Je traverse l'allée, les mains dans les poches, un petit sourire aux lèvres.

Mon sourire n'est pas forcé comme on aurait pu le croire au premier abord.

Je souris parce que je sais que tu aurais aimé que je le fasse en cet instant, alors que les gens qui marchent devant moi font une tête d'enterrement. Et c'est le cas de le dire.

Je formule chacun de ces mots dans ma tête, et je les coucherai sur le papier plus tard. J'en aurais le temps, maintenant que nous ne serons plus occupés à échapper au Gouvernement.

En attendant je réfléchis, et je pense à toi.

Tu aurais éclaté de rire en voyant tout le monde habillé en noir, t'aurais sorti quelque chose comme "Faites pas cette tête on dirait que je viens de mourir, tocards".

Moi j'aurais ris, comme Flynn sûrement, mais les autres t'auraient jaugé d'un mauvais œil. Tandis que tu leurs aurais offert l'un de tes sempiternels sourires moqueur.

Ça y est, le cercueil descend dans le grand trou qui a été conçu pour t'accueillir. J'ai l'impression d'entendre une voix à capela dans mon dos alors que les cloches sonnent d'un air funèbre.

J'ai gardé mon petit sourire sur les lèvres, parce que si jamais tu me vois de la haut je sais que ça te ferait rire. Et j'ai envie de t'imaginer rire.

Le prêtre dit quelques mots encore, et puis les gens autour de moi font silence.

Flynn est aux premières loges, ne t'en fais pas pour ça. Il a tout organisé dans les moindres détails, même s'il est malheureux comme les pierres.
Alyssa est à ses côtés, avec Raphaël.
Tous les deux font de leur mieux pour soutenir ton homme, ils sont formidables, et mettent de côté leur propre chagrin.

J'aurais bien aimé les y aider, mais je n'aurais pas trouvé les mots pour.
Les mots doux, Alyssa le gère. Les mots réconfortants, Raphaël s'en occupe aussi.

Et les discours qui revigorent, les discours qui font prendre conscience des choses, c'était ton truc à toi ça.

Je préfère prendre une vue d'ensemble, regarder les Parallèles fixer ton cercueil descendre d'un air vide, et les autres personnes qui ne te connaissaient même pas attendre la fin de la cérémonie.

Tu l'aurais détestée cette cérémonie. Tu aurais sans doute voulu quelque chose de discret, une incinération pourquoi pas, je ne sais pas.

Mais je sais que tu n'aurais pas aimé ça.

Le problème, c'est que le Président Williams a affirmé que ton enterrement était le premier petit pas vers notre nouvel avenir parmi les humains.

Celui qui t'as lâchement assassiné a payé, et ta mort représente malheureusement l'avenir.

C'est cet acte effroyable qui a décidé la plupart des êtres humains à voter pour notre survie.

Certains diront "un mal pour un bien".

Mais en toute honnêteté, j'aurais préféré être exécuté avec toi deux jours après le discours plutôt que de voir la perspective d'un avenir sans toi.

C'est con hein, en parlant comme ça j'au l'impression d'être ton amant, ton fiancé ou quelque chose du genre.

Mais notre relation n'avait rien avoir avec ça, elle était aussi spéciale qu'inqualifiable.

Tu as veillé sur moi pendant de longues années, sans que je m'en doute. Tu as tout fait pour me protéger, me sauver, alors que tu ne l'aurais fait que pour rares personnes.

Et pour moi tu as toujours été d'une importance inégalable.

J'ai connu la vie sans toi pendant longtemps, c'est vrai.

Mais maintenant que j'ai eu la chance de partager quelques semaines avec toi, il me paraît impossible d'envisager un avenir sans une Astrid.

Ça y est, les gens commencent à partir.

Je les regarde faire, ils s'éloignent, jettent un regard en arrière, face aux jolis fleures sur ta tombe.

Tu l'es aurais détestées aussi celles là je parie.

La voix de Connor m'interpelle lorsqu'il me demande si je vais le suivre.

Il a marché derrière moi tout le long, sans jamais me sortir de mes pensées.

Et je l'en remercie intérieurement, ça m'arrange de rester avec toi pour l'instant.

Flynn s'en va avec Raphaël et Alyssa. Je leur dis que je les rejoints plus tard, j'ai envie d'être seul.

Je ne souris plus cette fois, l'envie m'en manque.

La nuit ne vas pas tarder à tomber, mais la chaleur de ce mois de juillet est toujours aussi étouffante.

Je jette un petit coup d'œil autour de moi, vérifiant que cette fois je suis bien seul.

Je réfléchis une seconde, mon regard se pose près de ta pierre tombale blanche, et puis je retire les mains de mes poches étant saisit d'une idée.

Les fleurs fraîchement posées sont très jolies, c'est vrai.

Je rassemble quelques cailloux blancs, et puis les dispose autour de ta tombe, ton cercueil encore visible dans le grand trou.

Je dessine une étoile. Parce que les étoiles brillent, et que toi aussi.

Une fois que j'ai finis, je me relève, les genoux pleins de terre, et observe mon œuvre.

Et puis, je glisse une main dans ma poche et sens immédiatement un contact glacé.

Je ressors la chaîne d'Ella, et puis l'observe quelques secondes.

C'est cette chaîne qui nous a sauvé souvent, et je ne l'oublierai pas.

Mais il est temps que tu la récupère.

Ne t'en fais pas, je ne l'ai pas faite tomber dans les toilettes ou ailleurs.

J'en ai pris soin, comme jamais.

Je me baisse de nouveau, me penche en avant, et jette la chaîne sur ton cercueil.

Le bruit métallique tinte à mes oreilles, et je l'entends résonner quelques secondes dans ma tête.

Je pousse un soupir, et puis me laisse tomber à genoux, comme ça, au bord du trou.

J'attends, pose les mains sur mes cuisses, et laisse mon regard dériver sur ta pierre tombale.

Ma nuque tombe en arrière, je ferme les yeux une minute, puis les rouvre, sur le ciel encore dégagé.

Ils sont secs encore, je n'ai pas versé une larme depuis que tu es partie.

J'aurais aimé, mais j'en ai été incapable parce que je suis encore dans le déni et la colère.

J'inspire, et puis me redresse.

Je laisse échapper un petit rire, et lâche :

- Tu sais, j'imagine encore que tu vas sortir de derrière cette pierre pour me lâcher "t'as cru te débarrasser de moi ? Raté gamin !" (Petit rire) Ça fait 9 jours déjà. Ça aurait été bien qu'avant de partir tu nous préviennes, histoire qu'on s'habitue à vivre sans la chieuse que tu étais. Pfff... t'es chiante bordel. On avait encore besoin de toi en bas, j'suis persuadé que la haut ils s'en foutent de toi. J'espère même secrètement que tu l'es énerves tellement qu'ils finiront par te renvoyer chez nous. Les pauvres, ils savent pas ce qu'ils ont gagné (Sourire). Bon, ce qui me fait plaisir c'est que tu as rejoint Ella et Thomas. Je sais que tu avais besoin d'eux, et que maintenant ils ont la chance de t'avoir. Si les choses avaient été différentes, j'aurais voulu connaître les deux tu sais. Même si je me doute que tu te serais débrouillée pour m'éloigner de Thomas de peur que je le rende adulte plus vite (rire). Ah, quelle vision tu avais de moi vraiment. Tu sais, j'aurais bien aimé que tu me protèges encore un peu de Flynn. Maintenant que tu es partie, j'ai très peur de la suite. Il ne retrouvera jamais le bonheur tu en as conscience ? Il en a été privé, quelle sale vie. Depuis que tu as été brutalement abattue, je n'ai cessé de me dire que la personne qui le méritait quand même le moins, c'était bien toi. Les égoïstes s'en sortent toujours en général, parce qu'ils n'écoutent qu'eux. Tu es la personne la plus intelligente que je n'ai jamais vu sur cette Terre, avec cette qualité et le défaut que j'ai cité tu pouvais aller loin. Tu aurais pu, oui. Mais parce que nous, on voulait que tu cites ce discours, tu es morte. N'importe qui d'autre l'aurait récité aurait été a ta place aujourd'hui. Ça aurait pu être Flynn, Connor, Alyssa, Raphaël, Sean, Mike... ou moi. Tu as accepté, et signé ton arrêt de mort aussitôt.La seule chose qui me réconforte dans ta mort c'est qu'au moins, tu n'as pas tant souffert que ça. Tu aurais pu finir entre les mains de Tom et trépasser sous la torture. Au lieu de ça, la scène a été si choquante et si rapide que tu n'as pas eu le temps de comprendre ce qu'il t'arrivait. Je me demande quelles pensées t'ont traversées à ce moment là. Tu avais peur ? Tu était triste ? Je me souviens de ton regard quand Flynn s'est jeté sur toi. Il a brillé une seconde, et puis il s'est brusquement éteint. Je n'ai pas tout de suite réalisé que je ne le verrais plus jamais briller de cette lueur glaciale qui t'animait. Astrid... prononcer ton nom à voix haute, c'est bizarre (sourire). Il te va bien je trouve... un peu brut, franc, froid, et pourtant malicieux, plein de vivacité et d'intelligence. Je l'aime beaucoup. (Inspiration). Je pourrais m'attarder ici des heures tu sais, à te parler sans réponses, sans t'entendre me traiter de gamin, m'appeler "chéri", "Swannou", ou encore "idiot". J'aimais ton franc parler, tes réactions étranges, et ta capacité à réagir en temps de crise. Oh oui, tu avais tellement de défauts qu'on ne pouvait pas les compter. Mais ta capacité à tout assumer t'en a rendu incroyable. (Longue pause). Ceci n'est pas un au revoir. Je n'ai pas envie de te le dire en fait. Je vais te revoir, j'en suis persuadé. Mais pas dans le même monde. Et pas tout de suite. Je vais tout faire pour que les gens autour de nous soient heureux, parce qu'ils méritent de l'être autant que toi tu le méritais. Astrid... (fêlure), tu étais une belle personne. Tu méritais tellement mieux... tu as été plus blessée et torturée que n'importe qui, autant physiquement que moralement, même moi avec mon visage brûlé. Mais tu n'aurais pas aimé que je te plaigne, alors je ne vais pas le faire. Je vais simplement te dire que tu avais raison. Nous allons tous mourir un jour. Toi simplement un peu plus tôt que nous, et pour une seule chose. Parce que tu nous as offert la vie, en échange de ta mort.

C'est à ce moment là que j'explose en sanglot.

Incontrôlable, mes épaules se secouent tellement que j'ai peur qu'elles se déboîtent.

Je finis par murmurer entre deux hoquets :

- Au revoir Astrid...

***

Coucou !

Je vous ai fait un petit bonus un peu triste... Je trouvais ça brutal de tout terminer comme ça.

La mort d'Astrid est déjà assez choquante comme ça, elle avait besoin d'un "au revoir".

Je ferais sans doute d'autres bonus si l'inspiration m'en dit.

Merci beaucoup pour toutes ces lectures, Parallèles est officiellement mon histoire la plus lue et j'avoue ne pas trop comprendre pourquoi, j'aurais pensé à d'autres histoires que j'ai écrite :)

Merci pour tout, je suis plus calme qu'à l'accoutumée en écrivant ces mots, j'aimerai pouvoir vous remercier autrement qu'avec des mots basiques.

À bientôt mes petits lecteurs que j'aime d'un amour platonique,

Clarisse 🦊🥀🍃