• Draw •
« Pourquoi tu dessines que des bonhommes sans visage ? »
Il releva la tête de sa feuille, et croisa le regard de ce petit garçon qui aimait passer dans l'étude du lundi soir pour regarder les étudiants travailler et les détendre en parlant avec eux ; c'était un enfant curieux et gentil, alors le directeur le laissait faire ce qu'il voulait, après tout il distrayait les travailleurs et les faisait sourire au milieu de leur dur labeur. Il était calme et intelligent, il ne faisait de mal à personne.
Il n'était encore jamais venu le voir, lui qui était souvent assis seul dans un coin de l'étude, et l'enfant avait ses connaissances habituelles de l'autre côté alors il n'avait jamais tenté d'aller le voir ; peut-être qu'il était un peu intimidé aussi. Il fut donc surpris de voir le petit visage sage de l'enfant au-dessus de sa table, regardant ses schémas pour son cours de dessin.
« Qu- Pardon ? Balbutia-t-il en réponse, tellement surpris de cette apparition qu'il n'avait pas écouté la question.
— Pourquoi tu ne dessines que des bonhommes sans visage ? Répéta docilement le petit garçon en posant son doigt sur la feuille, désignant le visage vide de son schéma d'une femme à genoux.
— Parce que ce n'est pas de faire le visage qui m'intéresse, dit-il doucement pour ne pas lui faire peur — mine de rien, cet enfant était assez timide. Et on dit bonshommes, mon grand. »
L'enfant pencha la tête et aperçut une autre feuille sous celle qu'il était en train d'utiliser — en même temps, il devait bien en avoir cinq posées les unes sur les autres, il n'avait pas pris la peine de les ranger au fur et à mesure qu'il les sortait.
« Et ça c'est des bonh- bonshommes aussi ? Demanda le petit garçon en montrant le plus petit bout de dessin qui dépassait, tout en dessous de la pile.
— Non, c'est le... surveillant de l'étude, bafouilla le jeune homme, qui avait failli dire 'pion'. Je me suis servi de sa silhouette pour m'entraîner. »
L'enfant hocha la tête en tirant le dessin pour mieux le voir, et finit par prendre la feuille pour l'étudier. L'étudiant le regardait faire, silencieux.
« Tu ne fais pas bien sa tête, remarqua le petit garçon après quelques secondes d'observation. Il est plus penché sur sa feuille quand il fait l'appel. Et ses épaules ne sont pas aussi rondes.
— Tu t'y connais en dessin ? Demanda l'étudiant, étonné qu'il ait remarqué ça si vite au lieu de dire 'ouah trop beau' comme n'importe quel autre enfant de son âge.
— Pas autant que toi, rougit le petit en se sentant être écouté par un grand. Mais j'aime bien dessiner des gens.
— Tu fais leur corps en entier ou juste leur visage ? S'intéressa davantage le jeune homme en se penchant vers lui.
— Euh... attends, je te montre, bafouilla le petit garçon en partant prendre son sac, à l'autre bout de l'étude. Tiens, souffla-t-il ensuite, content, en lui tendant un paquet de feuilles soignées. »
Le plus âgé commença à examiner les dessins au crayon, voire au stylo, pendant que l'enfant babillait à côté de lui sur comment il avait fait pour tracer telle ou telle silhouette ; cependant, au fur et à mesure que les esquisses défilaient, il se rendit compte que tous étaient faits sur un sujet et dans un style différents, mais ils avaient un point commun : tout était... triste. Les arbres de ce paysage étaient penchés dans un mal-être mélancolique, les yeux de cet homme étaient pleins de larmes, cette femme était recroquevillée sur elle-même, ce vieillard avait le regard morne, cette explosion de couleurs et ces traits faisaient mal au cœur.
« Tu ne fais pas de gens heureux ? Lui demanda-t-il en priant pour que l'innocence de cet enfant lui avoue directement ce qu'il avait dans la tête.
— Ils n'ont pas l'air heureux ? Répondit le petit garçon en se penchant sur ses esquisses. Moi j'aime bien.
— Tu aimes bien les gens tristes ? Répéta le jeune homme, interloqué.
— C'est pas bien ? S'inquiéta l'enfant, soudainement effrayé.
— Si c'est comme tu veux, le rassura l'étudiant en feuilletant les pages qu'il avait dans les mains, se donnant des claques en lui-même pour autant manquer de délicatesse. Mais qu'est-ce qui te fait choisir de faire ces gens tristes ? »
L'enfant se perdit dans une réflexion profonde, ses lèvres formant une moue tandis qu'il regardait ses créations.
« C'est plus facile, lâcha-t-il après un moment ressenti comme insoutenable au plus âgé. Il y a plus de choses à voir quand le dessin est triste. Et puis, la joie et les gens heureux ils n'ont que des sourires, alors que y'a tellement plus de trucs à montrer quand c'est triste. T'es pas d'accord ? »
Et l'étudiant ne sut pas quoi lui répondre.
Réaction de la première lecture :
Ce que tu penses avoir compris :
QUESTION BONUS :
Comment décrire cet enfant ?
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