» chapitre 17
Chan cligna des yeux à plusieurs reprises. Allongé sur le dos, les bras le long du corps, il fixait le plafond de peur de se tourner. Il avait mal au cœur, mal au ventre, et la migraine était revenue plus vite qu'il ne l'avait imaginé. Il sentait cette présence à ses côtés, et ça le rendait terriblement nerveux. Il pensa à Hyunjin et il fut pris d'un haut-le-cœur. Il ignorait si c'étaient là les effets de l'alcool qu'il avait ingurgité hier soir, ou s'il se dégoûtait lui-même. Des petits bruits se firent entendre, puis il sentit des mouvements sous la couverture. Son corps tout entier se crispa, comme si ne pas bouger allait lui permettre de passer inaperçu.
Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il ne daigne bien tourner la tête vers la gauche. Heureusement, la jeune femme était de dos, et il avait seulement vue sur ses épaules dénudées et sa longue chevelure brune. Il reprit sa position initiale et lâcha un lourd soupir. Son malaise ne fit que s'amplifier. Qu'avait-il fait ? Il s'en souvenait parfaitement, mais ça ne l'empêchait pas de ne pas se comprendre lui-même. Il avait juste cherché à oublier sa peine, et surtout à oublier Hyunjin. Mais à quoi bon ? Il était là, dans ses pensées, constamment. Il avait juste ramené cette femme chez lui parce qu'elle lui avait sous-entendu qu'elle avait envie de plus que quelques échanges formels. Et comme un idiot, il était entré dans son jeu. Mais il n'avait pu penser à personne d'autre qu'à Hyunjin, à tel point qu'au moment de passer à l'acte, il avait été incapable de le faire. Il ne pouvait pas coucher avec cette femme. Il n'en avait aucune envie, alors ils s'étaient endormis. Chan ne voulait faire ça qu'avec une seule et unique personne, et il s'agissait de Hyunjin. Il s'en voulait énormément. Il avait fait une bêtise et il regrettait plus que tout au monde de ne pas voir la chevelure blonde de son amant dépasser de sous la couverture. Il aurait aimé se coller à lui, le serrer dans ses bras, lui embrasser le cou tout en lui caressant le ventre. Il voulait juste qu'il soit là, près de lui.
— Bonjour.
Chan eut une montée d'adrénaline peu agréable. Il força un sourire et, quand la jeune femme chercha à se glisser vers lui, il se redressa d'un bond pour quitter le lit. Il ouvrit une des commodes pour attraper un t-shirt et un pantalon ample qu'il enfila à la hâte. Il avait terriblement envie de fuir, mais il était chez lui alors ça n'allait pas être possible. Cette scène lui en rappelait une autre, et son cœur se serra. Il se souvenait de ce matin-là où il s'était réveillé aux côtés de Hyunjin et qu'il l'avait mis à la porte sans le ménager. Il avait envie de faire la même chose, mais il devait se retenir. S'il avait su à cette époque qu'il développerait des sentiments pour lui, jamais il ne l'aurait traité de cette manière. Là, la situation était différente. Il n'était pas du tout intéressé par cette femme, il ne le serait jamais, et il ne pensait qu'à une seule et même personne. Hyunjin lui manquait. Il aurait tout donné pour qu'il soit là.
— Merci pour cette nuit, dit la femme en attrapant sa robe sur le sol.
Chan détourna le regard quand elle sortit de sous la couverture. Son corps nu le mettait mal à l'aise, et rien que de penser au fait qu'il avait presque failli coucher avec elle lui donnait la nausée. Pourtant, elle était belle, le genre de femme qu'il avait eu l'habitude de côtoyer auparavant et qu'il mettait volontiers dans son lit. Mais là, tout était différent. Une fois qu'ils furent tous deux vêtus, ils quittèrent la chambre. Il s'attendait à ce qu'elle lui annonce son départ, cependant, elle se dirigea vers la cuisine.
— Je peux avoir un truc à boire ? J'ai la gorge hyper sèche. Et si t'as de quoi manger, je suis pas contre.
Chan jeta un coup d'œil à son téléphone. Il voulait seulement qu'elle s'en aille, et vite. Mais il ne pouvait pas non plus paraître trop rude. Elle avait une certaine notoriété dans le monde des affaires, et il ne voulait pas se la mettre à dos en étant désagréable avec elle. Elle pouvait déjà raconter à qui voulait bien l'entendre qu'il lui avait fait le coup de la panne une fois au lit, c'était bien assez pour blesser son ego.
— Vite fait alors, parce que j'ai un rendez-vous dans pas très longtemps.
C'était un mensonge, mais il n'avait trouvé que ça pour se débarrasser d'elle au plus vite.
— T'es un amour, sourit-elle en prenant place sur l'un des tabourets.
Il déglutit tout en se tournant vers la machine à café. Les minutes semblaient durer des heures et le silence qui s'était installé était lourd, oppressant. Ils n'avaient rien à se dire. Absolument rien. Ils étaient là, l'un en face de l'autre, à se lancer quelques regards et à s'échanger des sourires. Chan faisait tout son possible pour faire bonne figure et ne pas craquer. Au fond de lui, il hurlait. Cette situation était insupportable et si la jeune femme restait plus longtemps, il n'était pas certain de pouvoir garder son calme.
Finalement, elle le remercia une nouvelle fois et appela un taxi pour rentrer chez elle. Une fois seul, Chan s'appuya contre la porte d'entrée, les yeux fermés. Ce supplice était enfin terminé. Il essaya de respirer lentement pour se calmer. Ses mains ne cessaient de trembler, il avait l'impression qu'il n'était plus maître de son corps. Il rejoignit son atelier et, quand il alluma la lumière, son regard se posa aussitôt sur son tableau le plus récent. Il était inachevé, comme tous ceux qu'il avait commencés depuis que Hyunjin et lui s'étaient vus pour la dernière fois. Il n'y arrivait plus. Et ça le terrifiait. Il observa ses autres œuvres, les plus belles pièces de son atelier selon lui. Toutes ces toiles magnifiques, il les avait faites grâce à Hyunjin. Sa gorge se noua et il sentit les larmes lui monter aux yeux. Il étouffa un sanglot et pinça ses lèvres entre elles pour éviter de se laisser aller. Mais il n'en pouvait plus. Il craqua sans retenue. Ses pleurs éclatèrent et ses joues furent rapidement trempées. Il avait mal au cœur, la tête prise dans un étau. Il se détestait comme jamais il ne s'était détesté. Comment avait-il pu penser que ramener cette femme chez lui allait lui faire du bien alors que c'était simplement Hyunjin qu'il lui fallait ? Il se traîna jusqu'au tabouret en métal sur lequel il s'installa. Ses jambes étaient faiblardes, il avait l'impression qu'il pouvait s'effondrer d'une minute à l'autre.
Il avait conscience qu'il devait se reprendre et se remettre à peindre, avec ou sans Hyunjin pour le soutenir et l'aider. Il ne pouvait pas continuer comme ça, à s'apitoyer sur son sort. Il avait réussi à sortir la tête de l'eau, il pouvait le refaire. Il prit une grande inspiration et plaça une toile vierge sur le chevalet. Il passa de longues secondes à fixer le rectangle blanc sans avoir la moindre idée de ce qu'il pouvait bien y peindre. Son esprit était vide. Enfin, presque. Il n'y avait que le visage du blondinet, les images de son sourire, de son corps, de ses caresses et le son de sa voix. Il n'y avait que Hyunjin. Et sans pouvoir se contrôler, Chan se remit à pleurer. La vision floue, le cœur enragé, il balaya la toile pour la jeter au sol. Comment pouvait-il avancer dans ces conditions ? Comment pouvait-il se relever maintenant ? Il était seul. Horriblement seul. S'il s'était montré plus conciliant, s'il avait cherché à comprendre, peut-être que Hyunjin serait encore là. Et même s'il n'avait pas de sentiments à son égard, qu'il le voyait juste pour du sexe, il aurait pu s'en contenter. Mais au lieu de l'écouter, il lui en avait voulu de lui avoir caché qu'il avait un enfant. Pourquoi avait-il si mal réagi ? Il n'en savait rien. Ou peut-être aurait-il aimé que Hyunjin lui fasse davantage confiance. Oui, il aurait aimé. Il aurait aimé se montrer plus ouvert, plus disponible, et aussi, lui montrer qu'il ressentait quelque chose pour lui.
Le bel avenir qu'il entrevoyait encore la veille s'était effacé d'un seul coup. Désormais, Chan ne pouvait plus se projeter. Il venait d'être exposé dans une grande galerie, il venait d'être reconnu en tant qu'artiste peintre, et pas comme le fils Bang. Mais tout ça avait un goût de tristesse et de désespoir. Il ne voulait plus peindre si c'était pour le faire sans Hyunjin. Son atelier était hanté par la présence du jeune homme, et ça ne serait jamais plus pareil. Il s'était habitué à le voir souvent, à passer du temps avec lui, à partager des repas, à regarder des films… Et aujourd'hui, il ne restait plus que des souvenirs et des tableaux. Chan se rendait compte que Hyunjin était tout ce qu'il lui fallait. Il était quelqu'un de posé et de sérieux, quelqu'un de responsable, qui n'avait pas hésité à l'aider. Avec lui, il s'était senti aimé. Il s'était senti heureux. Avec lui, il pouvait être lui-même, sans peur du jugement. Depuis le début, il avait agi comme un imbécile. Il s'était servi de lui, pensant que de toute façon, leur histoire en resterait là. Puis il l'avait blessé, rejeté. Il se rendait compte qu'il lui avait fait trop de mal et les mots qu'il avait dits, Hyunjin ne pourrait sans doute pas les lui pardonner.
Il avait des sentiments pour lui. Il n'était pas vraiment amoureux, mais il était attaché à sa personne et à ce qu'il dégageait. Il avait eu peur de se l'avouer, il n'avait jamais été attiré par un homme et cette idée l'avait terrifié. Mais Hyunjin l'attirait et il avait envie d'être près de lui. D'un geste las, il essuya les larmes qui ne cessaient de couler. Comment avait-il pu se montrer aussi égoïste alors que son amant se donnait à cent pour cent pour lui ? Lui aussi avait ses propres problèmes à gérer, et il s'était tout de même montré disponible. Il lui avait fait décrocher un contrat dans une galerie, il avait cru en lui et l'avait encouragé. Hyunjin était un jeune homme en or et il n'avait même pas été capable de le voir en temps voulu. Il fallait qu'il lui dise qu'il était désolé.
Il attrapa son téléphone et appuya sur leur conversation. Cela faisait tant de jours qu'ils ne s'étaient pas échangé de messages… Chan avait peur de faire le premier pas. Il avait peur d'être ridicule et surtout, de ne pas être bien reçu. Si Hyunjin le rejetait, il comprendrait. Mais ça le terrifiait. Il avait toujours ce fameux problème de manque de confiance, et aussi cette peur de l'abandon. Et quand il doutait, il n'y avait qu'une solution : contacter Minho.
Les sonneries s'enchainèrent jusqu'à ce que Minho décroche. Chan fronça les sourcils en entendant sa voix encore tout endormie. Il l'avait sans doute réveillé et cela voulait dire qu'il serait encore plus rude avec lui. Pour un homme comme lui qui avait un rythme effréné et décousu, le sommeil était sacré.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— J'ai besoin de te parler.
— Tu te sens mal parce que t'es reparti avec un canon ? Putain, Chan, tu fais chier !
— C'est pas ça. Et puis, j'ai pas couché avec elle si tu veux savoir.
Un lourd soupir retentit.
— Tu penses trop à ton beau blond ?
Chan acquiesça d'un petit son. Minho savait toujours mettre le doigt sur le problème. Il n'avait pas besoin de tout dire, il savait.
— Tu l'aimes bien, on est d'accord ?
— Oui.
— Alors sois sincère avec lui et va t'excuser.
— Mais je suis nul pour ce genre de truc ! Je vais avoir l'air d'un idiot et il va m'envoyer balader. C'est tout ce que je mérite de toute façon.
— Tu m'énerves ! Tu peux pas t'asseoir sur ta fierté juste une fois ? Tu vas rater une belle histoire avec une personne qui t'aime vraiment et…
— Attends, quoi ? l'interrompit Chan.
Les yeux ronds comme des billes, son cœur s'était mis à battre à vive allure. Une personne qui l'aimait vraiment ?
— Comment ça ? Pourquoi tu dis ça ?
Un énième soupir de la part de son meilleur ami.
— J'ai parlé avec Hyunjin hier.
— T'as fait quoi ? Non mais tu rigoles là ?
— Non, c'est sérieux. J'en ai marre de te voir faire de la merde à longueur de temps, tu sais vraiment pas te démerder tout seul, c'est dingue. Alors oui, j'ai discuté avec lui dans les chiottes. Ouais, y'a mieux comme endroit, je sais.
— Minho… Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
— Moi pas grand-chose, j'ai juste dit ce que je pensais, que tu l'aimais bien et que t'avais été déçu qu'il se montre pas plus ouvert avant. Et aussi que t'étais un putain d'ours mal léché avec qui c'est pas facile de composer.
Chan ne savait pas comment réagir. Il avait envie de sourire, mais l'angoisse pesait trop dans la balance. Il avait peur de connaître la suite, de savoir ce que Hyunjin avait réellement dit à son ami. Il n'était plus sûr de rien désormais. Si Hyunjin l'aimait aussi, pourquoi n'avait-il pas essayé de le lui dire avant ? Pourquoi, lorsqu'ils s'étaient disputés, il lui avait-il fait croire que ce n'était que du sexe ?
— Donc… est-ce que… il y a moyen que ça s'arrange ?
— Chan, c'est pas à moi de te le dire. La meilleure chose à faire c'est d'aller le voir et de vous expliquer comme des adultes. Parce que pour vous envoyer en l'air, vous étiez assez grands. Mais quand il faut parler, ça se comporte comme deux gamins.
— Hm, t'as raison.
— Bien sûr que j'ai raison ! Tu me prends pour qui ?
Cette fois, Chan laissa un rire lui échapper. Il avait de la chance d'avoir une personne comme Minho dans sa vie, une personne posée, mais qui avait toujours les bons mots pour lui remettre les pendules à l'heure. Il le remercia et ce fut le cœur plus léger qu'il raccrocha. Il savait ce qu'il lui restait à faire et, même si se dévoiler totalement n'allait pas être chose facile, il voulait aller de l'avant.
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