9 - Le cadeau
Depuis quelques semaines déjà, Aliyah se sentait plus complice que jamais avec Thomas. C'était comme si toutes ces années passées sans se parler n'avaient jamais compté. Qu'il n'y avait jamais eu de séparation entre eux. Leur amitié avait toujours été là, elle ne s'était jamais envolée. Comme l'impression que ces dix ans n'avait en fait été qu'une journée.
Et aujourd'hui, pour la cinquième fois au moins, elle osait se rendre à la demeure des Heden. Chaque fois, Thomas l'accueillait, puis ils passaient la journée ensemble, soit au bateau, soit sur l'île. Aliyah n'était jamais autant sortie depuis un moment. D'habitude, on la voyait toujours trainer autour de chez elle comme une âme perdue. Et là, elle parcourait l'île, le sourire aux lèvres, accompagnée du blondinet.
Mais avant de pouvoir se rendre chez ce garçon, son frère, qui était en train de se regarder dans un miroir, l'interpela avant qu'elle ne puisse franchir le seuil de la porte.
- Ali ! s'exclama-t-il en s'avançant vers elle.
Se stoppant net, elle se tourna vers son frère, les sourcils haussaient.
- Oui ? répondit-elle, surprise.
Odilon referma la porte qu'elle venait d'ouvrir, se tenant face à elle. Cela annoncé visiblement une longue conversation, et qui plus est importante.
- Il y a un problème ? demanda-t-elle finalement.
- Un petit. Enfin, pas pour moi, mais pour les autres. En fait... Euh... hésita le garçon, semblant gêné, c'est à propos de Thomas.
Aliyah cligna plusieurs fois des paupières. À propos de Thomas ? Ça ne sentait pas bon.
- Hm... ?
- Tu sais, les gens parlent. L'île est grande, mais tout le monde se connait... Et... Ils disent que... Thomas est en train de te retourner le cerveau. Comme a tenté de le faire son père il y a dix ans de ça.
- Quoi ? fronça-t-elle les sourcils. Mais c'est n'im-...
- T'énerves pas ! la rassura-t-il en levant ses mains. Je sais que c'est faux, il ne te retourne pas le cerveau. Je voulais juste te le dire. Je pense que tu devrais faire attention Ali, finit-il par dire sur un ton concerné. Essayez d'être discret, quand vous voulez vous voir. Je ne voudrais pas qu'ils vous arrivent des problèmes à tous les deux. Thomas a déjà assez pris comme ça.
Les paroles du bouclés étaient plutôt surprenantes. Odilon était en train d'approuver leur fréquentation ? Certes, purement amicale, mais c'était tout de même de Thomas dont il parlait. Alors, elle acquiesça simplement, comprenant les dires de son frère. Il lui offrit un petit sourire, puis la laissa sortir de la maison.
Elle tenait un petit paquet emballé contre sa poitrine tout en marchant vers la maison de Thomas. C'était un cadeau, qu'elle tenait vraiment à lui faire. Désormais, elle ne faisait plus les choses juste pour que son ami reste, elle faisait les choses de façon sincère. Ce cadeau, il venait du cœur.
Quand elle se retrouva devant la porte, avec le nom « Heden » gravé dans le bois, elle frappa trois fois contre celle-ci. C'était un peu comme leur code à tous les deux. Et il ne fallut pas longtemps pour que Thomas lui ouvre en souriant.
- Pour une fois, tu te ramènes un peu plus tard, lança-t-il en lui laissant le passage.
- Oui, mon frère m'a retenue pour parler un peu, mais j'ai surtout dormi un peu plus que d'habitude, expliqua-t-elle en riant.
Elle posa le paquet sur la table du salon, là où se trouvait encore le bol vide dans lequel Thomas avait déjeuné. Elle s'avança alors vers l'évier, et se mit machinalement à faire la vaisselle.
- Ali, c'est super gênant ! rougit Thomas en la voyant faire.
- Mais non, c'est pas grave, dit-elle en haussant les épaules, lui tournant le dos.
Le garçon se mordit l'intérieure de la joue, se sentant tout de même gêné. Il examina un moment le dos de la jeune fille, avant de détourner le regard.
- T'as parlé de quoi avec ton frère ? questionna-t-il finalement en s'asseyant sur une des chaises qui entourait la table.
- De toi, répondit machinalement la fille.
De suite, cela attisa la curiosité du jeune homme. Odilon lui avait-il parlé des paniers ?
- De moi ? Et sur quel sujet ? demanda-t-il de nouveau, sur un ton un peu plus insistant cette fois.
- Il m'a dit... Euh... Qu'on devait être plus discret, parce que les gens de l'île parlent sur nous. Il s'inquiète.
Thomas tiqua instantanément à cette phrase, même s'il s'en doutait déjà.
- C'était assez évident, marmonna-t-il alors que ses doigts frappés le bois de la table à un rythme régulier.
- Mais je m'en fiche ! répliqua rapidement la fille qui se tourna enfin vers lui. C'est pas ça qui va m'arrêter.
Elle s'essuya les mains avec une serviette, avant de venir s'assoir en face du garçon, toute souriante. Elle attrapa le paquet emballé au bord de la table et le tendit vers son ami.
- Tiens, c'est pour toi ! s'exclama-t-elle joyeusement.
Il semblant surpris l'espace de quelques secondes, puis il pointa son torse de son index.
- Pour... Moi ?
C'est avec étonnement que Thomas prit le cadeau entre ses mains, l'examinant. C'était un cadeau, pour de vrai. Cela faisait des années qu'il n'en avait pas reçu. Il avait presque envie de pleurer, sans même qu'il ne sache encore ce qu'il contenait.
- Un cadeau... murmura-t-il, abasourdi.
- Ouvre-le, souffla gentiment la blonde.
Thomas releva les yeux vers elle pour l'observer durant quelques longues secondes, imprimant ce doux sourire dans un coin de sa tête. Enfin, avec une certaine hésitation, il déballa minutieusement le paquet. Il ne voulait même pas arracher le papier, trop précieux à ses yeux. Et une fois le cadeau ouvert, il découvrit un vêtement.
Il le prit au niveau des épaules et le souleva, le dépliant face à lui pour voir l'allure qu'il avait. C'était un pull fin, aux manches longues et de couleur blanche. Il y avait trois boutons noirs au niveau du col.
- Aliyah... Il est... Il est vraiment beau, t'as trouvé ça où ? demanda-t-il avec stupéfaction.
- Oh, trois fois rien... J'ai demandé à notre voisin, monsieur Stish. C'est lui qui m'avait fait ma robe pour la Célébration de la Terre. Je voulais mettre une couleur, mais il aurait fallut que je lui donne deux poules. Sauf que, deux poules... Mes parents l'auraient remarqué direct, expliqua la fille en grimaçant.
- Tu as payé pour ça ? s'étonna le garçon.
- Oui, une poule. Mais c'est pas grand-chose, déclara-t-elle en haussant les épaules.
Thomas observa le tissu entre ses doigts pendant de longues secondes. Il l'avait reposé sur la table, semblant encore sous le choc. Puis, sous l'étonnement de la fille, il secoua négativement la tête.
- Aliyah... Tu ne peux pas faire ça... soupira-t-il en fermant les yeux, les sourcils froncés.
- Quoi... ? Pourquoi ? demanda-t-elle avec inquiétude.
- Tu ne dois rien me payer. Ali, je vais partir de cette île, tu comprends ? Tu ne peux pas faire ça ! Ne paye rien pour moi ! Ça n'en vaut pas la peine, et puis... Si c'est pour que je reste, ça ne marchera pas.
Le cœur de la fille se serra. Elle ne cessa pas de le fixer malgré tout pendant son discours. Serrant les poings, elle se leva.
- Qui te dit que c'est juste pour que tu restes ? C'est juste un cadeau ! Et puis... Et puis... Pourquoi ? Pourquoi tu ne veux pas rester ? Tu ne trouves pas que c'est mieux depuis qu'on se parle ? Moi, j'en ai l'impression.
- J'ai aussi cette impression, jusqu'à ce que je me retrouve tout seul chez moi, et que je me rappelle de tout.
- Thomas !
- Non, Ali ! s'énerva alors le concerné, se levant à son tour. Tu ne peux pas me demander de rester sur une terre qui me rejette ! Tu ne comprends pas ? Je suis seul, face à tous ces ennemies ! Je ne peux pas rester sur ce territoire qui ne veut pas de moi, sur la terre de ces gens qui ont assassinés mon père !
Les dents, et les poings serrés, les larmes d'Aliyah se formèrent aux coins de ses yeux.
- Tu es seul ? Et moi ? Qu'est-ce que je suis... ?
Le garçon osa maintenir le regard clair et humide de la jeune fille, mais ne répondit rien. Il était juste neutre, il ne pouvait pas répondre à cette question, bien qu'il en connaissait parfaitement la réponse. Elle était là seule personne à qui il tenait ici bas.
- Rien... Alors... Je ne suis rien, souffla-t-elle, la première larme roulant sur sa joue.
- Non, Ali...
Elle n'entendit rien, et s'en alla sur le champ, la porte calquant derrière elle. Thomas ferma les yeux, en se maudissant de ne pas avoir réagi comme il le devait. Quand il rouvrit les paupières, il regarda le tissu qu'il avait dans les mains. Il l'agita légèrement, tout en secouant la tête, avant de le reposer en sifflant entre ses dents.
- Putain, pesta-t-il tout en se dirigeant vers la porte.
Il la referma à la hâte et se mit à marcher d'un pas pressé sur le chemin. Il aperçut Aliyah, déjà loin, elle s'était visiblement mise à courir. Alors Thomas fit de même dans l'espoir de la rattraper.
- Aliyah ! Attends ! s'écria-t-il.
Mais elle continua son chemin à la hâte. Cette situation, elle se serait produite tôt ou tard. Il savait très bien qu'il allait lui briser le cœur. Il savait que cela allait lui faire mal. Mais il ne pensait pas que les larmes de la blonde l'atteindrait autant.
Alors il accéléra encore, pour pouvoir la rattraper, jusqu'à ce qu'elle ne s'arrête finalement d'elle-même au bord de la falaise. Juste en dessous de celle-ci se trouvait la cachette du bateau. Aliyah lui tournait le dos, et Thomas, qui reprenait son souffle, s'arrêta quelques mètres plus bas.
Et ainsi, il attendit une quelconque réaction de sa part. Il ne savait pas si elle allait parler, pleurer, ou bien même sauter. Mais il allait attendre, jusqu'à ce qu'elle veuille bien lui adresser un signe. N'importe quoi, il attendrait.
Et il ne fallut pas bien longtemps avant qu'elle ne se retourne vers lui. Des larmes, encore fraiches, coulaient toujours le long de ses joues rougies par l'effort. Thomas en eut le souffle coupé, plus parce qu'il n'aimait pas la voir dans cet état que pour autre chose. Et, pendant quelques longues secondes, presque une minute, ils se regardèrent. Il se doutait presque de ce qu'elle allait dire, c'est comme s'ils lisaient chacun dans l'esprit de l'autre.
- Peu importe ce qu'il se passera, tu partiras quoiqu'il arrive, hein ? demanda-t-elle finalement, sans le lâcher du regard.
Il l'observait lui aussi, et mit un temps avant de répondre. Il devait se maitriser, il ne voulait pas lui montrer à quel point cela l'affectait lui aussi. Auquel cas, elle pourrait insister pour qu'il reste.
- Oui, répondit-il enfin, les poings serrés. C'est une certitude.
Aliyah renifla tout en baissant les yeux, la douleur dans sa poitrine se renforçant.
- D'accord... J'ai pas envie, mais... Si c'est ça qui te rendra heureux, alors ça me va. C'est ton choix, et je l'accepte...
Thomas haleta, tout en clignant une fois des paupières, sans détacher une seule seconde ses yeux sombres de la blonde. Il était touché en plein cœur.
Et finalement, la jeune fille lui offrit un sourire, avant de marcher devant lui, et de le dépasser, pour repartir sur le sentier de terre. Thomas se mit à réfléchir, probablement trop vite. Il fit alors volte-face vers elle, prenant désormais sa place, et s'écria :
- Viens avec moi !
Ces simples mots arrêtèrent la fille dans sa marche. Elle se tourna rapidement vers Thomas pour le regarder. Elle n'avait toujours pas essuyé ses larmes, mais elle le voyait clairement.
- Viens avec moi, Ali... J'ai envie que... Que tu viennes avec moi !
Et, l'espace d'un instant, elle l'observa sous un nouveau regard. Là, devant elle, il était en contre-jour. Et le soleil dans son dos l'illuminait de la façon la plus magique qu'il soit. C'était comme une vision irréel, comme le plus beau des rêves. Cet ange, qui se tenait là, au-dessus de cette falaise, lui donnait presque l'envie de lui dire oui.
*
Les lecteurs fantômes, n'hésitez pas à cocher la petite étoile si vous avez aimé.
Voilà un long chapitre, j'espère que vous l'avez aimé !
VA-T-ELLE DIRE OUI ?!
TINTINTIIIIIIIIN.
Sinon je vis actuellement ma pire vie mais tranquille on reste debout 🙃
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