Je me faufile silencieusement dans les Ruines, malgré la peur qui m'envahit. Il est hors de question que je me rende au monde des humains en passant par le lac pour finir trempée. Je préfère encore passer par ici. Je frissonne. Cet endroit me file la chair de poule. Il parait encore plus lugubre que la fois dernière, ce qui n'est pas peu dire. Je trouve enfin la porte et la franchit. Je respire profondément et laisse le soleil réchauffer de ses rayons doux comme le miel ma peau. Je me remets à marcher et déambule dans la ville. J'aurais pu rester dans l'Eïkano pour trouver un don mais ici, chaque détail me ressource et m'inspire.

– Leïra ?

Je me retourne, surprise.

– Que fais-tu ici ?
– Je me promenais et toi ?

Akos désigne du menton les pots qu'il porte dans ses bras.

– J'apporte ces futures plantes à mon patron. Je suis apprenti fleuriste, rajoute-t'il devant ma mine interrogative. Si tu veux, on n'a qu'à prendre un café avant, elles attendront ! Ce n'est pas comme si elles allaient fleurir d'un coup. (Il rit et je me joint à lui.)
– D'accord !

Je le suis tandis qu'il s'engage dans une rue parallèle à la voie principale. Il s'arrête devant une boutique à la devanture d'un vert pâle.

– Voilà où je travaille ! Mon patron tient une boutique de fleuriste et sa femme un café.

Il pousse la porte et une clochette retentit.

– Voilà ! J'arrive, j'arrive ! dit une voix de femme. Ah ! Akos ! Tu as apporté les plantes ! Oh et qui est cette demoiselle ?
– Je te présentes Leïra. Elle vient d'Akono où de quelque chose comme ça.
– Eïkano.
– Bienvenue à Καρδιά καφέ* ! Tu ne trouveras pas de meilleur café dans le coin !

/NdA : *cœur de café. (Merci Google Trad)\

– Que voulez-vous ?
– Un ellinikos* s'il te plait.

/NdA : * café traditionnel grec\

– Euh... la même chose, dis-je sans trop savoir de quoi il s'agissait.

Nous nous installons à une petite table près de la vitrine. Une odeur de terre se mélangeait à celui du café. De nombreuses plantes vertes étaient suspendues et laissaient leurs tiges sortir du pot pour cascader vers le sol.
Elle revient avec deux tasses fumantes.

– Attention c'est chaud !

Je la remercie chaleureusement et entoure la tasse de mes mains. Je bois un peu de la boisson et me lèche les lèvres, surprise. Le goût, sucré, est délicieux. J'en reprends aussitôt et finis ma tasse d'un coup. Akos me regarde, amusé.

– On dirait que tu n'as jamais bu de café de ta vie !

Je baisse la tête, gênée.

– Non, attends, c'est vrai ? Comment as-tu fait pour passer à côté de ça ?
– C'est compliqué...
– Comme comment tu es apparue dans l'eau ?
– Oui, on peut dire ça...
– Raconte moi !
– C'est une longue histoire.
– On a tout notre  temps.

Je soupèse le pour et le contre. Je ne veux pas dire que je suis une elfe, mais je sens que je peux lui faire confiance. Je respire un grand coup.

– Si tu n'as jamais entendu parler d'Eïkano, c'est parce qu'il n'est pas dans ce monde.

Il me fixe, interloqué. Je lui raconte toute l'histoire et il demeure pensif une fois que j'ai fini. Je me sens plus légère, maintenant que j'ai tout dit.

– Tu es en train de me dire que tu es une elfe ?
– Oui.

Il éclate de rire.

– Attends regarde !

Je saisit un pot où une pousse commence à pointer son nez et me concentre dessus en fermant les yeux. Je sens le flux qui l'entoure et y mêle un peu de ma magie afin de le manipuler.

– Comment as-tu fais ça ?
– Quoi ?

Je regarde le pot devenu trop petit pour le lierre qui déborde de tous les côtés.

Je panique :
– Comment ça se fait ? Ça ne marche pas, normalement elle aurait du mourir, pas pousser plus vite !

La plante semble soudain se recroqueviller et roussit, desséchée.

– Oh non ! Désolé... J'étais encore connectée à son flux... Je ne maitrise pas encore mon don...
– Ce n'est pas grave. Alors tu ne m'avais pas menti.
– Non ! Pourquoi le ferai-je ?
– On n'entend pas tous les jours que son amie est un elfe.
–  Attends, je suis ton amie ?
– Ben... oui ! 
– Donc tu ne vas pas me tuer ?
– Non ! Pourquoi je ferai ça ?

Je ne répond pas. Apparemment seul les elfes arrivent à se souvenir des fautes des humains.

– Je pense que ton don est lié à tes émotions. Quand tu as fait pousser la plante, tu étais bien, puis tu as paniqué et elle est morte.

Je réfléchis.

– Oui, tu dois avoir raison. Attends... cela voudrait dire que... (Je me lève et fait le tour de la table pour le serrer dans mes bas.) Tu es génial Akos !
– Euh... merci, dit-il, gêné.

Je vire au cramoisi quand je m'aperçois que je viens de lui sauter dessus pour lui faire un câlin.

– Désolé... dis-je en m'écartant d'Akos qui est aussi rouge que moi.
Je me racle la gorge.
– Je... Je vais y aller.
– Ok... oui... A demain ?
– Oui.

J'ai trouvé un autre don. Ou plutôt, j'ai découvert une autre partie de mon don. Comme ça je n'aurai pas à mentir ! Je sors en courant du café et retourne dans le monde des elfes.

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