» chapitre 10
Chan et Hyunjin s'étaient revus plusieurs fois, avec toujours les mêmes intentions. Chan l'appelait et il venait dès qu'il pouvait. La semaine avait été rythmée par leurs ébats, et Hyunjin avait dormi chez le peintre à plusieurs reprises. Ils ne discutaient pas vraiment, trop pressés de passer aux choses sérieuses. Ils avaient testé tous les endroits de la villa, de la cuisine au canapé, en passant par la salle de bain. Dommage que la météo ne fut pas encore assez clémente, ils auraient aussi pu s'amuser dans la piscine. La gêne de Chan s'était volatilisée. Il avait aussi fait l'impasse sur les soirées auxquelles il avait été invité. Il avait mieux à faire s'il voulait être en mesure de peindre. Tant qu'il évitait les soirées, il évitait de boire, et il se rendait compte des bénéfices que cela avait sur lui. Il était moins morose et il pouvait ainsi produire de plus jolies choses.
Grâce à Hyunjin, il était en train de perdre toutes ses mauvaises habitudes et de gagner en assurance. Ses tableaux lui plaisaient, il était satisfait de son travail, et cela jouait sur son humeur. Il avait enfin l'impression de sortir la tête de l'eau, et c'était revigorant. Il était temps qu'il se reprenne en main.
Allongé sur le dos, dans son lit, Chan caressait les cheveux de Hyunjin. Ce dernier avait posé la tête contre son torse, le temps de reprendre un rythme cardiaque normal. Ils n'avaient pas résisté à l'envie de se voir. Ce n'était pas qu'il manquait d'inspiration car, avec toutes les fois où Hyunjin était venu, il en avait pour un moment, mais il avait envie de passer du temps avec lui. Et passer du temps avec lui, cela voulait surtout dire : coucher avec lui. Encore une fois, Hyunjin n'avait pas fait la fine bouche. Il s'était empressé de venir en plein après-midi. Ils avaient passé de longues heures au lit à faire l'amour et à tester de nouvelles choses. Chan voulait explorer cette sexualité qui s'offrait à lui, cette nouveauté dont il ne se lassait pas.
Il ne se reconnaissait pas, mais il s'en fichait. C'était agréable de passer du temps avec quelqu'un, c'était sans prise de tête. Ça lui plaisait. Bizarrement, il n'avait jamais imaginé en faire autant avec une femme. Il avait toujours eu peur de l'attachement, mais aussi de l'abandon. Peut-être était-ce dû au fait que sa mère avait fini par ne plus se soucier de lui en préférant son amant à sa famille.
— J'aime bien… murmura Hyunjin.
Chan arrêta de lui toucher les cheveux.
— Tu aimes quoi ?
— Être avec toi, comme ça.
Hyunjin se colla un peu plus à son partenaire, puis passa un bras autour de sa taille. Chan le sentit frissonner. Il attrapa la couverture et la remonta sur ses épaules sans rien dire. Il n'était pas habitué à ce genre de mots. Certes, Hyunjin se montrait très tactile, il n'était pas avare de câlins et de marques d'affection après une partie de jambes en l'air, cependant, ils ne parlaient pas vraiment de ce qu'ils ressentaient.
— En fait, ça me déstresse de coucher avec toi, c'est dingue, soupira Hyunjin.
— Hm, moi aussi.
— Je suis content de l'entendre.
De concert, ils expirèrent et lâchèrent un petit rire. Chan se pencha pour déposer un baiser sur le crâne de son amant, puis il le serra un peu plus fort. Prenant conscience de ce qu'il faisait, il affaiblit son emprise. Si Hyunjin était celui qui initiait toujours des contacts de ce type, Chan avait du mal à se lâcher. Coucher avec un homme, il avait fini par l'assimiler. Mais montrer des signes de tendresse, c'était encore difficile.
— J'ai pris beaucoup de ton temps depuis quelques jours. J'ai dû t'empêcher de peindre.
— C'est moi qui t'ai demandé de venir. Si tu m'avais dérangé, je t'aurais pas appelé.
Hyunjin fit glisser sa main sur le ventre de Chan pour le lui toucher. Il avait la peau brûlante et encore humide.
— Je me sens honoré.
— Pourquoi ça ?
— Parce que pour quelqu'un qui dit ne pas être gay, tu passes beaucoup de temps avec moi. Et surtout entre mes cuisses.
Chan ne put s'empêcher de rire. Il se rendait compte qu'il avait fait pas mal de chemin depuis qu'il avait vu Hyunjin la première fois, endormi dans son lit. Il y avait toujours une certaine distance qu'il s'efforçait de mettre, il s'était interdit d'avoir des sentiments car de toute façon, faire sa vie avec lui n'était pas ce qui l'intéressait. Mais il admettait volontiers qu'il prenait goût à leurs moments d'intimité.
— Tu sais, c'est vraiment pas mon genre…
— Je sais, t'es pas gay.
— Non, c'est pas ce que je voulais dire. Je suis juste pas le genre de mec qui revoit ses coups d'un soir.
— C'est bien pour ça que je me sens honoré.
Chan soupira et se tourna sur le côté pour faire face à son amant. Mais quand leurs regards se croisèrent, il n'arriva pas à rester fixé. Hyunjin l'intimidait. Il dégageait tant de confiance et de sang-froid qu'il se sentait minable à côté de lui. Il l'enviait un peu. Il était toujours sûr de lui, à prendre des initiatives, et il avait l'impression que côté professionnel, il était au top. Lui, il tâtonnait encore.
— Tu me fais voir les choses d'une autre façon. J'ai pas besoin de faire semblant, ou de me bourrer la gueule pour oublier ma vie de merde.
— Ta vie de merde ? Tu veux en parler ?
— C'est pas vraiment intéressant d'écouter quelqu'un se plaindre, marmonna Chan.
La main de Hyunjin se posa sur sa joue pour la lui caresser lentement.
— J'ai tout mon temps pour t'écouter te plaindre. Après, ce sera mon tour, s'amusa-t-il.
Les mots du jeune homme étaient rassurants, empreints de bienveillance. Chan se sentait bien quand il était là. Il avait l'impression de compter pour quelqu'un, de ne pas être simplement de passage dans la vie des gens. Même si Minho était son ami, c'était différent. Il avait sa vie, ses occupations, et peu de temps à lui consacrer. Il pouvait aussi compter sur lui, il se montrait disponible quand il avait besoin de parler et surtout, quand il avait besoin d'être secoué. Cependant, il ne ressentait pas ce qui le menait toujours vers Hyunjin.
— J'arrive pas à percer. Ça fait déjà des années que ça dure, mais depuis que mon père est décédé, c'est vraiment n'importe quoi. Ma vie est devenue un champ de ruines.
— Il te manque ?
— Pas vraiment. C'est juste que je dois vivre avec ce qu'il a obtenu, et je suis pas capable de tracer ma propre route. Tout ce que j'ai, c'est grâce à ses tableaux. Pas grâce aux miens. Et c'est dur de vivre constamment dans cette ombre. Mais depuis que t'es là…
Il marqua une pause et déglutit. Ce n'était pas facile à avouer, surtout au principal concerné. Chan n'avait jamais été doué pour exprimer ses sentiments. Dans sa famille, ce n'était pas quelque chose qui se faisait. Il était préférable de les cacher, de ne pas parler de ce que chacun pouvait ressentir. Il ne fallait pas embêter les autres, ne pas montrer ses faiblesses. Hyunjin intensifia ses gestes pour l'inciter à se confier davantage.
— Depuis que je t'ai rencontré, je me sens beaucoup plus créatif.
Hyunjin écarquilla les yeux tout en ayant un mouvement de recul.
— Vraiment ?
Chan acquiesça. Dans un élan de courage, il osa à nouveau le regarder. Le jeune homme semblait autant surpris qu'heureux.
— Je pensais pas que ça te ferait cet effet-là.
— Moi non plus.
Hyunjin lui colla un bref baiser sur les lèvres, Chan se racla la gorge.
— Hm, assez parlé de moi, c'est ton tour, lança-t-il pour faire passer sa gêne.
Hyunjin fit la moue et sembla réfléchir un instant.
— Qu'est-ce que tu veux que je te raconte ?
— Je sais pas, un truc qui te pèse. Ce que tu veux.
— J'ai été faire mes études à Milan parce que les relations avec mes parents étaient super mauvaises. Enfin, c'est eux qui m'ont envoyé là-bas de force. De toute façon, on s'entend toujours pas.
Un petit rire nerveux lui échappa. Chan fronça les sourcils. S'il lui parlait de ça, c'était sans doute parce qu'il n'avait toujours pas digéré la décision que ses parents avaient prise à sa place. Qui enverrait volontairement son fils aussi loin ? Il devait bien y avoir une raison à ça, et pas seulement juste un souci d'entente. Chan pensa à l'orientation de Hyunjin. Peut-être que ses parents avaient découvert son homosexualité et qu'ils avaient préféré l'avoir loin d'eux. Peut-être était-ce plus simple pour eux de dire que leur fils était à l'étranger plutôt que d'accepter le fait qu'il soit près d'eux. Et gay.
— Je peux te poser une question ?
Hyunjin hocha la tête.
— Depuis quand tu sais que t'aimes les hommes ?
— Oh, ça ! Depuis ma dernière année de lycée.
Chan se dit que le timing pouvait très bien correspondre.
— J'avais une copine. On s'était toujours bien entendus en tant qu'amis et quand elle a dit qu'elle m'aimait, on s'est mis ensemble. On a fait l'amour et…
Il secoua la tête et pouffa de rire.
— Mon Dieu, c'était tellement nul ! J'ai détesté ça, c'était le pire moment de ma vie.
— C'est ce jour-là que tu as compris ?
— Au début je me disais que c'était normal, c'était notre première fois à tous les deux. On était timides et pas trop renseignés sur le sujet. Je crois qu'on s'est précipités.
Chan força un sourire. Lui aussi s'était précipité, alors il n'était pas le mieux placé pour lui donner des leçons. Il avait eu sa première aventure à seize ans, avec une fille un peu plus âgée et qu'il ne connaissait même pas. Déjà à cet âge, il aimait aller à des soirées et là, l'occasion s'était présentée. Il n'avait pas hésité, il cherchait juste à coucher avec une fille pour se vanter auprès de ses copains. Qu'il était stupide !
— Mais après ça, les jours ont passé et je me suis rendu compte que j'avais aucune envie de le refaire. Enfin, pas avec elle. Je fantasmais sur des gars du lycée ou sur des chanteurs. Bref, j'étais carrément branché mec. En fait, je l'avais toujours été, c'est seulement qu'on t'apprend que si t'es un gars, tu dois te trouver une copine et c'est tout.
— Ouais, c'est pas faux.
— Et après, je suis allé en Italie.
Hyunjin expliqua à Chan comment il avait exploré sa sexualité une fois dans son école à Milan. Trouver des hommes avec qui expérimenter toutes sortes de choses n'avait pas été très compliqué. Avec un physique tel que le sien, il attirait les regards et certains ne se privaient pas pour lui faire savoir qu'il leur plaisait. En trois ans, il avait eu quelques relations, plus ou moins longues, mais également des aventures par-ci par-là. Il se souvenait tout particulièrement de Marco, un jeune homme brun, grand, et plutôt bien bâti avec qui il avait passé six mois intenses. C'était sa plus longue relation et quand ils s'étaient quittés, il en avait beaucoup souffert. Mais la distance faisant, ils n'avaient pas eu le cœur à continuer leur histoire.
— Et toi ? Tu sais si t'es gay ou toujours pas ?
Chan manqua de s'étouffer.
— J'en sais rien, c'est compliqué pour moi.
Hyunjin lui saisit une main pour entrelacer leurs doigts. Chan se sentit rougir et il ferma les yeux, comme si cela allait l'aider.
— J'ai jamais été attiré par un homme.
— Et moi je t'attire ?
Il pensait que son état ne pouvait pas s'empirer et pourtant, il avait l'impression d'être en train de se consumer. Il n'arrivait pas à mettre des mots sur ce qu'il ressentait pour Hyunjin. Oui, il y avait une certaine forme d'attirance, mais il ne savait pas si c'était purement sexuel et physique, ou si ça allait au-delà.
— Écoute, je t'apprécie et je te trouve très beau, mais…
Chan n'eut pas le temps de s'embourber dans des explications sans queue ni tête, le portable de Hyunjin sonna. Ce dernier se détacha de lui pour tendre le bras vers la table de chevet. Il décrocha et bondit de sous les couvertures pour s'éloigner. Chan se redressa sur ses coudes et l'observa quitter la chambre. Il avait juste eu le temps d'entendre une voix féminine résonner. Peut-être était-ce sa mère ? Ou alors sa patronne ? Il n'en savait rien, mais il trouvait ça étrange que Hyunjin se sauve aussi vite.
Pendant quelques minutes, il attendit son retour et, lorsqu'il se montra enfin, il s'empressa de ramasser ses habits. Il enfila son boxer à la hâte et soupira.
— Je dois repartir, annonça-t-il.
Il remit son pantalon et son t-shirt aussi vite qu'il put. Chan restait immobile, assis sur le lit. Il ne comprenait pas pourquoi il s'agitait autant d'un seul coup. Il avait les sourcils froncés, il semblait vraiment inquiet.
— T'es sûr que ça va ?
Hyunjin s'installa au bord du lit et remit ses chaussettes.
— Ouais, t'inquiète pas. J'ai juste oublié que j'avais un truc à faire.
— Tu veux revenir demain ?
— Je suis pas sûr de pouvoir.
— Oh…
— Désolé, j'aurais dû te prévenir avant.
Chan ne répondit rien. Il se contenta de le regarder courir d'un côté à un autre pour s'assurer qu'il n'avait rien oublié. Quand il allait quitter le lit, Hyunjin se pencha pour déposer un baiser sur ses lèvres.
— Te déplace pas pour moi, je file. Merci pour cette après-midi, on se rappelle.
En deux temps, trois mouvements, Hyunjin disparut. Chan entendit la porte d'entrée claquer et il lâcha un profond soupir en se laissant retomber en arrière dans l'amas de coussins. L'attitude de Hyunjin était étrange. Vraiment trop étrange. Ils étaient tranquillement en train de discuter et voilà qu'après un coup de téléphone, il se retrouvait au bord de la panique. Il lui cachait quelque chose, il en était certain. Mais quoi ?
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