On a souvent tendance à dire que les psychopathes ont développé leur trouble lors d'une enfance perturbée, parce que leurs repères étaient faussés. C'est peut-être vrai. Pour les autres, pas pour moi.

Mes parents gagnaient suffisamment leur vie, je n'ai jamais manqué de rien. Ils étaient aimants et ils m'ont appris la différence entre le bien et le mal, qu'il ne fallait pas tuer les petites bêtes, que ce n'était pas bien. Alors j'ai arrêté d'écraser les insectes. Enfin, c'est surtout parce que ce n'était pas suffisamment intéressant. Je n'étais pas sûr qu'ils se rendent compte que leur fin arrivait. Alors j'ai commencé à m'intéresser aux chats. C'est mignon, un chat et il aime les caresses. J'avoue, le premier que j'ai tué, je n'ai pas fait exprès. Il voulait partir et je ne voulais pas. Je voulais continuer de le caresser. Je l'ai attrapé par le cou et j'ai entendu un craquement et le chat à cessé de bouger. Il est devenu tout mou. Mais ce qui m'avait le plus intéressé, c'est son regard. J'ai vu passer des choses dans ses yeux jaunes. De la peur d'abord puis, cet éclat qui s'éteint. Ça a été une révélation pour moi. C'était ça qu'il manquait aux insectes : la peur de mourir et la vie qui s'enfuit. Bon, la voisine a longtemps cherché son chat. Elle n'a jamais su que c'était moi. C'était tellement drôle de la voir chercher son petit trésor d'amour ! J'en souris encore aujourd'hui lorsque j'y pense.

Du coup, le quartier s'est vidé de ses chats errants d'un seul coup. Et généralement, les gens ne s'en sont pas plaints. Au contraire, ils trouvaient qu'il y avait trop de chats. Bon, sauf les petites vieilles qui leur donnaient à manger. Et ouais, le sauveur de la tranquillité et du bien-être au quotidien, c'est moi !

Les chats se faisant plus rare et bien, je suis passé aux chiens. Et là, je n'ai pas été suffisamment discret. Une chance pour moi finalement. Mais sur le coup, j'ai cru qu'il allait me dénoncer ! Et voir la déception dans les yeux de mes parents... Ça aurait pu être sympa. Mais non, il ne m'a pas dénoncé. Il m'a seulement demandé si je savais ce que c'était que la mort, si j'avais déjà vu une âme. Une âme. J'ai cru qu'il parlait des fantômes ! Mais non, il parlait bien des âmes. Il m'avait intrigué alors je les ai cherchées, ces âmes et quel meilleur endroit qu'un cimetière pour les voir ? Il m'a laissé une semaine pour les voir. Mais les âmes sortaient-elles le jour ? Je n'en avais aucune idée. Je pensais qu'on ne pouvait les voir que la nuit et puis, comment reconnaître une âme si ce n'était pas un fantôme ? Et puis, je n'avais pas le droit de sortir passée une certaine heure. Je n'étais qu'un môme après tout.

- Ce sont les voyous qui trainent dehors la nuit, disait mon père soutenue par ma mère.

Alors pendant toute la semaine que m'avait laissée cet homme, j'ai scruté par la fenêtre, chaque nuit. J'étais déçu, je n'en ai pas vu une seule. Et lorsque l'homme est revenu, je jouais avec un petit feu follet violet qui apparaissait dans la cave de l'immeuble où je vivais. C'est là que l'homme m'a rejoint.

- Je n'en ai pas trouvée, lui ai-je dit d'un ton déçu, comme si je n'avais pas eu le jouet que je voulais à Noël. Vous êtes sûr qu'on peut les voir ?

- Tu viens souvent jouer ici ?

Oui, souvent. Les habitants de l'immeuble n'aimaient pas venir ici. Les vieux racontaient que des gens étaient morts dans cette cave et comme beaucoup sont superstitieux... Mais moi, j'adorais m'y réfugié lorsque j'étais contrarié. Je m'y sentais vraiment bien.

- Et tu n'as jamais vu d'âmes ?

Sûr de moi, j'ai secoué la tête. Et j'ai été très surpris lorsqu'il m'a dit que j'étais en train de jouer avec l'une d'elles. Alors c'était ça, une âme ! Ça faisait longtemps que j'en voyais alors ! En fait, aussi loin que je me souvienne, j'en ai toujours vu. Mais j'avais toujours cru que c'était des feux follet, c'était ce que l'on m'avait dit. Quelle bande de menteurs !

- Tu sais, très peu de personnes ont la capacité de voir les âmes. Et plus rare encore sont ceux qui peuvent les saisir. Tu perdrais ton temps en restant ici, je te propose de me suivre et de faire ce pourquoi tu es né. Mais sache que ça ne sera pas facile.

Je n'ai jamais regretté d'avoir dit oui.