» chapitre 18
La conversation qu'il avait eue avec Minho n'avait pas servi à rien, bien au contraire. Maintenant, Chan était prêt à assumer et à prendre son courage à deux mains. Il en avait assez de fuir constamment, de se cacher derrière des excuses. Il l'avait toujours fait, parce qu'il avait peur d'affronter la vérité, parce qu'il avait peur d'être déçu et surtout, il avait très peur de l'échec. Il n'avait jamais réussi à aller au bout des choses car il n'acceptait pas qu'il puisse être imparfait, qu'il puisse être humain. Son éducation y était pour beaucoup, mais il devait se défaire des carcans imposés par son père. Il n'était plus là pour lui dicter comment se comporter, comment penser. De toute façon, il n'avait jamais réussi à être celui que l'homme avait toujours attendu qu'il soit. Même de son vivant, Chan lui avait fait honte parce qu'il n'arrivait pas à atteindre la perfection. Alors il devait, une bonne fois pour toutes, se libérer de ses chaînes. La vie lui tendait les bras et s'il n'acceptait pas ce qu'elle avait à lui offrir, il savait pertinemment qu'il resterait malheureux encore longtemps.
Il se mit à faire les cent pas dans le salon, devant la baie vitrée, à se demander comment il allait s'y prendre pour revenir vers Hyunjin. Il voulait revenir vers lui, plus que tout, et il savait désormais que lui aussi ressentait quelque chose pour lui. Il n'allait pas le nier, ça lui faisait un peu peur de se projeter dans une histoire telle que celle-ci, mais il en avait envie. Et pour une fois, son cœur et sa raison étaient en accord. Son instinct lui dictait que la meilleure chose à faire était de les écouter. Il s'arrêta et regarda par la fenêtre. Le ciel était dégagé et les rayons d'un soleil éblouissant venaient réchauffer son visage. Chan sourit. Il n'avait jamais trouvé le soleil aussi magnifique et réconfortant. Sa chaleur lui faisait du bien.
Hyunjin était un peu comme le soleil. Il était entré dans sa vie après une tempête et il avait apaisé son cœur. Il lui avait apporté de la joie, un nouveau souffle. Il avait agrémenté sa vie morose et ses tableaux de milliers de couleurs. Sans cette rencontre, peut-être serait-il encore plus enfoncé dans la spirale infernale dans laquelle il était entré. Les soirées, l'alcool, la drogue, les coups d'un soir… Ce qu'il ressentait après tout ça n'était en vérité qu'un mirage. Quand il était avec Hyunjin, il n'avait plus besoin de s'évader, de faire semblant, de jouer un rôle. Il pouvait être lui-même et c'était quand il se trouvait à ses côtés qu'il pouvait peindre la plus belle de toutes les œuvres.
Il n'y avait pas de temps à perdre, il devait retrouver celui qui l'avait aidé à s'épanouir. Il se précipita dans la salle de bain afin de se préparer à la hâte. Son cœur tambourinait dans sa poitrine et ses mains tremblaient. Il était impatient, mais l'appréhension était aussi de la partie. Chan n'avait aucune idée de ce qu'il allait pouvoir dire à Hyunjin. S'excuser ? C'était déjà la moindre des choses après les mots durs qu'il lui avait balancés. Il n'avait pas été tendre avec lui. Il l'avait envoyé balader sous la colère et ses paroles avaient dépassé sa pensée. Il avait agi ainsi par mécanisme de défense, mais ça ne l'excusait pas du tout. Il devait être sincère, jusqu'au bout. Et cela signifiait qu’il devait dire toute la vérité, du début à la fin. Il devait lui avouer ses intentions, lui avouer qu'il avait cherché à se servir de lui pour son inspiration, et aussi parler de ce qu'il ressentait à son égard. Maintenant, beaucoup de choses avaient changé et Chan savait qu'il tenait au à Hyunjin. Ce n'était pas par pur intérêt, c'était un véritable attachement, avec des sentiments qu'il n'aurait jamais imaginés avoir.
Le trajet qui le menait chez Hyunjin lui sembla interminable. Il put voir chaque minute défiler, comme un compte à rebours. Plus le temps passait et plus son rythme cardiaque se fit turbulent. Il crut bien que son cœur était prêt à exploser. Il avait mal, il transpirait anormalement. Il ne s'était jamais mis dans des états pareils pour quelqu'un. Quand il était question de Hyunjin, son corps réagissait comme il n'avait jamais réagi. C'était dans ces cas-là que Chan comprenait qu'avec lui, c'était différent de tout qu'il avait connu jusqu'alors. Il arriva à proximité de la rue où habitait Hyunjin et, dès qu'il trouva une place où stationner, il s'arrêta. L'endroit était assez exigu et il était préférable d'y aller à pied. La température extérieure élevée le fit suer à grosses gouttes. Il passa une main dans sa chevelure afin de la ramener vers l'arrière, puis il arriva devant la maison. Une grande inspiration plus tard, il sonna. La porte s'ouvrit peu de temps après, toujours sur cette vieille dame qu'il avait rencontrée la première fois qu'il était venu. Elle s'inclina lentement, rouillée par la vieillesse, et Chan en fit tout autant.
— Je vous reconnais, dit-elle, vous venez voir Hyunjin ?
— Oui, c'est ça.
Elle se pencha un peu afin de pouvoir jeter un coup d'œil à droite et à gauche de la rue.
— Il n'est pas là pour le moment. Mais je peux lui dire que vous êtes passé.
Chan se raidit et son souffle se coupa. Il pensa à la fille du jeune homme et surtout au fait qu'elle tombait souvent malade. Il se demanda s'il n'avait pas dû partir en urgence à l'hôpital. Il se massa le front et déglutit.
— Est-ce que sa fille va bien ?
— Oh bah vous savez, il y a des hauts et des bas. La pauvre petite !
— Où est Hyunjin ? À l'hôpital ?
Sa voix avait vrillé dans les aigus, comme si elle peinait à sortir ou qu'il était prêt à craquer. Il s'était vraiment comporté comme un sombre idiot alors que Hyunjin avait un poids sur les épaules. Il ne l'avait pas soutenu et pourtant, il le méritait amplement.
— À l'hôpital ? Oh non, il…
Des rires enfantins retentirent dans la rue et Chan se figea. Il tourna la tête vers la gauche et au loin, il aperçut Hyunjin arriver. Il tenait la main d'une petite fille aux cheveux tressés, vêtue d'une salopette verte. Elle souriait largement, et Hyunjin aussi. Ils avaient l'air heureux, insouciants, et très complices. Chan fut rassuré de voir qu'elle allait bien et il lâcha un lourd soupir de soulagement. Mais en même temps, il eut un pincement au cœur. Il regrettait encore plus tout ce qu'il avait pu faire et dire. Voir Hyunjin se comporter ainsi et se démener pour sa fille le faisait se sentir encore plus idiot. Il avait passé du temps avec lui, comme si tout allait bien, il ne s'était jamais plaint de quoi que ce soit et il lui était même venu en aide alors que lui aussi avait des soucis. Lui aussi avait sans doute besoin qu'on l'écoute, qu'on le soutienne, qu'on lui dise de ne pas s'inquiéter. Et ça, Chan n'avait pas pu le faire, parce qu'il s'était montré égoïste.
Quand son regard croisa celui de Hyunjin, son cœur loupa un battement. Le jeune homme, les yeux ronds de surprise, s'arrêta à quelques mètres. Un lourd silence avait pris place et le visage de Hyunjin avait perdu son étincelle de bonheur.
— Papa, c'est qui le Monsieur ?
— Hm, c'est un ami ma puce.
— Oh… C'est un ami de toi ?
Hyunjin regarda la fillette et hocha la tête, un sourire triste aux lèvres. Il se remit en marche pour retrouver le seuil de sa maison et Chan tenta à nouveau d'avaler sa salive. Sa bouche était sèche et sa gorge nouée. Hyunjin se retrouvait face à lui, accompagné de sa fille, et cette dernière avait l'air adorable.
— Bonjour Monsieur ! dit-elle.
Chan resta muet et se contenta d'un petit sourire. Il ne savait pas quoi faire face à la fillette.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda Hyunjin.
— J'ai… j'ai besoin de te parler sérieusement, mais si je te dérange...
Hyunjin inspira pour relâcher tout l'air de ses poumons. La vieille dame, toujours à la porte, se recula et ouvrit en grand.
—Allez-y, entrez ! dit-elle joyeusement. Oh ma petite Jieun est si mignonne !
Aussitôt, la petite fille délaissa la main de son père pour aller s'accrocher à la femme. Elle lui raconta qu'elle était allée manger une glace et qu'elle avait joué avec d’autres enfants dans un parc.
— Tu veux monter ? proposa-t-il.
— T'es sûr que je te dérange pas ?
— Je vais garder Jieun si vous voulez discuter, elle pourra jouer un peu avec Ginko.
Chan acquiesça et quand il pénétra dans le petit couloir, il découvrit Jieun accroupie devant un gros chat roux qui remuait lentement la queue, visiblement très heureux des caresses qu'il recevait. Hyunjin lui fit signe de le suivre et il l'emmena vers des escaliers. Une fois à l'étage, il sortit la clé de sa poche et déverrouilla la porte qui menait à son appartement. L'endroit était petit et mansardé, pas très pratique pour un jeune homme de la taille de Hyunjin. Il n'y avait que le strict minimum, pas de fioritures, mais beaucoup de dessins d'enfant sur le réfrigérateur.
— Tu veux un truc à boire ?
— C'est pas de refus.
Il avait extrêmement soif et le stress y était pour beaucoup. Hyunjin lui servit un verre d'eau fraîche et alla le poser sur la table de salon. Il prit place sur le canapé et, peu sûr de lui, Chan le suivit. Il s'installa à une distance raisonnable de lui, comme s'il craignait de faire quelque chose qu'il ne fallait pas en l'approchant trop. Il avait envie d'être près de lui, de le prendre dans ses bras, de lui dire qu'il était désolé et même de l'embrasser, mais il ne pouvait pas agir ainsi. Il ne pouvait pas faire comme si tout allait bien et penser que tout redeviendrait comme avant.
— Tu voulais parler de quoi alors ?
— De nous… enfin…
— Nous ? répéta Hyunjin en haussant un sourcil.
Chan saisit son verre et but quelques gorgées. Ça n'allait pas être une mince affaire. Il ferma les yeux un court instant avant de les planter dans ceux de Hyunjin.
— Écoute, je suis désolé pour tout ce que j'ai dit ou fait. Je veux être le plus honnête possible avec toi.
— Vas-y.
Le ton qu'employait Hyunjin n'était pas dur, il était juste neutre. Il n'y avait pas d'animosité dans sa voix, pas de tristesse ou de déception. Il attendait juste des explications.
— J'aurais jamais dû me montrer aussi dur avec toi et au contraire, j'aurais dû moi aussi être là pour te soutenir comme tu l'as fait avec moi. J'aurais aimé savoir ce que tu traversais.
— J'avais peur de te le dire, parce que j'avais peur de te perdre même si pour toi, c'était plus un plan cul qu'autre chose.
— Justement à ce propos… je t'ai déjà dit que depuis que je t'ai rencontré, je me sens beaucoup plus créatif, et c'est pour ça qu'au départ, j'étais d'accord pour te revoir. À chaque fois qu'on passait du temps ensemble, qu'on couchait ensemble, je savais que la semaine allait être productive et c'était ma principale motivation pour te rappeler.
Il marqua une pause pour souffler. Le moment était venu de jouer cartes sur table. Il ne pouvait plus faire marche arrière et se défiler. Il devait montrer qui il était, ce qu'il ressentait. C'était la seule chose à faire.
— Les jours ont passé et je me suis attaché à toi. Tu m'aidais beaucoup, je pouvais te parler sans crainte et… oui, sans vraiment m'en rendre compte, j'ai développé des sentiments pour toi. Je voulais pas me l'avouer parce que…
— Parce que t'es hétéro, l'interrompit Hyunjin.
Ils échangèrent un mince sourire.
— Parce que je croyais dur comme fer que j'étais hétéro.
— Et maintenant ?
— Je crois juste que j'ai des sentiments pour toi. Non, en fait je suis même sûr.
— Vraiment ?
Chan hocha la tête, ses joues tournant au rouge pivoine. Il avait fait un pas énorme en avouant tout ça à Hyunjin. Il s'était toujours persuadé qu'il était un homme à femmes et quand il s'était réveillé à côté de lui, il avait eu un sacré choc. Aujourd'hui, il n'avait plus envie de se coller une étiquette. Rentrer dans des cases, ce n'était pas ce qui lui importait. Il ne voyait pas d'intérêt à se définir car, tout ce dont il était sûr, c'était qu'il appréciait Hyunjin et que ce n'était pas qu'une histoire de sexe ou de sexualité.
— Tu sais, quand j'ai appris que tu avais un enfant, j'ai tout de suite vu ça comme une trahison. Je me suis demandé pourquoi tu n'avais pas osé m'en parler, et j'ai pensé que tu ne me faisais pas assez confiance.
— C'est pas ça, Chan. J'essaye de me protéger et après tout ce qui m'est arrivé, j'ai peur. C'est pas facile d'être un père célibataire et en général, ça fait fuir les gens. Tu imagines pas combien de mecs m'ont dit qu'ils étaient pas prêts à assumer ma fille.
La poitrine de Chan se comprima. Voir Hyunjin parler de tout ça avec autant de peine lui faisait mal au cœur. Il pouvait comprendre ce qui faisait peur à ces hommes, lui aussi aurait sûrement fui s'il l'avait appris au début. Mais il avait pu voir à quel point Hyunjin était quelqu'un de généreux, de bon, et il lui plaisait.
— Moi je demande pas à ce qu'on assume ma fille. Elle est sous ma responsabilité et je sais très bien la gérer. Avec sa mère, on se débrouille comme on peut, même si c'est pas toujours simple avec ses problèmes de santé. J'ai eu peur que tu me rejettes. J'ai souvent pensé à te le dire, surtout quand je commençais à m'absenter beaucoup et que tu te posais des questions, mais c'était trop dur.
Hyunjin serra les poings et se mordit la lèvre. D'un geste tendre, Chan posa une main sur la sienne et la lui caressa.
— J'ai mal pris le fait que tu me l'aies caché, c'est vrai, mais maintenant je comprends mieux pourquoi. C'est tout à fait légitime.
— Chan…
Leurs regards se croisèrent, larmoyants. Ils s'étaient retrouvés et avaient enfin pu parler à cœur ouvert. Ils s'étaient dit ce qui leur pesait et l'un comme l'autre n'espérait qu'une chose : tout reprendre à zéro.
— Elle a l'air tellement adorable en plus, fit remarquer Chan. Elle est super mignonne, on dirait qu'elle tient de son père.
Hyunjin pouffa de rire. Il renifla pour ravaler les larmes qui menaçaient de couler.
— C'est vraiment un amour, je changerais de vie pour rien au monde, tu sais ?
— J'aimerais beaucoup faire sa connaissance alors.
— Je peux aller la chercher si tu veux.
Chan hocha la tête et le sourire de Hyunjin n'en fut que plus radieux. Il se pencha vers lui et leurs lèvres se scellèrent dans un tendre baiser. La sensation leur avait tant manqué qu'une montée d'adrénaline se souleva en eux. Ils prirent le temps de s'embrasser, de se redécouvrir comme s'il s'agissait de la première fois. Quand ils se détachèrent pour reprendre leur souffle, la porte s'ouvrit et ils se détachèrent à la hâte.
— Papa !
Jieun courut vers Hyunjin et se jeta dans ses bras. Il l'enlaça sous le regard attendri de Chan.
— Ton ami il va rester manger ?
— Ça dépendra de lui. Tu veux bien rester manger ?
Chan fut étonné par cette soudaine proposition, mais il ne pouvait pas laisser passer une telle occasion. Hyunjin le pardonnait et était prêt à leur donner une nouvelle chance.
— Avec plaisir.
•••
Bonjour bonjour !
Désolée pour les 2 jours de retard mais avec bébé, j'ai pas eu trop le temps de corriger et poster, je fais au mieux :')
On se retrouve la semaine prochaine pour l'épilogue 💜
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