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Il s'avança dans l'appartement qui serait bientôt en friche. Quelqu'un avait disparu, et on s'affairait maintenant à faire disparaître ses effets, tout ce qui témoignait qu'une vie avait existé ici, pour laisser l'endroit à quelqu'un d'autre.
Lui n'en était pas vraiment l'ami. Il était une connaissance, un gars qui n'avait pas pu se déplacer pour l'enterrement, mais était quand même assez proche pour accepter d'aller lui dire au revoir une dernière fois, dans son appartement, et d'y prendre ce qu'il voulait.
L'ironie du sort voulait qu'il soit le premier à venir ici, alors qu'il était l'un des derniers à se souvenir de lui une semaine plus tôt. Eh oui, les connaissances d'école, ça en était là.
Il se promena dans le séjour, dans le salon, plutôt encombré, et dans la chambre, qui baignait encore dans une senteur de parfum et de déodorant. Il reconnut cette odeur, elle n'avait pas changé. Ce détail lui pinça le cœur, des souvenirs remontèrent. Il ne voulait pas pleurer, alors il changea de pièce, une qui ne montrerait pas trop de points personnels touchants.
Le bureau était la pièce la plus proche. À pas de loup, comme s'il craignait de déranger quelqu'un, il s'y dirigea, et respira l'odeur de papier apaisante qui planait dans l'air. Le silence qu'il y avait là, il ne savait pas comment le prendre, s'il devait le pleurer ou se sentir en-dehors du monde. Étrangement, il perçut une faible luminosité dans la pièce, qui ne venait pas de la fenêtre, car les volets en étaient baissés. Il s'avança.
Là, l'ordinateur était encore en veille. C'était étrange. L'enterrement avait eu lieu plus d'une semaine plus tôt, il devrait être éteint.
Comme pressentant que quelque chose de particulier émanait de l'ordinateur, il toucha la barre espace du bout du doigt, et sursauta quand l'écran s'anima d'un coup, affichant une page d'un site qu'il ne connaissait pas, où des commentaires à foison s'étalaient sur le profil de son ex-connaissance. Les réseaux sociaux se ressemblaient tous, alors il repéra que tous ces pseudos étaient ceux de ses abonnés, et qu'il en avait plusieurs centaines. Il sourit pour lui-même. Même mort, son ami captivait encore. Il se pencha sur ces commentaires. De toute façon ils étaient publics, alors il ne violait rien du tout.
Quand publieras-tu la suite ??? J'ai trop hâte !
Bravo pour les 300 ! Cap sur les 500 !
Tu qs annoncés une istoire pour bientôt nn ? Elle sortiras quand ??
Voir tes updates illumine mes journées, j'espère que tu continueras encore longtemps :)
Il lut beaucoup de ces commentaires, et malgré lui, ses yeux s'emplirent de larmes. Alors son ami publiait des histoires. Personne ne le lui avait dit. Et personne ne le savait, sans doute. Il trouva cette situation immensément triste. Il voulut prévenir tous ces gens que leur auteur favori était parti, mais il ne sut comment le leur annoncer. Il n'était qu'un inconnu. Il était le moins légitime pour faire ça, et en même temps, comment trouver les mots ? Lui n'était pas auteur, et était mauvais pour expliquer quoi que ce soit à l'écrit.
Il décida de chercher les histoires écrites par son ex-connaissance. Pour le revoir, d'une certaine manière.
Les premières lignes le firent pleurer. Il ne comprenait même pas ce qu'il lisait, il reconnaissait juste cette manière de tourner les phrases, cette ironie mal placée, ces blagues qui ne font rire qu'une mince partie de la population, celle capable de coexister avec ses voisins sans arrières-pensées. Encore une fois, l'envie de dire que l'auteur ne reviendrait pas se fit pressante, mais en même temps, ce n'était pas son histoire à lui, il n'avait pas le droit.
Mais faire espérer des gens indéfiniment ? C'était cruel.
Il prit le clavier, entama un message, le recommença mille fois, et le posta. Puis il se releva sans lire les réactions, et quitta l'appartement sans rien prendre, pris d'un gros syndrome de l'imposteur. Il avait fermé la session, et elle ne se rouvrirait pas.
Peu se rendent compte de l'impact qu'a une histoire. En commencer une en fait vivre des milliers d'autres. Parallèlement, si une fin fait sourire ou pleurer, elle clôt des esprits. Et laisser une histoire en suspens est la chose la plus cruelle qu'on puisse faire à un esprit, car on n'a pas le droit de le priver de son histoire.
Réaction de la première lecture :
Ce que tu penses avoir compris :
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