Chapitre 16
Chapitre 16
Il fait nuit noire lorsque je rentre chez moi. Mes parents ont tenu à fêter l'ouverture de ma galerie et la demande en mariage de Sean en nous invitant tous au restaurant le plus prisé de la ville. J'ai tellement mangé que j'ai tenu à rentrer à pied, de peur de rendre tout mon repas. Ce qui serait un très grand gâchis, car j'ai commandé en ne me basant que sur mes goûts et en omettant les nombres qui se trouvaient derrière l'intitulé de chaque plat.
Le chemin de terre battue que j'emprunte n'est illuminé que par le fin rayon de la lune qui se trouve être à son dernier quartier. Pour autant, je n'ai pas peur. Les chevaux qui vivent dans les prés sont calmes et je peux entendre leurs respirations lentes et apaisées. Je discerne des silhouettes en forme de patate par terre et j'esquisse un sourire. Cette attitude détendue est la preuve qu'il n'y a vraiment aucun danger et je me félicite d'avoir choisi ce cottage comme demeure et galerie. Je n'aurai aucun voisin qui me dérangera en faisant du tapage nocturne, comme dans les nombreux appartements que j'ai loués tout au long de mon exil en France, ou en parlant un peu trop fort en pleine journée. Et puis, le fait que ma salle d'exposition soit aussi excentrée me permettra de mieux me concentrer sur mon travail et mes impressions.
Un hennissement puissant me sort de mes pensées alors que j'arrive à l'embranchement qui me mène soit chez moi soit plus loin dans la lande. Intriguée par cet appel plein de solitude et de tristesse, je choisis de m'enfoncer entre les prés pour arriver face à celui du cheval de la dernière fois.
— Tu es toujours là ? murmuré-je alors que la lune me dévoile son regard posé sur moi. Et encore seul en plus...
Comme s'il comprenait ce que je lui disais, il souffle au point que ses naseaux frémissent et hennit à nouveau.
— Pourquoi tes proprios ne te mettent pas avec des copains ? Des moutons feraient très bien l'affaire, ajouté-je alors qu'il me tourne le dos pour se diriger vers le pré voisin au sien.
De longues minutes passent pendant lesquelles l'étalon appelle les autres chevaux qui l'entourent et qui, pourtant, sont si loin de lui et ne peuvent le rejoindre. J'aimerais faire quelque chose pour lui. Ce n'est pas normal de laisser un animal grégaire vivre seul. C'est même d'une cruauté sans nom.
Le souvenir d'un des cavaliers de mon ancien centre équestre me revient alors en mémoire. Malgré les besoins de son animal, il lui était impossible de cohabiter avec les autres membres de son espèce. Il était tellement dominant qu'il allait jusqu'à s'approprier les chevaux mis au paddock avec lui et charger leurs cavaliers quand ils venaient les récupérer pour s'en occuper. Et, quand ils parvenaient à attraper leurs animaux, ils étaient balafrés, épuisés et avaient du mal à les motiver pour leur session de travail.
Cet étalon est-il lui aussi comme ça ? Est-ce la raison pour laquelle ses propriétaires l'ont isolé de cette manière ? Je pense que je ne le saurais jamais et, de toute façon, je ne compte pas fouiner pour m'en assurer. Après tout, j'ai juré de ne plus renouer avec le monde équestre. Mon cœur se serre à cette pensée, car j'ai approché un cheval et lui ai parlé. Je recule sans un regard de plus vers l'animal solitaire et retourne sur mes pas pour emprunter le sentier qui va vers mon cottage.
En arrivant, j'allume et souris en voyant que presque toutes mes photographies ont été vendues pendant la journée. Il y a eu beaucoup de monde, même après la visite guidée qui a fait suite à l'ouverture de ma galerie, au point que j'ai dû faire une annonce pour informer les visiteurs de la fermeture imminente. Après avoir fait un rapide tour pour m'assurer que tout allait bien, je me dirige vers les escaliers dérobés, éteints la lumière et vais à l'étage. Une fois dans mon logement, je me déchausse et soupire de soulagement en m'écroulant sur le canapé. J'entends un froissement et le bout de papier que Sean m'a donné me revient en mémoire. Je le sors de ma poche arrière et lis encore et encore les adresses où je pourrais prendre rendez-vous pour un spectacle de chippendale.
— Bon, soufflé-je en sortant mon portable pour faire une petite session d'espionnage, voyons voir si je peux trouver toutes les amies proches de Nancy.
J'explore son profil Facebook et, parmi toutes ses photos récentes, repère trois filles qui semblent faire partie de sa vie. Je les contacte séparément pour leur proposer de participer à l'enterrement de jeune fille de Nancy. Une fois mes messages envoyés, je balance mon téléphone sur le canapé et m'en vais me doucher. Il est tard et je dois déjà penser à la prochaine exposition que je ferai.
En revenant dans la pièce de vie une fois propre comme un sou neuf dans mon pyjama nounours, je découvre que deux des filles m'ont répondu positivement et que la troisième me conseille de créer un groupe pour que nous puissions toutes discuter des activités que nous allons organiser. Je soupire, car j'avais prévu d'aller me coucher et pas de discuter avec elles pendant je ne sais combien de temps. Le visage de Nancy me vient alors en mémoire et je l'imagine déjà excitée comme une puce à l'entente du programme que nous allons lui concocter.
Ma conversation par messages avec les filles dure plus de trois heures. Nous avons décidé de toutes les activités que nous allons faire. Le matin, on ira chez elle aux alentours de huit heures, peu après le départ de Sean pour le travail. On la réveillera en fanfare et lui fera un petit-déjeuner de reine. Ensuite, ce sera séance habillage et maquillage, puis nous irons faire du shopping à Londres. On mangera dans un restaurant de luxe et la forcera à se changer dans les toilettes d'un McDonald's. À partir de là, nous errerons dans les rues de la capitale, elle dans un costume particulièrement ridicule et voyant. Nous, nous serons juste là pour la guider vers des lieux connus comme étant très touristiques. Et donc très fréquentés. Au terme de cette épopée, vers dix-neuf heures, Nancy se changera à nouveau dans les toilettes d'un fast-food pour enfiler une tenue de soirée. Nous ferons de même et nous dirigerons vers le club où se produit la troupe de chippendales que nous avons réservée pour la soirée.
Je jubile rien qu'en imaginant chaque réaction de ma meilleure amie pendant cette journée qui sera inoubliable. Journée qui, je l'espère, se déroulera d'ici peu de temps. Comme je suis la seule parmi celles qui participent à son enterrement de vie de jeune fille à être à mon compte, j'ai pour mission de m'occuper de l'organisation de toutes les activités. Les autres se sont dévouées pour acheter toutes les tenues, celles de Nancy comme les nôtres. Je ne leur ai rien dit, mais cela m'arrange. Je déteste faire les magasins et suis rassurée d'organiser notre journée. Au moins, tout sera carré comme je l'aime.
Après avoir souhaité une bonne nuit aux filles, je mets mon téléphone en mode avion et le dépose sur le lit. Je ferme les yeux et soupire à l'entente du hennissement douloureux de l'étalon solitaire qui me parvient.
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