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Reste loin de moi

Albus Potter ne tarda pas à se rendre compte que sa célébrité était aussi bien un avantage qu'un inconvénient. A Serdaigle, tout le monde voulait être son ami, même les élèves plus âgés que lui. Sans même avoir échangé plus de trois mots avec ses camarades de classe, il était déjà populaire, entouré, pressé de questions et d'attentions. Seulement voilà, cette ruche en constante ébullition l'empêchait d'atteindre ce qui l'intéressait vraiment : Scorpius Malefoy.

Cela commença dès le premier soir. Albus s'était mis en tête de se retrouver dans le même dortoir que Scorpius, mais c'était sans compter sur la foule de garçons de première année qui faillirent bien en venir aux mains pour se disputer les quatre autres places disponibles dans sa chambre. Il n'en fallut pas davantage à Scorpius Malefoy pour disparaitre quelque part et se faire oublier. Lorsqu'Albus put enfin se dépêtrer de son dortoir plein – les cinquièmes années avaient fini par organiser un tournoi de poker pour attribuer les places – il fit le tour des dortoirs, pour la plus grande joie de tout le monde. Il finit par trouver celui de Scorpius Malefoy, tout au bout du couloir. Le jeune garçon était assis sur son lit et feuilletait ses livres de classe. Il n'y avait personne d'autre dans la chambre, et Albus n'avisa que deux autres valises auprès des lits. Ce dortoir-là restait incomplet. Personne ne se battrait pour partager la chambre d'un Malefoy.

Avisant sa présence tout à coup, Scorpius lui lança, tout sauf amical :

- Qu'est-ce que tu fais-là ?

Albus s'approcha d'un des lits laissés libres :

- J'envisage de m'installer ici.

Sous ses yeux, Scorpius rit :

- Ne sois pas stupide. Ils ne te laisseront jamais faire ça.

Et puis, rejetant ses cheveux en arrière :

- Pourquoi tu voudrais t'installer ici, de toute façon ?

Albus en resta plus ou moins perplexe. Du peu qu'il en avait vu, il pensait que Scorpius serait timide et effacé. C'était vrai en public, peut-être. Mais à présent qu'ils n'étaient que tous les deux, le garçon ne cachait pas son envie de le voir déguerpir :

- Retourne voir tes amis, Potter. Ça vaut mieux pour nous deux, et tu devrais le savoir.

Albus ne sut pas quoi répondre. Scorpius l'avait déstabilisé – un sentiment qu'il n'aimait pas, mais qui l'intéressait. Il lui paraissait soudain plus fort et plus mature que lui. Aussi était-il vital de ne pas se laisser démonter :

- Qu'est-ce que tu fais ? s'exclama soudain Scorpius en voyant Albus nouer sa cravate autour d'un des montants des baldaquins vides.

- Disons que ceci sera ma résidence secondaire, répondit Albus, tout sourire. Je suis un Potter après tout, pas vrai ?

Scorpius se contenta de plisser les yeux, méfiant. De quoi frustrer Albus encore plus, et l'encourager plus encore...

Le lendemain, les cours commencèrent. La première heure était dédiée aux Métamorphoses, et une fois encore, Albus vit ses plans échouer. Il tenta désespérément de manœuvrer des coudes pour s'asseoir à côté de Scorpius, mais ses camarades l'entrainèrent impitoyablement vers le devant de la salle, tandis que le jeune Malefoy, lui, se laissait tranquillement dériver vers le fond. Idem en Potions, où Scorpius disparut presque complètement dans l'ombre des cachots.

Albus soupçonnait Scorpius d'être conscient de sa situation et d'en profiter, évidemment. Mais qu'il le veuille ou non, Albus et lui étaient dans la même maison à présent, et ils ne pourraient pas éternellement s'éviter pendant les sept années de leur scolarité...

Aussi Albus décida-t-il de passer à une attaque plus frontale :

- Eh, Malefoy ! cria-t-il à travers toute la Grande Salle au moment du déjeuner. Garde-moi une place !

Cela eut le mérite de faire se tourner toutes les têtes présentes, et un silence pesant s'abattit soudain sur eux tous. Scorpius, lui, baissa instantanément les yeux sur son assiette en priant pour qu'on l'oublie. Mais Albus avait eu le temps de voir passer un petit éclat de fureur dans ses iris gris, et rien que pour cette réaction, il se félicita intérieurement. Ignorant tout le monde, il s'assit alors en face du garçon et commença à lui parler de tout et de rien, faisant comme si tout était normal et comme si ses camarades autour d'eux ne les regardaient pas comme deux extra-terrestres.

Petit à petit, Scorpius, qui s'était d'abord montré patibulaire, finit par répondre franchement à ses questions – en le regardant dans les yeux mais pas trop, et toujours de façon claire, nette, concise, et impeccablement polie. Il n'y avait pas la moindre trace d'émotion dans sa voix, pas le moindre signe d'intérêt ou de désintérêt : Albus demandait, et Scorpius répondait, c'était tout. Il n'engageait pas la conversation lui-même. Il n'ignorait pas Albus, mais ne le sollicitait pas non plus. Au final, Albus dut se résoudre à aller en cours, et Scorpius en profita pour disparaître dans la foule qui le regardait passer.

Albus se retint de jurer. Il insista pour faire seul le chemin jusqu'à son dortoir pour récupérer son équipement de Quidditch avant le cours de l'après-midi, et là, une main l'attrapa au détour d'un couloir pour le projeter dans un recoin sombre :

- Tu vas arrêter ça tout de suite, Potter, fit Scorpius Malefoy en enfonçant ses doigts dans son plexus solaire.

- Arrêter quoi ? répondit Albus, incrédule mais fier malgré lui.

Fier d'avoir attiré son attention, fier d'avoir provoqué une réaction, enfin...

- Ton petit jeu.

Scorpius avisa alors son sourire et recula :

- C'est une blague tout ça pour toi, pas vrai ? Ça t'amuse. Poudlard n'est qu'un immense bac à sable et nous sommes tous tes petits jouets. Mais pas moi, Potter, tu entends ? Pas moi.

- Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?

- Tu veux vraiment savoir ? Tu as vraiment besoin que je te le dise ?

Les traits de Scorpius se firent méprisants :

- Je te croyais moins lent. Tu es un Potter, et moi un Malefoy. Nous vivons dans deux mondes séparés toi et moi, c'est une règle de la nature.

- Les règles sont faites pour qu'on les brise, sourit Albus.

- Non !

Scorpius le plaqua contre le mur à nouveau, fort, et Albus retint une grimace :

- Tu ne comprends pas, articula-t-il lentement. Si tu brises cette règle, je meurs. Est-ce que c'est clair ?

Pour la deuxième fois en deux jours, Albus ne sut pas quoi répondre, et cela le perturba profondément. Il avait toujours été un enfant sûr de lui. Il avait de la malice, de la répartie. Mais le sérieux du garçon en face de lui le perturbait. Scorpius lui semblait avoir une profondeur que lui ne possèderait jamais, une force intérieure, magnétique, qui le faisait le craindre et l'attirait tout à la fois... Etrangement, chaque parole, chaque regard froid de Scorpius résonnait comme un défi pour lui. Il sut à mesure que Scorpius parlait que le garçon signait lui-même sa propre perte : plus il chercherait à lui échapper, plus Albus le harcèlerait... Il était comme ça, il se connaissait. Il ne pouvait pas s'empêcher de piquer son petit monde... Mais il l'écouta malgré tout :

- Tu sais ce que porter mon nom signifie, disait Scorpius. Ma famille est haïe de tous. Je suis une honte perpétuelle, une plaie, une tâche qui essaye simplement de ne pas se faire remarquer. Ce serait déjà mal vu si j'avais le malheur de me faire un ami ici. Mais te fréquenter toi...

Il secoua la tête :

- Tu es Albus Potter ! S'il y a bien une personne que je dois éviter ici, c'est toi.

Malgré lui, Albus haussa les épaules, scandalisé par ces déclarations. Il se sentait pousser des envies révolutionnaires :

- Mais pourquoi ? répondit-il. On les emmerde tous. Si moi je veux être ton ami et toi aussi.

- Ça ne marche pas comme ça.

- Bien sûr que si. Il suffit de le décider, c'est tout. Et de l'imposer. Qu'ils viennent si ça ne leur plait pas.

- Ils viendront, mais pas pour toi.

La répartie de Scorpius fit taire Albus :

- Tu t'appelles Potter, reprit alors le garçon. Tu peux faire tout ce que tu veux. Mais pas moi. Moi, j'ai tout juste le droit d'exister, et pour certains, c'est déjà trop. Je ne peux pas prendre le risque de m'associer avec toi, tu entends ? Je ne peux pas me faire remarquer en aucune façon. Je dois rester à ma place, endurer ces sept années, et partir vivre ma vie.

- Parce que tu crois que ce sera fini après sept années, si tu te comportes comme ça sans jamais rien dire ?

Scorpius ne répondit pas. Albus poussa son avantage :

- Je refuse d'obéir à ces standards de merde !

- Moi si. J'obéis. Je comprends que ce soit difficile à comprendre pour toi.

Cela fit comme une douche froide sur l'esprit d'Albus, mais Scorpius reprit :

- Ecoute, quand tu cries mon nom et que tu viens t'asseoir près de moi dans la Grande Salle, tout le monde se demande ce qui se passe. Tout le monde me regarde pour voir comment je vais réagir. Est-ce que je vais t'attaquer comme le fils de Mangemort que je suis ? Est-ce que je vais t'ignorer, ou te répondre sur un ton inapproprié ? Est-ce que je vais avoir l'air arrogant ou méprisant ? C'est ça que tu m'infliges à chaque fois que tu attires l'attention sur moi. Je suis une poudrière en puissance. Les autres n'attendent qu'un seul prétexte, un seul, pour me pointer du doigt, me tabasser ou me faire la peau. Alors si tu veux vraiment te comporter en ami, reste loin de moi.

Là-dessus, Scorpius ramassa ses affaires et partit. Albus resta quelques secondes là sans rien dire, tremblant légèrement malgré lui, frappé par l'intensité de l'instant. C'est peut-être là qu'il devint véritablement accro à Scorpius. Littéralement. La seule personne à lui résister, la seule personne à lui dire non, à le réduire au silence, à lui donner des ordres... Plus que n'importe qui d'autre dans cette école, Scorpius avait conscience d'avoir affaire à un Potter, et pourtant, il se comportait différemment de tous.

Albus finit par reprendre son chemin vers les dortoirs. Il ressentait toujours la colère qu'il avait éprouvée devant les arguments de Scorpius : le fait que leurs noms de famille, la société sorcière, le regard des autres, les empêchaient d'être amis. Il y avait quelque chose de profondément perverti dans tout ceci. Quelque chose de mauvais.

Albus était un enfant gâté : d'aussi loin qu'il s'en souvenait, il avait toujours eu tout ce qu'il voulait. Aussi, ce fut tout naturellement qu'il décida qu'il obtiendrait Scorpius s'il le désirait, ce jour-là. S'il fallait changer le regard des autres, eh bien soit. Agir en dépit des autres, eh bien soit. Albus n'avait pas peur de tout cela.

C'était là des pensées bien profondes pour un enfant de onze ans, mais parce qu'il était un enfant, justement, elles s'enracinèrent plus profondément encore en lui, attendant de germer, lentement, année après année...

Pour l'heure, Albus avait cours de Quidditch.

X

Redescendant quatre à quatre les marches du dortoir, Scorpius tentait de maitriser sa colère. Il avait pris un énorme risque aujourd'hui, dès le premier jour... Mais ce risque était nécessaire. Cet enfoiré d'Albus Potter n'avait pas la moindre idée de ce qu'il faisait, et Scorpius ne pouvait décemment pas continuer à le laisser jouer avec un bâton de dynamite allumé, pointé sur lui.

Soupirant, il s'enjoignit au calme, comme son père le lui avait toujours enseigné. Malgré son jeune âge, Scorpius avait déjà acquis une profonde maitrise de lui-même. Mais ce jour-là, ça ne marcha pas. Il avait trop à perdre, trop de peur en jeu, et Albus Potter pariait tout cela simplement parce qu'il lui en avait pris la fantaisie...

Scorpius était fou de fureur. Il s'attendait à rencontrer des difficultés avec les Potter, mais pas à ce que l'un d'entre eux fasse une fixette sur lui... Avisant le terrain de Quidditch qui se rapprochait, Scorpius se dit que ce n'était définitivement pas son jour et se contraignit à rejoindre les rangs de Madame Bibine.

Tous les regards se posèrent aussitôt sur lui. Scorpius se retint de réagir et se contenta de se ranger à côté de son balai :

- Monsieur Malefoy, commença aussitôt Madame Bibine. Comme vous le constaterez, nous n'avons pas les moyens de nous offrir du matériel d'aussi bonne qualité que celui que produit votre père, vous m'en voyez navrée.

Scorpius jura intérieurement. Cinq secondes, et ça commençait déjà... Contemplant la vieille Comète agonisante à ses pieds, il conserva son impassibilité de façade et répondit poliment :

- Ça ne fait rien Madame, ces balais sont en très bon état.

Bibine hocha la tête, diplomate. Autour d'eux, les élèves commençaient déjà à murmurer. Scorpius lui se mit à contempler le sol. Il voyait la boutique de son père en esprit. Il sentait l'odeur des balais et la voix douce et grave de son père qui les apprivoisait.

A la fin de la guerre, Drago Malefoy avait été jugé et condamné à deux années de prison fermes à Azkaban. On lui avait retiré à jamais le privilège de posséder une baguette, et lorsqu'il était sorti à l'issu de sa peine, il n'avait plus rien : plus de famille, plus de fortune, plus de magie. Lucius et Narcissa Malefoy avaient été condamnés au Baiser du Détraqueur deux ans plus tôt. Le Manoir avait été confisqué, les biens et l'argent aussi. Le Ministère avait voté des mesures infiniment restrictives à l'égard des anciens Mangemorts et partisans de Voldemort : interdiction de posséder une baguette, interdiction de travailler pour le Ministère, interdiction de posséder son propre logement, son propre commerce ou un compte en banque, interdiction de sortir de sa zone de surveillance... Tout était réuni pour que Drago Malefoy sombre et se fasse lyncher dès sa première semaine de liberté. Mais non, il n'avait rien fait de tout cela. Drago Malefoy s'était fait silencieux pendant quelques années. Personne n'avait vraiment su ce qu'il faisait ou comment il subsistait à l'époque, même s'il demeurait à Londres. Et puis un jour, une boutique avait rouvert sur le Chemin de Traverse. La boutique de balais. Et derrière le comptoir... Drago Malefoy.

La nouvelle avait choqué, scandalisé plus d'un. Nombreux avaient été ceux à réclamer une enquête : comment Drago Malefoy pouvait-il posséder une boutique qui donnait pignon sur rue ? Le Ministère avait dû se résoudre malgré lui à admettre que la situation était légale : le commerce appartenait à un propriétaire légitime, qui demeurait anonyme, et qui employait Malefoy sous contrat. Ce même propriétaire avait entouré la boutique de puissantes protections pour lutter contre le vandalisme. En désespoir de cause, les citoyens les plus virulents avaient appelé au boycott pur et simple de l'établissement, mais la folie des médias avait eu l'effet inverse : toute la population sorcière de Londres s'était bousculée pour voir l'ancien Mangemort en personne.

Drago Malefoy s'était montré distant et courtois. Une attitude qu'il n'avait pas quittée depuis et qui le caractérisait, autant que sa marque de fabrique. En entrant dans la boutique Malefoy, on s'attendait à trouver du silence, de la rigueur, une politesse millimétrée, et le moins d'effusions possibles. A l'image de la science que Drago avait appris à maitriser : les balais...

Scorpius sourit. Il avait toujours admiré son père pour la façon qu'il avait eue de se relever. La façon qu'il avait eue de leur prouver, à tous, qu'il pouvait réussir malgré les crachats et les on-dits... Il se mortifia lorsqu'il se rendit compte que cela lui rappelait les arguments d'Albus. Albus qui l'enjoignait à faire ce qu'il désirait, en dépit des autres...

Drago Malefoy avait réussi en dépit de la loi et de tous ceux qui désiraient sa chute. Il avait choisi un art ancien et méconnu : la fabrication des balais... Un art qui avait recourt à la magie sans baguette. Tous les sorciers étaient capables de magie sans baguette durant leur enfance : c'était seulement en entrant à Poudlard qu'on leur remettait entre les mains ce petit instrument qui leur permettait de canaliser leur puissance, de mieux la diriger et de la garder sous contrôle...

Mais dans les faits, un sorcier restait un sorcier. La magie se trouvait dans le sang, pas dans la baguette. Aux premières heures de l'humanité, les hommes ne possédaient pas de baguettes, et encore moins le savoir pour les fabriquer. La première baguette avait été inventée par un sorcier qui, nécessairement, n'en possédait pas. Des milliers d'années s'étaient écoulés sans le recours de ce petit artefact élaboré...

Scorpius se rappelait tout ce que son père lui avait expliqué à ce sujet. Les baguettes permettaient aux jeunes sorciers de diriger et de maîtriser leurs pouvoirs plus facilement. La magie sans baguette, elle, était instinctive. Plus primitive. Plus instable. Puissante et dangereuse. Et au cœur de la fabrication des balais...

Drago Malefoy avait ainsi choisi l'un des seuls métiers qui lui permettait de contourner la loi. De demeurer un sorcier, de conserver sa dignité, et mieux même : de l'étaler aux yeux de tous. D'abord curieux mais sceptiques, les citoyens de Londres avaient peu à peu dû se rendre à l'évidence, et le bouche à oreille avait fait le reste. Les balais de Drago Malefoy étaient exceptionnels. Les meilleurs ayant jamais été produits dans toute l'histoire de la sorcellerie anglaise. A tel point que maintenant, comble de l'ironie, Drago Malefoy était chargé d'équiper l'équipe nationale britannique...

Scorpius secoua la tête : tout cela avait son désavantage. A l'heure de son premier cours de Quidditch, tous les élèves le regardaient. Et tous l'attendaient au tournant. Heureusement, Albus Potter arriva pour lui voler la vedette :

- Qu'est-ce que j'ai manqué ? lança-t-il en lui adressant un clin d'œil.

Scorpius grinça des dents. Lorsqu'arriva son tour de voler, il sentit la vieille Comète protester, mais tenir bon. Il perçut l'entrelacs délicat du sortilège et des éléments qui l'animaient. Il sentit la vieillesse et la puissance essoufflée du balai. A force d'aider son père à la boutique, Scorpius comprenait toutes ces choses, autant de subtilités qui murmuraient à ses oreilles comme un langage caché... Mais aux yeux de ses camarades, il tâcha d'avoir l'air décevant. Il fit quelques tours de piste, convenablement mais sans plus, et regagna la terre ferme sans avoir fait d'étincelles. Il aurait pu, pourtant, il le savait... Mais c'était une gloire qu'il devait à tout jamais s'interdire.

Albus Potter prit alors la relève, et soudain, une chose incroyable se produisit : pour la première fois de toute l'histoire du monde sorcier, un Potter se révéla être nul au Quidditch. Nul à un point inimaginable. Albus resta en l'air sept secondes avant de s'écrouler sur les fesses sous le fou rire général, et lui-même riait plus fort encore que tous les autres :

- Je vous l'avais dit, lança-t-il à Madame Bibine, hilare. Je ne suis pas fait pour ce sport.

Tandis qu'une marée humaine se précipitait déjà pour le relever, Scorpius capta son regard, l'espace d'une seconde. Il crut y lire quelque chose de moins anodin qu'une simple chute acrobatique. Quelque chose de complice, de partagé... Il se demanda vaguement si Albus avait fait exprès de tomber pour lui rendre service, en attirant l'attention sur lui... Mais il s'en voulut pour cette pensée dès qu'il l'eut formulée.

Le soir, il ne protesta pas lorsque Potter revint s'asseoir en face de lui dans l'incompréhension générale. Il avait confiance en ses camarades pour faire comprendre très vite à Potter dans quel monde ils vivaient. Ça ne tarda pas :

- Pourquoi tu lui parles ? demanda un petit blond assis à la droite d'Albus. C'est un Malefoy ! Il devrait être ton ennemi juré !

Scorpius retint un sourire pour lui-même : « Je te l'avais bien dit, Potter... », songeait-il en pensée. Mais comme il avait l'art de le faire, Albus le prit à contrepied :

- Je ne le connais pas assez pour qu'il soit mon ennemi juré, sourit-il en dévisageant franchement les autres.

Personne ne sut comment réagir. Personne ne sut quoi répondre. Scorpius perçut l'instant de gêne qui se glissait dans le silence, et même Albus, ce soir-là, dut sentir qu'il venait de perdre une partie de l'enthousiasme qu'il suscitait. La haine des Mangemorts était unanime dans toutes les familles sorcières. Comment Albus Potter pouvait-il fraterniser avec un Malefoy ?

Albus déporta soudain son regard sur Scorpius, et ce dernier tenta de lui transmettre en silence : « Réfléchis bien à ce que tu vas faire, Potter. Réfléchis bien, parce que si tu poursuis plus loin dans cette voie, il arrivera un moment où tu ne pourras plus faire marche arrière ». Mais en dépit de son regard qui l'avertissait, Albus enchaîna :

- Alors, Malefoy. Tu aurais des conseils à me donner en Quidditch ?

X

Ce petit manège se poursuivit pendant une semaine. Albus harcelait Scorpius de questions au détriment des autres. Ainsi dès ses onze ans, sa réputation ambigüe était déjà née : Albus Potter, le spécimen étrange de la famille. Celui qui n'était jamais là où on l'attendait, celui qui ne faisait jamais rien comme on le pensait, celui qui retournait toutes les règles et qui n'en faisait qu'à sa tête. Albus harcelait Scorpius, et toujours, Scorpius maintenait entre eux deux une barrière lisse et froide, dans les limites de ce que lui imposait la politesse. Il ne pouvait pas passer pour un connard arrogant qui refusait l'honneur d'une amitié avec Albus Potter – alors qu'il était un Malefoy. Donc, il subissait en silence les assauts du garçon, sans protester, sans réagir. Mais en lui-même, son agacement croissait. La population de Poudlard ne supporterait pas cette hérésie très longtemps, et bientôt, ce serait sur lui qu'on viendrait se défouler...

Un matin, Scorpius reçut une lettre qu'il préserva aussitôt à l'abri des regards. Mais le soir, lorsqu'il revint dans son dortoir désert – ses deux autres camarades de chambrée se couchaient toujours bien plus tard que lui – Scorpius trouva Albus sur son lit, l'enveloppe ouverte et la lettre sur les genoux.

- Qu'est-ce que... ?

- C'est bien ce que je pensais, le coupa Potter en relevant les yeux sur lui.

Quelque chose avait changé. Scorpius le vit aussitôt : il savait reconnaitre un regard agressif lorsqu'il le croisait. Instinctivement, il se mit sur ses gardes :

- Je me disais bien que j'avais reconnu l'écriture sur l'enveloppe, ce matin, enchaina Albus.

- Depuis quand est-ce que tu fouilles dans mes affaires ? protesta Scorpius. Tu te crois tout permis ?!

- Et toi, tu peux m'expliquer pourquoi tu reçois des lettres de mon père ?!

Scorpius se figea. Alors, sous ses yeux, Albus lut :

« Cher Scorpius,

J'espère que tu vas bien, même si je me doute que la situation doit être difficile pour toi. Mais j'ai confiance en toi et je sais que tu tiendras bon. J'ai appris pour ta cérémonie de la Répartition, et je voulais te féliciter : Serdaigle est une excellente maison, je suis sûr que tu t'y sentiras à ton aise avec le temps. Je ne me fais aucun souci quant à ton sérieux et à ton implication. Je voulais que tu saches que si tu rencontres le moindre problème, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu ne dois pas hésiter à m'en parler. Je serai toujours là pour toi, je te le promets.

Harry »

Albus reposa la lettre dans un silence de mort. Scorpius dut se rappeler de respirer. Une sueur froide coulait dans son dos.

- Alors ? fit Albus.

- Alors quoi ?

- Tu vas répondre, bordel de merde ! Pourquoi est-ce que tu reçois des lettres de mon père ?!

Dans sa fureur, Albus s'était levé du lit, et Scorpius recula malgré lui. Le contraste entre le garçon agaçant qui lui souriait tous les jours et ce gamin en colère le percutait de plein fouet. Scorpius y vit là son seul espoir, la chance qu'il attendait : donner l'occasion à Albus Potter de le haïr, juste ce qu'il fallait pour qu'il l'ignore sans lui pourrir la vie.

- Je n'ai pas à me justifier devant toi, répondit-il, glacial.

- Si, tu le dois ! cria Albus, au risque d'alerter tous les autres. Si, tu le dois ! Pourquoi est-ce que tu reçois des lettres de lui, et pas moi ? Pourquoi est-ce qu'il prend la peine de t'écrire à toi, pour te féliciter de ta répartition, alors que je n'ai pas eu le droit à un mot, pas un ?

Scorpius n'eut pas le temps de répondre : Albus se jeta sur lui tout à coup et balança son poing dans les airs. Malheureusement pour lui, Scorpius fut plus rapide. Il retourna son élan contre lui et l'envoya bouler contre le mur. Albus s'ouvrit la lèvre sous le choc, et laissa éclater sa colère :

- Pourquoi tu connais mon père ?! hurla-t-il.

Scorpius se rapprocha de lui, plus méprisant que jamais :

- Mais enfin atterris, Potter. Je connais ton père depuis que je suis né. C'est lui qui est en charge du dossier de ma famille.

Albus demeura longtemps prostré, haletant, incapable d'assimiler ce que Scorpius lui révélait :

- Quoi... ?

- Il est en charge du dossier de ma famille. C'est lui qui vient inspecter le domicile de mon père tous les mois. Lui qui épluche ses documents, ses factures, lui qui vérifie qu'il se plie bien à la loi. Ton père vient chez moi depuis aussi longtemps qu'il m'est donné de m'en souvenir.

- Mais pourquoi est-ce qu'il t'écrit... ? demanda Albus, incrédule.

Scorpius le considéra longuement, puis il n'y tint plus : il éclata d'un long rire cynique, terrible, un rire qu'un enfant n'aurait jamais dû avoir :

- Regarde-toi, cracha-t-il. Continue à faire tes caprices d'enfant si tu veux, c'est tout ce que tu es capable de retenir. Je connais ton père parce qu'il est celui que le Ministère a délégué pour veiller à ce qu'on oppresse ma famille, jour après jour après jour. Il m'écrit parce qu'il se sent coupable. Responsable pour moi. Et parce qu'il est bien l'un des seuls à posséder encore une once d'humanité...

Scorpius haussa les épaules :

- Vas-y maintenant, frappe-moi. J'en ai connu d'autres. Fais ce que tout le monde fait et arrête de me faire chier.

Ce jour-là, véritablement, quelque chose changea. Albusse releva et sortit de la chambre sans un mot de plus. Le lendemain, il avait la lèvre tuméfiée, mais il se glissa en douce chez Madame Pomfresh pour se faire soigner avant que qui que ce soit ne le voie. Puis, le soir, lorsqu'il fut sûr que Scorpius était seul, il frappa doucement à la porte de sa chambre :

- Je peux entrer ? demanda-t-il.

C'était une première pour lui. Une marque de considération qui lui valut un hochement de tête de la part de Scorpius. Alors, Albus se lança :

- Je suis désolé pour hier soir... Excuse-moi, vraiment... Je ne sais pas ce qui m'a pris.

En face de lui, Scorpius demeura silencieux. C'était un silence terrible que celui que devait affronter Albus, mais comme toujours, il ravala sa peur, et il dit ce qu'il avait à dire :

- Je me suis emporté, je n'aurais pas dû. La vérité, c'est que ce n'est pas aussi parfait que tu le crois de s'appeler Albus Potter. Je sais que je ne peux pas prétendre... Aux problèmes et aux injustices que subit ta famille. Mais aucune famille n'est parfaite. La mienne en particulier. Ma mère est une journaliste et une star du Quidditch : elle n'est jamais là. Mon père est Auror, ce qui signifie qu'un soir sur deux, il n'est pas là non plus. Personne ne sait ce qu'il fait. Quand il rentre, il s'assoit devant la cheminée et il ne parle à personne. Il avale deux verres de Whisky Pur Feu, et puis il va se coucher, et je l'entends la nuit qui se réveille en hurlant... Voilà à quoi ça ressemble d'être un Potter, Scorpius. Je n'arrive pas à me rappeler la dernière fois que mon père a posé les yeux sur moi. Ni quand nous avons eu une vraie discussion, lui et moi... Alors... voir cette lettre, apprendre qu'il t'avait écrit, à toi... Alors que moi, je suis son fils, et que je ne compte pour rien...

Albus sentit une larme lui échapper et l'écrasa avec rage :

- J'ai vu rouge, tu comprends ? J'ai vu rouge. Mais... Je tenais à m'excuser, et... Je voulais te dire que je te comprends plus que tu ne l'imagines. Ta vie n'est pas parfaite. La mienne non plus.

Albus se tut. En face de lui, Scorpius referma lentement le livre qu'il tenait, sans le regarder. Jamais Albus ne s'était senti aussi suspendu aux paroles de quelqu'un. Aussi dépendant. Aussi...

Il n'y avait pas de mot. Seul Scorpius pouvait le délivrer. Au final, le jeune garçon releva les yeux sur lui et dit simplement :

- Merci. Bonne nuit.

Alors, Albus partit se coucher, traumatisé d'avoir dévoilé une telle facette de lui-même, une telle faiblesse, alors qu'il ne s'en serait jamais cru capable... Avec le goût amer de la honte et des regrets dans la bouche.

X

Le lendemain, il ne fit rien pour provoquer Scorpius, il ne rechercha plus sa compagnie. Il se contenta de s'asseoir à table et de sourire à ceux qui osaient encore lui sourire. Et puis, soudain, une silhouette aux cheveux noirs vint prendre place en face de lui. Scorpius ne lui accorda pas un regard, pas une remarque, rien : il était là simplement, et il se servit un verre de Jus de Citrouille.

Albus n'arrivait pas à croire. Timidement, il tenta sa chance :

- Histoire de la Magie, aujourd'hui ?

- Ne m'en parle pas, répondit Scorpius l'air de rien.

Alors, au fond de lui, Albus éprouva un soulagement immense. C'était plus qu'une question de victoire ou de défaite, c'était plus que du bonheur : c'était la chaleur d'une compréhension parfaite, mutuelle, d'une acceptation, enfin...

Scorpius ne supporterait pas qu'il y fasse allusion bien sûr : Albus le savait instinctivement. Mais ce jour-là, véritablement, leur amitié commença.

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