Chapitre 58
58.
Si je me souviens des paroles de Mme. Jefferson, elles sonnaient comme tel : Selvi fonçait. Toi, tu navigues.
Je me demande si elle nous qualifie tous avec ce genre de métaphore ?
J'imagine Jade comme l'eau qui filtre dans les rivières et les ruisseaux. Son débit peut diminuer en fonction de l'étroitesse du chenal, mais même un barrage ne peut totalement en arrêter le flux.
J'imagine Ioane comme le souffle dans une clairière. Blanca comme une tempête. Hyerin, malgré sa douceur, me fait parfois penser à un boulet de canon. Fonce. Navigue. Ruisselle. Souffle. Tempête. Détone.
Je compare Faisal aux oiseaux migrateurs, qui ne tiennent pas forcément en place, mais qui, au fil des saisons, regagnent différents points de ce qui compose leur maison. Migre.
Matthew, il donne l'impression de vivre à cent à l'heure et d'aller dans tous les sens sans réfléchir, et pourtant, à la fin de la journée, il ralentit la cadence à proximité des gens qu'il aime. Comme un astéroïde se reposant parfois dans une orbite familière. Gravite.
Fonce. Navigue. Ruisselle. Souffle. Tempête. Détone. Migre. Gravite.
Et Haru.
Haru me donne l'impression d'être un tout et un néant. Il m'apparaît comme une montagne aux reliefs indistincts, qu'on regarde de loin avec l'envie viscérale d'en étudier la moindre surface. Il s'érige du noyau de la Terre, se métamorphose, se formate, puis se libère. Plus je m'approche, plus je perçois les cratères de ce qui a un jour été un volcan. Des pierres battues à chaud. De la lave en fusion. J'ai l'impression que chaque pas me propulse vers une version plus crue et plus écorchée de qui il est. Ma prétention me pousserait à croire que je fais partie de ceux au plus proche de sa vérité.
Il grandit en s'écroulant sur sa propre matière. Il s'érige. Il est ce qu'il y a de plus proche d'une genèse.
Fonce. Navigue. Ruisselle. Souffle. Tempête. Détone. Migre. Gravite. Érige.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro