☕ Espresso ☕
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- Je suis désolé, le corps de Monsieur Lee a été retrouvé ce matin. Il avait une lettre dans sa poche, elle vous était adressée.
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Je reste figé alors que la nouvelle se fraye difficilement un chemin dans mon esprit embrumé. Woozi, l'adorable, le si jeune Woozi que j'ai recueilli n'est plus. Comment cela est-il possible ? Je l'ai moi-même accompagné à la gare prendre le train pour qu'il puisse rejoindre sa famille. Je n'arrive pas à comprendre comment cela a-t-il pu tourner au drame, j'étais tellement sûr qu'il était maintenant en sécurité, libre.
Comme déconnecté je sens à peine le regard des deux alphas m'analyser. Pourtant ils ne sont pas discrets mais je n'arrive pas à m'en soucier. J'ai échoué à protéger ce jeune oméga alors que je lui avais assuré qu'il était à présent en sécurité et maintenant il est mort.
Je sens la bête recroquevillée dans un coin de mon esprit glapir et gémir sa tristesse d'avoir perdu l'un de ses frères. Distraitement, naturellement, je l'entoure de mon esprit dans une vaine tentative de soutien et de réconfort. Elle vient se presser dans mon étreinte psychique, s'y rouler en boule, manœuvre dérisoire dictée par une volonté d'être consolée.
Une pression soudaine autour de mon poignet me tire de mes pensées noires. Le regard toujours perdu dans le vide je mets plusieurs secondes avant de saisir à qui appartient cette main enroulée autour de mon articulation. Mon attention remonte lentement le long de ce bras couvert d'une manche en tweed avant de rencontrer un regard chocolat perçant. L'alpha me scrute, ce que je suppose être une lueur d'inquiétude dans les yeux.
Mal à l'aise, je me défais de cette étreinte qui envahit de mon espace vital. Je me racle la gorge, maladroit et me concentre sur l'alpha grognon. C'est lui qui m'a annoncé la nouvelle, c'est donc lui qui est le plus susceptible de répondre à mes interrogations.
- Qu- Que s'est-il passé ?
Je maudis ma voix tremblante qui rend ma tentative pour reprendre contenance vaine. Le visage fermé de l'agent public ne transmet absolument aucune émotion et accentue encore la sensation de malaise qui m'étreint.
- Le corps de Monsieur Lee a été retrouvé ce matin dans une décharge à la sortie nord de la ville. Une enquête pour homicide a été ouverte. Comme je vous le disais une lettre vous étant adressée a été découverte sur le défunt, j'aurai donc quelques questions à vous poser si vous le voulez bien.
Le sang quitte mon visage au fur et à mesure que j'assimile ce que l'officier me dit. Woozi est réellement parti. C'est réel.
Une cruelle réalité qui n'aurait jamais dû l'atteindre et pourtant.
J'hoche faiblement la tête acceptant de répondre à ses questions. Sous le choc de la nouvelle je ne pense même pas à avoir peur comme cela aurait été le cas habituellement. Je m'esquive un instant et reviens avec une chaise avant de m'asseoir à la table des dominants.
- Quelle était votre relation avec le défunt ?
- Je ne sais pas vraiment quel mot il est possible de mettre sur les rapports que j'avais avec Woozi. On ne se connaissait pas assez pour être ami mais nous n'étions plus non plus inconnus. Il est venu dans ce café il y a une dizaine de jours et ensuite je l'ai hébergé.
L'alpha en tweed ne bronche pas les yeux rivés sur son américano glacé. En revanche l'officier grognon me fixe interloqué. Le stylo en l'air il me dévisage avant de reprendre son interrogatoire.
- Vous avez invité chez vous un inconnu ? Comme ça ? Vous êtes totalement inconscient ou bien ?
Je n'apprécie vraiment pas comment l'homme me grogne dessus et je sens les poils de ma nuque se hérisser. Après tout il se permet de me faire la leçon alors que c'est à cause des alphas comme lui que je dois abriter des jeunes comme Woozi.
- Excusez-moi d'avoir une conscience, grognais-je.
L'officier gronde en retour, des paillettes d'or apparaissant dans son regard brun. Le loup de l'homme commence à se manifester. Le second alpha tape du poing sur la table attirant le regard de son ami sur lui.
J'ai les mains qui tremblent, même posées sur mes cuisses, et la bouche pâteuse. Ce type me fiche une trouille monstrueuse.
Même une fois que l'homme eu passé ses mains sur son visage et que l'or se fut estompé de ses prunelles mes membres ne cessèrent de s'agiter.
- Désolé, ça va aller ? Excusez mon ami, il n'a pas l'habitude de travailler avec les témoins, il est assez rude mais il ne vous fera pas de mal, vous avez ma parole.
C'est la première fois que le brun s'exprime depuis qu'il a passé commande, jusque-là il a laissé la parole au décoloré. Comme pour la première fois que je l'ai entendu je trouve sa voix douce et rassurante ce qui me permet de reprendre un certain aplomb.
- Je vais bien. Pour répondre à votre question, officier, oui je l'ai accueilli chez moi alors que nous ne nous connaissions à peine. Il fuyait de chez lui et n'avait nulle part où aller. Je lui ai donc proposé asile le temps qu'il puisse reprendre sa vie en main de lui-même.
- Vous avez dit qu'il fuyait. De qui s'agit-il ?
- Son petit ami, un alpha.
- Vous pouvez m'en dire plus ? Son nom, depuis combien de temps ils étaient ensemble, les raisons de la fuite, s'ils étaient liés, ce genre de chose ?
Je tente de me souvenir de tout ce qu'a pu me dire le jeune oméga mais mes souvenirs sont encore embrouillés et je peine à me remémorer de tous les événements.
- Je n'ai pas souvenir d'avoir entendu son nom et je ne l'ai pas demandé. Je vous rappelle que jusqu'à ce que vous me l'appreniez j'ignorais même le prénom de Ji Hoon.
Prononcer son prénom pour la première fois alors qu'il n'est plus de ce monde me laisse un gout amer.
- Ils se sont rencontrés à l'université il y a quelques années, je crois que Woozi m'avait dit que cet homme faisait des études de sports à cette époque et qu'il était plus âgé que lui.
Occupé à griffonner sur son carnet l'alpha décoloré ne me fixe plus ce qui m'aide à me concentrer. L'autre se fait toujours discret, jetant juste un œil de temps à autre sur les notes de son ami.
- Woozi m'a dit que cet homme le frappait et qu'il l'endurait depuis plusieurs années, mais récemment un de ses voisins a péri sous les coups de son compagnon. Il m'a dit ne pas vouloir finir comme son ami et qu'il voulait rompre le lien, recommencer une vie loin de tout ça.
Un hoquet stupéfait se fit entendre, émit simultanément par les deux alphas. La sensation brûlante d'une colère qui n'est pourtant pas dirigée contre moi me fore à courber l'échine comme un vulgaire chiot qui aurait commis une bêtise.
La sensation ne dure pas longtemps, les deux hommes ayant visiblement un bon contrôle d'eux-mêmes. Cependant ça avait duré suffisamment longtemps pour que j'ai les larmes aux yeux et que mes mains recommencent à trembler. J'essuie le plus discrètement possible mes larmes et relève mon visage.
- Désolé, je me gère beaucoup mieux que ça d'habitude, j'ai été surpris.
Encore une fois c'est le brun qui s'excuse même si le décoloré acquiesce à ses dires. Je penche légèrement la tête sur le côté, perplexe.
- C'est la première fois que j'entends que quelqu'un souhaite rompre le lien. C'est un acte assez ... barbare.
- Quand vous crouler sous les coups de la personne qui est censée vous aimer, que vous subissez une humiliation constante, cette barbarie comme vous dites apparaît comme une libération.
Le brun hoche doucement la tête comme pour ne pas me contredire mais je vois dans son regard qu'il ne comprend pas. C'est bien un alpha, c'est clair que les déboires d'un pauvre petit oméga ne doivent pas le concerner beaucoup.
Je ravale ma rage. De toute façon ce n'est pas comme si je pouvais leur faire comprendre ma version des faits. De par leur nature ils sont protégés alors que nous devons subir. Et puis il lui suffirait d'un ordre pour que je me retrouve à lui donner la patte. Je préfère éviter cette humiliation.
- Que pouvez-vous me dire de plus ? Les coordonnées de Monsieur Lee ne sont pas enregistrées dans notre base de données, j'aurai besoin de savoir où il habitait pour pouvoir faire une perquisition au domicile.
- Je n'en sais rien, je pense que je vous ai dit tout ce que je savais.
- Très bien. Je vous remercie de votre coopération alors. Si vous vous souvenez de quoi que ce soit venez au commissariat et demandez l'inspecteur Kim Wonsik.
L'officier se lève et je l'imite en me saisissant de la carte qu'il me tend. Son ami le rejoint sur le palier et se retourne vers moi comme s'il se souvenait de quelque chose.
- Excusez-moi, vous avez dit que l'un de ses amis était récemment décédé, savez-vous de qui il s'agit ? Ça pourrait aider surtout s'ils étaient voisins.
Je cligne un instant des yeux sans rien dire, hébété. Il est vrai que jamais je n'aurai pensé que ce détail pouvait avoir une quelconque importance pour localiser l'ancien domicile de Woozi.
- Jeonghan, il me semble qu'il m'en avait parlé sous le nom de Jeonghan
- Merci !
L'alpha m'adresse un sourire lumineux alors que l'officier lui donne une tape dans le dos en guise de félicitations.
Je reste un moment figé au milieu de la salle, perdu. C'est Daehyun qui revenait de son petit tour qui me sort de ma torpeur, inquiet de me voir immobile.
- Ça va aller patron ? S'enquit-il les sourcils froncés.
Je lui réponds d'un vague signe de tête et vais dans la salle réservée au personnel me passer un coup d'eau sur le visage.
[...]
Je lâche un soupir las en passant le seuil de mon appartement. Le reste de la journée s'est déroulée dans un calme presque morbide. Les clients ne sont pas revenus de la journée et avec Daehyun on a dû ouvrir les fenêtres et aérer le café afin de faire disparaître les senteurs d'alpha.
La journée a été rude et j'en ressors avec le cœur alourdi de remords et de regrets.
Un verre d'eau à la main je me pose dans mon canapé, les pieds sur la table basse me fichant totalement que mes chaussures y laissent des traces. Au pire je ferai un brin de ménage demain matin avant de partir ouvrir le café.
La nuque confortablement calée contre les coussins je repense à Woozi. Encore et encore. A ce que j'aurai dû faire, dû dire, lui demander s'il était bien arrivé, de m'appeler régulièrement. Toutes ces choses que finalement il ne pourra jamais faire parce que je n'ai pas été assez prévoyant.
Les larmes me montent aux yeux. Je hoquette, ravale mes sanglots. La bête se presse contre ma conscience, solidaire de mon malheur.
La peine que je ressens épuise mes forces et je plonge dans un sommeil torturé, peuplé de bribes du passé.
Je suis réveillé bien avant que la sonnerie de mon téléphone ne me sorte des songes. Un rapide passage dans la salle de bain me suffit à constater mon état déplorable. Mes yeux sont gonflés et rougis par les larmes versées et des cernes violacées me mangent le visage. Une douche et un brossage de dents succinct plus tard, je suis prêt à aller travailler.
Comme tous les jours je suis le premier sur les lieux, Daehyun ne me rejoindra que d'ici une heure, soit en même temps que l'arrivée des premiers clients.
En attendant je vérifie les stocks, le bon fonctionnement des caméras de vidéosurveillances extérieures et les pâtisseries qui ont été préparées par le pâtissier un peu plus tôt.
J'inspecte les tartes au citron meringué, les sphères chocolat-passion, les cheesecakes aux différentes saveurs, et, satisfait je les mets sous cloche.
Travailler me permets de penser un peu moins à mon ami mais dès que je me retrouve sans occupations il revient hanter mon esprit, plus omniprésent que jamais.
C'est encore une fois Daehyun qui me sort de mes réflexions en passant la porte de service. Une pression sur l'épaule et il se met au travail. La matinée fût calme. Le débarquement impromptu d'alpha dans ce petit refuge a semé la panique et je sais qu'il faudra du temps avant que la confiance que ma clientèle avait en ce lieu ne soit restaurée entièrement.
Seuls des bêtas sont venus aujourd'hui ainsi que Hyuna, paniquée. L'alpha peine à nous expliquer, entre deux essoufflements, que Sana veut absolument du cheesecake à la fraise et uniquement celui d'ici. Daehyun lui en emballe une part avec un sourire resplendissant et je ne peux que manifester mon amusement. La jeune femme nous remercie mille fois avant de s'empresser de rejoindre sa compagne affamée.
Cette interruption mit une touche de joie dans cette journée assez morose et finalement la fin de journée arrive assez rapidement.
- Patron ?
Je tourne mon attention vers Daehyun qui vient de m'interpeller.
- Tu sais comment ça va se passer pour l'enterrement de Woozi?
- Non...
Je n'en ai aucune idée, je ne sais même pas si sa famille est au courant de son décès. Pourtant j'aimerais pouvoir lui dire au revoir correctement.
- Peut-être qu'ils en savent un peu plus au poste ? Yongguk m'a dit que parfois c'était eux qui dirigeaient les familles vers les pompes funèbres.
- J'irai faire un tour plus tard et je te tiens au courant. Sinon ton petit ami ne peut pas avoir ce renseignement ?
Je tente, histoire de voir si je ne peux pas avoir l'information sans me rendre au poste de police. Beaucoup d'alphas travaillent dans les forces de l'ordre et leurs présences me rendent nerveux.
Malheureusement Daehyun secoue négativement ses cheveux clairs.
- Nan désolé, je lui en ai parlé rapidement mais ce n'est pas lui qui est sur l'affaire donc il ne pourra pas nous renseigner.
Le compagnon de Daehyun, Yongguk, est un alpha et un des rares qui fait l'effort de ne pas me terrifier. De plus c'est un lieutenant de police et il est complètement dingue de la boule d'énergie qu'est mon ami et employé. Je soupire discrètement. J'aurai préféré avoir affaire à lui plutôt qu'à l'inspecteur Kim.
- Tu peux y aller maintenant si tu veux, ça ne me dérange pas de tenir la boutique et on n'est pas débordé aujourd'hui.
- Vraiment ? Je te laisse les clés pour fermer alors. Tu pourras les déposer dans ma boite aux lettres ?
- Pas de soucis Up'.
Je laisse rapidement mon tablier derrière le comptoir, salue les quelques personnes présentes dans la salle et sors.
Dédaignant le métro je me mets à marcher en direction du poste de police, la carte de l'inspecteur Kim au fond de ma poche. J'y arrive plus vite que je ne le pensais et reste un instant figé sur les marches de l'institution. C'est un vrai nid à odeur et mon odorat se retrouve vite saturé, incapable de les différencier les unes des autres. Le souffle tremblant je pénètre dans le bâtiment.
Une jeune femme avec un carré blond se tient à une sorte de guichet, je me dirige en premier lieu vers elle.
- Bonjour, je souhaiterais voir l'inspecteur Kim Wonsik.
- Bonjour, ce serait à quel sujet ?
- L'enquête sur le meurtre de Lee Jihoon, l'inspecteur est venu me poser des questions hier.
- Bien sûr, je vous demande un instant.
La jeune femme se saisit de son téléphone puis m'indique de patienter, l'inspecteur Kim va venir me chercher.
En effet quelques minutes plus tard je reconnais l'imposante silhouette de l'officier décoloré se diriger vers ma personne. Sans un mot il me fait signe de le suivre puis de m'asseoir une fois rendu dans ce que je suppose être son bureau. Il s'assoit de l'autre côté du meuble et me dévisage. Mal à l'aise, je me jette à l'eau et prends la parole en premier.
- Bonjour... je voulais savoir si vous connaissiez le jour de l'enterrement de Woozi, j'aimerai lui dire au revoir.
Le blond me fixe toujours sans un mot avant de soupirer et de se prendre la tête entre les mains, coudes appuyés sur le bureau.
- L'autopsie vient juste de se finir, donc pas avant quelques jours. De plus impossible de contacter sa famille alors on ne sait pas qui va s'occuper du corps. Si personne ne le réclame, le corps de monsieur Lee sera gérer par une association ou donner à la science. Je ne peux donc rien vous dire sur le déroulement de la cérémonie funèbre.
- Vous n'avez pas retrouvé sa grand-mère ? C'est chez elle qu'il devait-
L'officier pousse un nouveau soupir, la situation semble compliquée.
- Si, malheureusement cette dame est également décédée. Le mois dernier, d'un arrêt cardiaque. Votre ami ne devait pas être au courant de ce fait puisqu'il voulait la voir si l'on se fie à vos dires et à l'adresse qu'il a indiqué dans la lettre qu'il vous adressait.
La lettre ! Elle m'est complètement sortie de la tête.
- Ça m'ennuie de devoir vous demander ça mais est-ce que vous pourriez identifier le corps ? La seule preuve que nous avons qu'il s'agit bien de Lee Ji Hoon est une carte d'identité mais le corps est trop abîmé pour que l'on puisse s'y référer. Vous êtes la seule personne à l'avoir connu que l'on a dans nos renseignements.
Oh mon Dieu !
Woozi que t'est-il arrivé pour qu'on ne puisse même pas te reconnaître ? Les larmes coulent sur mes joues sans que je ne puisse m'en empêcher alors que j'accepte silencieusement la requête émise par l'officier. La peur me serre le cœur alors que j'anticipe ce que je vais voir.
L'inspecteur me conduit le long d'un dédale de couloir puis nous descendons d'un étage.
« Étage medico-légal »
J'ai les mains qui tremblent et je commence à regretter ma décision. Mais je dois le faire. Pour mon ami. Parce que c'est la moindre des choses que je puisse faire pour lui.
Un homme grand, les cheveux noirs en brosse nous accueille. A la vue de sa blouse et de ses gants blancs tachés de sang et autres fluides que je préfère ignorer je déduis qu'il s'agit du médecin légiste.
- Ah JunHong, justement j'espérai tomber sur toi. C'est possible de voir Lee Ji Hoon ? C'est pour la reconnaissance du corps.
- L'autopsie est finie et tout a été recousu mais...
Je le vois me jeter un coup d'œil embarrassé.
- Je ne suis pas sûr que l'on puisse reconnaître qui que ce soit, on s'est vraiment acharné sur ce pauvre gamin.
L'officier me questionne du regard. J'acquiesce, j'irai au bout de mon engagement. L'odeur aseptisée couplée à celle des corps m'angoisse et la bête se terre au fond de mon esprit. Elle non plus n'aime pas du tout cet endroit.
Le légiste aidé de l'officier Kim dépose le corps réfrigéré sur la table de métal et se reculent de quelques pas, me laissant seul face à mon ami. Le petit corps qui se dessine sous le linceul blanc me donne envie de fuir.
J'approche une main tremblante du tissu qui recouvre son visage, canalisant tout le courage que je peux, avant de le tirer d'un coup sec.
Un haut le cœur me prend. Je ne peux pas.
Je me précipite vers la poubelle que j'ai aperçue en entrant et rends tout ce que peut contenir mon estomac.
Ma gorge me brûle, mes larmes coulent à flot et mon nez dégouline mais ce n'est rien comparé à l'horreur qu'avait subie Woozi.
La bile m'irrite la trachée. Je tousse.
L'image est gravée dans mon esprit. Comme imprimée au fer rouge.
Je n'aurai pas dû venir, je ne suis pas assez fort pour encaisser ça.
Mes sanglots redoublent. Il ne méritait pas ça.
La bouille défigurée de l'oméga est incrustée dans ma mémoire, marbrée de nuances de violet, de bleu et de jaune. Le nez gonflé et violacée avait comme explosé sous un violent impact, l'arcade n'était plus qu'une bouillie d'os et de chaire. Les lèvres comme un magma de tissus sanguins.
Je régurgite une fois de plus de la bile.
Je sens une main se poser sur ma nuque et la frotter maladroitement. Je m'accroche à ce lien ténu pour me redresser les jambes flageolantes. Une bouteille d'eau apparaît sous mes yeux et je m'en sers pour me rincer la bouche tout en émettant un gémissement de remerciement.
Un bras entoure ma taille et me soutiens pour sortir de la salle. J'entends vaguement des paroles être échangées mais mes oreilles bourdonnantes ne me permettent pas d'en saisir le sens.
Une fois remonté à l'étage du dessus je reprends peu à peu mes esprits. L'image dévastée de mon ami s'encre derrière mes paupières et je me fais violence pour me concentrer sur ce qui se passe dans le présent. J'aurai tout le temps de pleurer Ji Hoon lorsque je serai sorti de là.
- Ça va aller ? Tu peux tenir debout ?
Je me défais de son emprise et m'appuie contre le mur en hochant la tête.
- Je suppose que c'était bien Lee Ji Hoon ?
J'hoche encore une fois la tête, sous le choc.
- On a une cellule psychologique pour suivre ce genre de traumatisme, je vais te donner leurs coordonnées.
A nouveau je manifeste mon accord par un simple mouvement, je suis incapable de faire quoi que ce soit d'autre. Je ne remarque même pas que l'alpha a abandonné le vouvoiement au profit d'un style plus familier. J'attends sagement dans le couloir, toujours adossé à un mur, qu'il revienne.
De retour il me tend une carte de visite que je range machinalement dans ma poche puis il me présente un second papier, plus large.
- Je ne peux pas te donner la lettre puisqu'il s'agit d'une preuve mais en voici une copie.
Je le remercie d'un signe de tête et me dirige vers la sortie ne remarquant même pas les regards inquiets ou curieux qui se posent sur moi.
Tel un zombie je rejoins mon appartement et me laisse tomber à même le sol de l'entrée. J'éclate à nouveau en pleurs et hurle ma peine au monde. Peu m'importe que cela gêne les voisins, j'ai tellement mal...
A peine conscient d'avoir sombré dans un sommeil dénué de rêves, j'émerge le cœur lourd et le corps endolori d'avoir dormi à même le sol. La copie de la lettre que m'a adressée Woozi dépliée sur le parquet me remémore en force la journée de la veille.
Les mots dansent sous mes paupières et se superposent à l'image du cadavre de mon ami. Incapable de travailler correctement et perturbant l'ambiance générale de l'établissement je m'étais retiré dans l'arrière-boutique, au calme.
Woozi me faisait confiance au point de me donner l'adresse exacte du lieu où il se rendait. Il m'avait laissé une lettre pour me remercier, pour parler un peu de lui, des moments agréables de sa vie. Il voulait que je sache qu'il n'avait pas été que malheureux en me laissant ce texte. Il m'avait parlé de ses voisins avec qui il s'entendait bien, de sa grand-mère qui l'avait pratiquement élevé. Et on lui a pris tout ça. Ses rêves, ses espoirs, ses souvenirs heureux. Tout n'est plus que désillusion et désespoir.
Peu à peu ma tristesse laisse place à une émotion plus sombre que je m'efforce en général de réguler : la haine. Comment a-t-on pu oser faire de telles atrocités à ce jeune homme plein de vie, cet être adorable qui ne demandait que de l'amour ? Comment est-ce que la police peut rester sans rien faire ? Comment est-ce que JE peux rester sans rien faire, rester à attendre que les autres agissent à ma place ? Cette fois je vais agir par moi-même, je vais trouver cet alpha, l'ex compagnon de Ji Hoon car je suis certain que c'était lui qui est derrière ce massacre.
- Wow, patron !
- Quoi Daehyun ?
- Tu devrais faire attention, on sent ta rage à des kilomètres à la ronde ça fait peur aux clients et ton loup est proche de la surface.
Mon employé me regarde, inquiet. Je me saisis de mon téléphone et regarde mon reflet dedans. En effet la bête n'est pas loin, mes yeux habituellement sombres virent à l'argent comme lorsque c'est elle qui prend le contrôle.
- Je vais rentrer chez moi, tu peux gérer la boutique ?
- Pas de soucis mais tu es sûr que ça va aller ? Tu ne veux pas appeler le service psycho dont t'a parlé l'inspecteur ?
Je sens qu'il est inquiet mais je ne peux plus rester les bras croisés.
- Ça va aller Daehyun, faut juste que je règle cette affaire et après ça ira mieux ?
- « Cette affaire » ? Celle de Woozi ? C'est pas une bonne idée Up', laisse la police s'en occuper.
- Ils n'ont rien Daehyun, ils n'arrivent même pas à trouver où est son ex. Je dois agir par moi-même, grondais-je.
- Fais pas de bêtises patron, je n'ai pas envie qu'il t'arrive un truc. On ne fait clairement pas le poids face aux alphas.
J'ignore sa remarque et quitte l'établissement.
De retour à mon domicile je me saisis de la lettre que j'avais laissée sur la table et m'installe dans le salon. Je la relis de long en large jusqu'à ce qu'une solution se dégage. Deux noms reviennent régulièrement dans le texte ; Hongbin et Inseong. Apparemment Ce sont deux des voisins avec qui Woozi s'entendaient bien, des colocataires. C'est ma seule piste mais si jamais j'arrive à trouver ces hommes je pourrais découvrir où habitait Woozi et son meurtrier.
Je passe les jours suivants à écumer les réseaux sociaux et passer des coups de téléphones. J'avais appelé le commissariat entre temps pour connaitre l'évolution de l'enquête mais personne n'avait rien voulu me dire, même pas s'ils avaient avancé dans leurs recherches ce qui m'avait conforté dans mon idée de vengeance solitaire.
Je ne sais pas vraiment ce que je ferais une fois que j'aurai trouvé cet homme, pour l'instant seule sa localisation compte.
Je confie la boutique à Daehyun le temps que je me consacre à la résolution de cette affaire. Je sais que mon idée ne lui plait pas mais je ne peux concevoir de reculer et laisser Woozi sans justice.
Ce n'est que près de deux semaines après avoir appris le meurtre de Woozi que je tombais sur une photo de lui encadré de deux hommes sur instagram. Après avoir jeté un œil dans les commentaires j'ai la confirmation que ce sont bien eux que je recherche. Heureusement pour moi Hongbin ne semble pas être quelqu'un de bien prudent puisque son quartier est inscrit sur son profil.
Remonté au maximum, j'enfile veste et chaussures à la hâte et prends le chemin que me dicte mon GPS. J'arrive sur les lieux près d'une heure plus tard et mets une heure de plus avant de trouver l'interphone au nom de Woozi. Une chance pour moi qu'il n'ait pas encore été enlevé.
J'attends quelques minutes que quelqu'un se décide à sortir et me glisse dans le hall avant que la porte ne se referme. L'angoisse commence à me prendre à la gorge mais je m'admoneste silencieusement et reprends mon périple.
Je trouve l'appartement recherché au cinquième étage. Les mains tremblantes et le souffle haché je prends un moment pour me calmer et rassembler mon courage.
Je toque contre le battant de métal.
La bête fait les cents pas dans mon esprits, plus nerveuse que jamais. Je la sens grogner, gronder et trembler de peur. Les alphas elle aime bien mais quand ils sont loin d'elle, un peu comme moi, alors que là on vient carrément pour en confronter un.
La porte s'ouvre sur un alpha brun aux oreilles décollées. D'abord surpris il hume rapidement l'air avant qu'un sourire carnassier ne vienne orner son visage. Je n'ai pas le temps de reculer malgré l'avertissement interne de ma bête qu'il me saisit par les cheveux et me propulse à l'intérieur de l'habitat. Couinant sous la douleur soudaine, je tente de me débarrasser de cette poigne. Il me relâche finalement avant de fermer à clé.
Les battements de mon cœur s'accélèrent sous la panique soudaine que je ressens. Même si je n'avais pas de plan d'avance ce qui est en train de se passer n'était pas du tout prévu et la tournure ne me plait vraiment pas. La panique m'obstrue la gorge et je sais qu'il la sent lorsque son rictus s'agrandit un peu plus.
- Alors c'est toi la petite traînée qui a aidé Woozi à me quitter...
Mon souffle se bloque dans ma gorge. La situation dérapait totalement, j'aurai dû écouter Daehyun mais il était trop tard pour les regrets.
- Et toi tu es celui qui le frappait... Tu es celui qui l'a tué...
- C'est qu'elle est perspicace la petite traînée !
Ce type se fout de moi, la situation l'amuse alors qu'il vient de reconnaître avoir tué mon ami. Ma bête grogne. Elle veut mordre cet être abject. Je la contiens, j'ai besoin de réponse et ce n'est pas elle qui pourra poser les questions.
- Pourquoi ?
- De ? S'amuse l'alpha.
- Pourquoi lui avoir fait ça ? Il ne méritait pas ça !
La stress combiné à la panique et à la peine fait craquer ma voix, lui donnant une intonation misérable. J'ai les larmes aux yeux mais cette fois je ne fais pas l'effort de les retenir.
- On ne me quitte pas !! Je suis l'alpha, il avait juste à m'obéir !
- C'est un être humain !
- C'était ! Et il était à moi ! Rugit l'homme.
Sans que je ne puisse réagir il se jette sur moi et me roue de coups.
- Tu me l'a pris ! C'est de ta faute s'il a voulu rompre notre lien, il n'avait pas le droit de me laisser. Il était mien !
La douleur irradie là où ses poings me percutent, la lèvre, le nez, la joue, les cotes. Je me recroqueville sur moi-même dans une tentative de me soustraire à cette violence qui se déchaîne. Je sens ma peau se fendre par endroit, mes os qui encaissent difficilement. L'odeur du sang éclot dans l'habitacle et m'oppresse.
La bête se presse contre ma conscience, elle veut attaquer, se défendre, nous défendre. Je la maintiens dans son carcan. Je suis plus solide qu'elle. Si elle a la volonté de se battre elle n'en a pas le physique mais elle n'en a que faire. Elle n'écoute que son instinct et elle veut profiter que l'homme n'ait pas utilisé sa voix d'alpha pour nous contraindre, pour contrattaquer.
Un coup plus violent que les autres me retourne sur le dos et je peine à reprendre ma respiration. La bête profite de mon inattention pour se faufiler dans la brèche de mon esprit et sortir. Elle prend ma place alors que je sens mon corps changer, mes os se casser pour mieux se réarranger, la chair fondre puis se recouvrir de fourrure.
La douleur du changement est insupportable.
Le corps à peine métamorphosé, mon esprit arrive au bout de ce qu'il pouvait encaisser. L'accumulation des coups, des émotions et de la transformation l'ont épuisé. Juste la conscience que le loup est aux commandes, qu'il gronde et je sombre dans le noir.
NDA :
Hey, je suis de retour avec un chapitre plutôt long ma foi ^^ J'adore lire des scènes de combats ou un peu glauques mais je suis totalement novice lorsqu'il s'agit d'en écrire. J'espère que ce n'aura pas été désagréable à la lecture ^^"
J'espère que l'histoire vous plait et merci d'avoir lu, de commenter et/ou de voter ^^
Dalion kiss :3
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