4 - "Ça fait longtemps, tu m'as manquée..."
POINT DE VUE DE PETER
Deux mois, treize jours et quinze heures. Evy me manque. Chaque jour, j'ai l'espoir qu'elle m'envoie un texto, qu'elle m'attende à mon casier, qu'elle soit chez moi, en train de discuter avec Tante May. Et chaque jour je suis déçu.
Je rêve d'aller tambouriner à sa porte et de la serrer contre moi jusqu'à l'étouffer, de poser mes lèvres sur les siennes jusqu'à ce que je n'ai plus de souffle, d'entendre sa voix jusqu'à m'endormir.
Chaque jour est un combat entre ce que je veux faire et ce que je dois faire. Je ne peux pas la brusquer, je dois lui laisser du temps. J'ai tué le garçon qu'elle aimait, j'ai tué son premier amour, son ami, son voisin, sa moitié.
J'ai commis l'acte le plus horrible du monde et j'en sors presque indemne. Mis à part peut-être que j'ai tout perdu. Mon âme de héros, ma notoriété, Evy. C'en est presque insupportable.
Tout comme Spider-Man, Outbreak a décidé de prendre de longues vacances. Monsieur Stark me le reproche assez souvent. Pour lui j'ai abandonné les New Yorkais, pour lui j'ai été lâche. Il y a plusieurs semaines, j'aurais tout fait pour le faire changer d'avis; mais aujourd'hui, je comprends qu'il a raison. Que je suis devenu un moins que rien.
Même Happy a tenté de m'appeler, or ses mots de réconfort n'ont rien changé. La mal être et la culpabilité me rongent. Je ne m'étais pas rendu compte d'à quel point Evy me faisait me sentir complet avant que je ne la perde. J'ai été trop con. Je suis tombé amoureux d'elle alors que j'aurais dû faire comme avec Liz : attendre patiemment qu'elle daigne me regarder et me taire sur mes sentiments. Malgré tout Evy, elle, ma montré de l'affection. Elle m'a bien fait comprendre qu'elle ressentait les mêmes choses que moi. Et c'est ce qui nous a brisé tous les deux.
- Eh Peter ! Ça a sonné ! s'exclame Ned.
Je relève les yeux sur mon meilleur ami qui affiche un grand sourire. Depuis ce matin, il semble pas mal heureux. Je l'ai même vu parler avec Michelle, chose très rare. Elle n'est pas du genre à parler à "des loosers comme nous". Je pense qu'il me cache quelque chose, mais je n'ai pas la force d'essayer de trouver ce que c'est.
Je retire mes lunettes de laborantin et range mes affaires sous le regard impatient de Ned.
- Qu'est-ce que t'as à la fin ? T'as été bizarre toute la journée ! lui fais-je remarquer, agacé.
- Mais rien, j'ai seulement hâte de sortir d'ici.
Je soupire. Les cours finissent tôt aujourd'hui. Je ne vais pas m'en plaindre. Je vais pouvoir m'affaler sur le canapé et regarder un vieux film pour me changer les idées en rentrant.
Ned trottine jusqu'à nos casiers. Son mystère commence à sérieusement m'énerver. Je dépose mes cahiers et le suis jusqu'à l'extérieur. La foule épaisse nous bloque le passage, mais nous arrivons finalement à nous en extirper pour atteindre le parking.
Ned est planté devant moi, le visage fendu d'un large sourire.
- Tu fais chier Ned !
- Lève la tête ! s'écrie-t-il.
J'arque un sourcil. Il fait un mouvement de tête pour montrer quelque chose sur sa gauche et je relève enfin les yeux sur le parking.
Mon cœur manque un battement et le feu me monte aux joues quand j'aperçois Evy, adossée au capot de son vieux pick-up. Elle scrute les alentours, l'œil morose. Elle a l'air si triste...
Quand enfin, elle croise mon regard, des millions de papillons s'envolent dans mon ventre. Si je n'avais pas peur que tout le monde m'entende, je hurlerais à pleins poumons. Elle est là, juste devant moi, à m'attendre.
Evy m'adresse un mince sourire et je reste pétrifié.
Ned me pousse alors vers elle et mes jambes retrouvent leur motricité. J'avance lentement vers Evy. Chaque pas qui me rapproche d'elle est un supplice, j'ai l'impression de ne plus respirer. Quand enfin je me plante devant elle, un sanglot entrave ma gorge et je le refoule. Elle a l'air mal à l'aise et je la comprends. Ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vue. Elle n'a pas changé d'un pouce, mis à part peut-être sa mine fermée et son visage qui a perdu de ses couleurs.
- Salut Peter, souffle-t-elle.
Je retiens ma respiration, je ne sais pas quoi faire. La prendre dans mes bras ? Lui hurler dessus ? La couvrir de baisers ?
- Salut, répété-je, faiblement.
- Ça fait longtemps, tu m'as manquée...
Je déglutis difficilement et mon ventre s'enflamme.
- Toi aussi. Enormément, avoué-je.
Elle sourit de nouveau, puis contourne son pick-up. Elle ouvre la portière conducteur et me jette un regard.
- Tu viens ?
J'acquiesce vivement et monte dans la voiture. Son odeur l'emplit et je respire profondément. Je crispe mes mains sur mon sac tandis qu'elle démarre. Après être sortie du parking, elle se tourne vers moi.
- Mes parents rentrent vers dix-neuf heures, on peut aller chez moi en attendant, propose-t-elle.
- May ne rentre pas de la nuit, j'ai la maison, m'empressé-je de répondre.
Je veux qu'on ait plus de temps que quelques heures. Lui suggérer dès maintenant de dormir avec moi risque de la braquer, je préfère qu'elle prenne cette initiative d'elle-même. Je veux rattraper le temps perdu et avoir une chance de lui dire ce que je ressens.
À mon grand étonnement, elle acquiesce. Nous roulons jusqu'à Forrest Hills et elle se gare sur le trottoir. Je descends, encore tremblant, et vais ouvrir la porte. Evy me suit et je la vois regarder la maison. C'est la seconde fois qu'elle vient ici, pourtant elle semble redécouvrir les pièces.
- C'est vraiment joli chez toi, dit-elle.
- Merci. Tu veux boire quelque chose ?
- De l'eau, s'il te plaît.
Je dépose mon sac dans l'entrée et file dans la cuisine pour nous remplir deux grands verres d'eau. Quand je tends le sien à Evy, nos doigts s'effleurent et elle lâche le verre. Heureusement, je le rattrape de justesse et le repose sur le bar. Je lui adresse un sourire timide et elle attrape le verre une fois que j'ai éloigné ma main.
Mes doigts picotent encore, la trace de sa peau est imprégnée sur la mienne.
- Alors, commencé-je. Comment tu te sens ?
Question stupide.
- Ça va un peu mieux chaque jour, mais c'est encore douloureux... Et toi ?
Je hausse les épaules et me tourne vers l'évier pour vider mon verre. Je n'ose pas affronter de nouveau son regard. J'ai tué son petit ami.
Soudain, je sens sa main se poser sur mon épaule. Son odeur arrive jusqu'à mes narines et je me tourne lentement. Son visage est à seulement quelques centimètres. Sa main glisse de mon épaule à mon avant-bras, y laissant une trainée de frissons. Elle caresse ma main distraitement avant de me regarder.
- Tu n'étais pas toi-même, chuchote-t-elle. Le Peter que je connais ne ferait de mal à personne.
Sa voix est hypnotisante, presque sensuelle. J'avale difficilement ma salive et tente de reprendre contenance.
- Ça n'empêche pas que je suis celui qui a jeté cette foutue bagnole.
Evy s'éloigne face à mon ton dur. Je fais un pas vers elle, prêt à m'excuser, mais elle se rassoit et pose sa main sur son verre.
- J'aimerais qu'on parle d'autre chose, si tu veux bien, dit-elle. Ce qui est fait est fait.
Je secoue la tête et m'assois face à elle. J'aimerais tellement la toucher, la sentir contre moi, or c'est impossible. Les blessures de la mort d'Hunter sont profondément ancrées en elle et je sais qu'elle me repoussera. Moi-même je ne trouverai pas ça correct vis-à-vis de celui à qui j'ai ôté la vie de toucher à celle qu'il aimait.
Rapidement, Evy et moi racontons nos rentrées respectives et pendant un moment, j'ai l'impression que rien ne s'est passé entre nous et que nous sommes deux vieux amis qui partageons sur leurs vies. J'apprends qu'Evy voit une psychologue depuis presque deux mois, mais elle n'a pas l'impression qu'elle l'aide beaucoup. Elle lui apprend à relativiser, à apprécier ce qu'il lui reste, pourtant la douleur reste présente. Seul le temps guérit les blessures.
Aux alentours de sept heures, je commande des pizzas et, une heure après, nous les engloutissons avec le sourire. La voir détendue me fait du bien. Moi-même je ne m'étais pas senti aussi épanoui depuis des semaines. On se fait du bien mutuellement et pour le moment, c'est tout ce qui compte.
A dix heures, Evy regarde l'heure et se lève d'un bond du canapé sur lequel nous nous sommes déplacés pour regarder la télévision.
- Je vais peut-être rentrer, il se fait tard.
Je me lève à mon tour, je ne veux pas qu'elle parte.
- Tu peux passer la nuit ici, si tu veux. Je peux te prêter quelque chose pour dormir et tu n'auras qu'à rejoindre le lycée demain matin.
Je la sens hésiter, c'est déjà un bon point.
- Allez, insisté-je. On ne va rien faire de mal. Seulement dormir. Je... j'ai besoin de toi.
Elle relève ses grands yeux bruns sur moi. Je les vois dévier plus bas sur mon visage, mais elle les reporte sur son téléphone. Elle tapote rapidement quelque chose. Quelques secondes plus tard, l'écran s'illumine et émet une sonnerie.
- C'est d'accord, dit-elle.
Je soupire de soulagement et m'empresse de me ruer dans ma chambre pour ranger un peu le bordel qui s'y trouve. Je fourre le tout sous mon lit double posé contre le mur. Il est bien plus pratique que les superposés que j'avais avant. Et au moins, je ne me cogne pas la tête le matin.
Je ressors avec un long t-shirt à la main et un short qui lui ira sans doute trop grand, et les lui tends avec un sourire.
Evy me remercie et baille.
- Je suis crevée, avoue-t-elle.
- Allons nous coucher, dis-je avec un sourire.
J'éteins les lumières et envoie un texto à Tante May pour qu'elle ne s'étonne pas de trouver Evy dans la maison demain matin avant de rejoindre ma chambre. Evy me suit et je m'empresse de me changer pour enfiler un short et un t-shirt usés. Quand je me tourne vers la jeune fille, je la vois rougir comme une pivoine. Un sourire apparaît sur mon visage.
- C'est pas beau d'espionner un garçon qui se change.
Evy se tourne, tendue comme un arc. Je la vois alors déboutonner son pantalon et le baisser. Je détourne le regard pour ne pas voir ses longues jambes nues et risquer de ne pas contrôler mes pulsions. Après plusieurs secondes, je me risque à me tourner. Comme prévu, mon short lui est trop grand, mais elle l'a retroussé pour qu'il lui tienne la taille. Elle enlève son pull et j'aperçois son dos pâle. Je me mordille la lèvre et la regarde enfiler mon t-shirt. Avant que celui-ci retombe, j'aperçois quelque chose sur son flanc et m'approche prudemment. Je pose mes doigts sur sa hanche et Evy sursaute avant de se retourner.
- Qu'est-ce que tu fais ? s'écrie-t-elle.
- Excuse-moi, je... tu t'es faite tatouée ?
Elle me jette un regard crispé puis s'approche de moi. Son regard sombre me happe totalement. Elle baisse alors les yeux sur mon t-shirt et je la regarde le relever lentement pour laisser découvrir des chiffres à l'encre noire.
04.07.2017
- Le 4 Juillet, soufflé-je.
J'approche mes doigts lentement, comme hypnotisé. Evy se crispe alors je recule, mais elle soupire et prend ma main dans la sienne pour la guider jusqu'à sa hanche. J'effleure sa peau de mes doigts et celle-ci se recouvre de chair de poule.
- C'est pour me souvenir que ce jour là, il est mort. Et que j'ai tué quelqu'un. Je l'ai fait quelques semaines après.
J'acquiesce lentement puis pose ma main sur sa taille pour la rapprocher de moi. Elle lâche mon t-shirt et pose ses deux mains sur mon torse. Nos souffles saccadés se mêlent entre eux tandis que je la scrute sans vergogne. Ce que je rêve de poser mes lèvres sur les siennes...
J'approche mon visage du sien, mais elle ne recule pas. Ce serait tentant, néanmoins au lieu de l'embrasser, j'enroule mon second bras dans son dos et la serre contre moi. Mes doigts se perdent dans sa chevelure brune tandis que les autres caressent sa hanche. Elle est toute tremblante entre mes bras. Finalement, elle glisse ses bras autour de ma nuque et pose sa tête sur mon épaule. Je respire son odeur avec avidité. J'aimerais rester comme ça pour toujours.
Nos cœurs cognent à l'unisson contre nos cages thoraciques.
Je glisse mon nez dans son cou et effleure sa peau de mes lèvres. Elle frissonne comme jamais tandis qu'un feu de désir ardent brûle en moi. D'une voix rauque, je susurre :
- Tu dors avec moi Evy ?
Je la sens hocher la tête et m'écarte d'elle. Un vent glacial me parcourt tout entier alors que son corps s'éloigne du mien. Je m'étends sur mon lit et me calle dans le fond. Evy se glisse contre moi et me fait face. Ses grands yeux me scrutent, j'ai l'impression qu'elle me dévisage. Je rabats les couvertures sur nous et elle se retourne pour éteindre. Après de longues secondes pendant lesquelles je reste immobile, je sens ses jambes se glisser entre les miennes et son corps se rapprocher du mien.
Je passe un bras autour de sa taille et elle se blottit contre moi.
- Bonne nuit Peter...
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Hannnnn trop de tensionnnnnnnsssss !! Premier chapitre du PDV de Peter, qu'en avez-vous pensé ? J'en ferai quelques uns dans ce tome et les annoncerai comme celui-ci. Si vous ne voyez rien, c'est qu'on est dans la tête d'Evy ! ;)^^
Bisous, à la semaine prochaine ! :*
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