallèle, débrouille-toi pour l'interroger discrètement. »

Je déglutis, et puis dis à Alyssa :

-          Et... Au fait, après l'attaque du QG tu as parlé de tes pouvoirs à Flynn ?

-          Comment ça ? S'étonne-t-elle.

-          Il était au courant de ce que tu peux faire ?

-          Je ne sais pas vraiment, mais je pense qu'Astrid lui en avait parlé oui. Puis il a bien vu sur la place justement que je pouvais ralentir les transmissions nerveuses des humains.

-          Tu peux faire d'autres choses ?

-          Euh pas vraiment, mais je sens les choses venir de plus loin, un peu comme Connor et toi.

« - Connor encore, mais dis-moi Sullyver il m'a l'air très intéressant ce petit. »

-          D'accord, je réponds simplement, crispé.

Alyssa fronce les sourcils et m'observe.

-          Tu as l'air épuisé. Je vais te laisser te reposer je crois.

Je ne réponds pas, et Alyssa se lève.

-          Je te laisse les muffins, lance-t-elle en souriant et se dirigeant vers la porte.

Elle me fait un petit signe de la main et puis referme la porte.

Je pousse un profond soupir, de courte durée car Aaron reprend dans l'oreillette :

« - Bien Sullyver, j'ai déjà l'idée d'un plan, en brillant homme que je suis. »

Il rit d'un air suffisant, et je l'ignore en fermant les yeux.

« - Mais d'après ce que j'ai compris, tu n'es même pas capable de te lever après ce que Tom t'as fait, alors je vais devoir prendre mon mal en patience et patienter pour te laisser agir. Mais sache que ces petites discussions ont été très utiles, et que tu es plutôt docile, c'est remarquable. »

-          Parce que j'avais le choix peut-être ? Je rétorque en riant d'un air mauvais.

-          Hum... Non c'est vrai ahah ! Mais peu importe, je ne vais pas te révéler mon plan tout de suite j'aurais trop peur que tu te débrouilles pour le déjouer. Je te laisse quelques jours de repos pour que tu puisses te remettre de tes blessures et donc agir pour nous. Mais tiens toi prêt à toutes éventualité.

-          Mais c'est quoi votre problème au juste ? Vous êtes tellement sadiques que vous voulez que je vous livre moi-même tous les Parallèles au lieu de vous en occuper vous-même ?

-          Si nous pouvions le faire nous le ferions, crois-moi petit. Mais nous devons nous adapter, et tu es une véritable aubaine, crois-le.

-          Ce serait si dommage que je meure, je dis soudain d'un air mauvais.

Cette phrase a le mérite de clouer le bec d'Aaron, et il met quelques secondes à me répondre :

-          On fera tout pour te protéger et que tu ne meures pas.

-          C'est ça, je ne vois pas comment vous arriveriez à m'empêcher de me suicider.

-          Ah oui ? Si on te dit que si tu meures, on tue Sean juste après ?

Je me tais.

Je ferme les yeux, et cette fois, je dois lutter pour ne pas crier.

Même la mort ne sera pas une délivrance.

Je suis coincé, et de tous les côtés.