Chapitre Second
Au début, ce fut la panique. Selon le gouvernement, sept vaisseaux identiques à celui planant au-dessus de Londres avaient été repérés dans le ciel de grandes villes mondiales. Les habitants de Londres fuyaient la ville, les interviews d'experts en tous genres et parfois même de complotistes se multipliaient à la télévision, et l'armée fut déployée autour de l'ombre projetée par le bâtiment flottant à quelques centaines de mètres au-dessus de la ville. Quant à Lilith, elle avait passé de loin le meilleur moment de sa vie en voyant ce vaisseau : après tout, cela représentait une nouvelle civilisation à découvrir, une nouvelle langue à étudier, un mode de vie inconnu....
Puis une semaine passa, sans aucun signe d'animosité des nouveaux venus, ni en fait aucun signe que ce soit. Les habitants finirent par s'habituer à être surplombés par un immense bâtiment argent et turquoise, et la grande mode était de prendre sa photo de mariage sur un toit, avec la lumière du soleil couchant ou levant jouant sur la coque du vaisseau en arrière-plan. Lilith aussi passait son temps sur les toits, pour dessiner l'engin et en faire des croquis sous tous les angles, griffonnant de petites annotations ou des hypothèses sur ses dessins, et, avec tous les raisonnements qu'elle élaborait à toute vitesse dans son cerveau génial, son nez n'avait jamais autant saigné que pendant cette semaine-là. Sa mère s'était tenue assez loin des bars, pour une fois, et restait même avec sa fille sur le toit, de temps en temps.
Et puis un jour, alors que tout Londres vaquait tranquillement à ses occupations, Lilith vit tout le monde dans la rue où elle marchait s'arrêter, pointant le ciel du doigt et parlant avec agitation entre eux. Une femme hurla dans la foule. En se retournant, Lilith vit un groupe de personnes flottant dans les airs. Attends, quoi ? La jeune fille secoua la tête, leva à nouveau les yeux, et... Mince. Elle n'avait pas halluciné. Elle jeta un coup d'œil circulaire, remarquant l'escalier de secours d'un petit immeuble et le gravit quatre à quatre. Arrivée en haut, elle s'avança vers le bord du toit, qui donnait sur un autre. Avisant l'écart d'environ deux mètres entre les deux toits, Lilith recula, inspira à fond puis prit de l'élan et sauta. Elle se sentit planer un instant puis réatterrit sur l'autre toit, grimaçant à cause des vibrations provoquées dans ses jambes par le choc de l'atterrissage. Elle se releva, et examina à nouveau le vaisseau. Droit devant elle, environ une douzaine d'êtres humanoïdes lévitaient vers le sol.
"Sauf que la lévitation, ça n'existe pas. Le corps humain en est incapable. Et eux, ils ont l'air assez semblables à nous. Alors soit ils ont muté différemment de nous, soit... Attends un peu, c'est quoi ce reflet ?", réfléchit à haute voix la jeune fille. En effet, elle venait de remarquer une sorte de scintillement autour des êtres. "Bingo ! Ce n'est pas naturel !! C'est de la technologie ! Ils disposent d'un niveau assez avancé pour contrôler la gravité elle-même !!", s'écria-t-elle, toute excitée. Puis, les extraterrestres touchèrent terre. Lilith ne réfléchit même pas avant de commencer à se rapprocher, poussée par une curiosité insatiable, passant par les toits ou des balcons. Elle arriva sur Peckham High Street au moment où les passants se regroupaient autour des nouveaux venus, la plupart filmant les arrivants avec leurs portables. Lilith jeta un regard exaspéré à ces idiots puis se concentra sur les humanoïdes.
Ils avaient une peau d'un beau bleu azur, des oreilles pointues à moitié cachées par de longs cheveux noirs aux reflets bleus également. Ils avaient tous l'air assez androgynes, et portaient une longue tunique dont la couleur variait du blanc immaculé au violet ("Un code ? Un système hiérarchique ? A voir", pensa Lilith). Mais le détail qui intrigua le plus la jeune fille, c'était ces espèces de respirateurs plaqués sur leurs visages ; reliés à une poche remplie d'un liquide incolore accrochée à leur taille... De l'eau ? Possible. De l'acétone ? Sûrement pas. De l'ammoniac ? Surprenant, mais peut-être. Un autre liquide, inconnu sur Terra ? Voilà qui serait follement excitant ! La curiosité de Lilith de faisait que grandir encore et encore. Il fallait qu'elle s'approche, qu'elle essaie d'établir une communication entre elle et les nouveaux venus.
Elle allait redescendre de son perchoir, quand l'un des êtres s'avança hors de son groupe. La foule eut un mouvement de recul, l'être enleva son respirateur ("Donc ils n'ont pas besoin de respirer ce liquide tout le temps. Intéressant", nota Lilith) ; et commença à parler. Lilith tendit l'oreille, mais n'arriva pas à comprendre grand-chose. Bon, d'accord, soyons honnêtes, elle n'avait rien compris. Certains mots lui rappelaient un peu les langues de l'Est de l'Europe, ou peut-être les langues scandinaves (certaines sonorités lui faisaient immédiatement penser à l'islandais, par exemple)... Mais elle n'était sûre de rien, et préféra observer l'attitude des aliens, postés un peu en retrait derrière leur porte-parole en tunique violette. Elle s'aperçut que l'un d'entre eux faisait exactement la même chose que Lilith : examiner les réactions des autres. L'alien était un peu plus petit que les autres, donc potentiellement plus jeune. Il portait une tunique d'un blanc immaculé et jetait des coups d'œil un peu nerveux aux alentours.
Et puis une voix tonitrua :
"Écartez-vous ! Laissez passer les diplomates ! Allez, allez, messieurs-dames, écartez-vous, s'il-vous-plaît !"
Lilith se retourna et vit derrière la foule un haut gradé de l'armée, suivi de plusieurs hommes en noir et/ou costard-cravate. Les hommes fendirent la foule, jusqu'à se poster juste devant le petit groupe d'extraterrestres.
"Parlez-vous anglais ?", demanda l'un des diplomates.
Lilith leva les yeux au ciel. Si les aliens savaient parler anglais, ils l'auraient fait dès le début ! Celui qui semblait être le chef, ou en tout cas le porte-parole du groupe venu de l'espace prit à nouveau la parole, toujours dans sa langue si étrange et belle à la fois. Il s'avança vers le diplomate, esquissant des gestes amples, pointant ses doigts fins tour-à-tour vers son vaisseau, puis lui et le reste de son groupe, puis embrassa du regard la troupe d'humains rassemblés là. Le militaire posa sa main sur son holster, imité par certains hommes en noir derrière lui. Percevant ce geste comme une menace, certains extraterrestres adoptèrent une position défensive, et certains brandissaient ce qui ressemblait à un stylo légèrement plus long que la normale.
A partir de là, tout devint confus et hors de contrôle. Certains Londoniens attrapèrent tout ce qui leur passait sous la main et le lancèrent vers les extraterrestres, qui s'étaient regroupés de manière à entourer et protéger ceux qui portaient une tunique blanche, puis les Londoniens, voyant le militaire et ses acolytes sortir leurs armes de leurs holsters, eurent un mouvement de panique et fuirent en partant dans tous les sens. Le mouvement de foule sépara le groupe d'aliens, et certains fuirent vers une ruelle moins encombrée afin de léviter à nouveau vers le vaisseau. D'autres essayaient de se protéger de la foule et de se défendre avec leurs instruments métalliques qui semblaient délivrer une impulsion électrique façon Taser quand activés ; avant de s'éloigner eux aussi, pour remonter dans leur vaisseau. Du haut de son toit, Lilith regardait tout cela avec impuissance, et un certain mépris pour tous ceux qui s'en étaient pris aux extraterrestres. Puis elle avisa le petit alien qu'elle avait remarqué plus tôt, celui qui semblait aussi curieux qu'elle en découvrant ce nouveau monde. Ledit alien essayait de rejoindre ses congénères mais la foule paniquée l'en empêchait, jusqu'à l'obliger à se mettre à l'abri dans une toute petite ruelle déserte.
Une fois les aliens (sauf le plus petit) et la foule partis, les militaires et diplomates décidèrent de lever le camp à leur tour. Une fois toute cette agitation retombée, Lilith descendit de son perchoir. Elle jeta un coup d'œil à la ronde, et, estimant que le danger était écarté, traversa la rue et s'engouffra dans la ruelle où le petit alien s'était réfugié. Lilith avança un peu, puis entendit une respiration saccadée sur sa droite. Elle se retourna et vit l'humanoïde en tunique blanche recroquevillé derrière une pile de cartons, l'air complètement affolé. Dès qu'il la vit, l'être se mit en position défensive. En le voyant de plus près, la jeune humaine se dit que finalement, il n'était pas si petit que ça. Peut-être même qu'il avait le même âge qu'elle. Lilith leva les mains pour lui montrer qu'elle ne comptait pas l'attaquer, et sourit.
"Salut", fit-elle.
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