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18 - La mort de papa





La nuit venait de tomber sur la mer, et celle-ci était d'un calme étrangement apaisant. Aliyah ne s'était jamais imaginée qu'elle pouvait être aussi paisible. Le vent était doux, l'eau n'était pas agitée, seulement éclairée par la lumière de la pleine lune.

Assise à l'avant du bateau, le dos appuyée contre le bois de celui-ci, la jeune fille avait le nez en l'air. Elle observait les étoiles et la voie lactée qui se dessinait sous ses yeux. Sur Pa-Hao, ce n'était pas aussi beau. Ici, la vue était complètement dégagée, ce qui rendait le paysage magnifique.

Thomas, lui, se trouvait encore à la barre et, de temps en temps, observait son amie qui regardait rêveusement le ciel.

-        Tu n'es pas fatiguée, Ali ? questionna le blond non loin d'elle. Tu peux aller te coucher si tu veux.

-        Non, ça va aller. J'ai fais la sieste tout à l'heure et ça m'a requinqué, sourit-elle en posant ses yeux clairs sur le garçon.

L'observant encore pendant une seconde, celui-ci se retrouva désireux de regarder à son tour le ciel. Il avait passé des heures à observer les alentours de la mer, sans rien trouver pour le moment.

Comme tôt dans la matinée, il coinça la barre de navigation avec son long bâton de bois, et alla rejoindre la fille, s'asseyant à côté d'elle.

-        Regarde comme c'est beau, Thomas, commença la blonde en pointant le ciel de son index. Sur Pa-Hao, on ne les voyait pas aussi bien. Et la voie lactée est tellement plus visible !

Les yeux au ciel, le garçon observait tout en écoutant les paroles de la jeune fille. Elle avait raison, les étoiles étaient bien plus belles à cet endroit-là.

-        Ma mère aurait adoré voir ça, murmura le garçon, émerveillé.

Aliyah tourna la tête pour observer son ami, qui avait véritablement des étoiles pleins les yeux. Elle, comme lui, n'avait pas connu sa mère. Elle était morte un an après la naissance de Thomas, et c'était son père qui l'avait élevé seul après cette tragédie.

-        Elle aimait les étoiles ? demanda la blonde, sans le lâcher du regard.

-        C'est ce que mon père disait. Ensemble, ils se sauvaient de chez eux pour passer la nuit à regarder le ciel.

-        C'est... C'est très romantique, souffla la fille, qui semblait émue par cette histoire.

-        C'était mes parents, sourit le garçon en baissant les yeux vers son amie.

Elle répondit à Thomas en l'imitant par un tendre sourire. Et alors qu'il avait relevé les yeux au ciel, il se mit à penser. Aliyah aussi c'était remise à regarder les étoiles, sans rien dire de plus. Maintenant qu'ils étaient là, tous les deux, Thomas avait envie de parler. Il avait envie de dire tellement de chose, tout ce qu'il avait sur le cœur. Son cœur, qui était si lourd.

-        Mon père me manque, commença le jeune homme d'une voix pleine de mélancolie. Ma mère, je ne l'ai pas connu, alors... Je ne sais pas. Mais mon père me manque tellement... Il aurait tellement aimé être là, avec nous, souffla-t-il.

-        Je suis désolée, Thomas... murmura la fille en se tournant vers son ami.

Ce n'était pas la première fois qu'il se confiait à elle, et Aliyah était toujours à l'écoute. Sauf que là, ça semblait beaucoup plus important. Cela semblait être quelque chose de très personnel.

-        Je peux te poser une question ? demanda-t-il alors, les yeux baissés au sol.

-        Oui, tout ce que tu voudras, acquiesça la blonde.

-        Quand... Quand je te disais que... Que c'était le chef qui avait tué mon père... Comment tu le voies, toi ?

-        Comment je le vois ?

-        Oui. Pour toi, comment il est mort ?

Il était vrai que Thomas n'avait jamais été très clair à ce sujet. Il répétait souvent que c'était le chef qui avait tué son paternel, mais sans donner plus de détails. Et tout ce qu'elle savait, d'après les rumeurs et les dires des habitants de l'île, c'était qu'il avait mis fin à ses jours.

-        Et bien... Je me dis que ton père c'est suicidé à cause des chefs et de l'île, parce qu'ils ont brisé ses rêves, répondit-elle enfin, après avoir réfléchi. Ils l'ont rejeté, et c'était insupportable pour lui.

-        Mais c'est ça, le problème... Ali...

Le garçon ferma les yeux, sous le regard interrogateur de son amie. Elle ne voyait pas trop où il voulait en venir avec ce sujet.

-        J'ai pas voulu te le dire, parce que je pensais que tu resterais sur cette île. Comment tu aurais pu vivre en sachant que Pa-Hao était dirigé par des assassins ? Déjà là, avec le peu que je t'ai raconté, tu ne voulais plus y rester.

-        Qu'est-ce que tu essayes de me dire, Thomas ? demanda la fille, confuse.

-        Mon père ne s'est pas suicidé. Aliyah, c'est le chef qui l'a tué. Et il a fait passer cela pour un suicide.

Ecarquillant les yeux, la jeune fille avait du mal à enregistrer les paroles du blond. Thomas avait serré poings et mâchoire, prêt en enfin tout déballer. Il ne pouvait garder ça pour lui. Là, maintenant, il avait besoin de raconter le souvenir le plus douloureux de sa vie.

-        J'étais jeune, certes. J'avais à peine douze ans. Mais crois-moi que, quand t'entends des gens rentrer chez toi, que t'entends ton père se battre en pleine nuit et qu'en te levant tu vois... Haven, et sa troupe, pendre ton père, c'est quelque chose que tu n'oublies jamais. Peu importe l'âge.

-        Mon Dieu... T-Thomas... bafouilla la fille, complètement horrifiée.

Les yeux du garçon étaient maintenant larmoyants, tout comme ceux de la fille à vrai dire. Et une première larme roula sur la joue de Thomas.

-        J'ai vite su que c'était fini, je ne pouvais rien faire. Que... Je ne reparlerai plus jamais à mon père, et que je n'avais même pas pu lui dire au revoir, sanglota-t-il, essayant malgré tout de se retenir. Je suis retourner dans mon lit, pour ne pas subir le même sort. Et j'ai fais comme si je n'avais rien vu, ni entendu. Ils ne m'ont pas remarqué, ils n'ont jamais su que j'avais tout vu, derrière la porte de ma chambre.

Il renifla, et osa jeter un rapide coup d'œil à la blonde, constatant qu'elle l'écoutait avec attention. Elle était aussi bouleversée que lui, ne pouvant s'imaginer vivre une telle chose.

-        Quand je les ai entendu partir, j'ai prié pour que ce soit un rêve, murmura-t-il, plus calme. J'ai prié, de tout mon être. Mais, quand je suis ressorti de ma chambre, il était bel et bien là. Pendu. Ils l'avaient pendu.

-        Pourquoi ont-ils fait ça ? Pourquoi à ton père ? questionna Aliyah d'une voix triste.

-        Je ne sais pas. Au début, je pensais que c'était pour ses idées. Mais ça devait être plus grave que ça. Ou alors s'était simplement pour le donner en exemple au village ? Je me demande aussi pourquoi ils m'ont laissé en vie, et pourquoi il ne m'avait pas tué avec lui. Après tout, ils auraient pu être tranquille...

-        Thomas, ne dit pas ça, s'il te plait, supplia la fille d'une voix tremblante.

Elle enroula ses bras autour de celui du garçon, et le serra contre elle, tout en posant sa tête sur l'épaule gauche de celui-ci.

-        Désolé de te faire entendre ça, mais... J'avais vraiment besoin d'en parler. Je garde ça depuis trop longtemps, et ça me ronge...

-        Je comprends pourquoi tu voulais autant partir... Et c'est vrai qu'après avoir entendu ça, j'aurais pas pu rester sur l'île, confirma la fille en fermant les yeux.

D'abord hésitant, Thomas finit par poser doucement sa joue contre la chevelure blonde d'Aliyah. Il se sentait déjà mieux. Pouvoir en parler avec quelqu'un, c'était un véritable soulagement. C'était la première fois qu'il s'exprimait sur ce sujet depuis la mort de son père.

-        Tu n'en as jamais parlé à ta grand-mère ? demanda-t-elle finalement, sans bouger de position.

-        Non, à quoi bon ? Elle était déjà malade, et je passais mon temps à m'occuper d'elle. Je préférais que ces dernières années soient paisibles. 

Elle acquiesça simplement, sans dire un mot de plus. Elle était heureuse que Thomas ce soit confié à elle. Mais, en même temps, terriblement bouleversée de savoir ce passage de sa vie. Elle comprenait mieux certaine chose, et elle ne voyait plus Pa-Hao comme cette île saine et protectrice. Encore moins quant à la figure du chef Haven.

Aliyah avait vécu dans le mensonge pendant toutes ces années. Et le seul qui détenait la vérité était désormais loin de l'île. D'ailleurs, le corps de celui-ci ce fit plus lourd contre la jeune fille, et elle comprit rapidement que Thomas c'était endormie.

Tant de questions dansaient dans sa tête, sans qu'elles n'aient de réponse. Pourquoi le chef avait-il tué le père de Thomas ? Pourquoi avait-il tant de secret ? Et puis, la grotte, et les écritures, peut-être son père avait-il découvert la signification ? Pour l'avoir fait taire ?



Une chose était sûre, c'est que Pa-Hao cachait des secrets. Des secrets qu'ils ne découvriraient peut-être jamais...



Ou pas ?



*


Les lecteurs fantômes, n'hésitez pas à cocher la petite étoile si vous avez aimé ce chapitre.

Chapitre émouvant sur l'histoire de Thomas, on comprends mieux pourquoi il ne supportait pas l'île et surtout pourquoi il voulait tant partir.
Heureusement que notre Ali est présente pour l'accompagner. L'aventure ne fait que commencer ! 💛

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