La nuit des papillons
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Fantastique
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I just want to come home.
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- Qu'est-ce que ça fait d'être si longtemps loin de chez soi ?
Jin considère un instant la question, laissant ses yeux s'attarder sur la terre qui tourne sur le grand écran, derrière le journaliste. Cette vue satellite est ce qu'il a eu l'occasion de voir pendant cinq ans, alors qu'il était obligé de rester dans une station spatiale orbitant autour de la planète bleue. Sa mission a semblé durer une éternité. Et maintenant qu'il est là, il n'est pas très sûr de pouvoir dire que tout cela est réel, tant il en a oublié l'existence.
- Je crois que ça n'est plus vraiment chez moi, à vrai dire. J'avais pris mes marques, là haut. J'ai un peu la sensation que c'est maintenant que je suis loin de chez moi.
- Oh... Ne vous en faites pas, ça n'est qu'une question de temps avant que vous ne repreniez vos bonnes vieilles habitudes. Vivre sur terre, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas.
Jin garde le silence tandis que le journaliste conclue l'interview. Il le trouve drôle. Ses pieds n'ont jamais quitté le sol de cette planète et pourtant il parle comme s'il avait vécu sur la lune. Que peut-il bien savoir du retour sur terre ?
La réalité, c'est que les choses changent vite. Trop vite. Les gens, les lieux, les technologies... Tant qu'on suit, on ne se rend pas compte de la rapidité avec laquelle tout se transforme, évolue. Là haut, tout semble figé dans le temps. Rien ne bouge, le silence est assourdissant, et l'absence d'horizon rend tout insignifiant. Jin trouve à l'infinité de l'espace un côté rassurant.
Après avoir remercié le journaliste ainsi que tout le plateau télé pour leur accueil, Jin retrouve rapidement son chauffeur, supposé le ramener à son appartement.
Dehors, il fait nuit noire. Et les rues ont beau être illuminées de toute part, Jin ne voit que les étoiles. Son regard est constamment attiré vers la toile noire qui recouvre le ciel, et il sent en lui ce besoin inexplicable d'aller se noyer dans cette immensité, comme si quelqu'un l'y attendait.
En tout cas, ça n'est clairement pas sur terre qu'il est attendu. Lorsqu'il ouvre la porte de son appartement, il se retrouve nez à nez avec les murs blancs et l'ambiance aseptisée du lieu, qui a quelque peu des airs d'hôpital. Il n'y a aucune décoration en dehors d'un vase rempli de fausses fleurs près de l'entrée, et tout est parfaitement propre, comme si l'appartement venait juste d'être mis en location.
Mais il n'y pas âme qui vive. La seule présence que le lieu a connu ces cinq dernières années est celle de l'agent d'entretien. Les parents de Jin ne sont malheureusement plus de ce monde et il n'a pas de moitié pour le serrer dans ses bras.
Il est seul avec lui-même, et ce plafond trop bas l'angoisse. Il veut voir le ciel. Il veut se sentir petit. Il veut se sentir chez lui.
Se sentant comme étouffé, il s'empresse d'ouvrir la baie vitrée du salon donnant sur le balcon, se jetant presque à l'extérieur. Revoilà les étoiles, il se sent mieux. L'air frais de cette fin d'automne ne le dérange pas, du moment qu'il est avec le ciel.
A sa droite, la musique écoutée par l'habitant de l'appartement voisin résonne. En bas, dans la rue, les voitures klaxonnent, et des milliers de lueurs de phares se bousculent sur les autoroutes embouteillées. Le couple dans l'immeuble en face se dispute.
Les gens autour paraissent connectés, liés à l'instant présent, vivants. C'est comme s'ils étaient tous branchés à une batterie qui les fait briller et qui les encre dans le moment, tandis que Jin est déconnecté, éteint, et flotte au loin. Il se sent encore plus astronaute qu'il ne l'a jamais été.
Soupirant, il lève de nouveau les yeux vers les étoiles, mais constate avec surprise que quelque chose vole à quelques mètres de lui, émettant une faible lueur violette, se rapprochant doucement. Après quelques secondes, il distingue la forme d'un papillon, qui semble aller droit dans sa direction, comme s'il le voyait et avait pour but de venir se poser sur sa tête.
A vrai dire, il est normal que le papillon voit Jin. Il est là, même si lui n'a pas l'impression que ce soit le cas.
Intrigué, l'astronaute tend la main, et l'insecte vient immédiatement se poser sur son index, sans aucune peur, comme si tout ce qui faisait de Jin un humain s'était évaporé. Comme si même le papillon n'avait pas sût faire la différence.
- Qu'est-ce que tu fais là, toi ? Murmure Jin en inspectant attentivement le papillon aux ailes violettes.
Comme s'il avait entendu, l'animal lève une antenne, puis reprend son vol, rentrant dans l'appartement. Jin s'empresse de le suivre, inquiet quant à la façon dont il va bien pouvoir le faire sortir. Cependant, le papillon se pose sur la poignée de la porte d'entrée, comme s'il savait qu'il fallait qu'il quitte le lieu par là.
Jin ouvre donc la porte, faisant bien attention à ne pas blesser le papillon en attrapant la poignée, et ce dernier sort, se dirigeant vers les escaliers. Plus que confus, Jin continue de le suivre, descendant les marches aussi rapidement que ses jambes le permettent. Le papillon semble de nouveau l'attendre à l'entrée de l'immeuble face aux portes fermées, et reprend sa route une fois celles-ci ouvertes.
L'insecte papillonne au dessus de la route et des voitures qui klaxonnent, tandis que Jin le suit, se frayant un chemin entre les véhicules coincés au feu rouge. Il aperçoit alors un second papillon de la même couleur se joindre au premier, et les deux animaux prennent la même direction, semblant danser de façon à réguler leur vitesse et permettre à Jin de les suivre.
Peu à peu, le bruit de la civilisation diminue, et Jin perd le compte du temps qui passe, tandis qu'il contemple les papillons violets se regrouper, de plus en plus nombreux. Il ne sait toujours pas si un tel phénomène est seulement possible. Mais il n'a pas été sur terre depuis si longtemps qu'il se laisse le bénéfice du doute. Et s'il hallucine, alors il trouve sa folie sublime. Est-il seulement capable d'imaginer une telle chose ?
À l'horizon, une ligne lumineuse de teinte violette se dessine, tandis que les papillons volent par milliers dans sa direction. Jin s'arrête, prenant le temps de contempler le spectacle. Les insectes volent tout autour de lui, semblant l'attendre afin d'éclairer le chemin. Et il a la sensation d'être au milieu des étoiles. Son cœur bat vite, ses yeux pétillent, sa respiration accélère. Il a l'impression de revivre. Une fois de plus, cela ne fait que confirmer que sa place est là haut, avec les étoiles.
Curieux de savoir où les papillons veulent le guider, Jin reprend sa route, réalisant qu'il rentre peu à peu dans un gigantesque champs de blé. Les épis lui arrivent à hauteur de torse, rendant leur traversée légèrement éprouvante. Mais Jin ne se démonte pas. Avec l'entraînement qu'il a suivi pour pouvoir exercer le métier qu'il fait aujourd'hui, il ne peut pas se laisser abattre par quelques plantes.
Au bout de quelques minutes, Jin aperçoit les papillons ralentir, leur vol semblant se concentrer sur une zone. Lorsqu'il l'atteint, il s'accroupît pour se frayer un chemin au centre de la horde d'insecte. Au fur et à mesure qu'il avance, il distingue une voix, qui sonne comme si elle sortait d'une radio.
- ...cevez ? Tour de contrôle à commandant Jin. Est-ce que vous nous recevez ? Je répète, tour de contrôle à commandant Jin, est-ce que vous nous recevez ?
Arrivé au milieu des milliers de papillons, Jin remarque la présence d'une petite radio au sol. Les épis de blé ne semblent pas avoir poussé sur cette zone, et il n'y a plus que cet objet, lui, et les papillons, au milieu de ce champs.
Intrigué, Jin ramasse la radio. Qu'est-ce que cet objet peut-il bien faire ici? Pourquoi l'appelle-t-on alors qu'il est sur terre ?
- Commandant Jin à tour de contrôle, est-ce que vous me recevez ? Tente l'astronaute par habitude.
- Commandant Jin ! Nous vous recevons. Ça fait des jours que nous essayons de vous contacter. Que s'est il passé ?
Jin fronce les sourcils, toujours plus confus.
- Je suis revenu sur terre, vous m'avez assisté à l'atterrissage. Vous ne vous souvenez pas ?
- ... Commandant, où êtes-vous ?
Jin s'arrête un instant afin d'observer le décor autour de lui. Les papillons sont tous posés sur les épis de blé qui l'entourent, comme s'ils l'écoutaient. Au loin, la ville semble avoir disparu, et le ciel est tapissé de millions d'étoiles, comme Jin n'en a jamais vu. Et c'est là que Jin le ressent. Il a ce sentiment que tout est exactement à sa place.
- Je... je suis chez moi. Murmure Jin.
- Commandant, que voulez vous dire ? Commandant ? Comman-
Jin coupe la radio et la repose au sol. Une quinzaine de papillons s'en emparent alors, comme si elle ne pesait rien, puis tous les insectes jusque-là posés se remettent à voler, tournant si près de Jin qu'il finit par ne plus rien voir.
Puis il ouvre les yeux.
En apesanteur au milieu de la navette spatiale, il aperçoit la terre depuis l'immense fenêtre.
Enfin ce n'est pas tout à fait la terre.
Ce n'est-ce même pas du tout la terre.
S'approchant de la vitre, Jin constate que la planète est couverte de vastes étendues mauves, ponctuées de rose et de blanc. Voulant être sûr que cette fois, il ne rêve pas, il se pince le bras, grimaçant à cause de la douleur.
Comment est-il arrivé là ? Où est la terre ?
Immédiatement, Jin tente de rentrer en contact avec cette dernière, en vain. Toutes les communications sont coupées, et la station spatiale semble être doucement attirée par l'attraction de cette planète inconnue, étant déjà rentrée dans son atmosphère. Jin ne saurait dire combien de temps il a dormi, mais il ne sait tout bonnement pas expliquer comment il est arrivé là.
Curieux, il met rapidement les sondes en marche afin de voir si la planète est habitable, et constate avec surprise que ses conditions atmosphériques sont identiques à celles de la terre. Et tandis qu'il se rapproche doucement du sol, il remarque la présence d'êtres vivants, distinguant doucement des formes humaines, qui se rassemblent en bas pour contempler le spectacle de son arrivée.
Une aura de bienveillance semble se dégager des habitants de la planète, et Jin la ressent au plus profond de lui comme un choc, comme si c'était quelque chose qu'il avait autrefois connu mais longtemps oublié.
Lorsqu'il atterrit enfin, il s'empresse de sortir, poussé par un sentiment d'urgence.
Un grand groupe d'individus à l'allure humaine l'attend, principalement composé de femmes. Tous semblent apaisés, comme s'ils avaient attendu ce moment depuis une éternité.
Une jeune femme s'approche alors de Jin, souriante, et prend sa main dans la sienne, lui adressant un regard chaleureux.
- Bienvenue à la maison. Murmure-t-elle. Nous t'attendions.
- Où suis-je ? Murmure l'astronaute, se sentant étrangement bien.
- À ta place, avec les gens qui t'aiment. Grâce à toi, nous ne sommes plus seuls. Et grâce à nous, tu n'es plus seul. Nous ne les laisserons plus te voler à nous, c'est promis.
La jeune femme lâche la main de Jin, et c'est à ce moment qu'il distingue un papillon violet dessiné sur son poignet.
Il n'y a plus de doute.
Il est à la maison.
[Note de l'auteur]
J'espère que ce petit OS vous a plu. Je laisse place à l'interprétation sur la fin, mais pour moi, le but était de représenter les Armys qui attendent le retour de Jin. Un petit texte en hommage à notre vaillant soldat.
Je sais que je ne suis pas très présente sur Wattpad ces derniers temps, mais je ne laisse absolument pas l'écriture de côté, si ça peut vous rassurer !
A très vite !
Ghetis
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