post reichenbach.

Cela faisait deux ans. Deux ans que Sebastian vivait « seul ». Dans cet appartement comportant tant de souvenirs. Il y avait vécu. Durant des années. Tant de choses s'y sont produites, leur premier baiser, la première fois qu'ils ont fait l'amour, leur première dispute, leurs premières larmes... Tant de souvenirs que Moran n'arrivait pas à oublier malgré la mort de Jim. Désormais il devait se reconstruire. Aller de l'avant. Mais il n'y arrivait malheureusement pas. Il avait tout essayé.
Il avait suivit une dizaine de thérapies différentes qui n'aboutissaient à rien, il avait essayé de coucher avec d'autres hommes et femmes, il avait été voir des prostitué.e.s, il avait demandé conseil à des gens du Web, rien n'avait fonctionné.
Alors il se retrouvait là, assis sur le canapé noir, une canette de bière à la main, les yeux larmoyants regardant dans le vide.

"Tu ne veux pas revenir, pour de vrai ? Je veux dire, tu es là, devant moi, mais je suis le seul qui te vois, et je ne peux pas te toucher..." lança-t-il, à la silhouette de son boss en face de lui, assis en tailleur sur le sol, lui souriant.

"Mon petit Sebastian, je suis mort, je te rappelle. Je ne suis que le fruit de ton imagination." Répondit la voix lointaine de son amant.

Sebastian grimaça avant de se lever et d'attraper sa veste. Il regarda derrière lui, le fantôme de Jim le suivait. Il sourit.
Le sniper ouvrit la porte et attendit quelques secondes le temps que son boss sorte de l'appartement pour fermer la porte.

"Faut bien que je sorte un peu, qu'est-ce que tu en dis, Jim ?" Demanda Sebastian sous les yeux ahuris d'un petit garçon et de sa mère.

"Maman, pourquoi le monsieur il parle tout seul ?"

"Harry, ne bois jamais d'alcool." Répondit la femme en esquivant cet étrange voisin qu'elle voyait enfin sortir depuis au moins six mois.

Dans la rue, les gens le regardait bizarrement, l'évitait, chuchotait en le fixant. Son look de drogué et ses cheveux longs l'aidaient à se faire remarquer, ou alors était-ce parce qu'il parlait seul ?

"Qu'est-ce qui te ferait plaisir Jim ? Il est bientôt midi."

Aucune réponse.

"Monsieur, vous allez bien ?" Demanda un homme en s'approchant de Sebastian qui recula.

"Mais oui ! Je parlais juste à mon amant qui était juste là... Jim ? Jim où es-tu ?"

Il se retournait, encore et encore, mais seuls des gens effrayés l'entouraient. L'homme qui l'avait abordé avait fui.

"Jim tu me mets la honte là, tu es où ?"

Il souffla. Il reviendrait. Sûrement s'était-il caché, pour lui faire une blague. Sebastian continua d'avancer jusqu'à un food-truck qui vendait des fish-and-chips. Il s'y arrêta, Jim était revenu et l'attendait, tout sourire.

"T'es vraiment pas sympa, les gens ont cru que je parlais tout seul, comme d'habitude..."

Le restaurateur le regarda d'un oeil étrange avant de tousser.

"Monsieur ? Vous désirez ?"

Il se tourna vers Jim puis vers l'homme.

"Deux barquettes de fish-and-chips s'il vous plait ? Une avec de la mayonnaise et l'autre avec du ketchup."

Dit-il en posant l'argent sur le comptoir.

"Ne t'en fais pas Jim, je t'invite."

"Adorable." Répondit Jim en souriant.

L'homme au camion posa les deux barquettes sur le comptoir et récupéra l'argent. Quand Sebastian fut assez loin, il murmura dans sa barbe :

"Que des tarés dans cette ville..."

Moran gambadait les rues de Londres, tenant les deux barquettes à la main.

"Jim, tu pourrais prendre ta barquette et la manger, je ne vais pas en manger deux."

"Hum, pas faim."

"T'es vraiment un enfant, c'est pas possible !" S'énerva-t-il avant de souffler.

Sebastian se retrouva à manger les deux repas, assis sur un banc de la ville, les yeux rivés sur la Tamise. Jim avait posé sa tête sur son épaule et contemplait le paysage.

"Tu te souviens, quand nous restions des heures assis au bord de la Tamise, juste l'un dans les bras de l'autre ?" Demanda Jim, d'une voix nostalgique.

"Oui. J'adorais ces moments. Tu ne veux pas revenir pour de vrai ? On pourrait refaire tout ça..."

Quelqu'un s'assit sur le banc, à côté de Jim. Il s'agissait d'une jeune femme. Elle était jolie. Ses longs cheveux bruns tombaient sur ses épaules, couvertes d'une courte veste en jeans. Elle tourna la tête vers Sebastian qui lui sourit. Il était horrible à voir ; ses cheveux étaient longs et clairement sales, sa barbe était énorme, il avait de grosses cernes en dessous de ses yeux bleus fatigués, et ses joues étaient creusées.

"Euh, bonjour, on se connait ?" Demanda-t-elle, serrant son sac à main contre sa poitrine.

"Non, mais c'est juste que vous êtes jolie."

"Merci, je vais y aller, ma mère m'attend..." dit-elle en quittant le banc.

Sebastian haussa les épaules, les gens de cette ville étaient si pressés.

"Je ne l'aimais pas." Fit Jim, d'un air dédaigneux.

"Tu n'aimes personne."

Un sourire se forma sur le visage absent du criminel consultant.

"Tu me manques." Dit simplement le sniper, le regard perdu.

"Tu n'as qu'à me rejoindre."

"Tu m'attends ?"

"Toujours."

Sebastian se leva. Et regarda la Tamise.

"J'arrive, Jim."

Puis il sauta.