
Chapitre 31
Je dois m'appuyer contre le mur pour ne pas tomber.
Tremblant, je vacille, pâle.
Astrid lève ses yeux bleus sur moi, et j'y lis tout un mélange de sentiments confus.
Flynn serre les dents, et puis glisse une main sur sa bouche tandis que l'autre se place sur sa taille. Il semble fournir un effort surhumain pour ne pas exploser.
Il recule, et s'appuie contre le bureau en enfouissant son menton dans la paume de sa main.
Silencieuse, Astrid regarde droit devant elle, et ses yeux brillent alors que ses mains tremblent.
Son visage est aussi dur que l'acier, seules ses mains la trahissent.
- Je crois... Que c'est inutile de vous dire à quel point c'est la merde, finit par dire Flynn, un peu plus calme.
Mon cœur bat si vite que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine d'une seconde à l'autre.
Je n'ai pas décroché un mot depuis le début, et enfin je finis par balbutier :
- C-C'est... C'est une blague...
Flynn pose alors ses yeux sur moi.
Son regard me pétrifie, ces deux cercles presque translucides me passent au peigne fin et me foudroient.
Je détourne le regard, incapable de soutenir celui de Flynn plus longtemps, et j'observe Astrid.
- T-Tu... Tu savais ?
Astrid lève les yeux au ciel, et Flynn répond à sa place :
- Evidemment, elle a dû faire le test avant qu'on ne se rejoigne ici. J'ai retrouvé le teste dans la poche de sa veste.
Un rire rauque s'échappe de la gorge d'Astrid, mais elle ne dit rien.
- Et c'était forcément vous, continue Flynn d'un air glacial. Il y avait aussi une boîte de pilules, et ce matin, Swann n'était pas dans sa chambre quand je suis passé le voir.
- T-Tu... Tu es passé dans ma chambre ?
- Je voulais simplement discuter avec toi. J'ai été étonné de la trouver vide vers huit heures du matin, alors j'ai pensé que tu étais parti voir Alyssa ou Astrid. Je ne me suis pas douté que vous aviez franchi les limites.
Astrid ne prononce pas un seul mot, son regard reste planté droit devant elle, et ses mains cessent petit à petit de trembler.
- Et le test prouve ce que je soupçonnais, assène Flynn.
Astrid se met soudain à rire d'un air méchant, elle se retourne brutalement, et elle s'écrie :
- Mais vous êtes débiles ou ça se passe comment ?
Surpris, Flynn et moi observons Astrid sans comprendre.
Elle continue, plus glaciale que jamais :
- Vous n'êtes jamais allés au collège ? Vous n'avez jamais suivi de cours d'SVT sur la procréation ?
Je fronce les sourcils, sans comprendre ce qu'elle insinue, et Flynn semble aussi perdu que moi.
Astrid ramasse le test de grossesse à ses pieds, et dit d'un air excédé :
- Un test de grossesse ne détectera pas un embryon dès le lendemain d'un rapport, il n'y aura pas encore eu fécondation !
J'arrête de respirer.
Flynn pâlit.
- Qu'est-ce... Que ça veut dire ? Je finis par demander.
Astrid éclate d'un rire moqueur, et elle rétorque :
- Que tu n'es pas le père.
Je me remets à respirer.
Comme si enfin je retrouvais de l'air, et que j'étais en mesure de revenir sur Terre pour vivre.
Flynn tourne ses yeux sur Astrid en secouant négativement la tête.
- Tu n'es qu'une salo...
- Je t'arrête tout de suite, l'interromps Astrid, glaciale. Je n'ai couché avec personne d'autre que toi.
Ses mots sont tranchants, remplis de sens.
Je lève les yeux sur Flynn.
Sa poitrine se soulève à un rythme effrayant, et lui aussi, ses mains tremblent et il semble s'efforcer de les cacher.
- C'est impossible, répond Flynn, rougissant à vue d'œil. Notre... D-Dernier...
Visiblement très mal à l'aise avec le sujet, Flynn détourne le regard, et je recule, sentant que la conversation ne me concerne plus.
Mais Astrid qui met toujours les pieds dans le plat, rétorque d'une fois à la fois malicieuse et glaciale :
- Dernier rapport remonte à quatre semaines, juste avant que je n'apprenne la vérité, et juste avant la rupture ouais. On a pas dû s'en rendre compte, mais le préservatif devait être troué, et évidemment, je ne suis pas allé acheter le matériel qui faut puisque je ne me doutais de rien.
- Non non non non, panique Flynn. C'est impossible, il s'est forcément passé quelque chose et tu...
- Tu m'excuseras mais je crois que je sais mieux que toi ce que je fais de mon corps non ? Rétorque Astrid sèchement.
- J-Je... Je peux... Partir ? Je demande, plus rouge que jamais.
Flynn est incapable de me répondre, il semble à deux doigts de s'évanouir, mais Astrid se tourne face à moi, et me répond d'un ton assez doux :
- Oui Swann. Je crois que maintenant ça ne te concerne plus.
Elle tourne son regard sur Flynn, et ajoute d'un ton plus sec :
- Maintenant c'est entre lui et moi.
***
Je sors de la pièce, complètement désarçonné.
J'ai eu vraiment chaud.
Si là, j'avais été père, ç'aurait été la fin pour moi.
Un enfant, alors que j'ai 18 ans ! Je n'ai pas déjà assez de problèmes à gérer comme ça ?
C'est malheureux, mais je suis vraiment soulagé que ce soit Flynn le père et non moi.
Même si là, ils sont vraiment dans la merde.
Si on réfléchit trois secondes, on se rend compte qu'Astrid ne peut pas avorter, même s'il n'est pas trop tard.
Elle est officiellement morte, comment ferait-elle pour se présenter à l'hôpital ?
C'est impossible, et puis même si elle utilisait une illusion elle serait incapable de la maintenir lorsqu'ils l'endormiraient.
Ils n'ont pas le choix.
Ils vont devoir garder l'enfant.
- Swann ? Ça va ?
Je sursaute, surpris par la voix de Raphaël, et puis je tourne la tête dans sa direction.
En compagnie d'Alyssa, appuyé contre la rambarde de l'escalier, ils m'observent, inquiet.
- Euh... Oui, je balbutie.
- Tu es très pâle, remarque Alyssa.
- Oui c'était... Plutôt chaud à l'intérieur, je soupire.
Raphaël jette un coup d'œil derrière lui, fais un pas dans ma direction, et pose sa main sur mon épaule.
- Les autres dorment, ils sont épuisés. Ils ont mangé et ont eu besoin de dormir. Beaucoup ont perdus des proches, et il va leur falloir du temps pour s'en remettre.
- On a voulu venir pour voir si tu allais bien, ajoute Alyssa en levant ses grands yeux gris sur moi. Avec ce qu'on a appris...
- Je comprends, je dis en hochant la tête.
- Que s'est-il passé à l'intérieur ? Demande Alyssa, curieuse.
Raphaël pose sa main sur son épaule, elle tressaille, et il dit :
- Ça ne nous concerne pas, quoique puisse être le sujet. On ferait mieux de penser à autre chose, et essayer de réfléchir à un autre endroit où migrer. Le Gouvernement finira par revenir ici.
- J'ai des petites idées, sourit Alyssa.
- Moi aussi, ajoute Raphaël. En attendant que les autres se soient suffisamment reposés on peut aller en discuter ?
Alyssa hoche la tête, et puis elle se tourne vers moi.
- Tu veux venir ?
Je secoue négativement la tête.
- Non merci, c'est gentil. Vous me tiendrez au courant ? J'ai un truc à faire avant...
***
Lorsque j'entre dans la chambre de Connor, je suis surpris de le trouver allongé sur le lit, les yeux grands ouverts.
Attiré par le bruit de la porte, il tourne son regard sur moi, et puis je suis soudain frappé par le vert si clair de ses yeux.
Ses jolies tâches de rousseurs juste en dessous, ses lèvres couleurs corail, ses cheveux châtains blonds un peu en bataille, son petit nez légèrement en trompète.
Pour la première fois, je le trouve magnifique, et mon cœur s'accélère.
Son regard vide s'attarde sur moi, et puis je le quitte pour refermer la porte derrière moi.
Légèrement tremblant, je me retourne, et puis m'approche doucement du lit.
- Swann, dit-il simplement en me regardant approcher.
Son torse nu est recouvert sur le flanc droit de bandages écarlates, et puis je saisis une chaise pour m'assoir à côté de lui.
- Tu te sens mieux ? Je m'enquis doucement.
- Physiquement ou mentalement ? Parce que physiquement, franchement ça va. Je n'aurais pas pensé mais passé le choc, on s'en sort.
Il détourne le regard une seconde, et souffle :
- Mentalement, c'est une autre histoire...
Je ne lui demande pas pourquoi. J'ai le sentiment qu'il va continuer de lui-même.
- Tout s'effondre, dit-il en levant les yeux vers le plafond. Le Gouvernement nous a retrouvé. Nous étions plus de quarante Parallèles survivants dans toute la région, et nous ne sommes plus que seize. Ils sont presque tous morts, et j'ai failli y passer.
Il tourne son regard d'un vert profond sur moi, et me demande :
- Tu as déjà cru mourir Swann ?
Sa question me prend de court.
Je réfléchis une seconde, et des souvenirs me remontent brutalement.
Déjà cette transformation en tant que Parallèle, qui m'a donnée l'impression que c'était la fin, mais je me souviens brusquement d'une sorte de... Noyade.
Je me vois sous l'eau me débattre comme un fou, je vois la lumière bleutée au-dessus de moi, le contact glacé de l'eau s'engouffrer dans ma gorge, mes narines, m'empêcher de respirer, et mes forces s'amenuiser à mesure que le temps passe.
Ça semble durer des heures, et puis soudain des bras forts me soulèvent, et je sors de l'eau, essoufflé.
Le visage de Sean inquiet apparaît au-dessus de moi, trempé, et puis je suis rejeté de la vision.
Je rouvre les yeux, comme possédé, et puis je reprends mon souffle.
- Je crois... Je souffle, mal à l'aise.
Connor m'observe attentivement, et puis il continue :
- Cette sensation que tout est fini, qu'on ne reviendra jamais ? Qu'on n'a pas eu le temps de faire ce qu'on devait faire ici ?
Il pèse ses mots, il semble penser chacun d'entre eux, et je le regarde attentivement.
Ses yeux plongés dans les miens, il continue :
- Je n'en parle pas, mais je t'admire vraiment Swann.
- De... Quoi tu parles ? Je m'enquis.
- De tout. Tu es fort, tu assumes tout ce que tu penses, tout ce que tu fais, ce que tu es...
Le sujet dérive, je le sens, mais je le laisse faire, affreusement impatient de savoir la suite.
- Moi, je n'en aurais jamais le courage, dit-il un sanglot étranglant sa gorge.
Je soupire, et l'observe, une moue désolée peinte sur le visage.
Je m'apprête à dire quelque chose quand il enchaîne :
- Je ne suis pas aveugle tu sais...
Je m'interromps, coupé de toute envie d'enchaîner.
Je veux l'entendre parler, je veux entendre sa voix délicieuse me dire ce qu'il s'apprête à dire.
Il glisse une main dans ses cheveux, ferme les yeux une seconde, et puis tourne ses yeux sur moi.
Il dit :
- Je vois comme tu me regardes. Je vois ce truc dans tes yeux, que je n'ai jamais vu avant. Je sens comme tu trembles, comme tu es différent avec moi qu'avec les autres.
Il se mord la lèvre, je m'attarde dessus, et suis soudain pris d'une envie irrésistible d'y toucher moi aussi.
- Mais il n'y a pas que toi, dit-il. Moi aussi mon cœur s'accélère quand je te vois. Même quand je pense à toi, en permanence. C'est depuis longtemps en fait, mais je ne m'en étais simplement pas rendu compte et je... Je suis incapable de l'assumer.
Mon cœur s'accélère.
Ce sentiment que je ne connais pas immobilise mon corps, et je me sens trembler soudain.
Sans me quitter des yeux, il continue :
- Je suis désolé de t'avoir repoussé... Mais je ne pouvais pas. C'était... Impossible.
Je déglutis, et puis je dis :
- Et... Ça l'est toujours ?
Connor ne répond pas tout de suite, et puis il finit par hoche la tête.
- Je suis désolé mais... C'est trop tôt et puis... Je ne suis pas comme toi. Je... Je n'y arrive pas... Rien que de te dire ça, c'est super dur pour moi...
Je soupire.
Et puis je dis :
- Je comprends...
Il semble hésiter, se mord la lèvre une nouvelle fois, et puis il pose soudain sa main glacée sur la mienne.
Je sursaute, surpris par le contact, et un millier de papillons semblent prendre leur envole dans mon bas ventre.
Je lève les yeux sur lui.
Il ne dit rien.
Alors je dis :
- J'attendrais.
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