Chapitre 10
Plusieurs mois sont passés depuis mon retour à Horseburgh. J'ai signé la vente de la salle des fêtes avec Mills et Smith, ai engagé les entreprises pour les travaux et ma mère pour les diriger. De mon côté, j'assiste aux réunions de chantier qui se déroulent une à deux fois par semaine, ce qui me permet de voir de suite s'il y a des changements à faire sur le terrain. J'habite toujours chez mes parents en attendant que mon cottage soit prêt à m'accueillir et bosse sur les photos que je vais présenter pour l'ouverture de ma galerie.
Le thème tournera autour des paysages bucoliques français. C'est une petite référence aux grands prés qui nous entourent et à la bruyère qui parsème la campagne anglaise. Ainsi, les visiteurs ne se sentiront pas trop perdus en entrant pour la première fois dans ce bâtiment totalement rénové.
Je n'ai pas croisé Tyler ou William depuis les dernières fois. Il faut dire que je suis le plus souvent planquée chez mes parents, Nancy et Sean ou sur le site des travaux, endroit interdit au public. Ma meilleure amie m'épaule comme elle le peut dans ce projet titanesque. Elle ne voit aucune de mes photos, car je souhaite que tout reste secret pour le jour J, mais m'accueille toujours à bras ouverts quand je me sens démoralisée par tonne de boulot que j'ai. Sean est aussi très compréhensif et ne râle pas en me trouvant sur le pas de sa porte. Il renonce à quelques heures qu'il pourrait passer avec son amoureuse pour qu'elle soit plus souvent avec moi. Je lui suis infiniment reconnaissante pour cela et ai même accepté de l'aider dans sa quête pour dénicher la bague parfaite pour sa demande en mariage. Quand il m'a parlé de la faire lors de mon vernissage, j'ai tout de suite approuvé son idée.
Après quatre longs mois d'attente, le chantier est enfin terminé. Mes parents, Nancy et Sean m'accompagnent pour que nous signions la réception des travaux. J'ai envie de pleurer en voyant l'état de ma galerie. L'ancien cottage délabré est comme neuf. Sa structure apparente en bois a été restaurée et le remplissage en maçonnerie est aussi blanc que les nuages dans le ciel. Le toit, autrefois en chaume et presque en ruine, est à présent recouvert de tuiles d'ardoise. Le rez-de-chaussée est grand, vide et de nombreuses attaches pendent du plafond aux endroits où reposeront mes photos. De discrets rails avec plusieurs branchements sont juste au-dessus afin que je puisse arranger l'éclairage à ma guise. Les murs, gris très clair, laissent de temps à autre la place à de larges vitres en verre trempé. Elles cadrent le paysage alentour et participent à la scénographie de la pièce.
Un escalier dérobé se trouve dans l'un des coins les plus isolés du cottage. Je m'y dirige et grimpe au premier étage. Une porte verrouillée par une serrure me bloque l'accès.
— Tiens, m'interpelle ma mère en me tendant plusieurs clefs. Tu as été trop rapide pour que je te donne l'intégralité du trousseau.
Je ris pitoyablement, honteuse de mon attitude, et la remercie. Je pousse le battant en bois et reste bouche bée devant ce qui se dévoile sous mes yeux. Un grand salon m'accueille et m'ouvre ses bras, comme s'il m'invitait à l'explorer. Le canapé fait face à une télévision 70 pouces accrochée à l'un des murs couleur bleu pastel. De nombreux rangements blancs occupent l'espace. Ils sont vides et n'attendent plus que je les remplisse de mes affaires. Je reconnais dans le parquet à bâtons rompus plusieurs essences de bois, dont le châtaignier et le chêne. Il laisse doucement place à des tommettes sombres qui amènent sur une cuisine à l'américaine carrelée du même bleu que le salon. L'ilot central est formé de deux parties en gré : une croix qui sert de pieds et le plan de travail posé par-dessus. Tout le nécessaire pour préparer à manger et ranger les ustensiles est repoussé vers l'extérieur.
Je longe le couloir qui mène à la salle de bain et reste coite face à la douche à l'italienne et au spa qui occupent presque tout l'espace. Les toilettes sont dans une pièce attenante et ma chambre se trouve à quelques pas de là. Je passe la porte et des étoiles envahissent mes yeux en voyant le lit à baldaquin king size et l'immense bibliothèque qui couvre tout un pan de mur. Pour l'instant, elle est vide, mais je sais parfaitement que, après mon aménagement, elle sera quasiment remplie de livres en tous genres. Romans, mangas, œuvres photographiques et documentaires. Une ouverture vers une autre salle attire mon attention. Quand j'en franchis le seuil, un petit cri d'excitation m'échappe en comprenant que je me trouve dans mon premier dressing. Il doit faire 10 m² et comporte plusieurs étagères et penderies ainsi qu'un grand miroir sur pied qui met en valeur la personne qui s'observe. Les lumières, chaudes et tamisées, renforcent cette impression.
Je fais demi-tour et saute dans les bras de mes parents. Les meubles n'étaient pas compris dans la liste des travaux et je sais parfaitement qu'ils ont pris sur leurs économies pour équiper mon appartement comme ma mère l'avait dessiné sur les plans pour donner une échelle.
— Merci, murmuré-je en les serrant fort contre mon cœur. Merci infiniment.
Ils me rendent mon étreinte. Ma maman me caresse les cheveux et mon père embrasse mon front. Après quelques instants, je m'éloigne d'eux en séchant les larmes de reconnaissance qui menacent de déborder de mes yeux.
— Ça vous dit une pendaison de crémaillère ce soir ?
— Ouiiii ! s'écrit Nancy en se jetant dans mes bras. Qu'est-ce que je donnerais pas pour passer du temps dans ta nouvelle maison !
On explose tous de rire face à sa réaction.
— Qu'est-ce que vous voulez manger ? demandé-je alors que nous revenons vers la cuisine.
— Tu sais faire des plats typiquement français ? me répond ma meilleure amie, les yeux brillants d'excitation.
— Oui, mais il faut plusieurs heures pour les préparer...
La mine déconfite de Nancy me serre la gorge et je reprends :
— Mais je peux vous faire des galettes bretonnes. C'est simple, rapide et efficace.
Nancy bondit de joie et entraîne Sean à sa suite pour aller faire les courses. Je pouffe et l'arrête alors qu'elle s'apprête à franchir le pas de la porte.
— Tu sais ce qu'il faut acheter ?
Elle se fige et, penaude, revient vers moi, tenant toujours la main de son chéri. Je m'empresse de lui faire la liste des ingrédients et elle retrouve son sourire solaire. Elle disparait dans les escaliers et j'entends son rire s'éloigner au rez-de-chaussée tandis que Sean la taquine sur son comportement enfantin.
— Elle est vraiment heureuse que tu sois de retour, me dit ma mère en se rapprochant de moi.
Je lui souris et la prends dans mes bras.
— Je suis aussi très contente d'être à nouveau parmi vous. Vous m'avez tellement manqué pendant mon séjour en France.
Bien plus que je ne le croyais..., me surpris-je à penser.
Mon père se joint à notre câlin et pose son menton sur le dessus de ma tête. Je ferme les yeux et profite de la chaleur que mes parents m'offrent. J'ai l'impression de retourner en enfance quand nous sommes ainsi. Leur présence est vraiment le rayon de soleil dont j'avais besoin pour finir de remonter la pente. Leur bonne humeur et leur soutien aussi. Je sens que ma guérison arrive à son terme. Ce n'est plus qu'une question de temps. Mais avant ça, il y a un dernier pas à faire.
— Est-ce que vous avez toujours l'urne de Prune ? demandé-je à mes parents tandis que j'entendsleurs cœurs battre à l'unisson. J'aimerais planter un arbre dans mon jardin et mettreses cendres à ses pieds.
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