8. Nouveau départ
Les rayons du soleil qui me chatouillent le nez me forcent à cligner des yeux plusieurs fois avant de réussir à les ouvrir. Je ne me souviens pas m'être endormie. Ma position est globalement similaire à celle dans laquelle j'ai sombré quelques heures plus tôt ; je suis confortablement lovée entre les bras de Tanguy qui m'entourent toujours. Un faisceau lumineux éclaire son visage harmonieux et apaisé, relevant sa beauté naturelle. Il me faut user d'une grande force mentale pour détacher mes yeux de lui.
Bien que je n'ai aucune envie de bouger, je m'extraie doucement de ses bras pour attraper mon téléphone et prendre connaissance de l'heure. Mon mouvement le fait remuer et grogner légèrement. Il resserre son étreinte autour de ma taille et je ne peux m'empêcher de trouver ça terriblement attirant.
Les chiffres qui s'affichent sur l'écran me rappellent malheureusement à l'ordre. Il est presque 9 heures et les filles sont peut-être déjà debout. Je m'extirpe à regret de ce lit dans lequel j'aurais bien prolongé mon séjour. Tanguy me libère et change de position sans se réveiller complètement.
Je quitte son t-shirt pour enfiler ma robe de la veille et me dirige vers la chambre où ma valise m'offrira un autre choix de tenue. Dans le couloir, je croise justement Adèle à la recherche de son père. À quelques minutes près, elle m'aurait vu sortir de sa chambre, ce qui n'est sûrement pas ce qu'il aurait voulu. Je lui indique la bonne direction en ne laissant rien paraître du trouble qui échauffe mes joues.
Après un brin de toilette, je revêts un jean plus confortable et rejoins le petit déjeuner. Margaux, assise à une table avec Adèle et son père, me fait un signe de la main. Je croise le regard de Tanguy et le sourire à la fois doux et complice que nous échangeons me réchauffe le cœur.
Encore un peu ensommeillé, mon frère est en train de se servir un café. Je m'approche de lui avec une tasse et un sourire empli de sous-entendus.
"Tu as passé une bonne nuit ?
— Merveilleuse, répond-il sans se laisser démonter. Mais parlons potins. Avec Elodie, nous voulons absolument savoir qui a conclu avec qui cette nuit. On a parié sur le nombre de couples que notre mariage allait créer.
— Hé bien, ton témoin s'est visiblement amusé avec cette demoiselle." dis-je en désignant les deux auteurs du raffut de cette nuit qui entrent timidement dans la pièce.
Son regard se pose ensuite sur un couple de personnes âgées à la conversation animée, visiblement en pleine dispute.
"Et eux, tu penses ?
— À coup sûr.
— Voilà qui fait au moins 2. Et qu'en est-il de ton charmant chevalier qui n'arrête pas de jeter des regards par ici ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— S'il-te-plaît, il faut absolument que je gagne ce pari ou c'est moi qui devrait payer le champagne dans l'avion.
— Dommage pour toi, il ne s'est rien passé. Mais je suis sûre qu'en cherchant bien tu pourras détecter de parfaits suspects. Bon courage, Sherlock. Et merci pour le café."
Son regard suspicieux montre qu'il ne me croît qu'à moitié, mais son attention se reporte sur sa femme qui entre à cet instant. Elle est resplendissante. Comment fait-elle pour rayonner encore après cette nuit de fête ?
Je les laisse se retrouver, bien que je ne sois pas certaine qu'ils se soient quittés bien longtemps depuis qu'ils se sont dit "oui". Ma mère m'interpelle et me dresse le bilan complet des festivités de la veille ainsi que le plan du rangement qui va suivre. Elle n'a pas l'air décidée à s'autoriser la moindre pause avant la fin de l'évènement.
Souhaitant épargner les jeunes mariés, je me dévoue pour l'aider à diriger le rangement de la matinée. Après avoir distribué les tâches aux volontaires, je fais un tour dans le jardin afin de récupérer les verres abandonnés ça et là.
"Nous n'étions visiblement pas les seuls à profiter du jardin, hier."
Mon cœur rate un battement. Tanguy, avec qui je n'ai pas eu l'occasion d'échanger un mot depuis ce matin, se tient derrière moi, une coupe dans chaque main.
À sa vue, une surprenante chaleur envahit ma poitrine. Je crains que le sourire que je lui adresse ait l'air tout sauf normal.
"Il faut croire que le charme du lieu n'a pas attiré que nous.
— Il n'y a pas que le lieu qui m'a charmé."
Je manque de laisser tomber le verre que je tiens entre mes mains. Ses iris océan me percent à nouveau et poussent mes bonnes résolutions à s'envoler. Qu'a-t-il fait des siennes ?
Mais derrière son ton assuré, son expression laisse transparaître son hésitation. Je recule d'un pas alors qu'il s'avance pour poser la fragile vaisselle à côté de celle que j'ai déjà récolté. Dans ma manœuvre, les feuilles d'un arbuste viennent me chatouiller la nuque.
"Ah oui ? sont les seuls mots que je parviens à prononcer alors que les souvenirs encore frais de notre étreinte tardive ressurgissent dans mon esprit.
— Nous n'avons pas pris le temps de parler de ce qu'il s'est passé...
— Il faudrait le prendre, en effet."
Mais dans l'immédiat, je n'ai pas envie de parler et je comprends vite que ce n'est pas non plus son cas.
Il m'attire à lui et m'embrasse. Le picotement des branches qui s'enfoncent dans mon dos n'est rien comparé aux sensations que me procurent ses lèvres sur les miennes et ses doigts qui caressent ma mâchoire.
"Pourquoi ai-je l'impression de faire encore une bêtise ?" souffle-t-il, son front pressé contre le mien.
Je dois reprendre ma respiration avant de lui répondre.
"Un jour, quelqu'un m'a dit qu'il fallait parfois se lancer pour savoir si ça valait le coup.
— Es-tu sûre qu'il était de bon conseil ?
— Certaine.
— Peut-être que je réfléchis trop..."
Je fixe mon regard dans le sien et me décide à lui parler franchement.
"Tanguy... Ces derniers jours avec toi ont été fantastiques. Je trouve que tu es une personne formidable, ce qui te rend sûrement encore plus attirant.
— Je sais que..."
Il se tait à l'entente de bruits de pas dans les graviers. Margaux et Adèle s'approchent joyeusement, ignorant tout de ce qui aurait pu se jouer à cet endroit.
Qu'allait-il me dire ? J'ai la désagréable impression que ce moment qui aurait pu être décisif s'est terminé avec les occasions qu'il présentait. C'est peut-être une bonne chose que les filles aient débarqué. Mais alors pourquoi est-ce que je me sens aussi frustrée ?
L'heure du retour arrive bien trop vite à mon goût. Comme nous nous y attentions, Margaux insiste pour être du voyage. Je n'ai aucune hâte de retrouver ma voiture qui m'attend au garage. Je sais ce que signifie ce trajet. Je sais qu'il sonnera la fin d'une aventure aussi douce qu'inattendue. Au fond de moi, je sais que j'aurais aimé que cette rencontre ne reste pas qu'une halte passagère.
Au bout d'une heure de route relativement calme, nous faisons une pause pour que les filles puissent se rendre aux toilettes et se dégourdir les jambes. Elles filent vers l'aire de jeux et je les regarde s'amuser avec un brin d'émotion.
Une main se loge dans la mienne. C'est celle de Tanguy. Son regard est aussi dirigé vers les filles qui jouent ensemble. Contrairement à moi, elles ne semblent pas se soucier des adieux qui approchent.
Je ne peux pas me résoudre à me dire qu'on ne se reverra plus après ce week-end. Il y a quelque chose chez lui que je n'ai trouvé chez aucun autre homme. Quelque chose d'assez fort pour que je m'attache à lui en moins de trois jours.
Une légère pression sur ma main m'indique qu'il s'est rendu compte que je suis plongée dans mes pensées. Lui aussi paraît préoccupé.
"Ça va s'arrêter là, alors ? Tu vas récupérer ta voiture, rentrer chez toi et on va se perdre de vue pour toujours ?
— Tu penses que c'est mieux comme ça ?"
Il ne me répond pas immédiatement et scrute mon visage comme si la réponse s'y trouvait.
"Ce serait une terrible erreur de te laisser repartir et de se contenter de ranger ce week-end dans la case des souvenirs agréables. Je sais qu'on se connaît depuis peu, mais j'ai envie de passer plus de temps avec toi. J'ai envie de continuer d'apprendre à te connaître. Et toi ?"
Une explosion de joie se produit dans mon cœur et inonde ma poitrine. Je n'ai pas les mots pour lui dire à quel point ses paroles me soulagent, à quel point je suis en phase avec lui.
Alors je fais la seule chose dont j'ai envie depuis que nos lèvres se sont séparées ce matin. Je l'embrasse, sans me soucier des personnes autour ou des filles qui jouent à proximité. Loin de me repousser, il m'étreint et approfondi tendrement ce baiser empli de promesses.
Quand nous remontons dans la voiture pour reprendre la route, j'ai l'impression d'être une adolescente qui vient de recevoir son premier baiser. Dans l'emballement de mes sentiments et de mes émotions, je n'ai qu'une seule certitude : j'ai fait ce week-end une rencontre qui s'apprête à marquer ma vie.
Finalement, je crois que cette nuit d'orage ne s'est pas révélée si inopportune qu'elle ne le présageait.
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