Chapitre 12 (Première partie)
PDV Extérieur :
Le QG des Star Sans avait su s'imprégner de mauvaises ondes. Colère et anxiété prenaient place dans le salon qui faisait office de salle de réunion. Le destructeur ainsi que le prince des rêves, le protecteur, le squelette bleu et le mème lord s'étaient réunis autour d'une table, les uns assis et les autres debouts, marchant ou faisant les cents pas, chacun démunis.
Error : Bøn sång, c'ēst pås pøssįblē, įl fãūt lã récūpérēr...! Glitcha Error, frappant rageusement son poing sur le bois.
Epic : Comment c'est arrivé, Bruh ? S'enquit Epic, une arcade levée.
Error : Bēęn... Grimaça le marionnettiste en jetant un coup d'œil au peintre affalé sur une chaise.
Ce dernier fit la moue.
Ink : C'est Error qui a fait n'importe quoi... Encore.
Error : Åttēnds, cømmēnt çã, c'ęst møį qūį ãįt fåįt n'įmpørtē qūøi ?!
Ink : Si tu n'avais pas fait ta tête de mule on les aurait battu à plat de couture !
Error : C'ēst mã fåūte, c'ēst çå ?!!
Ink : Parce que c'est la mienne, peut-être ?!
Error : Pårfãitęment !
Ink : Tu-!!
Dream fit émaner une onde de choc positive dans le but de les calmer et d'attirer leur attention.
Dream : Est-ce que vous pouvez une fois dans votre vie arrêter de vous chamailler, s'il vous plaît ? Leur demanda-t-il en s'efforçant de ne pas crier. C'est ce qui nous a coûté Lisa. Vous n'avez donc rien appris ?
Error et Ink s'échangèrent un regard, puis baissèrent la tête, bougons et bras croisés.
Dream : Bien. Reprit le petit squelette. Le problème est donc : comment accéder à elle ? Error, tu as dit qu'il nous était impossible de nous téléporter ou de créer un portail directement à l'intérieur du château, c'est ça ?
Error : Øuåįs, pãr dęs øndēs éłēctrø-mågįqūęs émįsēs dē jē nę såįs øù, j'åį pãs tøūt pįgé. Måįs ēn grøs mêmę møį ēt Nįghtmårę n'ēn åvøns pãs lē pøūvøįr. C'ēst chįånt, mêmę pøūr ęūx, måįs nécēssåire.
Dream : Très bien... Et si nous mettons trop de temps à arriver, nous aurons les Bads aux trousses. On ne peut donc pas foncer dans le tas comme ça...
Epic : Tu es sûr ? S'étonna le squelette violet. Même avec trois piliers du multivers, plus Blue et moi ?
Dream : Je ne pourrais pas me battre convenablement avec tant de négativité dans l'air, déjà que je ne suis même pas sûr de pouvoir me téléporter aux alentours... Et puis... On serait sur leur terrain. Là où ils connaissent chaque recoins. De plus je ne serais pas surpris que mon frère ait renforcé la sécurité depuis que Error a changé de camp... Il ne retiendrait pas l'une des nôtres sans avoir la certitude de la garder captive.
Ink : Et si Lisa arrivait à passer l'enceinte magique ? On pourrait la récupérer en deux temps trois mouvements...
Dream : Ça pourrait être une possibilité... Réfléchit Dream. Mais cela ne tiendrait qu'à un fil. Il faudrait qu'elle ressente une émotion positive assez forte pour percer à travers le brouillard négativité afin que je la capte, et cela serait encore plus dur s'il y a une aura parasite alentour... Je ne suis même plus capable de détecter sa présence à présent, elle se trouve déjà à l'intérieur, et bonne chance pour elle de s'évader comme ça...
Le prince des rêves soupira en se tenant le front, impuissant. Se concentrer sur le manoir de Nightmare lui faisait mal à la tête. Bon sang, comment avait-il pu se faire avoir de cette manière ? Une fois de plus ?? Il n'aurait pas du être si insouciant...
Décidément il n'avait pas changé... Incapable de protéger qui que ce soit... Tout ça à cause de son incompétence et de sa maudite innocence..
Il frappa la table du poing d'un air déterminé. Il ne fallait pas abandonner, il était le gardien des sentiments positifs, toujours le dernier à baisser les bras. Si lui renonçait, tout le monde se dirait qu'il n'y avait aucun espoir.
Dream : Bien...! S'exclama-t-il avec un grand sourire infantile pour les rassurer. Dites-moi vos idées, on va trouver une solution !
★★★
PDV Lisa :
Lorsque mes pieds, emportés par le liquide noir qui nous avait téléporté, se posèrent sur de la roche dure, il ne me fallut pas longtemps pour constater que le paysage devant moi s'était transformé du tout au tout.
Si j'avais beaucoup songé à quoi ressemblait l'environnement dans lequel les Bad Guys vivaient, je n'avais absolument pas imaginé ce qui apparentait le plus à un désert de pierre. Seules quelques touffes d'herbes et arbustes secs subsistaient. À l'horizon, le soleil qui se couchait arrivait à peine à étaler sa lueur dorée sur le ciel tant ce dernier était chargé de nuages noirs, cumulonimbus charbonneux et menaçants, nous plongeant dans une noirceur ambiante et oppressante.
Moi : Il fait toujours aussi moche chez v...?
Je sursautai car un son semblable au grondement d'un volcan déchira l'air. Les nuages se tâchaient simultanément de vert phosphorescent. Ce ne fut à ce moment-là que je compris que ce n'était que le tonnerre.
Horror : Ça dépend. Parfois il fait un beau ciel gris, mais ça peut s'accumuler et devenir comme ça. Je crois que c'est en rapport avec l'humeur du patron.
Dust : En gros plus ses émotions sont fortes et plus ça fait boom ! Renchérit le squelette à capuche en ricassant.
Moi : Ah ouais...? Marmonnai-je, sarcastique. Et vous nous dites quoi sur son humeur, les météorologues ?
Horror : Ben c'est plus gros que tout à l'heure. Donc émotions fortes depuis. Analysa l'antropophage, professionnel. Soit il est très en colère, soit il est très en joie. Je pencherai plutôt sur la deuxième proposition.
Je sentai ma mine de plus en plus blême se vider de son sang. S'il y avait une chose à savoir sur Nightmare, c'était que s'il faisait peur quand il était énervé, il faisait encore plus peur quand il était content.
Killer : Hep ! Appela Killer. C'est par ici que ça se passe.
Le tueur tourna dirigea mes yeux d'un signe de main vers la gauche. Une crevasse. Profonde. Ténébreuse. La roche s'ouvrait en deux tel un escalier menant tout droit à ce qui me paraissait être tout bonnement la portes des enfers.
Killer : Avance. Ordonna sèchement Killer en me poussant.
Coincée dans ces fichues menottes épaisses qui bloquait vraisemblablement toute forme de magie, je n'avais pas d'autre choix que de m'exécuter. Plus je m'enfonçais, plus le chemin était rocailleux et parsemé de rochers de toute forme et de toute taille. J'avais faillis tomber deux fois, au passage...
L'abyssale crevasse semblait creuser jusqu'aux soixante mètres, cela dit une faible lumière perdurait encore entre les flans des deux falaises, juste assez pour nous orienter. Nous marchâmes quelques minutes ainsi, dans ce chemin anarchique, sans aboutir nul part. Plus le temps filait, plus la pression montait.
Moi : Où est-ce qu'on va, comme ça ? M'enquis-je, pas très rassurée.
Horror : Chez nous, patate !
Moi : Oui, ça d'accord mais vous n'avez pas de chemin moins casse-gueule ?
Ils me toisèrent avec une expression agacée qui répondis à leur place. Je fis une moue boudeuse.
Le flanc rocheux à notre droite, finalement, découvrit peu à peu un décors qui fit tomber ma mâchoire. Se tenait une gargantuesque cénote cylindrique de plus d'une cinquantaine de mètres de diamètre, aux parois se prolongeant si haut que cela me donnait le vertige. Mais le plus impressionnant était ce qui prônait devant nous, posé sur un gigantesque replat dont un long pont de cette même roche nous y conduisait. Un immense manoir de balsate vêtu. Deux grandes tours et remparts le constituaient, de même que des sortes de douves le ceinturaient, gouffres sans fond. On dirait tout droit un château sorti d'un film fantastique.
Moi : Un manoir ? Une forteresse, oui !! Lâchai-je, ébranlée, les yeux fixés sur cette immensité.
Dust : Ben... C'est chez nous.
«Je suis dans la haine liquide jusqu'au cou...» Me morfondis-je.
Horror : T'en fais pas va, on est tous impressionné au début mais c'est moins grand que ça en a l'air. Tempéra le squelette à la hache en me donnant une tape faussement amicale dans le dos qui me fit presque trébucher.
Moi : Puisses-tu avoir raison... Murmurai-je, trop bas pour qu'il l'entende.
Je ne comprenais pas ce qui me prenait tout à coup mais je ne parvenais pas à contenir ma terreur. Et bien quoi, ce c'était un gros caillou et alors ? Pas de quoi en faire un Multivers ! Pourtant il m'écrasait, l'oxygène était comme empoisonné, me donnait la nausée. Comme si je respirais directement la haine liquide de Nightmare et que je la sentais s'infiltrer dans mes poumons, brouillant ma capacité à réfléchir convenablement. Pensées affolées fusaient dans mon esprit sans que je ne pus me contrôler. Qu'allait-il m'arriver, là-dedans ? Et si ce pont s'écroulait sous mon poids et me faisait basculer dans ce vide infini ? Et si ce château inhospitalier m'avalait tout entière, me broyait et m'empalait de ses dents aiguisées ? Et si... Et si je me faisais torturer, ou tuer ?
Je sentais avec effroi que si je m'y engouffrais, je ne ressortirais plus jamais. Je reculai d'un bond, prise de panique, lorsque Dust éclata de rire.
Dust : Ça doit être les auras d'énergie négative qui se dégagent. Répondit-il avant même que je ne pose la question. Tu sais, ce nombre incalculable de jeux de mots avec l'orage qui se prépare et l'électricité dans l'air... Et bien ici c'est littéralement le cas.
Horror : De mauvaises ondes qui rendent les gens soit méchants, soit légèrement nerveux.
Dust : Mais au bout d'un moment, nous, on s'habitue.
Moi : Mais... Mais à quoi ça sert, sérieux ?? Libérai-je agressivement.
Killer : À faire parler les morveuses. Cracha Killer.
Dust : Il fait pas exprès, ces émanations font fait partie de métabolisme. Expliqua Dust, faisant rouler les orbites au tueur. Pourquoi il fait toujours beau temps chez le marchand de sable d'après toi ?
Killer : Et puis réfléchis un peu. Déjà c'est pour marquer son territoire, se rendre plus puissant. Et puis t'as vu comme l'endroit est isolé ? Comment veux-tu que le Boss se téléporte chez lui s'il n'y ressent aucune émotion négative ?
Moi : Donc les émanations le renforcent et lui permettent de se téléporter directement ? M'étonnais-je. Comme ça ?
Exténué, il se tapa la main contre le front.
Killer : T'es vraiment pas dégourdie... Quand tu sens une odeur de poulet rôti, c'est agréable, non ?
Moi : Ouais.
Killer : Mais ça ne te nourrit pas pour autant ?
Moi : Ben non...
Killer : Ben là c'est pareil. Pour se renforcer et se téléporter, il se sert d'ÉMOTIONS négatives. Il faut donc un cœur, une âme qui fasse réceptacle. Et quand on n'est pas au château, qui sont là pour souffrir ?
Moi : ...Les prisonniers.
Killer : Tu vois quand tu veux. Maintenant avance.
Durant le franchissement du pont, je faisais de mon mieux pour me calmer, me répétant que je m'étais promise de rester digne, et ce au moment même où le tueur m'avait passé les menottes. Malgré l'atmosphère désagréable qui régnait, je pris une profonde inspiration, dans l'espoir de me sentir mieux.
Dust : Fais gaffe, on dit que si tu respires trop les ondes négatives tes poumons vont pourrir.
Tous les trois se marrèrent méchamment alors que j'expulsai tout l'air aspiré par réflexe.
La demeure, en plus d'être bâtie de pierres, avait pour défense de hautes remparts dont la seule faille était un portail grillagé, d'une recherche esthétique franchement macabre. Killer poussa lentement les portes, ce qui provoqua un grincement glaçant. Au delà, il y avait une cours qui faisait office de jardin. Enfin... Un jardin... C'était plus gai dans un cimetière, avec son herbe noire, ses arbustes morts... Comment faisaient-ils pour vivre ici...?
Moi : Combien de temps vous avez mis pour construire ça ?
Horror : Ch'ais pas il était déjà là quand je suis arrivé.
Killer : Pareil. Et j'étais le premier.
Dust : On pense que le Chef l'a juste trouvé à Killertale et y a emménagé il y a longtemps.
Moi : On est à Killertale ?
Dust : Ouais. Mais il me semble qu'il avait un manoir avant, dans son univers original.
Moi : Il aurait déménagé ? M'interrogeais-je. Mais pourquoi ?
Killer : T'arrête de faire ta chieuse, oui ? Râla le tueur.
Moi : Je ne sais pas, je croyais que vous vouliez faire parler les morveuses. Le narguai-je en le fusillant du regard.
Il sortit alors son couteau et appuya dangereusement la pointe dans le creux de mon menton.
Killer : Ça suffit. Un mot de plus et je te coupe la langue.
Je geinis muettement en sentant la froideur tranchante de la lame, tout courage brutalement évaporé. Il en profita pour me faire avancer à coups de bousculades répétées, jusqu'à de grandes portes menant à une large salle.
Décorée de quelques tableaux et tapisseries, ce devait être l'aula, servant de hall de réception. Elle s'ouvrait sur deux couloirs à gauche et à droite qui se perdaient dans des virages symétriques. Au fond de la pièce se tenait deux escaliers en colimaçon quarts tournant soutenant un même palier où une entrée sur un autre corridor nous attendait, tandis qu'une porte se présentait juste en dessus, droit devant nous. Horror la pointa du doigt.
Horror : C'est là où on mange, et si tu continues, tu trouves la cuisine. Indiqua-t-il avec un sourire carnassier. Tu veux que je te fasses visiter ?
Il me scrutait comme un morceau de viande. Je reculai un peu en me ressassant encore et encore cet épisode à Horrortale mais mon dos percuta le poussiéreux.
Horror : Si seulement je pouvais en manger ne serait-ce qu'un petit morceau... Murmura-t-il en approchant dangereusement son visage.
Dust posa une main (rassurante ?) sur mon épaule.
Dust : T'inquiètes, gamine, il va pas le faire. Pour l'instant en tout cas. Hein, Horror ? On a dit quoi sur le fait de la bouffer ?
Horror : Ouais, je sais... Soupira le squelette à la hache en se retirant. J'attends que le patron l'autorise. Bon, vous vous chargerez de la livrer, moi je prépare le dîner.
Il se dirigea alors vers la cuisine.
Dust : C'était sympa, mais j'ai une pomme à voler à Horror. Décida le nonchalant squelette à capuche en suivant le pas. Killer, tu diras bien qu'on l'a fait ensemble, hein ?
Il disparut donc dans la supposée salle à manger, laissant Killer et moi nous échanger un regard pantois. Le tueur souffla furieusement par les naseaux et me fit monter les escaliers, m'entraînant sans ménagement par le col du pull, aussi bougon que s'il remplissait une corvée.
L'étage proposait plusieurs portes sur ses flans, mais ce qui attirait vraiment mon attention reposait au fond du couloir, comme ancrée dans le mur, une entrée massive, taillée dans du bois d'ébène, obscure et fuligineuse.
Killer : C'est ici. T'as intérêt à te conduire à carreaux, sale teigne. Me conseilla le tueur, l'air grave.
Il prit les deux poignées et ouvrit avec un peu de difficulté vu la visible lourdeur de la double porte. La nouvelle pièce était un couloir large d'une dizaine de mètres, parsemé de solides piliers sur ses côtés. Le carrelage variait les couleurs noir et blanc comme sur un plateau d'échec, et les vitraux, qui filtraient la lumière grisâtre de l'extérieur, contribuaient aux forts retentis de nos pas. Il me faisait bizarrement penser à... À l'église à Outertale... En bien plus fade et obscur en l'occurrence.
Et, de même que pour chaque jeu d'échec, le fond de cette pièce oblongue se démarquait par le siège de commandement, l'objet d'autorité, ce qui promettait un sentiment de toute-puissance à celui qui y trouverait recueil : un trône, majestueusement dressé au sommet d'une estrade, sculpté dans du bois sombre. Il était vide, et pourtant j'avais il dégageait déjà une aura ténébreuse, prédatrice, attirant son visiteur comme un trou noir.
Nightmare : Pas mal, non ? Black aime bien fantasmer dessus.
Je tournai la tête à ma droite et, prise par surprise, bondis sur le côté, bousculant inopinément le tueur qui grogna. Nightmare porta ses doigts à sa bouche pour réprimer un pouffement.
Moi : Ça te dérangerait d'arrêter d'apparaître comme ça, bordel !? M'exclamai-je, la voix sonnant entre les quatre coins de la pièce.
Killer : Un prisonnier se doit de la boucler, petite insolente. Siffla le squelette aux larmes de haine.
Il frappa violemment ma tempe avec le pommeau de son couteau.
Moi : Aïeuh !
Killer : Inclines-toi ! Imposa-t-il.
«Alors là tu peux toujours te fourrer ton couteau là où je pense !»
Nightmare : Killer, ce n'est pas la peine, voyons. Souffla le maître des cauchemars. Je t'ai déjà dit que Lisa n'est pas une prisonnière, c'est une invitée menée ici par un détournement fâcheux des circonstances.
Moi : Belle périphrase. Commentai-je amèrement, ce qui me valut un autre coup de pommeau.
Killer : On ne parle pas, j'ai dit !
Nightmare : Ça suffira. Tempéra Nightmare. Tu l'as capturée avec l'aide de Horror et Dust ?
Killer : Yup, on a fait le travail ensemble. C'est Cross qui nous a ouvert le portail, mais il a dit qu'il s'en foutait et qu'il pouvait nous laisser les mérites.
Son Boss fit un hochement de tête contenté.
Nightmare : Je validerai votre épreuve. En ce qui concerne votre récompense elle sera divisée également en trois. Tu peux disposer à présent.
Killer : Bien Boss. Obéit le Sans aux larmes de haine en me lançant un dernier regard noir avant de refermer brutalement la porte derrière lui.
Je pivotai d'un mouvement indécis vers le tentaculaire, la boule au ventre. Killer avait emporté avec lui l'ultime soupçon de chaleur dont je pouvais un tant soit peu bénéficier. La négativité était devenue vraiment lourde dans l'air, presque tangible, telle une main crochue pressant mon âme comme une éponge. Nightmare me toisait simplement, vêtu d'un petit sourire satisfait qui écrasa sans pitié le peu de sang-froid qui me restait. La boule au creux de mon estomac prenait de plus en plus d'ampleur. On était encore à l'entrée du couloir, non ? Pourquoi il continuait de me fixer sans rien dire...?
«Bordel arrête de me regarder comme ça c'est trop bizarre et ça fait peur si tu veux dire quelque chose fais-le mais arrête de me regarder comme ça putain pourquoi tu me regardes comme ça ARRÊTE DE ME REGARDER COMME ÇA»
Nightmare : Allez, viens. Ordonna-t-il finalement en s'avançant tranquillement, les mains dans les poches.
Comme si elles étaient enchantées, mes menottes tirèrent brusquement vers l'avant, me forçant à suivre ses pas, jusqu'à ce que je fus au pied des marches de l'estrade, qu'il gravit avant de s'installer. De près, il était désormais possible de décoder les motifs du trône, soutenu par un dais de bois taillé où reposait une gravure artistique qui semblait avoir été préservée à travers les âges ; un arbre se tenait, festoyé de pommes entre ses feuilles et symétriquement disposées. À gauche une lune, à droite un soleil, tous deux ornés de différents archétypes précis, stylisés et bien détaillés malgré la petitesse et l'absence de pigments. Mais ce qui était le plus proéminent dans cette représentation se figurait par une ronce, tentaculaire, épineuse, qui se prolongeait sur toute la scène, passant entre les symboles, s'enroulant autour du tronc comme pour y pomper ses ressources. Elle engendrait du chaos là où il y avait l'ordre et l'harmonie, étouffait par sa présence la symbiose parfaite des deux opposés.
Nightmare : Mh. Mh. Toussota Nightmare, remarquant bien que mon attention avait été détournée.
Je relevai le menton. Le maître des cauchemars, assit d'une allure peu princière, –en tailleur, jambes croisées, bras tendus et poings entre les fémurs– me toisait de haut avec un grand sourire lui fendant la face. Un sourire malin, supérieur, excité aussi. Un frisson me parcourut l'échine, me ramenant froidement à ma situation actuelle.
Moi : ...Un...Un trône ? Butai-je au bout de quelques secondes, m'occupant de l'abcès qu'il ne se décidait pas à crever.
Nightmare : Tout bon roi mérite ce qu'il y a de mieux où poser séant.
Moi : Tu te prends pour un seigneur...? Tentai-je avec sarcasme dans l'espoir de me donner un peu de courage. Sur quoi règnes-tu ?
Nightmare : Sur tout cela. Répondit-il d'un air diverti en décrivant un cercle avec son index. Que ce soit l'Underground ou la surface, l'univers entier de Killertale m'appartient, corrompu jusqu'à la mœlle. S'il te prend l'envie d'aller visiter les villages alentours, je suis sûr que mes sujets seraient ravis de t'accueillir. Les pauvres, tu comprends... ils manquent tellement de sentiments positifs... Une âme vivifiante comme la tienne serait le dîner parfait pour eux.
Il libéra un ricanement rocailleux.
Nightmare : Je suis vieux de cinq-cents ans et des poussières de monstre, Justice. Avant les patrons d'entreprise il y avait les rois, avant les bureaux il y avait les trônes, pourquoi donc abandonnerais-je mes anciennes us et coutumes ? Également, aurais-tu été aussi impressionnée dans mon cabinet de travail ?
Moi : Qu'est-ce que tu racontes ? je ne suis pas impressionnée ! Fis-je avec un mouvement de tête dédaigneux sur le côté.
Nightmare : Dis ça à tes jambes qui dansent la Macarena depuis tout à l'heure.
Je baissai le regard, ahurie. Des cuisses aux mollets, tout grelottait sans que je ne l'aie remarqué, sans qu'aucune information sensorielle ne me parvienne. Subitement mes nerfs se reconnectèrent. Mes genoux fléchirent, je me redressai difficilement, décomposée, paralysée sur place.
Moi : ...T...Tu triches, c'est à cause de tes phéromones de négativité de mes deux. Sinon je... Je t'aurais déjà...
Ma voix chevrotait à présent elle aussi.
Nightmare : Tu es d'une telle mauvaise "foie" c'est surprenant que Horror veuille encore te manger. Commenta-t-il, amusé.
Moi : ...Sérieusement... Évite les jeux de mots. C'est pas ton style.
Son œil se rétrécit tout à coup, menaçant. Je fis un pas en arrière par réflexe. Cela le fit ricaner. Étalant nonchalamment son corps sur son siège, il se reprit.
Nightmare : Si tu savais comme j'ai souffert de te voir passer la porte de cette demeure... Dix mois. Dix mois que nous nous connaissons et je n'ai encore jamais eu l'occasion de te montrer où je vis ? Et bien...
Il mit une jambe sur l'autre, déploya les bras, le regard ouvert, démonstrateur.
Nightmare : Bienvenue au château des Bad Sanses ! Tu aimes ? Comment t'y sens-tu ?
Il ne me lâchait pas dans sa fixation, semblant attendre impatiemment ma réponse.
Moi : ...Je me sens, euh... Fis-je après quelques secondes entre les résonnances de la pièce.
Je balayai la salle autour de moi.
Moi : Petite...?
Il abaissa les bras, coude sur l'accoudoir et pommette dans la paume.
Nightmare : Mmh... J'espérais des adjectifs plus percutants. Admirative impressionnée, oppressée peut-être ?
«Oui, un peu de tout ça...» Avouai-je à moi-même, aveu que je refoulai par soucis de fierté.
Moi : ...Petite.
Quand on parlait de mauvaise foi, paraissait-il songer. Il claqua soudain dans ses mains, se redressant sur son trône, provoquant une vague d'échos à travers la salle qui me valut un tressaillement.
Nightmare : Allez, il serait inutilement cruel de ma part de te laisser mariner sans te dire ce que je vais faire de toi, non ?
Avec ce qu'il avait montré j'avais une petit idée sur la question.
Moi : ...J'aurai... j'aurai affaire à Killer, pas vrai...? Balbutiai-je, sur la défensive.
Nightmare : Hein ? Fit-il, l'arcade pliée vers le haut, avant de manifestement se remémorer d'où je tirais ce discours et de faire un mouvement de main désapprobateur. Non ! Non non non voyons, ça c'était juste un coup de pression, pour te faire peur...
Moi : H. a. ...ah...? Hoquetai-je, trop interloquée pour ressentir ne serait-ce qu'une pincée de soulagement.
Nightmare : Et bien quoi ? Répondit-il avec un accent de vexation, évident comme si j'étais la dernière des connes. Tu ne croyais tout de même pas que j'allais jouer de toi tout le long de cet examen de sorte à t'endurcir, pour tout gâcher en te détruisant psychologiquement dès ton arrivée ici ? Franchement je pensais que tu me connaissais mieux que ça, Justice.
L'air était devenu irrespirable, anxiogène. Il ne m'était désormais plus possible de respirer que par la bouche. Il attendait une réponse, une pique, j'en fus incapable.
Nightmare : Tu vois ? Tu n'es pas encore prête à supporter la torture. Ajouta-t-il, si extatique de me voir dans un tel état de détresse. Pas assez mûre. Indisposée à être cueillie. Mais je sais être patient, pour peu que je l'aie décidé.
J'eus une subite envie de pleurer qui ne lui échappa pas. Il trouvait cela hilarant et ne se privait pas pour me le montrer.
Moi : Mais... Pourquoi... Pourquoi moi...? Toi qui es emmerdé qu'Error ait changé de camp... tu as pris le risque de l'enrager encore plus en me choisissant pour cet "examen". Tu aurais pu prendre n'importe qui d'autre... Pourquoi...?
Nightmare : Pourquoi toi ? Reprit-il, semblant étonné que je lui demande. Parce que tu as su attirer mon attention, bien sûr.
Un silence de mort plana sur la salle. J'avais cessé de respirer.
Tout à coup il fonça sur moi comme un torrent et m'engloutit dans sa haine liquide. Je fus ballotée dans tout les sens jusqu'à ce qu'il se retire, se rematérialisant à mes côtés. Nous nous trouvions à présent dans un autre couloir inconnu.
«Beurk ! Beurk, argh !» Pestai-je avec un frisson de dégoût. «Beurk !»
Se faire téléporter par Nightmare, c'était pire que se noyer dans du pétrole. Non seulement j'étais glacée, mais en plus j'avais eu une de ces trouilles !
Nightmare : Je te présente ta chambre ! Clama-t-il en désignant la porte située devant nous.
Autour de moi tout tournoyait. Je me collai au mur, me forçant à recouvrer mes esprits. Tout s'enchaînait trop rapidement, il fallait que je me ressaisisse...
Moi : Une... J'ai une... chambre...? Dis-je finalement d'une petite voix.
Nightmare : Fraîchement remise à neuf, rangée, nettoyée et disposant de tout ce dont un humain a besoin. Pourquoi ? S'enquit le maître des cauchemars, semblant surtout se délecter de ma consternation.
Moi : Non, c'est que... mais... Enfin... Je ne suis pas une prisonnière...? Je veux dire...
Nightmare : Oh, tu sais, je comprends que tu aurais préféré un cachot, avec les soucis de fierté, tout ça tout ça... Ricassa-t-il en me pressant contre lui par l'épaule, tendant l'autre main vers l'avenir avec un large sourire. Mais comment DONC pourrais-tu te dilater les pupilles sur les murs des plus belles pièces de ma demeure coincée derrière des barreaux grisâtres et sales ? Je ne me suis pas donné tant de mal pour que tu passes le reste de ton séjour au fond d'un trou ! Visite, explore, contemple, émerveille-toi, tu es une invitée spéciale ! Tu sais, très peu de gens ont eu droit à cet honneur, tu devrais te sentir flattée.
Je me dégageai sèchement en réprimant une grimace de dégoût tandis qu'il modelait son doigt pour former une clef. Il prit mes mains et me libéra de mes menottes.
Nightmare : Voilà. Comme ça tu pourras utiliser ta magie...
Il tendit ensuite sa paume et un petit passe-partout en émergea, comme une planche qui remontait à la surface de l'eau.
«Combien d'objet il cache dans son corps liquide ?» Me demandai-je alors en prenant la petite clef.
Nightmare : ...Et comme ça tu pourras ouvrir toutes les portes que tu souhaites. Enfin, tant que tu ne sors pas du château et que tu n'entres pas dans mes appartements, cela va de soi.
Moi : C'est une blague...? Tu me laisses gambader où je veux ? Comme ça et avec mes pouvoirs ?
Nightmare : Bien sûr. De toute manière ce n'est pas comme si tu pouvais m'échapper.
Moi : Tiens donc, alors je ne suis plus une invitée menée par un détournement fâcheux des circonstances ? Raillai-je.
Nightmare : Évidemment, mais tout invité se doit de se plier au règlement de la maison dans laquelle il loge. Susurra-t-il, son sourire s'étirant fourbement.
Il me prit le poignet et me tira brutalement vers lui, les dents formées en croissant de lune et la pupille rétrécie.
Nightmare : Règle n°1 : Tout ce qui se trouve sous ce toit est à moi. Règle n°2, en extension à la une : Tout ce qui est à moi m'obéit. En somme, personne ne sort sans mon autorisation.
Je n'osais plus esquisser un mouvement, tétanisée. Puis il me lâcha et reprit son narquois habituel.
Nightmare : Ceci étant éclairé, profite bien de ton petit séjour ici, le repas est à 20 heures. N'oublie pas de prendre une douche et de te changer, tu es recouverte de terre. Ah et oui, j'allais oublier...
Il sortit un autre objet de sa main et le laissa balancer du bout de sa fine chaîne comme un pendule. Mon médaillon !
«À quel moment il me l'a pris ???» Pensai-je, incrédule, en tâtant mon buste comme si j'espérais le trouver.
Nightmare : Ça, je le garde. Jubila-t-il en le remettant dans sa main. Have fun !
Et il disparut comme à son habitude. Toute la pression ressentie contractant ma chair relâcha à l'instant même où il avait quitté les lieux. Je serrai le passe-partout fort dans mon poing, luttant contre la cruelle envie de chuter, puis fis volte-face vers la porte qu'il m'avait indiquée. Elle ouvrait sur une pièce spacieuse, propre, aux murs étonnement clairs. De jolies ornements or et argent s'étalaient sur les commodes, les tapisseries, le large lit, le lustre, contrastant avec le meublier en bois de chêne.
Je déglutis. Plus j'étais témoin des délicates attentions du squelette de pétrole, plus la boule incisée dans mon estomac s'accroissait. Une cellule, aussi froide et crasseuse était elle, aurait au moins collé l'étiquette "ennemie" ou "otage" sur mon front. Ennemie et non Lisa, otage et non Justice. Une fonction et non un prénom. Cela ne m'aurait pas concernée personnellement, ma capture aurait été la conséquence d'un accident professionnel. Là il y avait un ciblage, un intérêt, plus loin de cette stupide histoire d'examen. Et cette optique était encore plus angoissante.
Je pris un moment avant d'entrer, puis fouillai un peu autour de moi. Sous le lit, rien de spécial. Dans les armoires, de multiples habits à ma taille aux styles divers (visiblement il avait tout prévu). Je vérifiai sur tous les murs, dans les moindres recoins, histoire de vérifier s'il n'y avait pas de caméra cachée, de micro ou carrément un passage secret, car après tout au sein d'un château on ne savait jamais.
Ce fut lorsque mon inspection se termina que mes jambes purent enfin capituler. Mon corps alourdi tomba brutalement à terre, et mes bras suivirent le mouvement en s'étendant de toute leur envergure. Au repos, il était bien plus aisé de songer à sa situation actuelle. Et bon sang... Quand je pense qu'il n'y a même pas une heure j'engueulais Ink et Error, affalée sur un canapé...
Je jetai un coup d'œil par la fenêtre. Rien à part les hautes remparts naturelles qui entouraient la forteresse, et la falaise, haute, si haute qu'elle ressemblait presque à une cavité, la surface libératrice s'éloignant comme un mirage.
Ma respiration se fit plus forte, mes épaules montaient et descendaient spasmodiquement alors que j'essayai de contenir mes larmes. Je m'y étais préparée, à tout ça. Alors pourquoi je pleurais ? J'avais peur... Mais quoi, avec toutes ces aventures, la peur était mon quotidien, non ?
Mais cette fois j'étais seule... Toute seule...
Error n'était pas là...
Epic n'était pas là...
Papyrus n'était pas là...
Dream n'était pas là...
Je n'avais jamais été préparée à me débrouiller sans proche alentour, sans me dire qu'il n'y aurait personne pour me guider ou m'expliquer les codes. Non, c'était un saut dans le vide, sans certificat de retour.
Je contemplai mes mains. Elles tremblaient.
Je pinçai les lèvres, essuyant les petites gouttes qui perlaient mes yeux. Hors de question. Hors de question de laisser à ces enfoirés l'occasion de me faire pleurer. Je me levai, marchai jusqu'au grand miroir posé contre le mur. En effet, mes habits étaient tous crasseux à cause de mon combat de cet après-midi. Malgré tout, je n'avais aucune envie de prendre une douche. Cette tenue, cette saleté, c'était mon confort, je ne voulais pas m'en débarrasser. Mais avais-je seulement mon mot à dire ici...? J'hésitai un long moment. Rendre les choses chiantes et compliquées ou concéder sans causer plus de problème que j'en avais déjà ?
À contre-cœur, je commençai à chercher dans la commode une tenue potable, vérifiai cent fois qu'il n'y avait ni puce, ni traceur, ni trace de magie ou d'enchantement, et filai prendre une douche rapide. Non, ça ne signifiait pas que j'allais me laisser faire. Je trouverais un moyen de m'échapper. Cependant, le plus prudent et le plus intelligent dans ces conditions était d'analyser et de réfléchir avant d'agir, observer mon environnement, repérer les failles, comme Persévérance. Et pour cela, je devais tout d'abord la jouer passive.
J'enfilai un assemblage dont les teintes étaient agréablement familières à celles de mon AU. Un tee-shirt léger aux manches larges comme un voile, aérant les épaules et resserré au niveau du col. Bleu comme la nuit, il était constellé d'étoiles chutant en cascades. Le pantalon était une sorte de sarouel jaune, simple, soutenu par un gros ceinturon. Le haut était synthétique, le bas du coton. J'étais presque à parier qu'il venait directement d'Outertale. Vingt heures sonnaient sur la pendule lorsqu'on toqua à la porte.
Nightmare : Je peux entrer ? Demanda la voix du squelette de pétrole.
Moi : Est-ce que "non" est une option ? Grinçai-je.
Nightmare : Je reformule : est-ce que tu es décemment présentable ?
Moi : ...Oui.
Une seconde plus tard, il était apparu dans la pièce, surgissant de mon ombre.
Nightmare : Sainte Joku tu es magnifique ! Commenta-t-il en voyant mes nouveaux habits.
Je grimaçai. Avec lui, je ne savais jamais s'il était sincère ou si c'était juste pour se moquer, mais cette remarque était comme une pique dans mon amour-propre.
Moi : Je t'emmerde, Nightmerde. Pourquoi t'es là ?
Nightmare : Je suis juste venu t'accompagner pour aller manger. Le château est grand, tu pourrais te perdre...
Moi : Tiens donc, et t'as pas envoyé de tes sbires pour ça ? M'étonnai-je, sarcastique.
Nightmare : Pour être honnête j'étais curieux de voir dans quel état tu serais, en position fœtale sur le lit ou en train de cogner les murs comme une enragée. Mais apparemment tu es capable de rester digne. Répondit-il avec cet éternel ton narquois. On y va ?
Moi : Je n'ai pas faim. Tentai-je en croisant les bras.
Nightmare : Tu sais, je suis sûr que si je demandais à Bill de ressortir le costume d'agneau il se ferait un plaisir de te le renfiler.
Moi : ...je t'emmerde, Nightmerde. Deux fois.
Il souffla, amusé puis nous téléporta dans la salle à manger.
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Pour vous donner une image de ce à quoi pourrait ressembler la cénote dans laquelle est posé le château, ça ressemble à peu près à ça :
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