« NON ! NON, NON ET NON ! »

L'ordinateur de bureau se fracassa sur le sol avec une violence à faire peur. À l'autre bout de la pièce, le jeune homme se pressait contre le mur en but de disparaître dedans.

« Si ? Contredit-il maladroitement, ne tenant manifestement pas beaucoup à la vie.

— NON ! Je ne peux pas accepter ça, est-ce que tu te rends compte de ce que tu me demandes de faire ? Ce ne sont pas que des mots sur une page, ce sont... c'est tellement plus pour la personne qui les a écrits ! Tu es un sans-cœur de- »

Elle perdit ses mots. Lui, c'était son directeur de secteur dans l'entreprise, et à elle, qui corrigeait des livres dans cette prestigieuse maison d'édition, il lui ordonnait de réécrire les plus gros romans du XIXe siècle pour qu'ils ne choquent pas les nouvelles générations.

« Arrête, on ne peut pas- C'est impossible de- d'effacer des mots, des phrases mythiques, pour soi-disant plaire à un public plus large ! Lire Les Misérables, c'est lire Les Misérables, pas un roman à l'eau de rose ! Les descriptions qui sont là, c'est impossible de les radoucir sous prétexte que c'est inadapté ! S'emporta la jeune femme. »

Le jeune homme devant elle ne bougea pas du mur, mais rétorqua :

« Si. Et tu vas le faire.

— Non.

— Pourquoi ? Râla le plus élevé hiérarchiquement. C'est ton métier.

— Mon métier c'est de corriger des livres pour propulser des jeunes auteurs vers le haut, pas... pas assassiner des chefs-d'œuvres qui ont fait vivre des générations entières !

— Tu exagères.

— Non."

Bref silence. Elle reprit plus doucement :

" Je ne peux pas faire ça, parce que je sais que je ne le supporterais pas si on me le faisait à moi.

— C'est-à-dire ?

— C'est-à-dire que si j'expose l'histoire qui anime mes pensées dans un livre, que je la rends parfaite à mes yeux pour la partager correctement, que je prends le soin d'utiliser les mots qui me font vibrer et vivre l'histoire, et que je publie ça au yeux du monde entier, c'est pas pour que quelques siècles après on chie dessus allègrement et on change ce que j'ai si soigneusement choisi pour ''''''l'adapter'''''' ! Si les gens ne sont pas contents, qu'ils lisent autre chose ! La littérature française est suffisamment fournie, et les histoires d'aujourd'hui n'ont pas encore le prestige de celles d'hier, mais elles sont adaptées, elles !

— Ça va les vexer que tu dises ça.

— Rien à foutre. Je n'ai jamais vu de gens aussi susceptibles de ma vie de toute façon. »

Réaction de la première lecture :

Ce que tu penses avoir compris :