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24 | overpleased

ESTHER

18:23

Cela fait déjà un certain temps qu'Adèle et moi marchons côte à côte dans Paris. C'était mon idée de l'aérer un peu pour qu'elle pense à autre chose que la dispute avec son frère. Elle a accepté tout de suite – soit parce qu'elle en avait envie, soit parce qu'elle était prête à accepter n'importe quoi tant que ça l'éloignerait de Cléo.

Nous avons peu parlé depuis tout à l'heure, se contentant de marcher en silence. C'est moi qui gère la poussette de Louis, qui s'est endormi. Je le regarde de temps à autre, apaisée par ses petites paupières fermées.

— J'ai vu ta vidéo FAQ, dit Adèle de but en blanc au bout d'un moment. Je suis désolée pour toi et Maël.

Je lui lance un sourire. Malgré le fait que le sujet ne soit pas mon préféré, je dois dire que ça me touche malgré tout qu'elle prenne toujours le temps de suivre mon contenu.

— C'est la vie, réponds-je en détournant le regard.

— Est-ce que tu dirais que tu as le cœur brisé ou est-ce que ça va ?

Je baisse les yeux sur Louis, qui dort toujours à poings fermés dans la poussette. Ses petits poings sont serrés et ramenés près de sa tête avec une souplesse étonnante, ce qui me fait brièvement sourire.

— Je crois que je suis un peu brisée, oui, réponds-je doucement au bout d'un moment. Mais ça va passer avec le temps, je le sais. Je dois juste... me retrouver. Me guérir. Et réapprendre à m'aimer, aussi.

À ma droite, Adèle acquiesce. Son regard se voile soudain de tristesse, ce qui me pousse à lui demander :

— Et toi, alors... Tu as déjà eu le cœur brisé ?

Adèle me lance un sourire ironique.

— J'élève un bébé toute seule, je pense que ça répond assez bien à ta question.

Je ne réponds pas, me contentant d'acquiescer doucement.

Le fait est que je n'ai jamais demandé à Adèle comment et pourquoi elle s'était retrouvée dans cette situation. J'ai estimé dès le départ que c'était sa vie privée et que si elle avait envie d'en parler, elle le ferait d'elle-même. Bien sûr, je me suis souvent posé la question ; mais je n'ai jamais formulé ce que j'avais à demander.

Et je crois que j'ai bien fait parce qu'aujourd'hui, elle prend elle-même les devants en m'expliquant :

— Je suis tombée amoureuse d'un mec quand j'étais en quatrième. On est sortis ensemble jusqu'au début de la seconde – donc un peu plus d'un an en tout. Et je sais que dit comme ça ce n'est pas grand-chose mais à notre âge, je te jure que c'est énorme.

Je secoue la tête.

— Euh, même au mien je trouve ça beaucoup. Je veux dire, c'est pas comme si j'avais eu une relation plus longue que ça.

Adèle me lance un petit sourire puis reprend doucement :

— J'étais en train d'apprendre plein de trucs sur moi, sur mon corps et tout... Mais mon copain était beaucoup plus mature que moi sur ces sujets-là et au bout d'un moment, il m'a clairement fait comprendre qu'il voulait passer à l'étape supérieure.

— Et tu te sentais prête ?

Adèle acquiesce sans me regarder, les joues rouges.

— Oui. Je sais que j'avais que quatorze ans, et ça peut paraître jeune et...

— Adèle, la coupé-je doucement. T'as pas besoin de te justifier, OK ?

Celle-ci me fixe un instant, le visage toujours cramoisi, puis esquisse un magnifique petit sourire qui me réchauffe le cœur instantanément.

— Bref, reprend-t-elle en se raclant la gorge, j'étais prête, lui aussi, donc il s'est passé ce qu'il s'est passé. Le truc c'est que je connaissais rien à la contraception, je m'étais même pas renseignée avant et lui non plus alors on a juste... improvisé.

— Oh.

— Oui, « oh », rétorque-t-elle. Bien sûr, au bout de trois mois sans règles, avec des nausées légères et une petite douleur à l'abdomen, j'ai fini par faire un test en priant pour m'être trompée... Sauf que non. J'étais enceinte.

Je l'imagine soudain en train de paniquer dans les toilettes, une main sur sa bouche pour s'empêcher de crier et les yeux rivés sur le mode d'emploi du test qu'elle a dû relire en boucle pour être sûre d'avoir bien compris le résultat. L'image me froisse le cœur.

— J'ai tout de suite appelé mon copain, ajoute-t-elle ensuite. Il m'a raccroché au nez après m'avoir imposé d'avorter.

— Oh, waouh... lâché-je, blessée pour elle.

— Ensuite, il m'a bloquée de partout pour que je ne puisse plus le contacter et il ne m'a plus jamais adressé la parole au lycée. Et comme j'ai déménagé ensuite, je ne sais même pas s'il sait que j'ai eu Louis.

Mes yeux dérivent un instant sur le petit, qui dort toujours paisiblement dans la poussette. Je n'y avais jamais trop pensé parce que Cléo prend énormément soin de lui, mais Louis va grandir sans père. Il aura une présence masculine régulière, certes, mais pas de papa. Même si je ne suis pas forcément extrêmement proche de mes parents, ça n'empêche pas le fait que je ne verrais pas ma vie sans le mien.

— C'est vraiment triste, dis-je doucement.

— Oui... C'était déjà dur de me faire larguer mais avec les hormones, je te raconte même pas. Et en plus, toute ma famille m'a... détestée.

Sa voix s'est brisée sur le dernier mot et elle se racle la gorge pour chasser son émotion, ralentissant le pas en même temps. Elle a l'air soudain plus âgée, comme si elle avait pris plusieurs années en quelques instants.

— Ma famille était déjà compliquée, ma mère avait tellement de choses à gérer avec mon père, Cléo essayait de l'aider en même temps que ses études et moi qui leur annonce que je vais avoir un bébé, c'était juste... leur pire cauchemar. Ma mère s'est écroulée, elle m'a suppliée de ne pas faire ça, qu'elle ne pourrait pas m'aider, qu'elle était épuisée et tout et tout. C'était déchirant.

Ma poitrine se compresse, douloureuse. J'imagine la douleur de cette scène : Adèle qui a déjà l'impression d'avoir ruiné sa vie et sa mère qui l'enfonce encore plus sans le vouloir parce qu'elle n'a pas la force de faire face. Sérieusement, ça me fait tellement mal au cœur.

— Je ne parle plus trop à ma mère, avoue alors Adèle en haussant une épaule, les yeux plein de larmes. On s'envoie des textos de temps en temps mais jamais d'appels ou de visites, sauf pour les très grandes occasions.

— Pourquoi ? demandai-je.

— Je n'arrive pas à lui pardonner d'avoir essayé de me faire changer d'avis. Si je l'avais écoutée, aujourd'hui je n'aurais pas Louis et c'est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée.

Je hoche la tête, compréhensive. Malgré tout, je me dis tout de même que ma mère aurait sûrement réagi pareil si je lui avais annoncé à quinze ans être enceinte d'un type qui m'a quittée en l'apprenant. C'était visiblement une réaction de protection et d'amour envers sa fille, bien qu'Adèle ne l'ait pas compris ainsi.

— Alors, parce que Cléo est Cléo, il a pris les choses en main, poursuit Adèle d'un ton résigné. Il a directement lâché l'université et essayé de se débrouiller pour me trouver une place dans un lycée à Paris, où il habitait déjà. Il voulait à tout prix que je ne revois plus mon ex-copain et vu qu'il était déjà sous contrat avec sa maison d'édition, j'imagine que la capitale a été comme une évidence. J'ai emménagé dans son minuscule appartement étudiant à peine quelques semaines plus tard et puis voilà, le temps a passé.

Elle marque une pause, puis avoue :

— Il ne m'a jamais dit frontalement qu'il m'en voulait mais j'ai toujours ressenti depuis qu'il était en colère contre moi. C'est comme si c'était sourd, bien planqué au fond de lui, et qu'il refuse de la laisser sortir parce qu'il ne peut pas se permettre de me reprocher en face d'avoir gâché sa vie. Pour autant, je l'ai toujours su et c'est pas forcément facile de vivre avec le fait qu'il me déteste depuis près de deux ans.

Je m'arrête de marcher pour attraper Adèle par les épaules. Quelques larmes se sont échappées de ses paupières et laissent des traces plus claires sur ses joues, me brisant le cœur au passage.

Oh, Adèle.

Toujours courageuse, toujours gentille, toujours drôle. C'est une fille extraordinaire et je n'ai jamais cessé d'admirer sa force de caractère, sa détermination et son sourire. Elle dort peu, étudie beaucoup et s'occupe de son fils mieux que quiconque le ferait. Sincèrement, elle donne l'impression de tellement bien maîtriser les choses que je n'imaginais pas une seconde qu'elle pouvait avoir aussi mal intérieurement.

— Ton frère ne te déteste pas, répliqué-je doucement. Au contraire ; je n'ai jamais vu quelqu'un aimer autant une autre personne. Peut-être que tu ne t'en rends pas compte, mais il te regarde toujours avec une fierté incroyable.

Adèle essuie ses larmes du revers de la main, ne me répondant pas. Mes doigts sont toujours enroulés autour de ses épaules et elle semble toute fragile sous mon contact, comme si elle pouvait s'écrouler à tout instant.

— Tu n'as pas ruiné la vie de Cléo, au contraire. Il t'en veut peut-être de l'avoir forcé à prendre un chemin différent de ce qu'il avait prévu mais je pense qu'il n'a aucun regret. Si c'était à refaire, je suis prête à parier qu'il le referait. Tu es la personne qu'il aime le plus au monde et je pense que pour toi, il lâcherait tout s'il le fallait.

Cette fois, Adèle laisse échapper un sanglot.

— Mais je m'en veux tellement, dit-elle alors en pleurant tandis que je l'attire contre ma poitrine. J'arrive pas à vivre en sachant qu'il est autant en colère contre moi.

Je la serre plus fort.

— Ça fait deux ans qu'il court partout, réponds-je alors doucement. À mon avis, il n'a juste jamais eu le temps de comprendre comment arrêter de t'en vouloir.

— Je déteste la situation, sanglote-t-elle contre mon épaule. J'ai envie de retourner dans le temps et de jamais rencontrer ce mec mais en même temps j'aime tellement Louis que je veux pas faire ça, mais Cléo serait tellement plus heureux si j'avais su...

— Arrête, la coupé-je doucement. Respire, s'il te plaît, respire.

Ensuite, nous restons serrées l'une contre l'autre pendant un certain moment en attendant qu'elle se calme. Les passants nous contournent en soupirant d'un air agacé parce que nous nous sommes arrêtées en plein milieu du trottoir, mais je m'en fiche. Je garde les yeux sur elle et sur Louis en priant pour qu'elle aille mieux.

Au bout d'un certain temps, Adèle me fait signe qu'elle se sent prête à reprendre la route et nous nous remettons en marche. Nous faisons demi-tour sans rien dire et je la laisse marcher un peu derrière nous, la laissant respirer. Quand nous arrivons en bas de l'immeuble, je m'arrête pour lui demander :

— Est-ce que je peux faire quelque chose de plus pour toi ?

Je ne sais pas si c'est mon air inquiet ou autre chose mais les yeux d'Adèle se remettent à briller.

— Non. Merci pour tout.

Je lui souris doucement.

— C'est normal.

Adèle secoue la tête et m'attire contre elle par surprise pour me faire un câlin. Je me laisse faire, lui rendant son étreinte, avant qu'elle ne me murmure à l'oreille :

— Je crois que tu fais partie de ma famille.

Je reste immobile, sonnée par son annonce. Une vague de chaleur s'est déversée sur mon cœur et je ne peux m'empêcher de sourire bêtement, touchée.

— Toi aussi, Adèle. T'es la sœur que je n'ai jamais eu.

Sur ce, je me recule avant d'ajouter d'un ton blagueur en levant les yeux au ciel :

— Miranda, si tu m'entends, pardon ma puce. J'espère que t'es OK pour partager ce titre.

Et quand le rire d'Adèle résonne dans mes oreilles, je sais que tout va s'arranger.

18:49

« J'espère que cette vidéo vous a plu, n'hésitez pas à me faire un retour et j'ai hâte de lire vos petits mots ! »

J'appuie sur « exporter », satisfaite du rendu final de ma vidéo. Je n'avais jamais eu le courage de monter le vlog que j'avais tourné à New York à cause de ce qu'il s'est passé avec Maël, mais je me suis réveillée ce matin avec l'envie d'entamer pour de bon mon processus de guérison. J'ai toujours envie de vomir rien qu'à l'idée d'entendre de nouveau parler de lui, mais j'ose espérer que prendre sur moi arrangera les choses avec le temps.

J'ai décidé de complètement le couper de la vidéo. Après tout, il n'était même pas censé être là au départ et de toute façon assez de plans intéressants et drôles pour en faire une vidéo sympa. En plus, il ne mérite pas que je lui fasse de la pub' après tout ce qu'il a osé me balancer sans scrupules.

Une fois la vidéo exportée, je l'envoie sur le groupe Whatsapp que je partage avec les autres créatrices de contenu qui m'ont accompagnées à New York en leur demandant de leurs nouvelles par le même coup. Je préfère attendre leur validation avant de la poster, juste par respect.

Une bonne chose de faite, pensé-je en refermant mon ordinateur.

Ensuite, je décide de faire un peu de rangement dans l'appartement. Je trie, plie, remets les choses à leur place et ne pense qu'à ça pendant une bonne demi-heure. Puis, oppressée par le silence, je décide d'allumer la télé et laisse la première chaîne qui passe.

— ... ravie de le recevoir, c'est un immense évènement ! annonce la présentatrice avec joie dans mon dos pendant que j'arrose la plante près du canapé. C'est la première fois qu'il accepte de passer à la télévision depuis le début de sa carrière alors mesdames et messieurs, merci d'accueillir dans un tonnerre d'applaudissements le grand Tony Mirales !

Sous le choc, je manque de me dévisser le cou en me retournant. Je pense d'abord avoir mal entendu et fixe l'écran avec la bouche ouverte... Jusqu'à ce que j'aperçoive effectivement Tony arriver sur le plateau en saluant le public. Celui-ci porte un costume bleu nuit et a taillé sa barbe de près, accentuant le côté « mâle alpha » qui a fait sa réputation.

— Bonjour à toutes et à tous, dit-il avec un sourire éclatant en s'installant dans le fauteuil en face de la présentatrice. Et évidemment, bonjour à toi Marion ! C'est un honneur d'avoir été invité dans ton émission pour parler de mon nouveau roman, le tome deux du Complexe de l'obscurité.

Non.

C'est impossible. Comment est-ce que ce type peut venir sur un plateau télé pour parler d'un livre qu'il n'a même pas écrit ? Participer à des interviews écrites ou signer des couvertures est une chose, mais être filmé en est une autre bien différente. Ce mec a beau être un menteur professionnel, cela va tout de suite se voir qu'il n'est pas sincère.

Sauf s'il n'est pas en direct, pensé-je alors. Dans ce cas-là, Cléo lui aura sûrement soufflé les réponses comme il le fait chaque fois pour les interviews dans les magazines littéraires. Avide, je balaie l'écran des yeux jusqu'à ce que je tombe sur la mention « en direct » inscrite juste en-dessous du logo de la chaîne.

Et merde.

Mon cœur accélère dans ma poitrine tandis que je retourne le salon à la recherche de mon téléphone. Concentrée sur mon rangement, je ne sais plus où est-ce que je l'ai laissé et je mets de longues minutes avant de le retrouver, tout près d'une bougie sur une commode.

Rapide comme l'éclair, je clique sur le contact de Cléo d'une main tremblante et porte le combiné à mon oreille. Plusieurs sonneries retentissent et je murmure entre mes dents :

— Réponds, réponds...

Au moment où je crois que la messagerie va s'enclencher, j'entends soudain la voix de Cléo me lâcher un « allô ? » dans le combiné. Soulagée de l'entendre, je m'empresse d'expliquer :

— Cléo, mon dieu, allume ta télé ! Tu ne vas me croire, je suis désolée, et c'est un hasard, je suis tombée dessus en faisant le ménage, bref c'est fou mais t...

— Tony passe à la télé, je sais, m'interrompt-il.

Ah.

J'avale ma salive, mon cœur battant toujours fort dans ma poitrine. En même temps, c'est son prête-plume ; si quelqu'un devait déjà être au courant, c'est bien lui. Soudain, je me sens complètement conne de l'avoir appelé en pensant lui annoncer le scoop de l'année.

— Mais il ne peut pas parler de ton livre, lâché-je alors. Il ne l'a même pas écrit, il ne peut pas en parler aussi bien que toi, c'est débile !

— Je sais, répond Cléo d'un ton froid que je ne lui connais pas. Je sais et crois-moi, ça me tue.

Un léger silence s'installe, silence pendant lequel je fixe la télé. À l'écran, Tony est en train de parler de sa tenue et d'échanger d'autres banalités de ce type avec la présentatrice, ce qui limite la casse pour l'instant.

— Où es-tu ? demandé-je alors. Ça va ?

Cléo attend plusieurs secondes avant de me répondre. Pendant ce court laps de temps, j'entends des rires bruyants et réalise que ce sont les mêmes que ceux qui viennent de résonner dans mon propre salon.

— Sur le plateau, dans les coulisses, répond-t-il alors. Et non, ça va pas.

— Cléo...

Je l'imagine parfaitement, debout sur le côté de la scène à regarder ce guignol parler à sa place. Je n'ose même pas penser à quel point il doit se sentir mal en ce moment.

— Je suis désolée, dis-je alors doucement.

— T'as pas à être désolée, rétorque-t-il alors. En revanche, tu peux avoir pitié de moi. Si j'avais pas été aussi con y a trois ans et que je n'avais pas signé ce foutu contrat, ce serait peut-être moi sur scène en ce moment.

La colère qu'il y a dans sa voix est palpable. Sa voix vibre de souffrance et transpire la jalousie et l'aigreur de voir Tony réaliser son rêve à sa place. L'imaginer en train de le regarder fanfaronner sur le plateau juste sous ses yeux sans le moindre respect à son égard me fait mal pour lui.

— ... sortie du deuxième tome a été annoncée autour du mois de mars, soit dans plus ou moins quatre mois. Cette annonce a surpris tout le monde, d'autant plus lorsque qu'on connaît la fin du premier tome. Attention, que tous ceux qui ne l'ont pas fini se bouchent les oreilles : comment allez-vous relancer l'intrigue alors qu'Alana, le personnage principal, s'est suicidée ? demande la présentatrice.

Ni Cléo ni moi n'avons raccroché mais aucun de nous deux ne parle, concentrés sur ce qui est en train de se passer – à la télé pour moi, en live pour Cléo. Sur l'écran, Tony se rassied confortablement dans son fauteuil avant de répondre d'une voix détachée :

— Je ne peux pas répondre à cette question – sinon, ça gâcherait le suspense. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'Alana n'aura pas disparu dans ce second tome.

Un léger soupir de soulagement se fait entendre à l'autre bout du fil, puis une voix différente de celle de Cléo rétorque de façon lointaine :

— Bon, au moins, on a pas répété pour rien.

J'entends Cléo marmonner quelque chose, puis dire plus clairement à ce que je suppose être Sylvie, son éditrice :

— Je vais prendre l'air. Je ne peux plus voir ça.

Sur ce, j'entends ses pas retentir dans le téléphone. Toujours plantée au milieu du salon, je demande prudemment :

— Tu rentres à la maison ?

— Non, répond Cléo d'une voix pressée comme s'il marchait très rapidement. Faut que je pense à autre chose, j'ai l'impression que je vais exploser.

Sur ce, j'entends une porte claquer dans le combiné puis un bruit de klaxon et une longue respiration. J'en conclus qu'il a quitté le plateau et est allé se réfugier dehors, comme annoncé à son éditrice.

— Il est où, le plateau ? demandai-je alors sans réfléchir.

— Dans le nord de Paris, vers Gennevilliers. Pourquoi ?

Je calcule rapidement dans ma tête. Si je pars tout de suite, je suis quasiment sûre de pouvoir y être dans un peu moins d'une heure. Aussi, je cale le téléphone entre mon épaule et mon oreille et cours jusque dans ma chambre pour aller chercher mes affaires tout en répondant :

— Tu bouges pas, OK ?

— Quoi ? Arrête Esther, tu vas pas ven...

— Envoie-moi l'adresse par texto, le coupé-je.

Sans lui laisser le temps de protester une nouvelle fois, je lui raccroche au nez et enfile mes baskets ainsi que ma veste en deux secondes top chrono. Je noue mon écharpe autour de mon cou et passe mon sac en bandoulière sur mon épaule avant de claquer la porte de l'appartement et de foncer dans l'ascenseur.

Sur le chemin, je vois que Cléo m'a envoyé plusieurs messages espacés d'à peine quelques secondes.

Cléo : Viens pas, ça ne sert à rien.

Cléo : ESTHER VIENS PAS

Cléo : Je ne t'enverrais pas l'adresse.

Je secoue la tête, amusée. Sérieusement, il me prend pour une débutante.

Après un rapide check à sa localisation sur Snapchat – s'il croyait que je n'allais jamais le trouver, il me sous-estime profondément –, je chope le premier métro qui m'amène à destination en moins de temps que prévu. À peine une demi-heure plus tard, j'arrive devant le bâtiment qui renferme le plateau. Le logo de la production de l'émission est affiché sur les portes de l'entrée, ce qui me confirme que je suis bien au bon endroit. En revanche, Cléo n'est nulle part.

Sans réfléchir, je pousse les portes de l'entrée et me retrouve dans un petit hall moderne aux couleurs de la marque.

— Excusez-moi du retard, improvisé-je aussitôt en direction du type qui se tient derrière le comptoir. Je suis créatrice de contenus, j'ai été invitée sur le plateau pour l'émission mais j'ai eu un souci de planning.

Le type semble surpris. Visiblement, il semble un peu perdu mais comme mon explication est plausible, il se contente de froncer les sourcils et de me demander mon nom. Instinctivement, je lui donne mon pseudo Esther Online et attends patiemment qu'il tape sur son clavier. Au bout de quelques instants, il fait glisser son regard de son écran à mon visage, puis de nouveau à son écran. Sans aucun doute, il est en train de vérifier si je suis vraiment la personne qu'il a trouvé dans Google Images.

— Vous êtes invitée par l'équipe de Tony ? demande-t-il alors.

— Oui.

— Très bien, attendez une seconde.

Il empoigne son téléphone puis le porte à son oreille, signe qu'il porte un coup de fil. Mon cour accélère dans ma poitrine, me laissant paniquée.

Merde, je vais être grillée.

— Désolé de vous déranger, il y a un membre de votre équipe à l'accueil. ... Oui, elle est arrivée en retard, poursuit-il dans le combiné. ... Une créatrice de contenus, sûrement votre community manager, ajoute-t-il. Oui, elle est connue sous le nom d'Esther Online sur les réseaux sociaux.

Je serre la mâchoire.

Bon, eh bien voilà comment se faire humilier en personne mesdames et messieurs.

Dès que l'interlocuteur de ce type va lui dire que je ne fais pas partie de la maison d'édition, je vais être mise à la porte. Bon sang, Cléo ne pouvait-il juste pas rester devant le bâtiment pour prendre l'air ? Au moins, je serais rentrée avec lui et il n'y aurait pas eu de souci.

— Très bien, conclue finalement le type derrière le comptoir avant de raccrocher. Voici votre badge, les loges sont sur votre droite, ajoute-t-il alors en me tendant une petite carte.

Sonnée, je fixe sa main tendue pendant plusieurs secondes en clignant des paupières avant de récupérer le badge. Alors là, ce qui vient de se passer est tout bonnement incroyable.

— Merci, réponds-je comme si tout était parfaitement normal avant de suivre la direction qu'il m'a indiquée.

Dès que je suis dos à lui, je ne peux m'empêcher d'ouvrir de grands yeux surpris. J'ai l'impression d'être dans un film.

Après avoir poussé plusieurs portes, un bruit de foule assez proche me parvient soudain aux oreilles. Je poursuis mon chemin jusqu'au bout du couloir, débouchant enfin sur les coulisses. Là, j'aperçois plusieurs personnes assises en train d'épier discrètement ce qu'il se passe sur le plateau. Plusieurs prennent des notes, concentrées, et d'autres semblent complètement résignées. Je comprends facilement qu'il s'agit de l'équipe de la maison d'édition ; en revanche, toujours aucun signe de Cléo.

— Esther, bonjour, m'interpelle une voix derrière moi qui me fait sursauter.

Je fais volte-face rapidement, tombant nez-à-nez avec Sylvie. Celle-ci me sourit poliment, mais elle a dû mal à masquer sa tension. Son visage est tiré par le stress et elle a les lèvres tellement pincées que je me demande comment est-ce qu'elle arrive à parler si distinctement.

— Bonjour, réponds-je bêtement, ne sachant pas quoi dire d'autre.

— Donc vous êtes notre community manager aujourd'hui... ? reprend-t-elle innocemment.

Je sens mes joues se mettre à brûler de honte, mais j'essaie de garder la face.

— Euh, je... Non, en fait je voulais voir Cléo. Je peux savoir où le trouver ?

Sylvie me lance un regard triste et hoche doucement la tête. Elle a l'air sincèrement peinée.

— Il est dans la loge de l'invité, celle de Tony. On lui a donné le badge, je crois qu'il avait besoin d'être un peu seul.

J'acquiesce.

— Je vais aller le chercher, annoncé-je.

Sylvie hoche la tête et je commence à m'éloigner quand elle m'appelle de nouveau. Je m'immobilise et lui lance un regard surpris tandis qu'elle me demande posément :

— Esther, s'il te plaît... Empêche-le de faire quelque chose qu'il pourrait regretter.

Oh.

Mon cœur bat plus fort dans ma poitrine tandis que je me détourne et m'enfonce de nouveau dans les couloirs. Je croise plusieurs personnes mais tout le monde est pressé et personne ne fait attention à moi. Après avoir exploré les coulisses pendant de longues minutes en long, en large et en travers, je finis enfin par trouver une porte sur laquelle il est écrit « LOGE INVITES ». Une feuille A4 avec le nom de Tony Mirales a été imprimée et scotchée juste en-dessous, signe que je suis au bon endroit.

Aussi, je toque et dit d'une voix forte pour qu'on m'entende même à travers la porte :

— Cléo, c'est Esther. Ouvre.

J'attends quelques secondes, puis la porte s'ouvre doucement. Cléo me fixe alors avec les sourcils froncés, choqué de me voir ici.

— T'es vraiment venue, commente-t-il alors, sonné.

— Bien sûr.

Nous nous regardons une seconde. Il a les yeux rouges et les cheveux en bataille, signe qu'il a dû les fourrager de frustration plusieurs fois dans la dernière heure. Mais par-dessus cet air fatigué et en colère, je suis surprise par la souffrance qu'il y a dans ses traits. Il a l'air profondément triste, voir même réellement déçu de lui. Je l'ai rarement vu aussi mal en point.

Sans lui demander l'autorisation, je le dépasse doucement pour entrer à mon tour dans la loge. Il referme la porte derrière nous tandis que j'épouse la pièce du regard, le cœur battant.

Il y a un canapé, un meuble télé, un mini-frigo, une immense penderie et plusieurs poufs pour s'installer confortablement. D'habitude, j'imagine que même si la décoration est impersonnelle tout est relativement bien rangé et à sa place ; mais là, c'est tout le contraire. La pièce est dans un bazar pas possible et tout a été renversé ou jeté par terre.

— Tony n'est décidément pas une fée du logis, commenté-je en essayant de détendre l'atmosphère.

— C'est pas lui... C'est moi.

Je me retourne vers Cléo, surprise. Celui-ci fixe ses pieds, visiblement honteux.

— J'ai tout retourné quand je suis arrivé. C'était ça ou alors je tapais dans quelque chose. J'ai préféré foutre le bordel, j'ai pas l'argent pour une caution.

Sa petite tentative d'humour m'arrache un minuscule sourire.

— Je crois qu'il ne s'en sort pas si mal sur le plateau, commenté-je alors pour essayer de le rassurer.

Cléo hausse les épaules.

— C'est pas le souci.

Sur ce, il me dépasse et va se laisser tomber sur le canapé en poussant un soupir. Il a l'air épuisé, mais surtout mentalement. Lui qui est d'ordinaire toujours actif, toujours dynamique, toujours d'attaque à n'importe quelle heure de la journée, ça me fait tout drôle de le voir comme ça.

— Je me déteste, murmure-t-il alors. Je me déteste de toujours créer des trucs biens et ensuite de tout détruire. J'ai peur de quoi, en fait ? D'être heureux ?

Je le rejoins sur le canapé, me laissant tomber près de lui. Puis, doucement, je lui demande :

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

Cléo a les yeux fixés sur le mur en face de lui quand il me répond, pensif.

— Je gâche toujours tout. Que ce soit personnellement ou professionnellement, je fous tout en l'air.

— Comment ça ?

Il hausse une épaule avant de me répondre :

— Ma mère m'en veut d'être agressif avec elle, mon père ne sait plus qui je suis et Adèle me déteste parce que mes mots ont dépassé ma pensée. Et pour ce qui est de la maison d'édition, ils savent tous que je vais rompre mon contrat alors ils m'en veulent aussi énormément.

— Pourquoi est-ce que tu veux faire ça ? demandé-je, surprise.

— Je ne supporte plus que ce crétin de Mirales prenne toute la gloire sur mon dos. J'ai été bête d'accepter de devenir prête-plume parce que je n'avais pas assez confiance en moi pour oser assumer mes écrits et maintenant, ça me bouffe de l'intérieur.

J'acquiesce doucement.

— Je comprends.

Un léger silence s'installe, avant que je n'ose lui dire doucement :

— Comment tu vas faire pour ton nouveau roman si tu quittes ta maison d'édition ?

Cléo fixe toujours un point dans le vide, les épaules rentrées.

— Ils vont me coller des plaintes sur le dos et me faire payer des milliers d'euros de réparation. Puis, quand je serais ruiné et face contre terre, ils feront en sorte de détruire ma réputation pour être sûrs que je ne puisse plus jamais être auteur.

Aïe.

— C'est le pire scénario du monde, réponds-je.

— Non. Dans le pire scénario du monde, Tony me retrouve ensuite et m'étrangle parce que j'ai aussi gâché sa carrière.

Je ne peux m'empêcher de renifler, retenant un rire. Même dans les pires situations, il faut croire que Cléo sait rester drôle. Personnellement, je suis toujours beaucoup trop dramatique, paniquée et pleureuse alors j'admire sa réaction.

— Je suis sûre qu'il y a une autre solution, finis-je par dire, déterminée. On va trouver.

— « On » ?

J'acquiesce.

— Je peux t'aider. On fait une bonne équipe, tous les deux.

Cléo tourne enfin la tête vers moi. Il arque un sourcil étonné et lâche :

— Depuis quand ?

Son ton est légèrement cassant, mais je décide de ne pas y prêter attention car je sais que la situation n'est pas idéale pour lui. Aussi, je reste calme et garde le menton haut en rétorquant :

— Depuis toujours. On est amis.

Sur ce, mon colocataire se met à rire jaune en détournant le regard.

— On n'est pas amis, rétorque-t-il.

Bon, y a pas à dire, il sait être blessant quand il le veut.

— Ah bon ? Et pourquoi ?! répliqué-je sèchement, piquée au vif.

Cléo se tourne alors de nouveau vers moi et articule simplement :

— Je n'ai jamais voulu être « juste » ton ami, Esther.

Oh. Mon. Dieu.

J'ai l'impression que mon cœur vient de me remonter littéralement dans la gorge. Il n'a pas dit ça, pas vrai ? Dites-moi qu'il n'a pas dit ça, je suis en train de rêver, c'est pas...

— Quoi ? lâché-je, choquée.

— T'as bien entendu, confirme-t-il. Mais bref, on est pas obligés d'en parler, c'est pas le moment.

Il se renferme alors, croisant les bras sur son torse. On a beau être assis l'un à côté de l'autre sur le canapé, j'ai l'impression à cet instant qu'il est à des années lumières de moi.

— Si, on est obligés d'en parler maintenant, rétorqué-je.

— Esther...

Je déteste le ton qu'il a employé pour dire mon prénom, comme si j'étais une petite fille agaçante qui réclame un jouet ou fait un caprice. Sauf que ce qu'il n'a pas compris c'est qu'il peut parler comme il veut à sa petite sœur – quoique –, mais pas à moi.

— Tu n'avais qu'à pas dire ça si tu veux plus assumer. Et qu'est-ce que tu voulais dire, en fait ?!

— Tu sais très bien ce que je voulais dire !

Je me lève d'un bond en m'exclamant :

— Non, je ne sais pas !

Je suis en train de lui mentir et nous le savons tous les deux. Au fond, je crois que je le sais depuis le début... Mais j'ai envie qu'il le dise. J'ai envie qu'il le dise à voix haute pour que je sois définitivement sûre de n'avoir rien imaginé.

— Tu me saoules quand tu fais comme si t'étais débile, grogne-t-il.

Je recule d'un pas, blessée.

— Et toi tu me saoules quand tu agis comme un connard.

Je fais volte-face, déçue. Sérieusement, je me demande pourquoi est-ce que je suis venue jusque-ici. Moi qui pensais le réconforter, je n'imaginais pas qu'on allait se disputer.

En voyant que je m'apprête à partir, Cléo se met debout à son tour et appelle mon prénom. Sa voix a beau trembler d'agacement, elle est plus calme quand il prononce ces six lettres. Aussi, je me retourne vers lui, tendue.

— Quoi ? lâché-je froidement.

— Je n'ai jamais voulu être ton ami, dit-il alors. Jamais.

— Alors quoi ?

Tout mon corps irradie de chaleur à cause de l'adrénaline – tellement en fait que même s'il est à un bon mètre de moi, j'ai tout de même peur qu'il le ressente.

— T'étais avec Maël, dit-il alors simplement.

— Et donc ?

— Et donc, je ne pouvais pas tenter quelque chose.

J'ai l'impression que tout mon corps grésille, du haut de mon crâne au bout de mes doigts. Si la moindre goutte d'eau me tombe dessus, j'ai peur de mourir électrocutée.

— Tu aurais quand même pu me le dire, dis-je alors, la gorge nouée. Peut-être que... J'en sais rien.

J'avance imperceptiblement vers lui. Je n'arrive pas à détourner les yeux des siens, un peu comme s'ils étaient aimantés.

— Non. Je te respecte trop pour vouloir foutre ton couple en l'air. Tout ce que j'ai toujours voulu, c'est que tu sois heureuse.

Sa voix est grave, posée malgré la tension qu'il règne entre nous et en lui. En effet, c'est le pire moment pour parler de ça et pourtant, je n'aurais voulu que cette discussion n'ait lieu à aucun autre moment. Je n'arrive pas à croire que je n'avais jamais réalisé que secrètement, j'attendais cet instant depuis une éternité.

— Arrête, dis-je alors.

— Arrête quoi ?

Cette fois, c'est lui qui s'approche imperceptiblement de moi. Nous sommes tout près, mais pas assez pour se toucher. J'ai l'impression que mon cœur est une bombe à retardement qui va exploser.

— Arrête d'être aussi gentil avec moi.

— Pourquoi ?

Il est si proche de moi que je manque de me cogner contre son menton quand je baisse les yeux. Mes joues brûlent tellement qu'on pourrait faire cuire un œuf sur mes pommettes.

— Parce que j'ai peur de faire une bêtise, avoué-je alors.

Pas besoin de préciser, il sait de quoi je parle.

Alors doucement, Cléo approche sa main de mon visage. Il repousse une mèche de mes cheveux blonds derrière mon oreille et la laisse reposer le long de ma mâchoire, relevant légèrement mon menton.

— Merci d'être venue, murmure-t-il alors.

Puis, doucement, ses lèvres se posent sur les miennes.

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