Chapitre 20
Complètement déboussolé, je prends difficilement appui sur le sol pour me relever.
La pluie n'a pas cessé de battre, et tremblant comme une feuille, je tente de stabiliser mes jambes.
Je place mes cheveux trempés en arrière, pour dégager ma vue, et puis je regarde autour de moi, en cherchant un port d'attache.
Le souffle court, je repère la sortie, et je m'approche.
Je suis frigorifié.
Je ne peux pas cesser de trembler, je me sens si faible que mes jambes peinent à me porter, la pluie a fait de moi une éponge, et j'ai si froid que mes dents semblent claquer plus fort que la pluie.
Je serre mes bras l'un contre l'autre, et progresse avec peine jusqu'à la porte.
Lorsqu'enfin je l'atteins, je m'écroule littéralement sur la poignée, et j'arrive à l'intérieur en trempant le sol.
Je referme précipitamment la porte derrière moi, et puis j'entends soudain une voix derrière moi :
- Swann ? C'est toi ?
Je me retourne, les lèvres tremblantes, et découvre la silhouette floue de Connor.
Je ne lui ai parlé que deux trois fois, il fait partie de ceux qui vont parfois s'amuser avec les quatre fous, il est un peu polyvalent, j'ai entendu dire qu'il savait faire pleins de choses, le dessin, la musique, le théâtre, et apparemment il écrirait même des histoires pour tenter d'en faire des courts métrages.
Il est très jovial, sympathique, et j'avais beaucoup apprécié apprendre à le connaître même si je le croise très peu puisque c'est un hyperactif qui bouge tout le temps.
Chevrotant, je cligne des paupières pour tenter de rendre ma vision plus stable, et puis je vois sa silhouette se diriger droit vers moi.
- Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Tu t'es mis dehors par ce temps ?
Mes dents claquent si fort que je suis incapable de lui répondre, et il pose ses deux mains sur mes épaules en un geste rassurant, et puis à bout de force, je m'écroule sur lui.
Surpris, il a un mouvement de recul sous mon poids, mais il me tient fermement entre ses bras, visiblement confus.
- Swann ? Qu'est-ce qui se passe ?
- J-Je... J'ai...
Je suis incapable de finir ma phrase.
Tout se bouscule dans ma tête, rien n'a de sens, je mélange tous les sentiments qui me traversent, j'ai le sentiment que la pluie a tout lavé.
Connor me soutient fermement, et puis sans réfléchir, je noue mes bras autour de son cou, ayant désespérément besoin de soutient.
- Excuse-moi... Je chuchote.
Connor me serre dans ses bras sans discuter, et puis il répond :
- Ce n'est rien... ça va aller... Viens avec moi.
Il me repousse légèrement pour caler mon bras sur ses épaules, et puis nous progressons ainsi jusqu'à l'infirmerie.
***
- Excuse-moi d'avoir sur réagit, je dis en tenant fermement ma tasse entre mes mains.
Le liquide brûlant me réchauffe, emmitouflé dans une serviette j'ai cessé de trembler, et j'ai moins froid.
Connor en face de moi monte la température du radiateur, referme la porte de l'infirmerie, et puis s'approche de moi.
Il s'assoit sur le lit de l'infirmerie en face de moi, et puis me sourit d'un air gentil.
- Ne t'en fais pas, répond-il. J'ai bien vu que ça n'allait pas. Je n'allais pas te repousser.
Je secoue la tête négativement et sent pas la même occasion mes cheveux dégouliner dans ma nuque, et je frissonne.
- Oui mais on ne s'est parlé que deux trois fois, et je me suis jeté sur toi comme ça enfin je... Juste désolé.
Connor se met à rire d'un petit air léger, il baisse la tête, et puis répond en secouant sa main devant lui :
- Je te le répète, ce n'est rien. Le temps m'inspirait je comptais rejoindre le balcon pour dessiner, j'ai eu de la chance de te croiser.
Je redresse la tête vers lui, et puis nous nous sourions en silence.
Je ne le connais pas vraiment, même si les peu de fois que nous nous sommes parlés le courant est bien passé, je pensais que c'était surtout grâce à son extrême gentillesse, et je pense ne pas m'être trompé, Connor est le genre de personne à s'entendre avec tout le monde.
Ses cheveux châtain clair virant au blond sont un peu en bataille, son visage pâle fait ressortir ses yeux en amande d'un vert très clair, plus que le mien, des petites tâches de rousseurs recouvrent le bas de ses yeux, son nez est assez petit, il remonte légèrement en trompette, et ses lèvres sont couleur corail.
- Et si tu me disais ce que tu faisais dehors sous la pluie ? Demande-t-il en souriant.
Je cesse de le contempler, et puis grimace légèrement en tournant ma tasse de chocolat chaud entre mes mains.
- J'avais... Besoin de sortir, je réponds.
Je porte la tasse à mes lèvres, et ferme les yeux tout en buvant.
Le breuvage me réchauffe instantanément, et la sensation de bien-être que je ressens à ce moment-là est inégalable.
Pendant un instant j'oublie Sean, Flynn, Astrid, ce qu'il s'est passé cette après-midi, et ce profond sentiment de détresse qui a détruit ma tête il y a peu de temps.
Connor répond en m'observant attentivement :
- Tu as du mal à accepter le changement hein ?
Sa voix est douce, attentive.
Il semble avoir compris ce blues que moi-même je ne comprends pas, et comme je ne lui réponds pas, me contentant d'observer ses beaux yeux verts, il ajoute :
- C'est dur au début. Surtout que ça ne fait qu'une semaine. Ce doit être compliqué pour toi.
Je hausse les épaules.
- Je n'ai pas le sentiment que c'est si terrible que ça.
Connor ne me quitte pas des yeux, il semble chercher à fouiller dans mon âme, et soudain gêné, je détourne le regard.
Il lance d'un ton doux :
- Tu te renfermes trop Swann.
Ses paroles me surprennent, je redresse la tête cette fois, et l'observe, les sourcils froncés.
- A chaque fois que je te croise, tu es souriant, jovial, toujours de bonne humeur. Tu vas voir un peu tout le monde mais... Je vois ton regard parfois. Tu sembles un peu perdu, et je n'ai pas l'impression que tu exprime beaucoup ce que tu ressens par rapport à ce qu'il t'arrive. Peut-être le garde tu trop pour toi ?
En temps normal, je l'aurais sûrement envoyé balader, je me serais débrouillé pour changer de sujet, mais pourtant je sais qu'il a raison.
J'adore le changement, c'est vrai, et je commence peut-être petit à petit à me faire à cette nouvelle vie.
Sauf que mes pensées retournent indéniablement vers ma mère, son aura si noire, mon père même et ses réprimandes, les potes du lycée auxquels je ne suis pas attaché d'accord mais qui me procuraient un certain équilibre, les cours, pour la même raison, les profs qui me réprimandent, les surveillants qui m'arrêtent lorsqu'ils sentent que j'amène de l'alcool avec moi.
C'était une vie plus ou moins normal, un certain équilibre qui faisait de moi ce que j'étais, sauf que j'ai perdu tout ça, et à ça s'ajoute Sean, ce grand point d'interrogation dans ma vie.
Même si visiblement, ce soir, j'aurais sûrement les réponses à mes questions.
Comme je ne réponds pas, Connor détourne le regard en rougissant, et puis il dit :
- Excuse-moi je... Je ne voulais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas.
- Ne t'excuse pas, je réponds. En fait tu as raison.
Connor relève la tête, un peu surpris, et puis je soupire, et continue :
- Quitter sa famille, le lycée, le quotidien... C'est plus compliqué que ce que je croyais.
Il hoche la tête, et répond :
- Je comprends. Ça m'est arrivé il y a trois ans, je ne l'ai pas très bien vécu.
- Ah oui ?
- Oui, j'étais attaché à mes sœurs, j'en ai six !
J'éclate de rire, et répond :
- Ça ne doit pas être facile à vivre !
- Ah non, vraiment pas, surtout quand on est le seul garçon ! Mais... J'étais très attaché à elles, et du jour au lendemain j'ai dû les quitter, c'était dur de ne plus vivre le quotidien agaçant chaque matin. Carrie qui passe des heures dans la salle de bain, Cassie sa jumelle qui foutait des saletés partout, Carla la plus grande qui passait des heures au téléphone avec ses copines et épuisait tous les forfaits, Cora la plus petite qui s'amusait à me mettre des insectes partout dans ma chambre, Cléo qui mettait toujours de la peinture partout, et Coline, persuadée qu'elle était très douée au piano alors que c'était une torture pour mes pauvres oreilles !
Je ris, et demande :
- Elles sont toutes plus petites que toi ?
- Non, Cora a six ans, Carrie et Cassie neuf, Coline quatorze, Cléo dix-sept, et Carla dix-neuf, j'étais entre Cléo et Carla. C'était leur âge avant que je ne quitte la maison.
- Je vois... Et toi au milieu de tout ça tu t'en sortais comment ?
- J'avoue que certains jours, j'avais envie de toutes les enfermer dans le placard pour qu'elles n'en sortent jamais, mais la plupart du temps, on s'amusait beaucoup. Si tu les connaissais... Tu les adorerais.
- Ça a dû être dur pour elles de te voir partir, je remarque doucement.
Il lève les yeux un moment vers le plafond, ravivant ses souvenirs, et puis il explique :
- Lorsque j'ai eu dix-huit ans, et que je me suis révélé Parallèle, c'était un samedi, je n'avais donc pas cours. J'étais avec Cléo en train de peindre quand c'est arrivé. Je me suis évanoui, et c'est elle qui a prévenu mes parents et mes autres sœurs. Ils ont compris évidemment, et ils ont appelé la police, persuadé que j'allais devenir dangereux pour mes sœurs... Bien sûr celles-ci s'y sont opposées, surtout lorsque les officiers sont arrivés pour m'embarquer. J'entendais toutes leurs pensées, mais j'étais incapable de faire le tri. Je ne comprenais pas ce qui m'est arrivé. Je me suis fait embarquer, et avant que l'on rejoigne la voiture, j'entendais mes sœurs crier. J'entendais tout leur malheur, leur détresse... Parfois, lorsque je me concentre, je peux parfois les entendre aujourd'hui, et à chaque fois ça me broie le cœur.
- Comment... As-tu été sauvé ? Je demande.
Connor sourit.
- Grâce à Astrid évidemment. Je ne sais pas comment cela marche ici, mais quand un Parallèle est repéré, nous sommes prévenus en même temps que le Gouvernement, ne me demande pas comment c'est possible seuls Flynn, Astrid et Raphaël doivent le savoir et encore. Dans tous les cas, Astrid est arrivée sur les lieux sous une autre apparence, accompagnée de Raphaël, lui aussi sous un autre physique. Ils ont réussi à me secourir, les policiers les ont vu évidemment, mais comme Astrid modifiait leur apparence, ils n'ont pas pu les reconnaître. Je ne me souviens pas exactement de la suite, mais je sais que j'ai été tracté jusqu'au QG, et que je me suis réveillé ici.
J'hoche la tête, comprenant.
- Enfin bref, ajoute Connor. Ensuite j'ai eu du mal à m'adapter, mais Flynn m'a vraiment aidé. Ce n'est pas de ce genre de chef à s'isoler et laisser tout le sal boulot à son adjoint, il a vraiment été présent pour moi, comme avec chacun d'entre nous. Il a vite compris que j'aimais faire pleins de choses, et je me suis familiarisé avec la salle de musique, d'art, la bibliothèque, l'auditorium, et puis le jardin pour faire des rôles play. Et depuis, ça va bien mieux, je me suis adapté et même si parfois je trouve le tout lassant, je cherche toujours à m'occuper. Et puis...
Il vérifie bien que personne ne peut nous entendre, puis il se penche vers moi, et dit sur le ton de la confidence :
- Et puis quand je lui demande, Astrid m'emmène parfois dehors.
Je souris, et répond :
- Celle-là ne supporte visiblement pas de respecter les règles.
Connor rit, et répond :
- Je ne sais pas, mais en tout cas ça lui fait plaisir de m'emmener prendre l'air. Si elle se faisait payer pour ce genre de services elle serait riche !
- Assurément, je réponds.
- D'ailleurs j'ai entendu dire qu'elle t'avait emmené alors que tu venais d'arriver ? S'enquit-il.
Je ris, et réponds :
- Exact, comment tu le sais ?
- Ça a fait le tour grâce à Josh, mais je l'ai appris par Alyssa quand je suis passé la voir pour l'aider à cuisiner.
- Ben oui, je suis déjà sorti, je souris.
- C'est bien ce qui me semblait, toi aussi tu ne supportes pas de rester enfermer ?
Je secoue négativement la tête, et puis répond :
- Mais je vais m'y habituer, je dois simplement trouver une activité ou quelque chose qui me sied bien.
- Ah, je veux bien t'aider ! S'exclame Connor, enjoué. Tu ne voudrais pas me servir de modèle pour un dessin d'ailleurs ?
- Qu'est-ce que vous avez à tous me demander ça ? Je ris. Violette et Louis m'ont demandé la même chose !
- C'est parce que tes traits sont vachement précis, et si tu ne bouges pas, tu ferais un modèle parfait. Tu as l'air assez photogénique aussi, il faudrait que j'essaye de te prendre en photo pour voir, j'imagine bien une scène, assis dans l'herbe, sous la pluie, quelque chose de très artistique.
J'éclate de rire, et répond :
- Ben si ça peut t'occuper, je n'y vois pas d'inconvénients, mais il faudra prévoir d'autres chocolats chauds si j'attrape encore froid.
- Ça marche ! Rit Connor.
***
Alors ?
Que pensez vos de ce nouveau personnage Connor ? Il vous plaît ?
Nouvelle cible pour Swann à votre avis ? 😋
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