» chapitre 5
Chan faisait d'incessants aller-retours. Il s'était réveillé tôt et d'assez bonne humeur. Il avait voulu prendre son temps, ne pas se mettre la pression, et pourtant il en était là, à marcher pour éviter que l'angoisse ne le submerge. Il avait géré ses émotions durant toute la journée et maintenant que l'heure approchait, il n'y arrivait plus. Hyunjin allait arriver d'une minute à l'autre, la sonnette allait retentir dans la grande maison et il ne pourrait plus faire marche arrière.
Ils s'étaient échangé quelques messages, des banalités, et Chan lui avait de nouveau confirmé qu'il pouvait venir le samedi soir. Chez lui. Il ne s'agissait donc pas d'un lieu neutre, pas d'un lieu public. Leur semblant de rendez-vous allait avoir lieu dans sa maison, là où ils s'étaient rencontrés la première fois. Et quelle rencontre ! L'un comme l'autre ne l'oublierait pas de si tôt. Chan avait parfois quelques flashs de ce matin-là, ce matin où il était tombé nez à nez avec Hyunjin et qu'il avait paniqué. En y repensant, un rictus s'emparait bien souvent de ses lèvres. La situation était cocasse, et toujours aussi déconcertante. Il avait du mal à réaliser que c'était bien arrivé, qu'il avait couché avec ce jeune homme. Il ne savait pas s'il l'acceptait encore, mais il devait avouer que ça l'avait aidé, d'une certaine manière. Peut-être pourrait-il obtenir davantage de réponses ce soir ? Il l'espérait.
Il n'eut pas le temps de se poser plus de questions, il sursauta à cause de la sonnette qui avait éclaté dans la villa. Il se précipita dans le hall d'entrée et ouvrit la porte. Face à lui, Hyunjin, coiffé d'une demi-queue et vêtu de manière plutôt décontractée. Il lui indiqua d'entrer et ils se saluèrent d'un petit signe de la tête. Pas un mot, à peine un regard. Chan lui proposa une paire de pantoufles que le jeune homme s'empressa d'enfiler afin de le suivre dans la grande pièce à vivre. L'atmosphère était un peu étrange, la tension palpable.
— Tu veux boire quelque chose ? demanda Chan en se tournant vers son invité.
— Tu as quoi à me proposer ?
Il se dirigea dans la cuisine, près du réfrigérateur. Heureusement qu'il était allé faire quelques courses en prévision.
— Tu préfères de l'alcool ou un soft ?
— Un soft.
Il ouvrit le réfrigérateur et observa ce qu'il avait.
— J'ai du soda, de l'eau pétillante aromatisée, du jus…
— De l'eau pétillante au citron, tu en as ? demanda Hyunjin.
Chan, d'un air victorieux, sortit une bouteille de ce qu'il lui avait demandé. Il avait acheté un peu de tout puisqu'il ne connaissait pas les goûts du jeune homme. Il saisit deux grands verres dans un des placards et fit le service. Hyunjin restait immobile, de l'autre côté de l'ilot central. Il analysait chacun des gestes de son hôte.
— On va dans le salon ? proposa Chan.
Hyunjin acquiesça. Il chercha à prendre son verre au passage, mais Chan ne lui en laissa pas l'occasion. Il apporta les boissons sur la table basse en verre trempé et prit place dans le grand canapé en cuir. Il invita Hyunjin à le rejoindre, ce qu'il fit sans une once d'hésitation. Il s'installa à une distance raisonnable du peintre, comme s'il craignait d'empiéter sur son espace personnel. Chan le remarqua et toussota. Il se décala un peu vers Hyunjin pour lui montrer qu'il n'était pas non plus un ours mal léché. Il l'avait fait venir chez lui, ce n'était pas pour l'éviter comme la peste. Certes, il ne se sentait pas vraiment à l'aise, la situation était bizarre, mais il ne voulait pas se comporter comme un rustre. Hyunjin était venu, alors qu'il aurait très bien pu refuser, c'était aussi à lui de faire des efforts.
Un silence pesant s'était installé. Chan prit son verre et en but quelques gorgées, les bulles lui titillèrent la gorge et il toussa à nouveau. Il ne savait pas quoi dire, quoi faire. Ses mains allèrent jouer avec le bas de son t-shirt qu'il tritura. Il ne cessait de s'humidifier les lèvres et de déglutir. Mais il savait, au fond de lui, qu'il avait pris la bonne décision. Il avait la sensation que Hyunjin était ce qu'il lui fallait.
— Merci pour l'invitation, lança Hyunjin.
Chan se redressa et força un sourire.
— Je t'en prie, c'est normal.
— C'est vraiment une belle maison que tu as. Ça fait longtemps que tu vis ici ?
Hyunjin observa les alentours, les yeux papillonnants face à la grandeur et à l'élégance du lieu. Quand il était venu la première fois, la villa avait fini par ressembler à un champ de bataille. Il n'avait que peu de souvenirs de ce fameux matin où il s'était réveillé aux côtés de Chan. Tout s'était passé très vite et il avait été éjecté en moins de deux. Ce n'était pas plus mal, il n'avait pas eu le temps de voir à quel point la maison était en bazar.
— J'ai toujours vécu là. Enfin… Je suis parti un petit temps pour mes études, mais depuis que mon père est décédé…
— Oh, excuse-moi !
Chan secoua la tête.
— C'est bon, ça va. Ça fait plus d'un an maintenant. Et puis, je le voyais pas non plus souvent.
— Oui mais quand même, c'est toujours assez douloureux.
Il haussa les épaules et but une nouvelle fois. Hyunjin l'imita. Le silence était revenu et ça rendait encore une fois l'ambiance un peu trop pesante.
— Je peux te poser une question ?
Chan se tourna vers son invité, la tête penchée sur le côté.
— Euh, oui, vas-y.
— Je me demande pourquoi tu m'as fait venir chez toi.
Chan se figea. Une sensation familière s'empara de tout son corps. C'était chaud, un mélange entre l'excitation et l'appréhension. Il avait l'impression d'être en haut d'une falaise, prêt à sauter dans le vide, même si l'élastique était là pour le retenir et éviter qu'il ne s'écrase au sol.
— Désolé de mettre les pieds dans le plat, continua-t-il, mais je trouve ça un peu bizarre après que tu m'aies viré de chez toi de façon plutôt…
— Violente. Mais je me suis excusé la dernière fois quand même.
— Je sais !
Un petit rire échappa à Hyunjin.
— C'était pas pour te le reprocher, c'est seulement que j'ai du mal à saisir.
— Je… Moi aussi j'ai du mal à saisir.
— Quoi ?
Chan soupira et se cala dans le dossier du canapé. Il avait vraiment du mal à mettre des mots sur ce qu'il avait ressenti, sur ce qu'il ressentait toujours. Hyunjin avait quelque chose de spécial, quelque chose de nouveau, de différent. Peut-être même de rare. Et s'il l'avait rappelé, s'il lui avait demandé de revenir, ce n'était pas pour rien.
— Écoute, je vais être honnête avec toi. Je suis pas attiré par les hommes, je suis pas gay.
Hyunjin haussa un sourcil.
— Excuse-moi mais tu m'avais pas l'air très hétéro quand on a couché ensemble.
Chan manqua de s'étouffer avec sa salive. Il ne faisait pas une découverte, il se doutait bien qu'ils avaient couché ensemble puisque les souvenirs étaient peu à peu revenus. Mais il ne s'attendait pas à ce que Hyunjin soit si direct. Sa franchise lui donna chaud. Ses joues s'empourprèrent et il remua sur le canapé, cherchant une position plus confortable. La main du jeune homme se positionna sur sa cuisse et cette fois, ce fut un feu qui lui ravagea les entrailles. Comment un geste aussi simple pouvait le mettre dans un état pareil ? C'était à n'y rien comprendre.
— Je veux pas te rendre mal à l'aise ou quoi que ce soit, c'est juste que je sais pas vraiment ce que tu attends. Enfin, surtout que tu me dis ne pas être attiré par les hommes.
La voix de Hyunjin s'était faite plus basse, plus grave. Chan sentait que son cœur s'emballait, que sa respiration devenait plus rapide, mais plus courte. Il était proche, très proche. Leurs genoux se heurtèrent et ils levèrent les yeux. Ils se fixèrent, leurs regards plongeant l’un dans l’autre.
— Pourquoi tu m'as fait venir ici ? Tu dois avoir une bonne raison, non ?
Chan se mordit la lèvre inférieure tandis que ses yeux bifurquaient sur la bouche pulpeuse de Hyunjin. Ses deux lippes entrouvertes, humides, charnues, l'appelaient. Il ne pensait plus au fait que Hyunjin était un homme, il s'en fichait, ce n'était qu'un détail. Là, à cet instant, il avait envie de se jeter dessus pour les lui dévorer, pour retrouver leur goût, pour retrouver les sensations de cette nuit qu'ils avaient passé ensemble. Et surtout, pour retrouver l'élan d'inspiration qui l'avait submergé suite à cette dernière.
— Oui, j'ai une bonne raison.
Il ferma les yeux et se pencha vers son invité. Leurs bouches se frôlèrent, lentement au départ, leurs souffles se mélangèrent jusqu'à ce qu'ils soient coupés. Chan venait de sceller leurs lèvres tandis que ses mains s'étaient posées sur la taille de son partenaire. Hyunjin sourit et se laissa embrasser. Il profitait des douces caresses que le peintre lui donnait. Elles étaient plutôt chastes, pas pressées, même un peu maladroites parfois car il tremblait. Il resserra sa poigne sur la taille de Hyunjin et glissa davantage vers lui. Il chercha à approfondir l'échange en donnant des petits coups de langue et il daigna répondre à ses attentes. Leurs mouvements s'accordèrent, leurs lèvres flirtèrent, joueuses mais un peu timides. Les longs doigts de Hyunjin se posèrent sur les pectoraux de Chan. Il le toucha par-dessus son t-shirt, puis remonta jusqu'à ses épaules pour s'y maintenir tant il était transporté.
Mais Chan s'était déjà lassé de ces petites attentions hésitantes. Le baiser prit une tout autre dimension quand il positionna une main sur la nuque de son partenaire et qu'il se redressa pour prendre l'ascendant sur l'échange. Hyunjin bascula la tête vers l'arrière, un petit soupir lui échappa quand la langue de Chan glissa entre ses lèvres. Il ferma davantage les yeux et lui donna l'autorisation de l'embrasser avec plus de passion. Leurs langues avides se trouvèrent, et ce fut l'explosion. L'adrénaline, l'excitation, le feu. Hyunjin s'agrippa au t-shirt de Chan et à plusieurs reprises, il laissa filer un gémissement de bien-être. Ils n'étaient plus en mesure de réfléchir. Il n'y avait plus rien qui comptait et les petits sons humides de leur baiser étaient venus briser le lourd silence ambiant. Chan n'avait plus rien en tête, plus de questions, plus de peurs, plus de barrières. Il le faisait parce qu'il en avait envie, mais aussi parce qu'il le devait. Il avait besoin de retrouver ce qui lui manquait, de retrouver cette étincelle spéciale, de retrouver l'inspiration. Il avait besoin de Hyunjin.
En manque d'air, les yeux mi-clos et le souffle court, Chan dut se résoudre à se détacher de son partenaire. Il l'observa sans dire un mot, il était trop perturbé par tout ce qu'il lui faisait ressentir. Hyunjin, toujours accroché à lui, sourit.
— Wouah… soupira-t-il. Je ne m'attendais pas à ça…
— Moi non plus, avoua Chan.
— Tu sais que ça aussi c'était pas très hétéro ?
Son ton se voulait taquin, mais Chan n'avait pas envie de rire. Son regard était sombre, perçant, impénétrable.
— J'en ai absolument rien à foutre.
Sans même laisser à Hyunjin le temps de se remettre de leur baiser torride, Chan revint à la charge. Hyunjin répondit aussitôt et enroula les bras autour de son cou. Il grimpa à genoux sur le canapé et leur échange n'en fut que plus intense au fil des secondes. Ils se touchaient, partout, comme s'ils avaient cette nécessité de se découvrir — ou se redécouvrir — le plus vite possible. C'était vital.
Chan se recula un court instant pour ôter son t-shirt et Hyunjin lui caressa aussitôt le torse, les mains à plat. Il glissa sur sa peau brûlante, s'imprégnant du moindre relief. Quand il le touchait comme ça, Chan avait l'impression qu'il touchait quelque chose de sacré. Et ça l'excitait de constater, dans son regard plein de désir, qu'il savourait ce qu'il voyait.
— Tu aimes ?
La question était sortie tout naturellement, la gêne que Chan avait pu ressentir s'était envolée.
— T'es magnifique. J'ai envie de te bouffer.
Chan retroussa le nez et s'en mordit la lèvre. Hyunjin plongea sur son torse et le lécha sans retenue. Il passa sur ses pectoraux, descendit sur son ventre, puis remonta jusque dans son cou. Chan ferma les yeux et pencha la tête sur le côté. L'accès était bien meilleur, et Hyunjin s'en donna à cœur joie. Il y laissa courir la langue, puis tantôt les lèvres, tantôt les dents. Il arriva à son oreille et lui mordilla le lobe. Chan soupira de bonheur. C'était tellement bon d'être entre les mains d'un jeune homme aussi sûr de lui, aussi entreprenant. Il comprenait mieux pourquoi il avait craqué cette nuit-là. S'il s'était montré aussi convaincant, ça ne l'étonnait pas qu'il se soit jeté dans un lit en sa compagnie. Il ne pouvait même pas comparer cela avec les femmes avec lesquelles il avait déjà couché. C'était différent. C'était nouveau. C'était une expérience à part entière.
— Allonge-toi.
Hyunjin exerça une faible pression pour le faire tomber en arrière. Chan heurta l'accoudoir et saisit un coussin pour le caler derrière sa tête. Hyunjin s'installa sur lui et revint s'occuper de son cou. Inconsciemment, il roula des hanches et Chan hoqueta. Leurs bassins en contact, ils pouvaient percevoir à quel point ils étaient déjà tout émoustillés par les quelques baisers qu'ils avaient partagés. Hyunjin glissa une main entre eux pour venir rencontrer l'érection de son partenaire. Il remua les doigts et y frotta la paume, arrachant aussitôt des gémissements à Chan. Ce dernier se tordait d'envie. Son corps remontait de lui-même, il cherchait un contact plus poussé. Hyunjin délaissa son cou et revint sur ses lèvres qu'il mordilla et lécha avant d'en prendre totalement possession.
Une première sonnerie éclata, sans réaction de la part des deux jeunes hommes sur le canapé. Une deuxième. Puis une troisième. Et au bout de la quatrième, Hyunjin se redressa. Il abandonna la bouche de son partenaire, la laissant rouge et gonflée, quand il se rendit compte que le perturbateur n'était autre que son téléphone portable posé sur la table basse. Il se pencha pour le saisir, sans descendre de Chan. Il décrocha et échangea quelques mots. Puis il raccrocha et lâcha un profond soupir, ses épaules s'affaissèrent et il leva les yeux au ciel. Même s'il pouvait paraître agacé par cet appel, son expression avait tout de celle de quelqu'un d'inquiet. Ses yeux jonglaient d'un point à un autre, et ses mains s'étaient faites tremblantes.
— Un problème ? s'inquiéta Chan.
— Je suis désolé…
Il se recula pour quitter le canapé et appuya la main contre sa propre érection dans l'espoir de la calmer. Chan se redressa et ramassa son t-shirt échoué sur le sol. Hyunjin défroissa ensuite ses vêtements, puis replaça ses cheveux défaits.
— J'ai une urgence, je vais devoir te quitter, dit-il en faisant la moue.
— Oh…
Chan essaya de faire bonne figure, mais la déception était pourtant bel et bien présente. Il devait l'avouer, il aurait aimé continuer ce qu'ils avaient commencé. Ça s'annonçait pourtant intéressant… Un peu déçu, mais ne pouvant rien faire, il remit son t-shirt. Hyunjin s'agitait dans tous les sens pour récupérer ses effets personnels. Chan l'accompagna jusqu'à la porte d'entrée où le jeune homme remit ses chaussures. Il s'excusa une fois de plus. Il avait vraiment l'air déçu, et Chan l'était tout autant.
— J'aurais vraiment aimé rester plus longtemps.
— C'est bon, t'en fais pas.
— Mais je veux bien revenir une prochaine fois, si tu es d'accord.
— Oui, bien sûr.
— Et j'espère qu'on pourra recommencer. Et même aller plus loin.
Les joues de Chan s'empourprèrent. Il battit des cils et un rire concis lui échappa. La main droite de Hyunjin s'accrocha à son biceps.
— Je te rappelle dans la semaine.
Le jeune homme se pencha vers Chan et déposa un petit baiser sur ses lèvres. Il tourna les talons et quitta la villa d'un pas pressé. Chan l'observa s'éloigner. Il semblait absent, absorbé par la démarche de Hyunjin, absorbé par sa silhouette longiligne qui s'effaçait petit à petit au loin. Et lorsqu’il disparut derrière le portail, Chan revint enfin à lui. Sorti d'un songe, il secoua la tête et referma la porte. Hyunjin était une bouffée d'air quand il étouffait. Il était une impulsion qui lui permettait de sortir la tête de l'eau. Ses mains se mirent à trembler, son ventre se retourna. Ce fut violent, à lui en donner le vertige. Il avait la sensation que les murs tournaient autour de lui, que son esprit s'agitait, que son épiderme bouillonnait, que ses entrailles frémissaient. Il ferma les yeux dans l'espoir d'anesthésier tout ce qu'il ressentait. Le visage de Hyunjin apparut. C'était une évidence. Il devait peindre, tout de suite.
D'un pas assuré, il traversa la maison et déverrouilla la porte qui menait à l'atelier. Dans un état proche de la transe, il alluma les lumières, rassembla son matériel pour le disposer devant son chevalet. Puis il se mit à peindre, parce que c'était tout ce qu'il pouvait faire.
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