Le marché
Enfoui sous ma couette, je n'arrête pas d'y penser. J'en tremble encore rien que d'y songer. Et j'ai cogité toute la nuit. Mon père a tenté de me violer hier soir. Je me suis défendu mais je suis si frêle que mon père n'a eu aucune difficulté à me maîtriser. Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie. Une chance pour moi que ma mère soit arrivée à temps pour empêcher mon père d'aller trop loin et elle l'a chassé. Elle m'a protégé. Non, en fait elle a protégé sa fille. Si elle m'avait considéré comme un garçon, je suis certain qu'elle aurait laissé son mari faire ce qu'il voulait. D'un autre côté, si ma mère ne me considérait pas comme une fille, mon père n'aurait peut-être pas tenté de me violer.
Je me recroqueville en sentant un frisson parcourir mon corps. J'entends encore mon père me dire combien je suis belle et existante. Je sens encore ses baisers dans mon cou, sur mes lèvres, ses mains glisser sur mes cuisses menues, sous mon chemisier. Une profonde envie de vomir me prend. Je plaque mes mains sur ma bouche. Je me sens mal d'un seul coup.
- Allons, ma pouce, tout va bien, me dit doucement ma mère en posant sa main sur la bosse que je forme sous ma couette.
Je ne me détends pas pour autant. Ce matin, ma mère est calme. Mais je le sais trop bien, ça peut changer en une fraction de seconde, dans un sens comme dans un autre. Tout dépend. C'est ce qui s'est passé hier soir, après qu'elle ait chassé son mari. Elle s'en est prise à moi en me traitant de trainée. Elle m'a attrapé par les cheveux et m'a secoué dans tous les sens tout en m'insultant. Et puis, d'un seul coup, elle m'a pris dans ses bras pour me cajoler en me disant que mon père ne faisait plus partie de nos vies, qu'on ne resterait que toutes les deux, elle et moi. Et moi, je n'ai rien dit. J'ai simplement laissé ma mère me caresser les cheveux.
- Il faut te lever maintenant, ma puce, sinon tu vas être en retard au collège.
Je sens ma mère se lever. Lorsque je me décide à sortir de dessous ma couette, je suis seul dans ma chambre. Je me lève en me brélant dans ma chemise de nuit, comme d'habitude. Ma mère m'a toujours considéré comme une fille et à la maison, je dois être habillé en fille, parler et me comporter comme telle. Mais dehors, je peux encore être un garçon. Enfin jusqu'à ce que j'échoue dans la classe E. Maintenant, je dois être une fille à longueur de temps.
Je soupire en regardant l'uniforme des filles que je dois porter. Et je n'ai pas intérêt de me comporter comme un garçon parce que ma mère le saura. Il y avait toujours une bonne âme pour lui dire que je ne me suis pas comporté comme il faut. Alors pour tous mes camarades de classe, je suis une fille et je fais très attention. Mais ce matin, j'ai un mauvais pressentiment.
- Nagisa-kun !
Je le savais. Je n'aurai pas dû aller en coure ce matin ! Mais je n'avais pas eu le choix. Ma mère n'a pas voulu que je reste à la maison. Seulement, ce matin, un nouvel élève est arrivé dans la classe E. Enfin, un revenant plutôt. Karma Akabane est revenu de son expulsion et il avait échoué dans la même classe que moi. Mais voilà, Karma et moi, on se connait. On a déjà été dans la même classe et le rouge sait parfaitement que je ne suis pas une fille, ce que la classe ignore. Et Karma est du genre à dire ce qu'il pense et tant pis pour les conséquences.
Seulement voilà, jusque-là, il n'a rien dit. Ça m'étonne, ça faisait plus d'une semaine qu'il est revenu et qu'il n'a toujours rien dit, même pas une toute petite allusion. Je suis en stress permanent. Si les autres apprennent que je suis un garçon en fait... ce serait trop la honte pour moi. Comment expliquer que ma mère m'oblige à m'habiller en fille ? Mais là, je ne peux pas faire autrement que de parler à Karma parce que le rouge vienne de me saisir le bras et il m'a coincé contre le mur du couloir.
- M'éviterais-tu, Nagisa-kun ? me demande-t-il un grand sourire sur les lèvres.
J'avale difficilement ma salive. En fait... je cherche bien à éviter Karma.
- Je me demande bien pourquoi ? continua celui-ci. Oh mais j'y pense ! Peut-être que les autres ne savent pas ce qui se cache sous ta jupe.
Je pique une suée. Toujours silencieux, sans quitter mon camarade du regard et le cœur affolé, j'attends de savoir ce que veut Karma. Parce que j'en suis sûr, le rouge va me demander quelque chose. Mais Karma ne prononce pas un mot. Lui-aussi me fixe. Puis, finalement, c'est moi qui me décide.
- Tu...tu vas le dire.
- A ton avis. Tu me connais.
Bien sûr qu'il va le dire ! Et s'il ne le dit pas tout de suite, il fera des allusions. La honte lorsque les autres comprendront que je me travestis !
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Tu veux dire, en échange de mon silence ?
J'avale ma salive avec beaucoup de difficulté. Je n'aurai jamais dû dire ça. Karma va sauter sur l'occasion.
- Je ne sais pas... faut que je réfléchisse...
Menteur ! Tu sais déjà ce que tu vas me demander ! Je le regarde faire semblant de réfléchir, une main sur le menton, puis il s'éloigne doucement mais il revient très vite vers moi. Plus près encore. J'ai le cœur qui s'affole. Il compte faire quoi là ?
- Je sais, me chuchote-t-il à l'oreille. Sors avec moi.
J'écarquille les yeux et mon cœur cesse de battre. Il veut... que je... Il n'est pas sérieux ! On est deux garçons ! On ne peut pas... sortir ensemble !
- Tu as jusqu'à demain soir pour me donner ta réponse. Après je ne réponds plus de rien.
Il s'éloigne de nouveau mais je le rattrape par la manche.
- C'est d'accord, lui répondit-je la tête baissée pour ne pas le regarder.
Je sens qu'il se rapproche de moi. J'ai le cœur qui bat à deux cents à l'heure ! Qu'est-ce que je vienne de dire là ? Je n'ai pas du tout envie de sortir avec lui ! Mais si je ne veux pas que les autres sachent... je préfère ça plutôt que de me taper la honte.
- Tu réponds vite, dis-moi, me dit Karma en approchant son visage du mien. Tu en mourrais d'envie ?
Alors là, tu rêves ! Si j'accepte ton chantage, c'est uniquement pour que tu dises rien. Et rien d'autre. Ne vas pas t'imaginer autre chose ! Il fait quoi là ? Pourquoi il se rapproche autant ?
- Tu sais ce que ça implique ?
Il avance d'un pas vers moi et moi, je recule. Mais derrière moi, il y a le mur. Je suis coincé.
- Karma-kun...
Ma voix tremble. J'aurai voulu qu'il en soit autrement. Il se penche vers moi. Il ne compte tout de même pas... Si, il m'embrasse. Et pas sur la joue ! Comment peut-il faire ça alors qu'il sait pertinemment que je suis un garçon ? Et il semble y prendre goût en plus vu le temps que ça dure. Une éternité. Il abuse. Je voudrais le repousser, je ne suis pas comme ça ! Alors pourquoi je le laisse faire ?
C'est la honte totale ! La moitié de la classe nous a vus nous embraser et maintenant tout le monde nous charrie. Karma s'en fout mais pas moi ! A croire qu'il n'a honte de rien, celui-là ! Ça le fait même rire. Mais pas moi ! Je suis gêné au possible. Ce ne sont pas mes joues qui sont rouges, c'est tout mon visage ! Et je réponds quoi moi lorsqu'on me demande si j'étais déjà amoureuse de lui avant ! Alors on fait le trajet main dans la main. Comme un vrai couple. En même temps, on ressemble à un couple. Surtout avec mon physique de fille, habillé comme une fille. Je ne sais pas s'il est sérieux mais j'espère au moins qu'il tiendra bien sa part du marché ! En tout cas, il joue très bien les amoureux. Dès qu'il le peut, il est près de moi, à me tenir la main, à m'embrasser. Vraiment, il n'a aucune gêne ! Ma couleur normale maintenant, c'est le rouge ! Et tout le monde trouve ça trop chou !
Je me suis habitué à ce que Karma me colle de cette façon. J'arrive même à ne plus autant rougir. Mais quand même, je trouve que ça ne se fait pas, ce qu'il m'a proposé ! Et je commence à me dire que j'ai eu tort d'accepter. Je me sens déjà mal à l'aise quasiment tout le temps et parfois Karma en abuse. Je devrais peut-être dire que je suis un garçon. Seulement ma mère m'a interdit de le dire. J'ai vraiment l'impression d'être coincé.
Je sors subitement de mes pensées. Quelque chose s'est posé sur mon cou. Par réflexe, je passe ma main pour m'embarrasser.
- Je n'ai plus le droit de t'embrasser ?
Je regarde Karma, surpris. C'est lui qui m'a embrassé dans le cou. Apparemment, mes lèvres et mes joues ne lui suffisent plus ! Il me tient par la taille et je suis collé contre lui. C'est nouveau ça ! Il me regarde et je sens mes joues prendre quelques degrés. Karma me sourit et il se penche vers moi pour me chuchoter à l'oreille.
- Tu es mignon quand tu rougis.
Et voilà ! Je rougis encore plus et ça fait sourire Karma ! Puis, je m'indigne ! Il ne devait rien dire !
- Même pas à l'oreille ? Personne d'autre que toi entend !
« Tu es un garçon » me souffle-t-il encore à l'oreille. « Ne l'oublie jamais. » Puis, il est monté dans le train. Il m'a regardé et m'a souri. Et moi, je suis resté comme un idiot à repenser à ses derniers mots. Il sait parfaitement que je suis un garçon. Pourtant, ça ne semble pas le déranger. Est-ce qu'il agit ainsi uniquement pour m'embêter ou bien... Karma ? Aimer quelqu'un ?
Je déraisonne.
Pourquoi je me sens excité comme ça ? Je vais juste passer l'après-midi chez Karma. J'ai été surpris que ma mère accepte de me laisser y aller. Mais elle a comme même imposé une condition. J'ai eu peur au début mais elle demandé que Karma vienne me chercher et me ramène. « Une jeune fille ne se balade pas toute seule. »
- Ça ne me dérange pas de venir chercher Nagisa-kun, lui a répondu Karma avec un grand sourire. Au contraire, on pourra passer plus de temps ensemble comme ça !
J'avoue, j'avais appréhendé la rencontre entre ma mère et Karma, ce dernier étant capable de tout. Du genre que je suis un garçon et qu'il demande pourquoi je suis habillé en fille. Mais il n'a rien dit, il ne m'a même pas embrassé ! J'ai été soulagé, craignant là-aussi la réaction de ma mère. Mais j'ai aussi été un peu vexé. Même dans l'ascenseur, alors que je m'attendais à ce qu'il s'empare de mes lèvres, il n'a rien fait. Il m'a juste pris la main lorsque l'on s'est retrouvé dehors. Et on n'a pas dit un mot pendant tout le trajet. Il n'y a qu'une fois arrivé chez lui qu'il s'est remis à parler.
- Monte dans la salle de bain, j'ai prévu de quoi te changer.
Je reste immobile à le fixer. J'ai senti mon cœur donner un grand coup avant de descendre dans ma poitrine. Là, j'ai eu un sérieux coup de panique ! Je connais Karma, il est capable de tout ! Le cœur battant, je me rends dans la salle de bain et je reste saisi. Je m'attendais à tout... sauf à ça.
Je redescends enfin dans le salon après m'être changé. J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas été habillé comme ça. Je me sens un peu mal à l'aise, surtout que Karma me détaille avec insistance pendant un long moment et sans un mot. Ce qui augmente encore un peu plus mon malaise.
- Et bien voilà ! finit-il par me dire en sortant de sa contemplation. Tu ne te sens pas mieux, habillé en garçon ?
Je lâche un timide « oui ». Karma se lève pour se planter devant moi, le regard fixé sur mon bassin.
- Par contre, me dit-il en attrapant le pantalon par la ceinture, j'ai pris une taille de trop.
Puis, il se fige. Il l'a vue. Je suis sûr qu'il l'a vue, ma petite culotte de fille. Même pour ça, je n'ai pas le droit à des sous-vêtements masculins. Et le seul commentaire que fait Karma fut : « je vais te chercher une ceinture ». Mais la prochaine fois, je suis sûr que je trouverai un sous-vêtement masculin.
J'aime bien les après-midi chez Karma ! Là, je peux être un garçon. Et comme je m'y étais attendu, la deuxième fois, il y avait un boxer en plus des vêtements. Je me sens quand même un peu gêné. Gêné et honteux. Je ne ressens rien de particuliers pour Karma et j'ai l'impression d'abuser de sa gentillesse. En fait, il est totalement différent lorsque je suis seul chez lui et lorsque l'on est à l'école. À croire qu'il préfère lorsque je suis habillé en fille. Mais alors pourquoi m'a-t-il acheté des vêtements pour garçon ? Parce que, j'en suis sûr, ce ne sont pas les siens. Je me suis posé cette question plusieurs fois jusqu'à aujourd'hui.
Cet après-midi, ma mère nous a dit que l'on pouvait rester ici. Vu comme il pleuvait, elle avait insisté. Elle ne voulait pas que je sois trempé et que je tombe malade. Alors on est resté dans ma chambre.
Silencieux d'abord, on était un peu gêné tous les deux. Mon cœur battait à toute allure. Je me sentais tellement mal à l'aise. Mince, je ne me sentais pas comme ça chez Karma ! Et puis, on a fini par discuter de tout et de rien. Et puis, Karma m'a me demandé pourquoi je laissais ma mère m'habiller en fille.
- Pour me punir d'être passé dans la classe E.
Karma m'a regardé, les yeux écarquillés. Moi, je regardais droit devant moi. Si j'avais croisé son regard, il aurait compris que je mentais. Enfin, ce n'était qu'un demi-mensonge. Jusque là, lorsque je sortais, je m'habillais en garçon et à la maison, je devais être une fille. Je me sentais vraiment honteux. C'était une situation vraiment gênante et je m'attendais à ce que Karma se moque de moi. Mais non, il n'a pas ri. On a encore été silencieux un moment puis, c'est moi qui lui ai posé une question. Pourquoi était-il différent lorsque l'on était chez lui et à l'école. Je n'aurai pas dû lui poser cette question. Il l'a retourné à son avantage.
- Tu préfères que je fasse comme à l'école ?
Il ne m'a pas laissé le temps de répondre. Il s'est levé de mon lit pour se planter devant moi. Il s'est penché tout en me relevant la tête pour m'embrasser. Mais c'était différent des autres fois. Pour moi en tout cas, parce que ce baiser, c'était juste entre lui et moi et puis, il était plus tendre aussi. Il n'y avait personne pour nous voir. J'avais le cœur qui battait si vite, si fort. J'ai aimé ce baiser et j'y ai répondu. Ça a encouragé Karma, il a intensifié son baiser, glissant sa langue dans ma bouche pour aller taquiner la mienne. J'ai commencé à avoir très chaud, surtout dans le bas ventre, surtout lorsqu'il a passé sa main sur ma cuisse, sous ma robe, pour remonter jusqu'à...
Holà ! Voilà que mes joues chauffent ! Je me regarde dans le miroir de la salle de bain. Mince, rien que de repenser à ce qui s'est passé cet après-midi, je rougis et ça chauffe en bas. Pourvu que... Je soulève ma robe en toute hâte... Et si ! Vu la bosse de ma culotte, ça m'a repris ! Et cette fois, il n'y a pas Karma pour me soulager. Je l'entends encore haleter lorsque, tous les deux en sous-vêtements, il s'est frotté contre moi jusqu'à ce que... Inquiet, je vérifie dans ma culotte et je pique une suée. Je me suis vidé dedans. Oh, ce n'est pas vrai ! Si ma mère voit ça, je vais me faire tuer ! Ça en plus de mon érection... Je panique un peu alors j'appelle Karma.
- Vraiment ? me répond celui-ci après que je lui aie expliqué ma situation. Tu veux que je revienne pour te soulager ?
Je réponds non un peu vite et avec un peu trop d'entrain. Ça le fait rire. En fait, j'aurai bien aimé qu'il revienne mais il y a ma mère.
- Bon bah, il ne te reste plus qu'à te masturber... en pensant à moi.
Je pique un phare monstrueux. Là, je reconnais bien le petit diable qu'est Karma ! Et en plus, il se paie le culot de m'expliquer comment faire !
- Prends une douche froide, finit-il par me dire en soupirant. Ça devrait suffire pour te calmer.
Il m'a embrassé et il raccroche après m'avoir dit qu'il allait lui-aussi faire une activité manuelle en pensant à moi. Il me faut cinq bonnes minutes avant de réaliser de quoi il parlait. Je pique encore un phare. Celui-là alors !
Je souris en retirant ma robe puis ma culotte. Je la regarde un instant. J'ai intérêt de la nettoyer avant de la mettre dans le panier à linge. J'ai à peine posé mon sous-vêtement dans le lavabo que la porte de la salle de bain s'ouvre sur ma mère...
- Qu'est-ce que tu fais...
Sa phrase reste en suspens lorsqu'elle voit ce que je fais. Là, je suis mal ! Je le vois sur son visage : elle va péter un câble.
Karma m'attend sur le quai comme d'habitude. Je le vois me chercher parmi les voyageurs. Lorsqu'il me trouve, il me sourit mais pas longtemps parce que moi, je ne souris pas. J'ai même envie de pleurer. Je descends en même temps que tout le monde et Karma se fraye un chemin jusqu'à moi.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande-t-il en prenant mon visage dans ses mains pour m'obliger à le regarder. Ne baisse pas les yeux, regarde-moi s'il te plait.
Sa voix est chargée d'inquiétude. Ça me fait mal de l'entendre parler comme ça. Je finis par lui dire que je me suis fais mal en me soulageant hier. Mais je ne suis pas sûr qu'il me croie. C'est un mensonge. C'est ma mère qui me l'a fait de façon très brutal, pour me passer l'envie d'avoir de nouveau ce genre d'idée.
Karma ne dit rien. Il se contente de m'embrasser sur les lèvres et de me serrer dans ses bras. Je regrette. Je regrette d'avoir accepter son marché. J'aurai dû lui dire non. J'aurai dû préférer la honte que mes camarades apprennent que je suis un garçon qui se travestit. Ils se seraient moqués de moi, c'est vrai. Mais ça n'aurait peut-être pas été aussi dur que ça ! J'aimerai tellement détester Karma pour ça mais je n'y arrive pas. Je voudrais tout arrêter mais je n'y arrive pas non plus. Je voudrais tant que tout redevienne comme avant mais je suis trop bien près de lui.
Je me doutais que ma mère ne voudrait pas que je sorte mais j'avais cru qu'elle empêcherait Karma de passer l'après-midi avec moi. Mais non, il peut rester. Seulement la porte de ma chambre doit rester grande ouverte. Elle veut pouvoir savoir ce qui s'y passe à n'importe quel moment. Et puis, elle veut que je lui dise et ça, elle veut l'entendre.
- Tu vas bien ? me chuchote Karma en prenant mon visage dans ses mains pour le rapprocher du sien.
Pour dire la vérité, non, je ne vais pas bien. J'ai une tête de déterré, je n'ai quasiment pas dormi depuis la semaine dernière. En plus, je me suis un peu éloigné de Karma. Il n'a rien dit jusque-là mais il va vouloir une explication. Mais je n'ai pas la force de lui en donner une. Pas la mienne en tout cas. Alors je lui dis ce que ma mère me rabâche depuis une semaine.
- Je... Je vais me faire opérer.
Ces mots-là m'arrachent la gorge. Il me rappelle avec force que je n'ai aucun contrôle sur ma vie.
- Quoi !? Qu'est-ce tu as ?
Il est inquiet. Je l'entends dans sa voix. Il essaie de relever mon visage pour que je le regarde. J'ai tellement mal. J'ai envie de me réfugier dans ses bras, de lui dire de m'emmener loin. Mais je sais que ma mère est la, près de la porte de ma chambre. Elle attend.
- Pour être... une fille...
J'ai l'impression de me frapper moi-même avec ces mots. Face à moi, je sens que Karma se fige. Ses mains se sont légèrement éloignées de mon visage.
- Tu... peux répéter... en me regardant.
Je frissonne alors que mon cœur s'affole. Le ton de sa voix s'est tellement durci. Pourtant, je relève la tête pour le fixer droit dans les yeux et je répète en tâchant de paraître déterminé. Mais en fait, tout mon être, toute mon âme rejette cette décision qui n'est pas la mienne mais celle de ma mère. Elle ne me l'aurait peut-être pas imposée si je n'étais pas sorti avec Karma, s'il ne m'avait pas autant considéré comme un garçon. Il me fixe un instant, le regard dur, les mâchoires serrées.
- Tu es sûr de toi ? Tu ne pourras pas revenir en arrière.
Je le sais très bien.
- Malgré ce qui s'est passé la semaine dernière ? Tu avais aimé, il me semble...
Mon cœur se serre à l'évocation de cet après-midi-là. Un pur moment de bonheur que je chérirai en pleurant. Mais je ne réponds pas. Pas pour appuyer « ma décision » mais parce que si je parle, je m'effondre.
- Très bien. On n'a plus rien à se dire alors.
Il pourrait mais il n'ajoute rien. Il sort simplement de ma chambre sans même se retourner et je pleure. Mes larmes coulent sans que je puisse les retenir, sans que je cherche à les retenir. J'entends ma mère le raccompagner pour s'assurer qu'il s'en aille bien, m'isolant totalement. Je les entends parler. Karma lui fait des reproches et elle lui répond froidement que c'est ma décision. Mes larmes redoublent et ma respiration se saccade, mes sanglots commencent à m'étouffer. Ma mère revient dans ma chambre. Karma est parti.
- Allons, ma puce. Ce n'était pas un garçon pour toi. Tu trouveras mieux lorsque tu seras débarrassée de cette horreur qui pend entre tes jambes.
Mais je ne veux pas trouver mieux ! Je veux Karma. Je l'aime.
Putain ! J'ai la rage ! Elle me vole celui que j'aime, cette garce ! Je sais qu'il ne partage pas mes sentiments. Je l'ai obligé à sortir avec moi. Mais c'était juste pour l'embêter d'abord et lui montrer qu'il était ridicule de se déguiser en fille. Mais en fait, même comme ça, il est beau. Seulement, il est encore plus beau en garçon ! Et je me suis attaché à lui. Un peu trop peut-être. Parce qu'il le veuille ou non, je ne le laisserai pas faire ! Bien sûr, il va m'en vouloir mais tant pis, je ne le laisserai pas faire une telle connerie ! Et je préfère qu'il me haïsse pour le restant de nos jours ! Je sais que ce n'est pas sa décision. Et même si c'est vraiment la sienne, alors il le fera quoique je fasse.
Mais merde ! Quel est le con qui me harcèle depuis une heure ! J'ai pas que ça à foutre ! Putain, en plus on frappe à la porte ! Il va être bien reçu celui-là ! Je vais passer mes nerfs sur lui, il va comprendre !
En allant vers la porte d'entrée, je regarde mon téléphone portable pour voir si je connais le numéro. La main sur la poignée, je me fige. Nagisa. Mon cœur se met à battre très fort. C'est lui qui a essayé de me joindre ! Plusieurs fois. Et moi qui n'aie pas répondu ! Mais quel con ! Et s'il avait besoin de moi ! Et si...
J'ouvre la porte précipitamment...
- Nagisa-kun...
Il est assis par terre, la tête baissée sur son téléphone. Mais il est tout tremblant et en pleurs, ses larmes coulant sur son visage, sur ses mains. Pourquoi une partie de ses cheveux a été coupée ? Je m'accroupis près de lui. Hésitant, je pose ma main sur son épaule. Il relève la tête pour me regarder. Mon cœur s'arrête, descendant d'un seul coup dans ma poitrine. Son visage... meurtri.
- Nagisa-kun... C'est elle qui t'a fait ça...
Et part elle, je veux parler de ce qui lui sert de mère. Mais il ne répond pas. Il se contente de pleurer en me regardant. Il se blottit contre moi lorsque j'enroule mes bras autour de lui. Je ne dis rien mais j'enrage. Autant contre sa mère qui l'a frappé que contre moi qui l'aie abandonné.
Je me suis laissé allé lorsque Karma m'a pris dans ses bras et j'ai pleuré de plus belle. Ma mère n'était pas contente lorsque je lui ai dit que j'aimais Karma et que je ne voulais pas de quelqu'un d'autre. Je le sais pourtant qu'il ne faut jamais contrarier ma mère. En plus, elle ne l'aime pas depuis qu'il m'a fait découvrir certains plaisirs. Et elle était encore plus furieuse lorsque j'ai commencé à me couper les cheveux, pour voir si je pouvais encore ressembler à un garçon. Mais je n'ai pas eu le temps de tout couper, ma mère est arrivée et elle m'a frappé pour me punir d'avoir massacrer mes si beaux cheveux. Elle m'a dit qu'une fille devait avoir les cheveux longs. Alors je me suis enfui. Chez Karma. Je voulais qu'il me le dise. Qu'il me dise encore que je suis un garçon.
Je m'accroche à Karma lorsqu'il me soulève. Sans difficulté. Je sais que je ne suis pas grand ni très épais mais je suis si léger que ça ? Je m'accroche encore plus lorsque, après m'avoir posé, il s'éloigne. Je sanglote encore.
- Ça va, c'est fini, me rassure Karma en passant sa main sur mon visage pour essuyer mes larmes. Elle ne te touchera plus.
Je frissonne. J'ai peur lorsqu'il dit ça. Il va lui faire du mal. Je connais Karma. Il peut être violent. Mais je le vois téléphoner. Non ! A tous les coups, il appelle la police ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas que tout le monde sache ce que je vis ! Je t'en prie... non...
Ça y est ! C'est le moment. J'appréhende. Il s'est passé tellement de choses. Des choses que je n'ai pas toujours contrôlées. En fait, je n'ai rien contrôlé ! Ma mère avait tellement d'emprise sur moi que je ne voyais pas comment m'en sortir. Pourtant la solution était si simple. Karma l'avait trouvée, lui, et il l'a utilisée. Je lui en ai voulu pour ça. Mais j'avais tellement peur que le monde sache ce que ma mère me faisait vivre. C'est le genre d'histoire que les journaux affectionnent : ce pauvre petit adolescent tout frêle que sa mère monstrueuse transforme peu à peu en fille. Mais pas un journal n'a publié mon histoire. Pour une raison toute simple, Karma n'a pas appelé la police mais Koro-sensei qui lui a donné le numéro de Karasuma. J'avais oublié que nous étions une classe d'assassins et que personne ne devait connaitre notre existence. Ce genre d'affaire devait donc resté un secret. Ma mère a tout de même été condamnée pour maltraitance physique et psychologique. Je n'ai pas trop compris pourquoi au début. Mais il est vrai que si je n'étais pas sorti avec Karma, ma mère aurait peut-être fini par me persuader que je devais être une fille. Il m'a obligé à réagir.
Aujourd'hui, je retourne en cour pour la première fois en tant que garçon. J'appréhende. Mais tout devrait bien se passer. Enfin, je l'espère. Koro-sensei et Karasuma ont expliqué ma situation à mes camarades et Karma leur a demandé de ne faire aucun commentaire déplacé. Enfin, connaissant Karma, ça devait plus proche de la menace !
- Tout va bien se passer.
Je tourne la tête. Karma est là, près de moi. Il sourit en me prenant la main.
- Je sais, puisque tu es là.
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