• Human •
"Au fond, qu'est-ce qui rend les humains si supérieurs aux autres ?"
Encore un débat stupide entre des gens stupides qui fument et font des choses stupides. Il en avait marre.
Se poser des questions dont on n'a pas les réponses n'a aucun intérêt. Prétexter qu'on en cherchera les réponses ensemble non plus, on finira juste par se gueuler dessus et se faire la gueule pendant deux mois.
Il s'ennuie. Autour de lui, les questions fusent encore.
"Et puis, c'est quoi être un humain ? Continue le con en tirant une taffe de plus, n'écoutant même pas ce qu'il dit lui-même. Qu'est-ce que ça fait ?"
Dans le pays des cons je demande le gourou.
"Être un humain c'est exister, dit soudain l'ennuyé, ouvrant la bouche pour la première fois de la soirée.
— Les plantes vertes existent aussi.
— Je ne remets pas tes origines en doute. En ce qui me concerne, j'ai expérimenté toute ma vie le fait d'être un humain et je n'ai aucune question par rapport à ce que ça fait de l'être.
— Genre ? Le relance l'autre, tellement dans les vapes qu'il ne se rend pas compte qu'il se complaît dans l'image qu'on vient de dépeindre de lui.
— Imagine que t'es mort. Que t'existes plus.
— Ouais.
— Il y a plus rien. Du noir, du silence. Qu'est-ce qui a disparu ?
— La vie ?
— Ça c'est une certitude, soupira l'ennuyé, les yeux levés au ciel. Non, qu'est-ce que tu n'entends plus ? Qu'est-ce que tu ne sens plus ?
— Mon... Corps, lâche le con avec une lenteur exaspérante, ses yeux vagues orientés vers ceux de l'ennuyé, qui mouche tout le monde à disserter sur une question d'apparence aussi futile.
— Ouais, quoi d'autre ?
— L'air. Mes poumons. Et mes pieds sur le sol aussi.
— Et si on oublie les points physiques, qu'est-ce que tu n'as plus non plus ?"
L'autre réfléchit, son regard ne bougeait pas pourtant, mais ses iris étaient sensiblement plus absents que précédemment.
"Je sais pas.
— Du tout ?
— Nan. Si t'as plus de corps, t'as plus rien.
— Parce que tu ne te considères que comme un corps ?
— C'est ce qu'on est.
— Non."
Il le regarda bizarrement.
"Quoi, t'es pas un corps toi ? Alors t'es un arbre ? Une planète ?
— Ne sois pas stupide. Ce qui distingue l'homme des animaux et du reste de la population terrestre et maritime, c'est son esprit. Son intelligence. Les philosophes de l'antiquité s'en étaient déjà rendu compte, tu sais.
— Et qu'est-ce que ça a à voir avec la mort ?
— Si tu es mort, tu ne penses plus. Il n'y a absolument plus rien dans ta tête. D'ailleurs, tu n'as même plus de tête. Tu es mort. Parti. Débranché. Et tu n'existes plus."
Le silence de l'autre fut plus long. Il se figurait la chose.
"Tu n'as plus rien, tu ne respires plus, tu n'as plus de cœur qui bat et te rappelle que tu es là, tu n'as plus d'esprit, de pensées ou de musiques qui te traversent la tête, tu n'as plus d'émotions, et ça, ça te transforme en quelque chose de si vide, tu t'en rends compte ?"
L'autre hocha vaguement la tête, son regard toujours perdu dans le vide.
"Tu n'as plus de sensations, de toucher, tu es complètement intangible, et tu ne ressens pas la joie, l'amour, la peine, pas du tout, tu as déjà ressenti un creux aussi profond dans ta poitrine ? Un froid si prenant ? Imagine que ça t'envahit de la tête aux pieds, que tu ne peux plus bouger, complètement paralysé, tu ne peux plus respirer, tu étouffes, et là du vent passe dans ton crâne, et tu sens qu'il n'y a plus rien, que ton corps est un trou, que tu n'es même pas capable d'en avoir peur. Parce que tu es mort.''
La pièce était silencieuse. Lui se leva et partit. Parce que c'est ce que font les vivants qui s'ennuient.
Réaction de la première lecture :
Ce que tu penses avoir compris :
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