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Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu'il ne nous prenne par la gorge.
— Winston Churchill
C'est d'un pas hésitant que j'avançais vers la salle d'exposition, des sueurs froides le long de mes tempes. Mes semelles résonnaient sur le carrelage marbré, mais l'écho était couvert par des murmures de plus en plus forts.
J'y étais enfin...je commence par observer les diverses réactions, et mon coeur s'apaise en constatant tous ces sourires agglomérés. Cette dernière exposition était un succès.
Je cherche le peintre de regard et souris en le voyant heureux, partageant une coupe de champagne avec un couple de passionnés, sûrement complimenté par toute l'assemblée.
« Ooh...c'est pas rien. »
Déclare Yeseul, admirative. Elle et Taehyung avaient insisté pour m'accompagner, la première car elle savait que j'avais posé pour lui, et le second simplement parce que ça le passionnait réellement.
Et honnêtement, ça me faisait plaisir, de ne pas avoir à faire face seule à ces tableaux que je n'avais encore jamais vu. Ou, du moins, à ce tableau que je redoutais tant.
« Allons voir ! Je ne tiens plus ! »
S'exclame le plus âgé, impatient.
« Yah ! Pff...le voilà parti. Une vraie groupie, ce Kim Taehyung. J'espère qu'il ne va pas gâcher ta surprise. Bon, et si on allait voir, nous aussi ? »
J'acquiesce silencieusement, et nous voilà parties pour sillonner entre les invités, nous frayant un chemin jusqu'à l'exposition. Les tableaux s'affichaient un à un, et je souriais fièrement en contemplant chaque peinture. Jungkook était réellement doué...
Je m'apprête à avancer mais je me cogne contre le corps figé de mon aîné de club, alors je me retire d'un pas.
« Taehyung, tu ne peux pas rester en plein milieu du... »
Je me tais, constatant à quel point il semblait absorbé par un tableau en particulier. Curieuse, je relève le menton et une image s'encre dans mes iris, le portrait enchanteur d'une femme nue.
Les couleurs froides et l'ambiance chaleureuse qui se dégageait à contrario de ce tableau plein de bienveillance auraient dû m'émouvoir, mais à la place, je ressentis un vide en moi si profond qu'il m'a semblé qu'un gouffre s'était ouvert sous mes pieds.
Cette femme...n'est pas moi.
J'essayais désespérément de chercher des réponses. Je me demandais qui j'étais, comment j'aurais pu être quelqu'un d'autre. Oui, ça aurait été tellement plus facile si j'avais été quelqu'un d'autre...
Mais, maintenant que je me retrouvais en face de celle que j'avais tant voulu devenir, ça me paraissait ridicule. Parce que ce n'était vraiment pas moi. Rien sur ce tableau ne rapellait qui j'étais, rien du tout. Il avait peint une autre femme. Comment...
« C'est magnifique, pas vrai ? »
Sourit mon amie, m'adressant un léger coup de coude. Mais je ne réagis pas, complètement détruite. C'est magnifique, oui, c'est le mot. Mais ce n'était pas moi.
« Ji-Eun, ça va ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette... »
« Ce n'est pas- »
« Tu es d'une beauté rare, Ji-Eun. Je suis content que quelqu'un d'aussi talentueux que Jeon Jungkook s'en soit rendu compte. N'empêche, tu aurais pu me dire que tu posais pour des peintres, je t'aurais demandé d'être mon modèle aussi ! »
Avait affirmé Taehyung, un sourire illuminant son visage contemplatif. Il semblait complètement séduit par cette oeuvre, et grand bien lui fasse.
Mais comment...
Il se rend compte de ma réaction perturbée et s'excuse à moitié, confus.
« Mh...? Je me suis trompé ? Non, impossible...cette femme, c'est toi. Ça crève les yeux... »
« Qu'est-ce qui te fais dire ça...? »
Il sourit timidement et me regarde, les yeux légèrement humides et les pommettes remontées, un air adouci sur le visage.
« Sûrement le regard...comment pourrais-je me tromper là dessus ? C'est parfaitement retranscrit. »
Impossible...si c'était le cas, je le saurais. Or ce n'est pas moi sur ce tableau...tout n'est qu'un immense mensonge et je refuse d'y croire. Yeseul avait forcément dû le mettre dans la confidence.
Cette dernière tappe discrètement mon épaule, et me montre d'un geste vague Jungkook qui s'approchait de nous. Soudainement prise d'une vague de panique, je serre les poings et détourne le regard, pour chercher un moyen de fuir cet endroit.
« Je...crois que je vais rentrer. »
Je ne laisse pas le temps à mes accompagnateurs de répondre, et me fraie un chemin jusqu'à la sortie. Mais le brun s'en aperçoit et fronce les sourcils, avant de se lancer à ma poursuite. J'entre dans la salle d'à côté et referme la porte derrière moi, pour couper le son.
Mon dos s'appuie contre une armoire de façon à ce qu'on ne m'apercoive pas en entrant, et je pose mes mains sur mes lèvres, cherchant à me faire la plus silencieuse possible. Le peintre s'introduit dans la pièce et fait quelques pas, avant de s'arrêter.
« Ji-Eun, pourquoi t'enfuis-tu ? Le tableau ne te plaît pas...? Dis moi quelque chose...je t'en prie. »
Il était beau à en couper le souffle, ce tableau. Je ne pouvais pas dire qu'il ne me plaisait pas, simplement...
Mon coeur se sentait trahi au plus profond de moi même. C'était juste trop cruel, de m'avoir fait croire un instant que j'étais spéciale pour toi.
« Ji-Eun... »
Cette fois-ci, pour me préserver, j'avais choisi de rester muette. Si je ne l'avais pas fait, si je m'étais montrée et que je lui avais dit ce que j'avais sur le coeur, nous aurions peut-être pu être heureux.
La vérité, c'était que j'avais toujours voulu qu'il m'aime pour ce que j'étais, et non pour l'image que je renvoyais. J'aimerais pouvoir ouvrir les yeux, et revenir au jour où je l'ai rencontré.
J'aimerais pouvoir tout recommencer....sauf que je ne peux pas, puisque ce n'est pas un jeu vidéo.
« Je vois...j'ai compris. »
Ne pars pas.
« Je ne mettrai pas ce tableau en vente. Et je vais même me débrouiller pour qu'il te soit remis de droit. »
Ce n'est pas ce que je souhaite.
« Tu pourras récupérer tout ce que je t'ai volé. »
Ce n'est pas ainsi que ça marche...
« Merci pour tout ce que tu as fais pour moi, je te souhaite le meilleur Ji-Eun. »
Aah...alors, c'est ainsi que tout ça se termine. C'est quoi, ce sentiment d'amertume ? Je n'aime vraiment pas ça...
La simple idée qu'il puisse refaire sa vie ailleurs, en me laissant derrière lui, me rendait complètement angoissée...
« Ne perds jamais cette insouciance, celle qui m'a fait tomber amoureux de toi. »
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