Chapitre 16
Durant une semaine entière, je fais connaissance avec les Parallèles.
Comme l'avait dit Alyssa nous sommes environs une quarantaine, et de tout âge, et je me suis rendu compte que Jocelyne, celle qu'Alyssa avait traité de « vieille bique » n'a que 23 ans, comme quoi Alyssa semble avoir des petits problèmes d'estimation.
J'ai fait connaissance avec un peu tout le monde, le midi comme le soir, et j'ai pu constater de certaines choses.
Raphaël passe le plus clair de son temps en salle de sport et d'entraînement, il est souvent accompagné de garçons qui veulent en apprendre plus, et Raphaël est toujours leur mentor. Il leur apprend des techniques de combat, les aide en salle de musculation, et ils disputent des matchs sur certains sports.
Parmi ce groupe, on y voit souvent une fille, Morgane, à la carrure assez impressionnante, qui je suis sûre pourrait me réduire en miette si elle le voulait.
Les autres sont plutôt sympas, j'ai eu l'occasion de discuter avec eux à plusieurs reprises, ils semblent obnubilés par leur passion du sport, et je trouve ça assez beau cet esprit d'équipe.
J'ai pu constater qu'il y avait certains artistes, Charlène notamment qui s'amuse à prendre en photo tout ce qu'elle peut, elle peut rendre un objet insignifiant totalement artistique. Violette est un as du dessin avec Louis, ils m'ont même demandé de poser pour eux jeudi dernier afin qu'ils fassent un concours. Melody, comme l'indique son prénom, possède une très jolie voix, elle fait des duos avec Justin, et ils son souvent accompagnés au piano de Connor, eux trois passent le plus clair de leur temps en salle de musique. Et puis dans le genre art dramatique on peut y trouver Vincent, souvent accompagné de Cléa et Tao.
Côté bibliothèque, il y a la timide Elinor, qui discute parfois avec celui qui s'appelle Tom, et d'autres encore dont je ne retiens pas les noms, dont Abby, Stan et Josh qui eux vaquent un peu partout.
Dans les jardins encore les quatre fous, Luke, Leila, Lian et Iris, et j'ai déjà remarqué Alyssa jouer avec eux comme une dingue, souvent perchée dans les arbres.
Alors que je me promenais une après-midi dans ce coin-là, j'ai vu au loin Astrid écraser sa cigarette dans un cendrier, et soudain les fous ont débarqués pour qu'elle joue avec elle. Elle les a évidemment recalés, sauf que dès qu'ils ont eut le dos tourné, elle a choppé une arme de paintball et leur a tiré dessus en hurlant qu'elle jouerait Dark Vador. Puis elle est partie en courant dans la forêt tandis que les fous et Alyssa se répartissait pour jouer les personnages de Star Wars, jusqu'à ce qu'ils réalisent qu'il y avait déjà au moins Luke et Leila. Alyssa a insisté pour faire Chewbacca, sans qu'on comprenne, et puis ils se sont mis à chercher Astrid un peu partout. La jeune fille qui manipulait les autres pour s'amuser même dans un contexte comme celui-là.
Je les avais regardé partir en riant, et puis me suis éloigné.
Et enfin il reste Flynn, souvent enfermé dans son bureau, je vois très bien qu'il essaye d'être très présent pour tout le monde, mais sous son masque glacial il semble aussi exténué qu'Astrid.
En bref, tout le monde semble avoir sa place ici, son domaine de prédilection, mais moi je suis bien incapable de me ranger quelque part.
Alors du coup je fais comme Alyssa et Astrid, je tourne un peu partout, rejoignant de temps à autre Alyssa dans la cuisine pour discuter avec elle et même l'aider quand elle en a besoin, et discutant avec Astrid sur le balcon le soir pendant nos insomnies.
Car depuis que je suis Parallèle, le rêve sur ce Sean revient chaque nuit, à environ 3 heures du matin, et me réveille en sursaut. Je suis après ça incapable de me rendormir sans m'être promené. Et comme à cette heure-là évidemment tout le monde dort, je rejoins le balcon, là où je sais que j'y trouverai Astrid. La jeune fille fume de moins en moins, c'est maintenant rare qu'elle sorte une cigarette quand nous parlons, et j'avoue en être très heureux, je déteste lui faire la bise et sentir cette odeur répugnante sur elle.
Pendant cette semaine, je me suis appliqué à penser le moins possible à ma famille, surtout ma mère, et puis ce Sean, mais ça a été assez dur, je dois l'avouer.
J'ai passé pas mal de temps avec Raphaël et les autres en salle de musculation, je déteste ces machines et je ne comprends pas comment les autres mecs arrivent à survivre en faisant autant d'exercices, c'est tout simplement insupportable.
Mais tout ça m'a permis de discuter un peu avec Raph, et je me suis très vite attaché au garçon.
Il est d'une gentillesse rare, je crois que je n'ai jamais vu ça, littéralement. Toujours une petite attention pour l'un, pour l'autre, il semble connaître les petits plaisirs de chacun, et comme il est le seul avec Astrid à pouvoir sortir, il part parfois acheter pleins de choses que les autres lui demande pour eux. Il le fait parfois de lui-même, simplement comme petite attention. Dès qu'il sent que le moral de l'un flanche, il est toujours là pour parler avec lui, et l'aider à se confier. Une oreille très attentive, capable de trouver les mots qui rassurent.
Il semble pourtant endosser un tel poids sur ses épaules, que je me suis un jour inquiété, me demandant si ce n'était pas mauvais pour lui de penser toujours aux autres, et jamais à lui-même.
Un matin où nous étions seul, je l'ai vu craquer, et se confier à moi.
Il m'a avoué se sentir plus en confiance avec moi que d'autres, je n'ai pas vraiment compris pourquoi au début puisque nous ne passions pas tant de temps que ça ensembles, et puis j'ai fini par comprendre.
Raphaël est gay, et n'accepte pas son homosexualité. Lorsqu'il a compris ma propre orientation sexuelle, il s'est senti en confiance, et a cherché à en parler avec moi.
Alors je l'ai aidé. Nous avons parlé pendant si longtemps que nous avons fini par nous enfermer pour ne pas être dérangé, et quand j'ai compris qu'il n'y avait aucune chance qu'il puisse tomber amoureux d'Alyssa, j'étais dégoûté.
Cette discussion a fait du bien autant à l'un qu'à l'autre, dans un contexte aussi spécial que celui dans lequel nous nous trouvons, nous pourrions presque penser que nous sommes normaux, et pas des monstres recherchés par le gouvernement pour être exécutés.
Connaissant ainsi le secret de Raphaël, ceci nous a beaucoup rapproché, et je me suis maintenant attaché au jeune homme.
Même chose pour Alyssa et Astrid, je m'entends bien avec les autres que j'ai cité, mais ces trois-là me sont devenus chers en à peine une semaine. J'adore passer du temps avec eux, et je les apprécie pour leurs qualités totalement différentes.
Alyssa est littéralement adorable, j'essaye de la ménager rapport à Raphaël tout en gardant son secret, mais ma position est très délicate. La jeune fille semble avoir la faiblesse d'une enfant innocente, et la force d'une adulte ayant grandi trop vite. Je suis persuadé qu'elle a un mental d'acier, mais qu'elle n'en a pas conscience elle-même.
Raphaël pour les raisons que j'ai cité, je me suis attaché à lui, et puis il reste Astrid, avec qui je partage beaucoup.
Alyssa m'a confiée que la Parallèle semblait revivre depuis que je suis là. Je lui fais apparemment oublier Flynn, simplement avec nos discussions nocturnes, et le fait de parler autant semble l'aider. Astrid retrouve apparemment le sourire, et se remet à s'amuser comme elle aimait le faire. Son esprit aventurier correspond au mien, son goût du risque également, en revanche sa froideur et sa force de caractère semble s'écarter totalement de moi parfois.
Dans tous les cas, la seule personne qui reste un immense mystère pour moi, c'est Flynn.
Je le vois parfois, et à chaque fois mon cœur rate un battement, subjugué par la beauté que cet homme possède.
Mais il parle très peu, ses deux cercles translucides semblent sans cesse animés de cette malice glaciale, et son sourire est parfois figé, sa cigarette coincée à l'intérieur.
Je suis à la fois fasciné et terrifié par ce qu'il dégage. J'aimerais en apprendre plus comme m'éloigner. C'est assez contradictoire, je suis à la fois très attiré et repoussé, et je ne sais pas trop comment le gérer.
Je n'en ai pas parlé avec Astrid, la situation est délicate, et j'attends qu'elle vienne d'elle-même me parler de sa relation avec Flynn, je suis persuadé qu'elle finira par le faire.
Mais je suis patient moi.
Je saurais attendre, pour tout.
***
Nous sommes mardi 16 juin, exactement une semaine après mon anniversaire lorsqu'à l'aide de Tom, j'ai trouvé un roman d'Agatha Christie dans la bibliothèque, Mort sur le Nil.
Je l'ai déjà lu trois fois, mais il est celui que j'ai le moins relu dans la collection de mon auteure préférée, alors c'est avec plaisir que je m'y plonge, essayant de faire abstraction du fait que je suis désormais totalement Parallèle.
J'en suis peut-être à la moitié lorsque trois coups sont frappés à ma porte.
Je n'ai pas le temps de donner la permission que j'entends la porte s'ouvrir, et agacé, je lâche mon livre sur mon lit, et tourne la tête vers l'entrée de ma chambre.
La carrure de Flynn fait son apparition, et je dois me concentrée pour garder le fil de mes pensées.
- Tu ne sais toujours pas attendre la permission avant d'entrer à ce que je vois ? Je remarque pour m'aider.
Flynn esquisse un petit sourire, et je remarque qu'il n'y a pas l'ombre d'une cigarette sur lui.
- Je suis lent à apprendre, répond-il.
Surpris de sa visite, je fais passer mes jambes de l'autre côté du lit, me lève, et puis m'approche de lui en fourrant mes mains dans mes poches.
- Pourquoi cette visite ? Je demande.
Flynn fait un pas vers moi, et puis je lis très brièvement dans son regard qu'il est inquiet.
- Tu n'aurais pas vu les filles ?
- Lesquelles ?
- Alyssa et Astrid.
Je réfléchis une seconde, et puis répond :
- Alyssa tôt ce matin dans la cuisine. Et Astrid cette nuit au balcon. Sinon non.
Le regard de Flynn semble se perdre derrière moi, et puis je fronce les sourcils.
- Pourquoi tu me demandes ?
- Tu n'as rien remarqué d'étrange ? Interroge Flynn sans me répondre.
- Flynn il se passe quoi là ? Je coupe.
Je sens qu'il fait son maximum pour cacher son inquiétude, il stresse, il ne s'en rend peut-être pas compte, mais ses mains tremblent très légèrement, et ses yeux me fuient.
Son sourire est intact, son regard aussi, mais il semble avoir du mal à me regarder, et il cache ses mains.
Sa mâchoire semble contractée, son dos tendu, et puis il soupire, vérifie que personne ne l'entend, et chuchote près de mon oreille :
- Elles ont disparu.
- Quoi ? Je m'écrie.
Flynn me fait un signe insistant de la main comme pour m'intimer la discrétion, et puis il pose sa main sur mon torse pour me faire reculer.
Ce contact me vaut une brusque bouffée de chaleur, et de sa main il me pousse à l'intérieur, refermant la porte derrière nous.
- Vers quelle heure as-tu vu Alyssa ?
Comprenant qu'il est réellement inquiet, et que la situation semble plus grave que prévu, je réponds :
- Je crois qu'il était sept heures du matin. Aux environs, nous nous rejoignons en cuisine parfois avec Alyssa à cette heure-là.
- Et hier avec Astrid ? Comment était-elle ?
Je fronce les sourcils, sa question ne semble pas totalement porter sur la disparition des filles. Serait-il jaloux ?
Il semble lire en moi, alors il répond :
- J'ai remarqué que vous sembliez proches. Est-ce qu'elle s'est confiée ? A-t-elle dit quelque chose d'important qui expliquerait pourquoi les filles ne sont plus là ?
Flynn n'est pas idiot, il veut faire d'une pierre deux coups, voir si j'ai des infos sur l'endroit où pourraient être Astrid et Alyssa, et aussi savoir si je sais ce qu'il a fait à Astrid.
- Non, elle était normale. Elle n'est pas confiée non plus. Et Alyssa pareil, elle semblait juste un peu plus surexcitée qu'habituellement parce que demain c'est l'anniversaire de Raphaël.
Flynn arque un sourcil, et demande :
- Plus surexcitée ? Comment ça ?
- Eh bien elle gesticulait dans tous les sens, encore plus que d'habitude, elle cuisinait je ne sais combien de trucs, je crois qu'elle organise un repas pour lui une surprise, un cadeau ou...
- Un cadeau, souffle soudain Flynn.
Ses yeux s'éclairent soudain.
Il ouvre la bouche, le visage écarquillé en une expression horrifiée, et puis il souffle :
- Merde...
- Qu'est-ce qui se passe ? Je demande, ne comprenant pas.
Flynn passe la main dans ses cheveux, cette fois vraiment inquiet, et puis il répond :
- Je pense qu'elles sont sorties du QG vers dix heures, c'est là que j'ai vu qu'Astrid n'était plus là, et que plus personne ne semble avoir vu Alyssa. Il est quinze heures.
- Et alors ? Je demande. C'est beaucoup ?
- C'est énorme Swann, répond Flynn en plantant ses yeux dans les miens.
Son regard me glace littéralement.
Je me fige, une longue coulée froide dégoulinant le long de mon échine.
- Personne n'est jamais sorti aussi longtemps, même Raphaël et Astrid ne reste jamais aussi longtemps dehors.
- Pourquoi sont-elles sorties ?
- On connaît Alyssa. Elle a dû vouloir aller acheter un cadeau pour Raphaël. Elle ne pouvait pas demander à celui-ci de l'accompagner. Alors c'est à Astrid qu'elle a demandé. Et Astrid accepte toujours d'emmener quelqu'un dehors.
- Merde... Je souffle, comprenant qu'il a raison.
- Sauf que même si Astrid adore enfreindre les règles, il y a des limites qu'elle ne dépasse jamais, ajoute Flynn. Elle sait que c'est trop dangereux, et pour elle et pour la personne qu'elle emmène de rester trop longtemps dehors. Parce qu'elle est incapable de maintenir une illusion aussi longtemps.
J'écarquille les yeux, cette fois-ci comprenant toute la gravité de la situation.
- Alors si Astrid et Alyssa ne sont pas encore revenues, c'est qu'il y a quelque chose qui les en a empêchés.
- Et il n'y a plus qu'à prier pour qu'elles ne se soient pas déjà faites attrapées, ajoute Flynn.
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