Chapitre 10
Ça expliquait bien des choses, me dis-je, songeuse, comme la raison pour laquelle les tantes d'Isla avaient lancé la malédiction sur le château. Aussi, Dragomir avait apparemment un penchant pour les blondes...
Je m'étais trompée sur toute la ligne. Le vampire savait ce qu'était l'amour puisqu'il avait eu des sentiments pour Isla. Leur passé commun était somme toute très triste. Ces deux-là auraient pu vivre une belle histoire d'amour si Dragomir lui avait démontré son attachement avant que les sorcières ne lui jettent une malédiction. Et il n'aurait pas dû empêcher Isla de retourner chez elle. C'était de sa faute à lui si tout ceci était arrivé et, en plus, il s'apprêtait à refaire la même erreur avec moi : me garder ici contre mon gré. Cependant, je me jurai que ça n'arriverait pas. J'avais plus d'un tour dans ma manche et je n'avais visiblement pas la même personnalité que la sorcière même si nous étions toutes les deux fort curieuses. C'était notre seul point commun...avec nos cheveux.
Je regardai ma montre et me rendis compte qu'il ne me restait qu'une heure ou deux pour me rendormir. Mais y parviendrais-je ? Mon cerveau fonctionnait à plein régime après cette lecture pour le moins enrichissante.
Je me rallongeai et fermai les yeux. Lorsque je les rouvris et que je remarquai l'heure, je me ruai hors du lit. J'enfilai les premiers vêtements qui me tombèrent sous la main et attachai rapidement mes cheveux, puis je me dirigeai vers le cours d'histoire. Heureusement, j'étais à l'heure, alors je rejoignis mes amies. Nous nous installâmes à nos places habituelles et attendîmes le professeur, qui tarda.
— Si, dans dix minutes il n'est pas là, nous avons le droit de quitter l'endroit, annonça Grace en regardant sa montre. C'est le règlement.
Pourquoi Arson prenait-il autant de temps à arriver ? Avait-il croisé Dragomir en chemin ? Ce dernier l'avait-il mangé ? Quoique ce ne serait pas une grande perte...
— J'ai tellement hâte de visiter les alentours du château, s'exclama alors Grace. Ce weekend, Patrick et moi avons décidé de sortir. Aimerais-tu nous accompagner, Or ?
Une idée germa dans ma tête. Et si je les éloignais volontairement du Dark Castle ? Je pourrais, durant la fin de semaine, les convaincre de ne pas y retourner ...
— Ce serait trop...
La porte s'ouvrit à la volée au moment même où je commençais ma phrase. Arson apparut dans l'embrasure de la porte.
— Désolé pour le retard, dit-il seulement, j'ai eu un contretemps.
Alors qu'il entrait dans la classe, je manquai m'étouffer en remarquant la grande silhouette qui le suivait.
Lorsque mes yeux croisèrent ceux de Dragomir Pietro, flamboyants, je me recroquevillai sur ma chaise. Je savais qu'il était furieux que je me sois évaporée alors qu'il m'avait clairement demandé de l'attendre sagement, mais il ne me connaissait pas encore. J'avais peut-être l'allure d'une petite fille sage et timide, mais j'étais plutôt rebelle.
Les regards curieux bifurquèrent vers le nouveau venu. Je remarquai que Caroline, Amanda et Chloé reluquaient Dragomir sans gêne. Caroline avait un petit sourire en coin et se léchait la lèvre inférieure. Beurk ! Je ne voulais même pas songer à ce qu'elle s'imaginait !
— Bonsoir à tous. Aujourd'hui, j'aimerais vous annoncer quelques changements dans le programme. Pour commencer, comme vous avez pu le remarquer, je suis accompagné du professeur Pietro, un nouvel enseignant qui m'aidera dans les cours. C'est un expert en matière d'histoire et il pourra parfaitement répondre à vos questions. Autre petit changement. Cette fin de semaine, il y aura un grand jeu de rôles dans le château et tout de monde devra y participer, alors les sorties seront remises à la semaine prochaine.
Les élèves semblèrent enchantés par l'annonce, sauf moi. Dragomir me fixait avec un petit sourire satisfait, signe qu'il avait deviné mes intentions de fuite. Il était clair que c'était son idée à lui d'empêcher les sorties.
De plus, ce jeu de rôles me fichait la trouille. Je devais bien être la seule à craindre les intentions de Dragomir !
Les professeurs distribuèrent des documents concernant les règles du jeu et je les lus attentivement.
Oyez ! Oyez ! Bienvenue dans ce nouveau jeu de rôle grandeur nature. La chasse est maintenant ouverte !
Petite mise en situation pour les joueurs
Nous nous retrouvons à l'an 1545 au Dark Castle. Dragomir Pietro vient de terminer la construction de son château et a engagé plusieurs domestiques, autant humains que vampires. Les deux espèces ne sont pas en très bon terme et, très vite, un conflit éclatera.
Bien obligés d'accomplir leurs tâches malgré tout, humains et vampires cohabiteront ensemble de façon laborieuse.
Néanmoins, la nuit du 31 octobre 1946, une bataille débutera à travers le château. Une des deux espèces en sortira victorieuse. Elle dominera l'autre. Mais qui ? Seul le jeu nous le dira.
Soyez sur vos gardes. Votre ami pourrait bien devenir votre ennemi !
Règlements du jeu :
· Vous ne devez en aucun cas sortir du château peu importe la façon dont le jeu évoluera.
· Vous pouvez accéder à tous les étages, mais il sera défendu de vous enfermer à dans vos chambres.
· Vous ne devez pas divulguer votre espèce (humain ou vampire) à qui que ce soit.
· Les vraies armes sont défendues. Pour les humains, l'eau bénite, la croix et les pieux en bois sont autorisés. Pour les vampires, seulement vos crocs.
· Le jeu débutera samedi soir à vingt-deux heures et se terminera uniquement lorsqu'il y aura un clan gagnant.
· Les repas ne seront pas servis dans la salle. Vous devrez vous-même vous débrouiller pour trouver votre nourriture. P.S : Pas plus de dix personnes en même temps dans les cuisines.
· Si le jeu se poursuit lorsque le jour se lèvera, vous pourrez vous couchez, mais ce sera à vos risques et périls, car vous n'êtes en sûreté nulle part.
· Tous les joueurs pigeront une carte sur laquelle leur espèce et leur fonction dans le château y sera inscrite.
· Vous devrez vous costumer et entrer dans le rôle de votre personnage.
· Lundi sera une journée de congé afin que les élèves puissent se reposer. Les cours recommenceront mardi au cours de la nuit.
Les professeurs nous firent piger le rôle que chacun de nous tiendrait dans ce jeu grandeur nature. Dragomir me fit un petit sourire narquois lorsque je plongeai la main dans le chapeau qu'il tenait.
Je fixai le bout de papier que je venais de piger et sur lequel était inscrit : Humaine ; soubrette du comte.
— Je sens que ce jeu va me plaire, me dit Dragomir à voix basse, si bien que je fus la seule à l'entendre.
Il se dirigea ensuite vers Lina afin qu'elle pige à son tour.
Les enseignants nous parlèrent ensuite du jeu.
— Que fait-on pour gagner ? demanda un élève.
— Oh ! Ce n'est pas compliqué. Vous devez survivre.
Un long silence suivit, puis :
— Trop cool ! s'exclama Grace, suivit par plusieurs personnes aussi enthousiastes.
Pourquoi ne parvenais-je pas à m'enthousiasmer, moi aussi ? Peut-être parce que je sentais le regard de Dragomir sur moi comme s'il me calculait.
— Qu'adviendra-t-il des gens qui seront éliminés ? demandai-je. Sortiront-ils du château pour laisser la place aux autres joueurs sans les déranger ?
C'était peut-être ma chance de m'enfuir ! En me faisant éliminer dès le départ !
— Ne vous inquiétez pas. Tout a été prévu, répondit Dragomir.
— En effet, mademoiselle Vince, ajouta Arson de son habituelle voix détestable. Une salle a été aménagée pour ces personnes, où elles pourront se regrouper tout en attendant la fin du jeu. D'autres questions ?
— Où allons-nous trouver nos costumes ? demanda Lina.
— Le château comporte une pièce où de nombreux costumes d'époque ont été accumulés au fil des ans, répondit Dragomir. Dès la fin de vos cours, vous pourrez aller chercher de quoi vous costumer.
— N'oubliez pas, nous remémora Arson. Personne d'autre que vous ne doit connaître votre identité, humaine ou vampirique.
À la fin du cours, Lina était aussi excitée qu'une puce. Elle sautillait sur place tout en bavardant du jeu.
— Je serai une riche marchande venue vendre des tissus au château pour la journée, m'annonça-t-elle, l'air fier. Et vous ?
— Une cuisinière, répondit Grace.
— Et toi, Or ?
— Une soubrette, répondis-je. C'est tellement cliché.
— Une femme de chambre ? Je n'aimerais pas être à ta place, pouffa Grace.
— Tu crois que faire la cuisine, c'est mieux ? répliquai-je.
— Je préfère préparer de la nourriture qu'épousseter de vieilles armures.
Lina intervint dans notre débat.
— Sur quel étage travailleras-tu ? me demanda-t-elle.
— C'est inscrit que je serai la soubrette du comte.
— Je me demande qui jouera ce rôle, fit Lina pensive. J'y verrais bien Arson.
— J'espère bien que non, dis-je. Il me déteste et me ferait sans doute nettoyer le plancher toute la journée.
— Tu as raison, mais tu le provoques sans arrêt, alors c'est normal.
Je plissai le nez, mécontente.
— Ce type n'est qu'un grand prétentieux qui se croit au-dessus de tout le monde. Il ne mérite aucun respect.
— Il est un professeur...
— Dans ce cas, qu'il me montre son diplôme !
Mes amis poussèrent des soupirs de découragement, mais ne poursuivirent point cette conversation.
— Tu sais à quoi les costumes de soubrette ressemblent ? me demanda Grace avec un sourire en coin.
— Jamais je ne m'habillerai comme ceux que l'on voit dans les magasins de costumes d'Halloween ! m'exclamai-je.
— C'est plutôt sexy, ricana Lina. Tu pourrais charmer le comte...
— Ça ne m'intéresse pas. Je préfèrerais trouver une longue jupe noire et un pull en laine gris.
Grace et Lina grimacèrent de dégoût.
Nous arrivâmes au salon où se trouvaient les costumes et fûmes surprises de voir que nous étions presque les premières.
— Super ! s'exclama Lina. Les autres cours ne doivent pas être encore terminés. Nous allons avoir l'embarras du choix.
Nous commençâmes à fouiller à travers les costumes et, après une bonne heure, réussîmes à trouver ce qui nous plaisait. D'autres élèves étaient entre-temps arrivés et les éclats de voix commençaient à me donner un mal de tête.
— Voilà ! s'exclama Lina, qui venait d'enfiler une longue robe rouge médiévale. Comment me trouvez-vous ?
— On dirait le petit chaperon rouge, ricanai-je.
Grace avait revêtu une robe en dentelle noire assez courte avec des souliers à talons compensés. Elle avait également enfilé des gants noirs qui lui montaient jusqu'aux coudes.
— Tu n'as pas l'air d'une cuisinière, lui fit remarquer Lina.
— Surtout avec les gants, ajoutai-je.
— Je sais, mais ça me plait. Et je ne ferai probablement pas la cuisine pour vrai, alors...
Ce fut ensuite à mon tour d'essayer mon costume de soubrette. J'avais trouvé un ensemble gothique et moins sexy que ce qu'on trouvait dans les magasins érotiques.
Mes amies m'observèrent la bouche grande ouverte.
— C'est ce que j'ai trouvé de mieux, leur expliquai-je.
— C'est fabuleux ! s'exclama enfin Grace. Le noir et le blanc te vont à ravir !
— Je trouve la robe un peu courte, protestai-je en tirant dessus.
— Ça met des jambes en valeur. Au pire, tu n'auras qu'à porter des bas noirs si tu ne veux pas être trop provocante.
Nous apportâmes nos trouvailles avec nous et croisâmes Patrick en chemin. Grace sauta dans les bras de son amoureux, qui s'empressa de lui confier qu'il jouerait le rôle du chef cuisinier. Tiens, tiens ! Quelle coïncidence ! Bien entendu, Grace était bien aux anges.
— Je dois aller dans ma chambre, nous informa Lina. On se retrouve plus tard.
Les autres acquiescèrent et chacun partit de son côté. Je restai plantée debout dans le couloir, me demandant quoi faire. Je décidai de retourner à la bibliothèque afin d'échapper à Dragomir. Au moins, il y aurait probablement d'autres élèves, alors même s'il m'y trouvait, il n'oserait sans doute pas me ramener de force dans sa chambre devant un public. Hélas, je croisai Arson dans le couloir et celui-ci fonça droit vers moi.
— J'espère que vous êtes fière de vous, Mademoiselle Vince, m'apostropha-t-il. À cause de votre maladresse, vous avez libérer le mal.
— Je n'y suis pour rien ! arguai-je. Je n'ai absolument rien fait.
— En êtes-vous certaine ? Avez-vous avez prononcé une formule sans en être consciente ?
Après les ténèbres vint la lumière.
Eh merde !
— Vous devez absolument réparer votre bêtise, ajouta Arson.
Je restai muette suite à ses paroles tout en fixant l'homme devant moi. Bien que je le détestais, il avait raison. Dragomir devait partir avant de blesser des élèves.
— Comment ? murmurai-je, dépitée.
Pour la première fois, Arson sembla ne pas savoir quoi répondre. Son air sévère et hautain le quitta pendant les quelques secondes où il parut réfléchir à la question.
— Je l'ignore, répondit-il enfin, mais il faut que vous trouviez un moyen. Je ne peux hélas m'opposer à lui. C'est son château et s'il désire se nourrir sur les élèves, il le fera.
Je déglutis.
— Il ne le fera peut-être pas, suggérai-je.
Arson ricana.
— Vous savez très bien ce qu'il va se passer pendant ce jeu de rôle, poursuivit-il. Ce sera la catastrophe.
Il marqua une pause devant mon regard interrogatif, puis reprit.
— Je sais que vous allez réussir à le renvoyer d'où il vient. Il le faut, Or.
C'était la première fois qu'il m'appelait ainsi et j'en fus si surprise que j'en oubliai de répondre. Arson me fixa quelques instants, puis s'en alla sans rien ajouter de plus.
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