Aliyah n'avait pas beaucoup dormi cette nuit. La journée d'hier l'avait complètement secoué, elle n'avait cessé de retourner les paroles de Thomas dans tous les sens. D'habitude, elle n'aurait pas réagi ainsi. Mais là, c'était Thomas. Et le connaissant, ce n'était pas un menteur. Même s'ils ne s'étaient plus parlés pendant des années, elle avait gardé le lien de leur amitié précieusement caché dans son cœur.

Thomas était trop bon pour mentir. Peut-être voyait-il juste le mal partout ? Cette île avait fait vivre son peuple depuis des générations, pourquoi agirait-il ainsi ? De toute façon, elle allait s'en tenir à son plan : faire rester Thomas. Elle allait passer du temps avec lui, et lui montrer que l'île n'était pas si mauvaise.

Le lendemain matin, elle avait gardé cette idée en tête, et s'était préparée rapidement. Mais elle ne savait pas si elle devait y aller de suite, ou un peu plus tard, et si Thomas serait déjà présent. Alors elle était là, assise sur la table du salon, à réfléchir.

Jusqu'à ce que son frère ne lui donne une tape sur la tête, la faisant sursauter.

-        Bah alors, tu dors les yeux ouverts ou quoi ? gloussa Odilon, qui s'installa à côté d'elle.

La blonde tourna la tête pour l'observer en train de couper son pain rassi dans un bruit infernale. Au passage, il mettait des miettes partout.

-        Comment tu peux manger ça ? Tu va te casser une dent ! déclara-t-elle en fronçant les sourcils.

-        T'es difficile. Mou, ou dur, faut bien le manger. Temps qu'il est pas vert, il est comestible.

Ça, c'était tout Odilon. Jamais de gâchis, et il n'était pas difficile du tout. Chaque fois qu'Ali tombait sur un morceau de pain dur, il lui donnait toujours sa part de moue pour ne plus la voir triste. C'était un garçon très généreux, sans une once d'égoïsme.

-        Est-ce que t'as entendu les parents hier soir ? questionna-t-il finalement, alors qu'il étalait du beurre sur sa mie.

-        Non, quoi ?

La blonde se tendit rapidement. Savait-il pour le secret ? L'avaient-ils vu ? Elle s'imaginait les pires scénarios.

-        Je les ai entendu dire qu'ils voulaient te marier à l'autre Donal.

-        Donal ? Donal Tumelty de l'est ?

-        Oui, celui là, affirma son frère en hochant la tête dans sa direction.

-        Quoi... ? Mais, pourquoi ?

-        Parce que tu vas avoir dix-huit ans, qu'il en a dix-neuf, et que ses parents ont le plus grand troupeau de chèvre de l'île, expliqua le bouclé.

Furieuse, Aliyah tapa du poing sur la table tout en se levant de sa chaise.

-        Jamais de la vie ! Je le connais à peine ! s'indigna la fille.

-        Je te conseille d'en parler aux parents ce soir, sinon, tu vas y passer, grimaça le blond. Je le sais, parce qu'ils ont voulu me faire le même coup l'an dernier avec sa grande sœur.

Elle n'était pas au courant de cette histoire, mais heureusement que son frère lui en avait parlé. En rentrant de la grotte, ses parents allaient l'entendre hurler dans toute la maison, pour sûr.

En attendant, son principal problème, c'était la fameuse grotte. Thomas n'était pas là, elle était seule, face à cette énorme trou noir. Bon, aller jusqu'au fond, ce n'était plus un trop gros problème, puisque les quelques trous de lumière lui permettaient de bien voir. Par contre, une fois les pierres de la grotte cachée retiraient, là, c'était une autre histoire.

Elle voyait à peine devant elle, tout était trop noir. Rapidement, elle s'approcha du mur pour attraper l'un des bâton de bois que Thomas utilisait pour s'éclairer. Sauf que lui, il savait allumer le feu avec deux pierres. Aliyah n'avait jamais appris cela. A la maison, le chalumeau était bien pratique.

Elle attrapa donc les deux silex qui gisaient au sol. Il semblait avoir été utilisé de nombreuses fois, au vue des traces blanches qui marquaient les pierres. Elle tenta donc une première fois, fracassant les deux cailloux entre eux. Mais rien ne se produisit. Alors elle continua plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il y ait des étincelles. Elle se rappela alors la technique de Thomas et souffla sur les bandages qui entourés le bâton une fois les étincelles dessus. Il n'en fallut pas plus pour qu'il prenne feu.

Fière d'elle, elle brandit son travail au-dessus de sa tête avec un grand sourire. C'était sa première fois, et c'était du bon travail. Mais d'un côté, Aliyah apprenait très vite. Elle possédait une mémoire photographique qui l'aidait beaucoup en cas de problème. Elle oubliait rarement les informations qu'elle enregistrait.

Alors, toute contente, elle avança dans la grotte sombre. Mais son sourire disparut très vite, puisque, malgré la flamme, ça restait très sombre. Le cœur de la blonde battait la chamade, elle se demandait si elle allait arrivé au bout du tunnel vivante. Seule, dans cet endroit, avec les inscriptions gravées au mur, tout semblait bien plus effrayant.

Elle accéléra rapidement le pas. Mais les battements d'ailes – probablement d'un oiseau ou d'une chauve-souris – dans la grotte, l'effrayèrent au plus haut point, tellement qu'elle s'était mise à courir en hurlant.

Désormais, elle avançait les yeux fermés. Sa course était si rapide qu'elle manqua de tomber à plusieurs reprises. Mais la jeune fille se sentit sauvée quand elle arriva au tournant, et rejoignit la sortie de lumière en hurlant, continuant ainsi jusque dans le sable.

Elle entendit rapidement un cri similaire au sien et, quand elle rouvrit les yeux, elle aperçut Thomas, accroupit dans le sable, l'air aussi effrayé qu'elle.

-        Mais t'es folle ou quoi ?! Pourquoi t'as crié comme ça ? Tu veux attirer toute l'île ?! gronda le garçon, abasourdi.

-        Non ! Je... La grotte ! Tout noir et... ! s'expliqua-t-elle difficilement, à bout de souffle.

Voyant l'air complètement paniqué de la jeune fille, Thomas attrapa le flambeau dans la main de celle-ci et l'éteignit dans le sable. Se calmant peu à peu, un sourire étira les lèvres du garçon alors qu'il se redressait pour voir la blonde, encore essoufflée.

-        Une sacrée trouillarde, hein ? T'es pas obligée de passer par là en plus. Il y a un autre chemin, expliqua-t-il en marchant pieds nus dans le sable.

Le suivant du regard, Aliyah observa le garçon marcher vers les cloisons de roche qui les entouraient. Il pointa alors une sorte d'escalier de fortune, creusé à même la pierre.

-        On peut entrer, ou sortir par-là, c'est plus facile, sourit alors Thomas.

-        T'es sérieux ? soupira la fille d'un air blasée. Pourquoi tu me l'as pas dit hier ?

Le blond leva les yeux au ciel, faisant mine de réfléchir, avant d'hausser les épaules tout en tirant une petite moue enfantine.

-        Je voulais voir si tu aurais le courage de revenir.

Les yeux de la blonde s'agrandirent, et elle ne savait pas comment réagir à cela. Thomas retourna donc près de la mer, là où reposait son bateau.

-        Je t'avais dit que je reviendrais, murmura la fille en le suivant du regard.

-        Je sais. Mais... Je ne sais plus si je peux encore croire les gens de cette île, Ali. M'enfin...

Il baissa la tête, tournant le dos à la blonde, alors que ses pieds traçaient des formes abstraites dans le sable.

-        Je suis content que tu sois revenu, admit-il, le rouge aux joues.

Un grand sourire illumina le visage d'Aliyah, et elle rejoint alors le garçon à l'endroit où il était. Si cette simple visite pouvait rendre heureux le jeune homme, alors elle l'était elle aussi. Peut-être qu'au final, elle avait raison. Peut-être arriverait-elle à le faire rester ? C'était ainsi qu'elle était, Aliyah. Un petit espoir, et elle voyait tout en grand.

*

On développe un peu le caractère d'Aliyah, une froussarde malgré tout courageuse. 💛

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