Il fait noir. Toujours autant. Mais j'ai l'impression d'être réveillé. Mon cerveau a redémarré. Je sens la chaleur du soleil sur ma peau. Bouger le bout de mes doigts me fait mal. Je n'arrive toujours pas à ouvrir les yeux. Les derniers mots que j'ai entendu avant de reprendre conscience me trotte en tête. Je ne sais pas combien de temps il s'est écoulé mais c'est ça qui m'a permis de rester en vie. Mon corps a de nombreuses fois voulu lâcher prise. Je ne l'ai pas laissé faire.

J'arrive enfin à serrer les doigts contre ma paume. C'est très léger mais ça fait un bien fou. Mes yeux s'ouvrent enfin, captivé par la lumière blanche. Je ne vois pas grand chose, il faut un temps à ma rétine de se faire à la nouvelle ambiance lumineuse. Bien loin du noir total du coma...Ma tête est lourde et mon corps est figé contre le matelas. Seul mes yeux peuvent maintenant se balader. Je suis à nouveau dans ma chambre d'hôpital.

Mon premier réflexe est d'essayer d'appeler ma mère mais aucun son ne sort de ma gorge. Elle est sèche et endolorie. J'essaie de ne pas tousser parceque même ça, ça me fait mal. Je commence à paniquer un peu. Pourquoi je suis tout seul ? Est ce que c'est encore un rêve ? Je ne me suis pas réveillé c'est ça ? Ma respiration s'accélère dangereusement.

- Oh !

Un corps se précipite sur moi et me prend dans ses bras. C'est maman. Dieu merci elle est là. Je ne l'ai pas senti comme ça depuis si longtemps. J'ai les larmes aux yeux. J'aimerais la prendre moi aussi dans mes bras mais mon corps ne répond pas.

- Oh mon garçon, sanglote ma mère, mon tout petit garçon ! J'ai vraiment cru que tu n'allais jamais remonté de la chambre de réanimation.

Elle prend mon visage dans ses mains et essuie mes larmes. Elle couvre mes joues de baisers et tente désespérément de retenir ses sanglots. Je voudrais lui parler mais je n'y arrive plus. Je ne sais pas combien de temps je suis resté inconscient mais ma voix semble m'avoir quitté. Après quelques secondes, j'arrive enfin à bouger mes bras. Je lève lentement la main et la pose sur celle de ma mère. Elle me sourit tendrement

- Comment tu te sens ? Est ce que tu as besoin de quelque chose ?

- D-De l'eau, j'essaie d'articuler.

Ma mère me ramène un verre d'eau que je bois d'une traite. Je me rend compte à ce moment là que je mon bras est perforé. Ah ça ne m'avait pas manqué. Ce truc me démange. Je la retire en faisant attention au pansement, sous les protestations de ma mère. Je ne l'écoute pas et me libère de mon fardeau. Je regarde autour de moi et prend une grande inspiration. Je ferme les yeux, prenant conscience d'où je suis.

Mais d'horribles flash apparaissent derrière mes paupières closes. Un choc électrique. Des lumières au plafond. Des voix tout autour de moi. Je secoue la tête pour chasser l'image de la salle de réanimation de mon pauvre cerveau. Je n'ai aucun idée de ce qui s'est passé et je ne suis pas sûr de vouloir savoir. Je ne sais même pas comment je vais. Je me redresse enfin dans mon lit.

- Tu es...Tu es toute seule ? Papa n'est pas là ?

Mon débit de parole est affreusement lent. C'est presque drôle.

- Il est en bas mon chéri, avec ton frère. Tu sais qu'il n'aime pas trop les hôpitaux. Tu veux que j'aille le chercher ?

- Non...non pas maintenant. Je veux voir Jimin.

Ma mère fait une drôle de tête. Elle me fixe, l'air triste. Elle joue avec ses doigts.

- Maman...?

- Tout va bien mon chéri, ne panique pas.

Elle s'approche à nouveau de moi et reprend mes mains.

- Il s'est passé beaucoup de choses ces deux derniers mois.

- Deux mois ? Tu veux dire que...

- Oui mon lapin, c'était très dur.

Paniqué, je me redresse. Non ce n'est pas possible, je n'ai pas pu rester endormi deux mois. Ma respiration s'accélère à nouveau et je me remet à pleurer. Maman panique mais je ne dis rien. C'est une sombre blague c'est sur ! 2 mois...Mais il a pu se passer tout et n'importe quoi ! Deux mois perdu alors que j'aurai pu les passer avec mes amis, avec Jimin, j'aurai pu repasser mon bac ! Tout est de ma faute je n'aurai jamais du sortir cette nuit là.

- Jungkook calme toi. Tout va bien, je suis là.

- Où est Jimin ? Il faut que je le vois.

Ma mère je réponds rien. Mon monde s'effondre. Il suffit d'un regard pour que je comprenne que ça va mal. Pris d'une frénésie incontrôlable, je repousse la couverture et tente de sortir du lit mais mes jambes ne répondent plus. Maman fait le tour du lit pour m'aider. Il me faut un moment avant de pouvoir à peu près marcher. Et encore j'ai une allure de canard.

Elle ne m'a rien dit d'autre sur l'état de Jimin mais je sais déjà à quoi m'attendre. Je le sens au plus profond de moi. La respiration courte et le cœur serré, je me dirige lentement vers la chambre de Jimin. Maman me laisse à l'extérieur, elle sait que je dois faire ça seul. J'ai peur. Très peur. Quand j'entrerai tout sera réel. Il n'y aura plus de retour en arrière.

Je pousse la porte en tremblant. Jimin est allongé dans son lit, les yeux ouverts, fixant le plafond. Son corps est droit comme un i. Il ne réagit pas quand la porte s'ouvre. Il faut que je m'avance vers le lit pour qu'il tourne enfin le regard vers moi. Il écarquille les yeux et commence à s'agiter mais il doit être trop faible pour faire un seul mouvement. Mon cœur rate un battement. Je tombe à genoux à côté du lit.

- J-Jungkook ?... Jungkook...T-Tu es réveillé ?

- Oui, je suis là maintenant. Je suis réveillé.

Je caresse doucement son crâne pendant qu'il attrape une de mes mains. Il est glacé. J'essaie de le réchauffer en plaçant mes mains dans son coup. Mais j'ai l'impression qu'il ne ressent rien. Sa respiration est rapide et il essaie de parler. Les mots ont du mal à sortir.

- Je...Je pensais que...Je pensais que-

- Calme toi s'il te plaît...Tout va bien maintenant, je suis avec toi... Regarde moi Jimin.

Ses yeux qui étaient fuyants finissent par tomber sur les miens. Je plonge mon regard dans le sien et, là, je comprends. Je comprends que son cœur cessera bientôt de battre, emportant avec lui nos peines et nos joies d'enfants, nos souvenirs et notre amour naissant. Jimin ne serait bientôt plus, sa maladie prenant le dessus sur ce qu'il est. Je retiens tant bien que mal mes larmes.

- Je suis désolé, articule t-il. Désolé pour tout.

- Arrête. C'est du passé maintenant. Tout est pardonné.

Je me penche doucement vers lui, approchant ma bouche de la sienne. À cette proximité, son corps se calme. Ses petits doigts viennent agripper mon bras, le serrant avec ardeur.  Je l'embrasse délicatement, tentant d'imprimer dans mon cerveau le goût, la forme, la douceur de ses lèvres et à quel point je les aime. Sa main remonte jusqu'à ma nuque et il me colle à lui, se délectant probablement de cette dernière fois. L'embrasser est devenu une nécessité. Un besoin vital. Jimin répond à cette embrassade avec toute la force qu'il lui reste, faisant de ce moment le plus beau.

Quand finalement je m'écarte, mes yeux sont humides et mes joues trempées. Mon cœur est meurtri par l'expression de son visage. Nous savons tout deux que c'était la dernière fois. Il me reste pourtant tant de choses à lui dire, tant de choses à lui demander. Je n'ai plus le temps, je dois choisir mes mots.

- Jimin ? Je t'ai entendu...Quand tu as dis que je devais lâcher prise.

- Je pensais que tu ne te réveillerais pas. C'est ce que disaient les médecins... Mon temps était compté aussi. Si j'avais su... Pardonne moi, dit-il en sanglots.

- Tout va bien. Je suis là, je suis là...

Je n'y arrive pas. C'est trop dur. Tout ça n'est pas réel. Je n'ai jamais signé pour ça. On était censé sortir d'ici, en vie. Tous autant que nous sommes. Il me l'avait promis. Il m'avait promis qu'il ne me laisserait plus jamais seul.
Mon cœur est lourd. Je serre très fort ses mains dans les miennes, pleurant toutes les larmes de mon corps.

- Écoute moi maintenant, commence t-il. Je veux que tu me fasse une promesse.

- Tout ce que tu veux.

- Je veux que tu vives. Je veux que tu continue après moi. Je t'en supplie Jungkook, ne fais rien de stupide quand tout sera terminé. Vis, pour moi...

- S'il te plaît..., je gémis à travers les larmes. T-Tu peux pas me demander une chose pareille...Je peux pas vivre sans toi...

- Jungkook, mon amour. Tu as tellement de choses à voir, tellement de choses à accomplir. Tu ne peux pas renoncer. Je serais toujours là, je te l'ai promis. Promets le moi. Jungkook promets moi de vivre.

Ses yeux sont suppliants bien que rempli de larmes. Je ne peux pas promettre une chose pareille. Il part, encore une fois, mais cette fois si il n'y aura jamais de retour en arrière. Il n'a pas droit de me demander ça. Je n'y arriverai jamais.

- Tu ne sera pas seul. Tu as Namjoon, Yoongi et Teahyung. Tu as ta famille. Et moi, je serai toujours dans tes souvenirs. Promets le moi.

Je pose mon front sur son torse, explosant en sanglots. Mon corps est secoué par les larmes. La main de Jimin vient se glisser dans mes cheveux. J'agrippe son t-shirt, ayant besoin de tenir quelque chose de réel.

- Je te le promets, je murmure.

Il lâche un profond soupir. Il relève ma tête et me regarde. Ses doigts viennent essuyer les larmes qui se sont échouées sur mes joues mais d'autres coulent encore. Il me sourit. Un vrai sourire. Le plus beau des sourires. Il est dans le même état que moi, mais il sourit.

- Je t'aime plus que tout Jungkook. Plus que ma propre vie. Je t'aime...ne l'oublie jamais.

- Je sais...Je sais mais Jimin... Je ne peux pas- Il n'y aura jamais personne que je pourrais aimer autant que toi. Jamais.  C'est toi que j'aimerai toujours, jusqu'à la fin. Je t'aime aussi tellement. Tu ne peux pas partir.

- Tout ira bien. Sois heureux pour moi. Je t'aime. Depuis le début. Depuis toujours. Je t'aime.

Je le regarde, la gorge nouée. J'ai si mal. Encore plus mal que toutes les autres fois. Mon cœur saigne de tout l'amour que j'ai pour lui. Cet être si précieux qui m'a tant de fois sauvé. Je l'aime et je l'aimerai à jamais.
Je prend son visage entre mes mains et pose mes lèvres sur son front.

Et il ferme les yeux.

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J'ai

Jamais

Autant

Pleuré

De
Ma
Vie.