Nous nous asseyons sur le canapé et je prends soin d'éviter tout contact entre le dossier, mon pull et mes cheveux mouillés. À l'intérieur, le bruit du tonnerre est moins impressionnant mais son grondement reste audible en arrière-plan. Margaux et Adèle sirotent leur chocolat chaud, la même moustache de lait cacaoté bordant leurs lèvres. Je serre ma tasse fumante entre mes doigts pour me réchauffer.

"Qu'est-ce qui vous amène par ici ? interroge notre hôte que je remercie intérieurement d'entamer la conversation.

— Nous nous rendons à un mariage, à environ deux heures d'ici. Mais ma voiture semble avoir d'autres projets.

— On ne peut pas la blâmer de vouloir vous faire visiter la région, plaisante-t-il, mais je vous accorde qu'elle aurait pu choisir un moment plus opportun.

— Elle préfère visiblement la natation au tourisme."

Il rit et prend une gorgée de tisane. Son expression amicale et son sourire chaleureux complètent l'effet réconfortant de la boisson chaude.

"C'est une jolie maison, déclare Margaux qui semble sortir de sa timidité.

— C'est mon papa qui l'a rénovée et décorée, répond fièrement Adèle.

— Vous avez bon goût, commenté-je.

— Merci. Vous avez déjà mangé ? Si vous avez faim, je peux vous réchauffer les restes du dîner.

— C'est gentil, merci, mais nous avons pique-niqué sur la route."

Il insiste malgré tout pour nous offrir des biscuits, proposition que les deux petites filles accueillent avec enthousiasme. Il me rapporte même une serviette dans laquelle je m'enroule bien volontiers. Cet inconnu hospitalier m'inspire confiance, et je soupçonne que son aspect rassurant soit lié à son manifeste instinct paternel.

Je pose quelques questions sur la région qu'il me présente avec engouement. Il me parle des balades à faire, des animaux à observer, de la richesse des lieux à visiter et de la diversité des paysages à admirer. Ses descriptions réveillent mon cœur d'aventurière et me font regretter de n'être que de passage.

"L'orage a l'air de s'être un peu calmé. Nous pouvons peut-être réessayer, remarque notre hôte en se dirigeant vers le téléphone.

— Alors ?

— Ça ne fonctionne toujours pas.

— Décidément, le ciel n'est pas de notre côté ce soir. Heureusement que vous êtes là.

— Malheureusement, je ne pense pas que ce soit réparé avant demain. Je peux vous proposer de passer la nuit ici. Nous avons une chambre d'amis. Et avant que vous ne disiez quoi que ce soit, non, ça ne me dérange pas." assure-t-il en me voyant prête à répliquer.

Je jette un coup d'œil vers Margaux qui tombe de fatigue avant de me retourner vers lui. Je ne vois pas d'autre solution raisonnable que celle qu'il me sert sur un plateau.

"Je crois que vous êtes notre sauveur... Je ne sais pas comment vous remercier.

— Je n'attends pas que vous le fassiez, réplique-t-il avec un sourire rassurant.

— Je vais aller chercher notre valise dans la voiture.

— Attendez, je vous accompagne."

Je ne négocie pas, ravie du parapluie bien plus fonctionnel qu'il me propose. Nous élevons un peu la voix pour nous entendre malgré le vacarme de la pluie sur la toile.

"Votre fille est adorable. Quel âge a-t-elle ?

— 9 ans, et la votre ?

— Oh, ce n'est pas ma fille mais ma petite sœur. Elle a pris son temps pour arriver, alors nous avons un grand écart d'âge. Ça porte parfois à confusion, sourié-je. Elle a 10 ans."

Il s'excuse pour sa conclusion hâtive, comme s'il craignait de m'avoir vexé. Je ne le prends pas mal, bien au contraire. Cette relation particulière que j'ai avec ma petite sœur que j'ai vue grandir et dont j'ai changé les couches est une réelle fierté pour moi.

"Voilà la coupable, désigné-je mon véhicule qui se profile devant nous.

— Vous savez d'où vient le problème ?

— Le voyant moteur est allumé, mais je n'ai pas réussi à déterminer pourquoi.

— Je pourrais y jeter un coup d'œil demain, si vous voulez.

— Alors en plus d'être sauveteur et décorateur de maison, vous êtes aussi mécanicien ?

— Voici un autre de mes talents." rit-il à mon énumération.

Le tonnerre gronde, suivi d'un nouvel éclair nous incitant à nous hâter. Je récupère la valise dans le coffre et nous regagnons rapidement la maison.

Tanguy nous conduit dans une pièce à la décoration épurée, meublée d'une armoire et d'un bureau. Il déplie le canapé-lit et y installe des draps propres avec l'aide de sa fille.

"Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas, nous assure-t-il. La salle de bain est au bout du couloir."

Nous les remercions chaudement avant de nous écrouler de fatigue. J'enfile enfin des vêtements secs et m'allonge à côté de ma sœur qui s'est déjà endormie.

La mère de la petite Adèle semble être absente ce soir. Nos hôtes ne l'ont pas mentionnée, et je n'ai pas l'intention de paraître intrusive en les embarrassant de questions indiscrètes.

Dans cette aventure désagréable, je dois reconnaître que nous avons de la chance d'être tombées sur ce père de famille hospitalier. J'aimerais avoir plus de personnes comme lui dans mon entourage.

Je n'ai pas le temps de me laisser envahir par mes pensées que je me sens déjà sombrer dans le sommeil, malgré le vacarme des gouttes qui tapent contre les volets.