
Chapitre 22-2
Je me relevai en sursaut, dans une pièce entièrement noire et dans des vêtements trempés de sueur. Ma respiration était irrégulière et mon cœur battait à cent à l'heure. Les poils sur ma peau étaient dressés comme des pics et mes dents claquèrent entre eux. Je tournai ma tête de gauche à droite, ayant perdu tout repère, mais me calmait en réalisant que je ne me trouvais que dans la chambre. Un soupire sortit de ma bouche lorsque je pris appui sur le dossier du lit. Un rêve, j'avais fait un rêve. Ou plutôt, un cauchemar ? Je ne savais pas exactement. Un rêve qui s'était terminé en cauchemar. Je touchai ma jambe défectueuse et reconnu les cicatrices qui la recouvrait. J'avais espéré, malheureusement...
Passant une main sur mon visage, je tentai de calmer les petits tremblements qui me parcouraient. Cela avait été tellement réel ; je croyais encore ressentir les bras et le corps de cet homme. Et son parfum ; mon être semblait s'en être recouvert. Il y avait aussi ses yeux qui m'était tant familier. Ils me rappelaient ceux de Nadian, exactement les mêmes.
Mon Dieu, mon crâne va exploser.
Un bruissement de tissu se fit entendre et la lumière jaillit dans la chambre. Neha, la main sur l'interrupteur, m'observait d'un air à la fois endormi et inquiet. Ses cheveux étaient désordonnés et son pyjama, froissé. Elle s'avança vers moi et s'assis au bord de mon lit.
— Encore un cauchemar ? demanda-t-elle.
Oh mon Dieu. Sans lui répondre, j'abaissai d'un geste vif les bretelles de mon haut et regardai mon sein. Pendant quelques secondes, j'avais senti la douleur de la marque et ma peau semblait me brûler. Mais, il n'y avait rien du tout, ma peau était lisse, quoiqu'un peu irritée sur cette zone. Je poussai un soupir de soulagement et remis lentement mon pyjama.
— Dayanara ?
La jeune femme s'était rapprochée de moi et sa main était posée sur ma jambe. Je la regardais et hochai d'un geste lent la tête.
— Oui, (j'avalai ma salive). Encore un cauchemar.
Neha soupira, alors que je posai une main sur mon front. Encore un cauchemar. Mes nuits en étaient rythmées et cela ne cessait jamais. Je n'avais pas de répits et il s'agissait des seules fois où je pleurais et où la panique me gagnait. En temps normale, je ne rêvais que d'Anna-Maria et de ces tortures incessantes. Je me réveillai en sueur et sentant encore la douleur de ces traitements. Puis, cela avait un peu changé depuis cette maudite réunion d'il y a une semaine. J'étais constamment sur les nerfs à cause de cette histoire d'Ailés, redoutant de tout mon être leur réponse, et mon subconscient s'amusait à les représenter dans mon esprit. Et généralement dans mes songes, Ils n'étaient étrangement pas sympas. Mais cette nuit différait ; le rêve que j'avais fait semblait beaucoup trop réel.
Un nouveau soupire m'échappa et je relevai mes yeux vers Neha. Elle avait une mine compatissante et j'eus un brin de gêne. A chaque fois que je m'éveillai affolée, je mettais aussi un terme à son sommeil. Nous parlions toute la nuit, et elle tenait le rôle du psychologue. Tout ce qui m'étais arrivée, sans omettre aucun détail, elle le savait. Et elle ne s'en est jamais plainte, bien que le manque de repos se voyait sur son corps.
— Tu devrais vraiment en parler à Noon, suggéra-t-elle d'une voix douce.
— Non, je... Ce n'est pas nécessaire.
Noon me couvrait beaucoup trop ; elle me voyait à coup sûr comme une poupée de porcelaine.
Tout ce qui me concernait l'inquiétait : mon apparence physique, ma manière de manger ou de
Boire, de marcher et j'en passe. Je n'osais même pas imaginer si elle apprenait que je ne dormais pas de manière régulière. Ces derniers temps, elle était soucieuse à mon sujet. Et je ne voulais pas lui ajouter une autre raison de s'en faire. Voilà pourquoi j'avais fait promettre à Neha de se taire. Ce n'était pas pour moi, mais pour Noon. Et elle avait intérêt de respecter son engagement.
La jeune Pacifique souffla et passa sa main sur son visage.
— Même si je te conseil de le faire, tu ne m'écouteras pas, n'est-ce pas ? marmonna-t-elle.
— Non, je soupirai doucement. Ce sont justes des cauchemars Neha, pas besoin de la déranger pour cela.
— Tu es traumatisée, Dayanara. Tu as besoin d'en parler, d'extérioriser ce qui te ronge. Arrête de banaliser cette situation !
— Je te parle à toi, cela est suffisant. De plus, je ne banalise rien du tout. Ta grand-mère prend soin de moi toute la journée, je veux juste qu'elle se repose durant la nuit. Est-ce si difficile à comprendre ? et je suis juste stressée pour cette maudite histoire d'Ailés stupides.
Elle fit la moue et vint se coucher à mes côtés. Je lui fis un peu de place et nous nous lançâmes dans la contemplation du plafond. Je sentais qu'elle était vexée, et non à cause de mon refus d'en parler à Noon. Bon d'accord, j'avais fait une erreur en traitant ces Entités de stupides. J'avais remarqué qu'ils étaient tous très susceptibles lorsque je parlais de leurs, nos, Créateurs. Ils détestaient quand je les insultais et ne supportaient pas mon « manque de respect », comme Nadian aimait si bien me le dire. Mais ils semblaient tous omettre une chose, l'une de ces Entités m'avaient bidouillé la cervelle et en conclusion, Ils ne méritaient pas mon respect. Je me demandais seulement quand Ils allaient se décider de répondre à Dettlaf. Je n'en pouvais plus d'attendre.
— Et donc, c'était quoi cette fois ?
La voix de Neha me tira de mes pensées et je l'aperçus du coin de l'œil, me fixer. Elle avait le visage tourné vers moi et ses doigts étaient croisés sur sa poitrine. Je fixai toujours le plafond en inspirant de l'air. Pour la première fois, la rousse n'était pas à l'origine de mes tourments. Il s'agissait plutôt de cet homme étrange qui ressemblait tant à Nadian. Était-ce lui ? Peut-être que mon subconscient l'imaginait ainsi. Mais j'en doutais vraiment. Il avait quelque chose en plus et je sentais que quelque chose nous liait. Comme un fil, imperceptible mais bien présent.
Je secouai la tête et la tournai vers Neha.
— Non. Juste un rêve étrange sur un homme.
— Un homme ? Tu es sûre qu'il s'agissait d'un cauchemar ?
L'amusement dans sa voix m'arracha un petit sourire. Elle essayait au moins de détendre l'atmosphère et le résultat était assez concluant. Je soufflai d'un air faussement dramatique avant de reprendre tout mon sérieux.
— Malheureusement, oui. (J'inspirai un peu d'air). Je ne saurais pas vraiment expliquer ; je me trouvais dans un monde étrange, fait de sang et de brume. J'étais complétement perdue et vagabondais à la recherche d'un moyen de sorti. Puis des voix se sont fait entendre en me traçant un chemin. Et pour finir, je suis arrivée devant un miroir, avec une lettre gravée sur le haut mon sein et un homme, collé à mon dos, qui déposai des baisers sur ma joue.
— Wow, cela fait beaucoup. (Elle se redressa). Une lettre, tu as dit ?
— Oui, la lettre L, entourée d'arabesques qui formait un cercle autour d'elle. C'était très beau mais à la fois bizarre.
La jeune femme se leva du lit et revint quelques secondes avec un petit carnet et un crayon à papier. Elle l'ouvrit sur une page vierge et m'indiqua du doigt que je devais tenter de dessiner ce dont je parlais. Je grommelai légèrement, non certaine que je réussisse à reproduire à la perfection la marque, mais je saisis néanmoins le carnet et me mis à griffonner sur le bout de papier. Imiter l'arabesque, leur manière de s'enrouler sur elles-mêmes et les motifs, était assez dur mais je réussis à faire quelque chose de potable. La plus grosse difficulté résidait dans la formation de la lettre ; elle était si dur à former. Je fermai les yeux, me remémorant l'image du symbole. Puis, je mordis ma langue en ajoutai le dernier détail au dessin. Ce n'était pas vraiment ressemblant, mais au moins j'avais essayé. Neha me pris le carnet des mains et contempla mon « œuvre d'art ».
— Tu dessines vraiment mal, constata-t-elle.
Je tournai mon visage vers elle, plongeant mes iris dans les siennes. Le regard noir que je lui envoyai lui fit éclater de rire tandis qu'elle s'asseyait sur le lit.
— Désolée, désolée. Bon reprenons. (Elle redevint sérieuse et regarda une nouvelle fois le croquis). C'est vraiment étrange comme symbole.
Les minutes défilèrent pendant qu'elle observait toujours le dessin. Elle arracha la page d'un coup sec et tourna la feuille dans tous les sens, puis elle finit par soupirer en murmurant dans sa barbe. Apparemment, il n'y avait rien d'extraordinaire sur la feuille. Ses yeux se relevèrent vers mon visage.
— Et hum, l'homme qui se collait à toi, tu le connaissais ?
Je secouai la tête.
— Non, je ne l'avais jamais vu. Je peux juste te dire qu'il avait les mêmes yeux que Nadian avec des cheveux noirs beaucoup plus courts. Je n'ai pas vraiment vu son visage ; il était caché par ses cheveux.
— Ah oui quand même.
Elle se positionna sur le côté et joua avec une mèche de ses cheveux. Plongée dans ses pensées, elle mordillait sa lèvre inférieure et ses yeux étaient plissées en deux minces feintes. Mon amie laissait maintenant place à son facette psychologique. Elle avait pris l'habitude d'analyser chacun de mes rêves, tentant d'y trouver une explication. Pour mes précédents songes, elle avait abouti à la conclusion que j'étais traumatisée, diagnostic que j'approuvai totalement, étant donné que je m'en doutais. Mais je ne voyais vraiment rien concernant ce dernier.
— Je ne sais vraiment pas pour celui-là. Écoutes, tentons d'y voir plus clair. Pour commencer, je sais que ce symbole ressemble à une marque royale, d'un Pur. J'en voyais dans les livres que Dettlaf écrivait sur eux. Peut-être que ton rêve n'est que la conséquence de ton stress.
Je hochai la tête. Cette hypothèse était plausible. Encore un rêve sur les Ailés ; j'étais beaucoup trop stressée par rapport à eux. Il fallait que je lâche prise, que j'attende patiemment leur réponse. Être en perpétuel stress n'était plus possible.
Neha capta de nouveau mon attention en tapotant sur mon bras.
— D'un autre côté, tes rêves n'ont jamais semblé jamais réels. Et tu n'as jamais autant hurler en te réveillant. Peut-être qu'il y a vraiment une explication plus, comment dire, surnaturelle ? Dans tous les cas, tu devrais en parler à Malter.
— A Malter ? (Je passai une main dans mes cheveux). Je ne vois pas en quoi il pourrait m'aider.
Elle ricana d'un timbre doux et croisa ses pieds.
— Crois-moi, il pourra t'aider. Grand-mère m'a toujours dit que ses facultés sont liées au corps humain, l'interprétation des rêves doit, logiquement, y être compris.
— Je ne sais pas, marmonnai-je.
— Tu ne perds rien, Dayanara.
La jeune femme se leva de nouveau et se dirigea droit vers l'armoire. Ouvrant les battant à la volée, elle en sortit une combinaison en cuir noire et une tunique longue qu'elle me jeta à la figure. Je retirai le vêtement de mon faciès et regardai, interloquée, Neha qui enfilait sa combinaison. Mes yeux s'écarquillèrent et je penchai légèrement la tête d'un côté.
— Puis-je te demander ce que tu fabriques ? m'enquis-je.
— Je m'habilles, cela ne se voit pas ?
Je roulai des yeux et tapai mes cuisses d'un geste violent, le bruit resonna dans toute la pièce.
— Neha, grommelai-je.
— On va chez Malter, m'expliqua-t-elle et j'avalai ma salive de travers. Donc habilles toi.
— Pardon ?
Elle ne s'arrêta pourtant pas et s'attaquait maintenant à ses cheveux, les démêlant avec ses doigts. Elle n'était quand même pas sérieuse ? J'attrapai ma canne et me mis debout. Claudiquant jusqu'à elle, je saisis son bras pour l'arrêter dans ses mouvements et nous dévisagions dans le blanc des yeux.
— Neha, tu plaisantes n'est-ce pas ?
Elle se dégagea avec douceur et me sourit.
— Si Dayanara, je suis très sérieuse. Je possède un moyen de transport, et je conduirais.
Devant mon air dubitatif, elle tira mes joues, puis tapota deux fois mon épaule.
— Arrêtes de faire cette tête. Je te l'ai dit, tu ne perds rien. Il suffit juste d'y aller et je sens que tu seras soulagée d'un poids en voyant Malter. (Elle hésita un instant puis continua). Je n'ai pas pu t'aider lorsque tu en avais besoin, alors laisse-moi te prêter main forte au moins pour cela.
Je la regardai, hésitant longuement et pesant le pour et le contre. Je savais qu'elle avait raison, qu'il n'y avait strictement rien à perdre. Mais, je ne savais pas si je pouvais supporter les réponses que pouvait m'apporter le Pacifique ; enfin, s'il y avait vraiment une explication surnaturelle à toute cette affaire. N'était-ce peut-être pas mieux de rester dans l'ignorance, de ne pas connaitre la vérité ? Neha me supplia du regard et aborda une moue qui me fit soupirer. De toute façon, qui ne tentais rien n'avais rien, enfin je le croyais. Je lui lançai un regard mauvais en me dirigeant vers le lit. La Pacifique poussa un cri de joie en voyant que j'ôtai mes vêtements, et je lui intimai de se taire d'un grincement de dent. Il n'aurait plus manqué qu'elle réveille Noon et sa petite sœur. Elle s'excusa et entama tout de même une dance de la joie. Je levai les yeux au ciel et portai sa tunique bleue, mes pensées toujours tournées sur notre rencontre prochaine avec Malter. Neha était déjà prête lorsque je terminai de porter l'habit. Elle poussa vers moi une paire de sandalettes et ouvris doucement la porte.
— Chausse-toi et viens, déclara-t-elle.
M'asseyant sur la couette, je l'enfilais et pris appui sur ma canne sans me lever. J'avais un mauvais pressentiment concernant toute cette histoire de rêve et tout ceci, cette épée de Damoclès qui semblait planer au-dessus de ma tête, m'agaçait au plus haut point.
Neha me regarda et fronça les sourcils.
— Allez, dépêches-toi ! s'exclama-t-elle en tapotant dans ses mains.
— Calme-toi, j'arrives.
Je me levai avec douceur tandis qu'elle éteignait les lumières ; puis nous sortîmes de la pièce. Il devait être plus de six heures du matin, peut-être même sept, et toutes les lumières étaient éteintes. Noon devait être encore au lit ; la pauvre s'occupait de moi toute la journée. Sans faire de bruit, nous longeâmes le couloir et Neha attrapa un trousseau de clef dans le pot de fleur à l'entrée. Elle la glissa dans la serrure et sa bouche se déforma en une grimace lorsqu'elle déverrouilla la porte. Le déclic familier qui nous annonçait la libération soulagea Neha qui souffla de félicité. Elle ouvrit la porte et lorsque nous sortîmes de l'appartement, un grand sourire illumina le visage de la métisse. Elle tapota mon épaule en guise de victoire et m'aida par la suite à descendre les escaliers. A chaque fois que nous faisons quelques pas, Neha vérifiait nos arrières et elle se cogna à plusieurs reprises contre les murs. Je ricanai à plusieurs fois, ce qui surpris à la fois Neha et moi. C'était assez étrange de rire de nouveau, de bon cœur. La Pacifique était encore plus heureuse, considérant probablement mes rires comme une victoire personnelle.
Nous accédâmes à la porte d'entrée et sortîmes enfin de l'immeuble. L'air était étrangement frais en ce matin estivale et le soleil se trouvait déjà haut dans le ciel. Neha se dirigea vers une moto toute noire recouverte d'une bâche et cachée derrière petit arbuste. Je m'approchai à petit pas et observai, alors qu'elle la dégageait.
— Tu as une moto ? m'étonnai-je.
— Oui. (Elle s'assis sur l'engin). Elle était abandonnée alors qu'elle marchait parfaitement. J'ai supplié Nadian et Noon et après des semaines, ils ont finalement accepté. Enfin, Nadian a accepté et Noon a dû suivre. Maintenant, cette magnifique moto du nom de Sali est mienne. (Elle m'offrit un beau et grand sourire). Tu veux que je t'aide à monter ?
— Non merci.
Neha posa un casque sur ma tête et démarra la moto. Soupirant, je m'installai à l'arrière et plaçai ma canne sur mes cuisses. L'une de mes mains la tenait avec fermeté tandis que l'autre agrippait le bassin de la Pacifique. Elle me demanda d'un coup d'œil si j'étais prête et, après que je lui ai certifié que j'étais bien installée, nous nous mimes en route. Il n'y avait personne en ville, pas même un chat, alors qu'ils faisaient déjà jour et que les oiseaux chantaient depuis bien longtemps. Neha conduisait vite et ses muscles étaient tendus. En observant les recoins des quartiers, je compris pourquoi. Je serai les dents et agrippai un bout de sa combinaison entre mes doigts. Voilà pourquoi personne ne sortait, que ce soient les humains ou les Papillons. Quelques de ces créatures étaient présentes, fouillant les bennes à ordures et ou grimpant sur les maisons. Elles tentèrent de pénétrer à l'intérieur des domiciles, mais elles étaient repoussées par une sorte de barrière qui protégeait les habitats. Barrière qui avait sans doute été placée par Dettlaf. Neha poussa un petit hoquet de stupéfaction qui attira leur attention. Certaines levèrent la tête sur notre passage et d'autres conclurent que nous prendre en chasse étaient une excellente idée. La Pacifique jura à voix haute et accéléra. Nous pénétrâmes dans une ruelle et zigzaguâmes entre les poubelles et les rues. Les monstres devenaient de plus en plus nombreux, comme attirés par notre présence ; plusieurs nous poursuivaient sur les toits des habitations.
— Accroche-toi, m'incita-t-elle.
Je ne me fis pas prier et resserrai ma prise sur son bassin. Elle fonça droit dans un mur, a pleine vitesse, et dévia juste avant que nous le cognâmes. Des craquements d'os et des jappements de douleur s'élevèrent lorsqu'un petit nombre d'eux s'encastrèrent dans le mur. Un petit nombre, mais pas tous. Les autres ne regardèrent même pas l'état de leur congénère et poursuivirent leur poursuite, obnubilés par l'envie de nous charcuter. Je me tournai légèrement et jurai en voyant que notre situation s'empirait. Trois des créatures se positionnait sur deux pattes, griffes et gueule en avant, et doublèrent, voire même triplèrent, leur vitesse. Je m'entendis à peine hurler à Neha d'accélérer si cela était encore possible, tant mon sang pulsait contre mes tempes. La Pacifique maudit tous les Dieux de la terre et tourna subitement à gauche. J'essayais de l'aider, de lui donner des instructions pour qu'elle puisse les semer. Elle m'écoutait du mieux qu'elle pouvait mais j'étais persuadée qu'elle regrettait d'être sortie. Comme moi d'ailleurs.
L'une des créatures poussa un cri, semblerait-il de colère, et bondit en avant. De combien de mètres, je ne saurais dire. Mais elle avait atterri juste quelques mètres devant nous et sa gueule béante était ouverte en grand, ses dents acérées brillants et sa salive noirâtre dégoulinant de sa bouche. Nous nous trouvions dans une ruelle et deux choix s'offrait à nous. Soit, nous entrions en collision avec le mur, ce qui nous assommerait probablement et permettrait à ces monstres de nous sauter dessus, soit nous devions foncer sur eux. Eh bien, la réponse était toute faite.
— Par toutes les terres abyssales, cria-t-elle, paniquée. Qu'est-ce que je fais ?
Neha tremblait et ses doigts serrèrent le guidon. La peur semblait la paralyser alors que nous continuions de foncer sur la créature, qui nous attendait toujours. Je m'approchai de son oreille et murmurai d'une voix que je reconnus à peine.
— Défonces-le, lui ordonnai-je platement.
Elle sursauta violemment avant de me lancer un coup d'œil par-dessus son épaule.
— Quoi ?
— Défonces-le, Neha répétai-je avec calme. Fais-moi confiance et défonces-le.
Tous les muscles de la Pacifique se détendirent et elle sembla apaisée. Je lui répétai sans cesse ses mots et ma voix parut agir comme un filtre sur elle. Des picotements s'étendirent sur ma peau et les une série de battements atteint mes oreilles. Il s'agit de mes propres battements de cœur, mêlés à ceux de la Pacifique qui était calme et régulier.
— Vas-y, avances, déclarai-je une dernière fois, d'un timbre cristallin et plat.
Je l'entendis alors augmenter sa vitesse. Elle percuta le monstre qui agrippa le guidon de ses griffes en nous crachant un liquide crasseux au visage. Je ne sus pas vraiment par quel courage j'avais réalisé cela, mais je saisis ma canne des deux mains et ordonna à Neha de se baisser. Une force gonfla mes muscles et je concentrai toute mon attention sur le monstre qui tentait de dévier la moto. La Pacifique m'obéit sans parler et je fracassai ma canne sur la tête de la créature. Son crane vola en éclat, son sang giclant sur nos casques, et son corps retomba mollement sur le côté. Neha se releva et continua de rouler. Mon cœur repris un rythme effréné ; toute cette sensation de force et de courage me quitta. Je me tournais légèrement et constatai que les monstres s'étaient arrêtés et nous dévisageaient dorénavant de leurs yeux vides. Deux d'entre eux poussèrent leur fameux cri glaçant et ils finirent tous par rebrousser chemin. C'était comme s'ils avaient eu peur de quelque chose, ou plutôt, comme s'ils avaient remarqué un danger.
Mon Dieu.
Neha sortit de sa transe et regarda les alentours d'un air perdu.
— Qu'est-ce que ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Où sont-ils tous passez ? s'enquit-elle.
Elle ne savait réellement pas ; le timbre de sa voix me l'indiquait. Peut-être que je divaguais ou que je devenais folle, mais j'étais persuadée que ma voix, que mes mots avaient guidés Neha. Que j'vais comme contrôlé son esprit. C'était inexplicable et presqu'effrayant, néanmoins, j'en étais sûre.
Je redirigeai vers Neha et pris une voix surprise.
— Je ne sais pas, déclarai-je. Ils... ce sont arrêter. En fait, ils ont tous simplement rebroussés chemin.
Je n'avais aucune envie de le lui dire. Pourquoi ? Je ne savais pas. Quelque chose en moi m'incitait à garder le secret, à fermer les yeux sur ce qui venait de se passer. Enfin, pour le moment. Cette sensation de dualité était déroutante ; je sentais qu'en plus de ma propre personnalité, quelque chose d'autre grandissait en moi. Une chose étrangère.
— Nous avons vraiment eu de la chance, s'enthousiasma-t-elle, me ramenant à la réalité.
— Tu peux le dire, grommelai-je.
Un soupire franchit mes lèvres alors que je posai ma main contre mon cœur, sentant ses coups familiers au travers de ma chair. Tout ce qui m'arrivais, tout ce qui me concernait depuis mon départ de Bath était étrange. J'étais devenue étrange. Et je savais que cela irait de mal en pis. Je rejetai ma tête en arrière et soufflai. Le reste du trajet se fit dans le silence des plus complet, avec comme musique de fond le vrombissement de la moto.
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