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One shot - La bague

L'océan était étonnamment calme ce matin.

Seul un léger clapot ridait la surface de l'eau et de minuscules vaguelettes venaient à peine lécher l'estran.

Ce devait être marée basse, pensa Sylvain en voyant le sable mouillé.

Le soleil montait doucement au dessus de l'horizon, inondant la plage d'une pâle lumière rose magnifique.

Par ce temps clair on distinguait nettement, au loin là-bas, l'Ile d'Aix avec, juste devant, la silhouette caractéristique du fort Boyard.

Sur la droite, plus loin encore, on devinait la masse sombre et aplatie de l'Ile d'Oléron dont la pointe se terminait par le phare de Chassiron, bien visible lui.

Un beau paysage bien dégagé que ne venait troubler aucun bateau de plaisancier à cette heure matinale.

Sylvain connaissait cette vue par cœur mais ne s'en lassait pas. Les couleurs n'étaient jamais les mêmes.

Combien de fois pourrait-il encore contempler ce sublime lever du jour, ne put-il s'empêcher de se demander. Avec la saloperie qu'on venait de lui diagnostiquer, sans doute pas bien longtemps.

Cancer du rein, métastasé.

Il avait fait des recherches, avec internet c'était désormais facile. Et ce qu'il découvrit lui donna froid dans le dos : sur ce genre de truc pris à un stade aussi avancé, même en retirant rapidement le rein et la tumeur l'affectant, seuls 10 à 15 % des malades sont encore vivants au bout de deux ans...

Il se força à ne plus y penser et respira l'air iodé à pleins poumons, écoutant les cris stridents des mouettes.

Lorsque le soleil quitta sa belle teinte orangée pour commencer à briller vraiment, il se leva, ôta ses chaussures et descendit sur la plage dont le sable était encore froid de la nuit.

Marchant un peu courbé, il se mit à la recherche de ses trésors habituels : des morceaux de verre usés, polis par la mer et le sable du ressac.

A chaque fois qu'il venait, il en trouvait de nouveaux, de toutes sortes et de toutes tailles, apportés là par la marée.

Sa femme Eléonore les utilisait pour décorer de gros pots à fleurs en terre cuite qui prenaient ainsi de singulières allures multicolores avant d'accueillir des agaves bleus du Mexique.

Cela constituait une sorte de prétexte, de nuance qui lui plaisait : au lieu de venir à la plage voir le lever du soleil en ne faisant rien, Sylvain venait là ramasser des verres polis et en profitait pour admirer le lever du soleil...

La plage n'était pas bien grande et, contrairement aux deux autres que comptait la ville, qu'on nettoyait le soir ou au petit jour avec un tracteur tirant une sorte de herse, ici, quelques employés municipaux passaient grossièrement un coup de râteau à la main. Cela suffisait.

Il trouva quelques tessons de bouteille verts et un ou deux autres bleus, tout usés et plats comme des caramels mous qu'on aurait sucés puis aplatis contre son palais avec la langue. C'était là ce qu'on ramassait le plus fréquemment, les autres couleurs étant plus rares.

Arrivé quasiment au bout de la plage, il allait faire demi-tour le long des énormes rochers constituant les bases de la grande digue lorsque l'éclat d'un nouveau morceau de verre attira son regard.

Une chance qu'il l'ait vu, pensa-t-il, car le tesson brillant, rouge cette fois, avait été presque entièrement recouvert de sable, sans doute une heure plus tôt par le râteau des employés chargés de traquer mégots et autres immondices abandonnés la veille par les baigneurs.

Il ramassa l'objet et l'examina, surpris : il ne s'agissait pas d'un tesson mais d'une bague. Une belle bague en métal blanc, comme de l'argent aurait-on dit, sur laquelle était sertie une magnifique pierre de forme ronde d'un beau rouge profond.

Machinalement, il essaya de la passer à son doigt et s'aperçut qu'elle était d'une taille faite pour un homme, ce que suggérait aussi son aspect d'ensemble.

Il se dit que le gars qui avait perdu ce bijou devait sûrement le regretter.

Il la mit dans sa poche bien profondément et continua ses recherches.

Au bout d'une heure, il avait trouvé quelques verres qui satisferaient sa femme et décida de rentrer. A marcher courbé comme cela, il attrapait vite mal au dos et c'était assez pour ce matin.

Arrivé à la maison, il vida son petit sac, rinça les tessons de verre sous l'eau puis les porta dans l'appentis qui servait d'atelier à son épouse pour ses travaux de décoration.

Une fois revenu dans la cuisine, il sortit la bague, la nettoya soigneusement avec un chiffon et l'ausculta avec une grosse loupe.

Aucun poinçon nulle part sur l'anneau. Difficile de dire de quel métal il s'agissait...

Il la passa à son annulaire droit : parfaitement ajustée à la taille du doigt, comme faite sur mesure.

Et lui qui ne portait jamais le moindre bijou trouva qu'elle lui allait bien. Le rouge sombre magnifique de cette pierre lui faisait une main distinguée.

- Ah, je ne t'avais pas entendu rentrer, dit Eléonore en arrivant dans la cuisine.

Elle avisa la main de Sylvain avec la bague dont il était en train de mirer la pierre à travers sa loupe :

- Mais, où as-tu eu cette bague ? lui demanda-t-elle.

- Je l'ai trouvée dans le sable en te ramassant des verres polis. Elle était aux trois-quarts enfouie par les coups de râteau des employés municipaux. Je me demande qui a pu la perdre. Elle est jolie, tu ne trouves pas ?

- Si, si, effectivement. Fais-moi la voir de près ?

Il enleva la bague et la lui tendit avec la loupe.

- La pierre est superbe dit-elle, mais je ne sais quelle en est la matière. Je n'ai jamais vu ce genre de rouge à la fois profond et soutenu. C'est curieux, elle donne l'impression d'être remplie de liquide tellement son reflet est changeant. Dommage cependant qu'elle ait cette petite impureté au milieu, encore que ça lui donne un genre. Quant à la monture, on dirait bien de l'or blanc mais là encore, je ne suis sûre de rien car dans ce cas, on devrait voir un poinçon... Que vas-tu en faire, la porter aux objets trouvés ?

- Bof, dit-il en dodelinant de la tête et en fronçant les sourcils. Elle me va au poil, juste à ma taille. Je sais que ce n'est pas bien mais...

- Tiens, toi qui ne portes pas de bijoux hormis ton alliance, elle te plaît à ce point ?

Il remit la bague à son doigt et montra sa main.

- On la dirait faite pour moi.

- Oui, c'est vrai. Eh bien, garde la, tant pis pour celui qui l'a perdue !

- Comme tu dis, fit Sylvain.

Du coup il la garda à l'annulaire droit.

*******

Quelques jours plus tard, Sylvain passait un nouveau scanner en vue de l'intervention chirurgicale pressentie dans les semaines qui suivraient.

Dans ce genre d'endroit, on vous assigne une petite cabine dans laquelle vous vous déshabillez partiellement avant qu'une infirmière ne vienne vous poser un cathéter destiné à vous injecter le produit de contraste pendant que le scanner prend les clichés.

Une fois le scanner terminé, vous regagnez la cabine, l'infirmière vous enlève le cathéter et vous attendez qu'un médecin radiologue spécialisé vienne vous voir.

Sylvain attendait ainsi dans sa cabine depuis 15 bonnes minutes à l'issue de l'examen lorsque la porte coulissante s'ouvrit.

C'était le radiologue.

Il serra la main de Sylvain sans un mot et s'assit sur un tabouret, l'air grave.

Pas bon signe, ça...

- Avant toute chose, éliminons toute possibilité de confusion, dit le médecin. Vous êtes bien M. Sylvain Cottin ?

- Oui, dit Sylvain avec un brin de lassitude parce que cela devait faire quatre fois qu'on le lui demandait, ainsi que sa date de naissance, depuis qu'il était arrivé.

- Ecoutez, Monsieur Cottin, je ne vais pas y aller par quatre chemins : il y a quelque chose qui m'échappe. Soit j'ai la berlue, ainsi d'ailleurs que mes collègues, soit il y a eu un miracle.

Sylvain le regarda sans comprendre. Ce toubib aimait apparemment ménager ses effets.

Il faut dire qu'il y avait de quoi, à entendre ce qui suivit :

- Nous venons de nous mettre à trois pour regarder attentivement les clichés pris par le scanner. Je dis « nous mettre à trois » car, comme je ne croyais pas ce que je voyais de mes propres yeux, j'ai appelé mes confrères : aussi impensable que cela puisse paraître, vos clichés sont normaux. Aucune tumeur dans le rein ni nulle part, aucune métastase visible, aucun nodule décelable. Par rapport au précédent examen, on serait même tenté de croire qu'il y a erreur sur la personne mais nous avons vérifié, ce n'est pas le cas.

Le médecin avait l'air abasourdi. De toute évidence, cela dépassait son entendement.

- Mais, vous êtes sûr, je veux dire...

- Absolument sûr et certain. Nous ne comprenons pas. Je n'ai jamais vu ça.

Sylvain avait l'impression de recevoir un grand coup sur la tête. Il essaya d'avaler sa salive.

- Vous êtes en train de me dire qu'on m'a annoncé voilà un mois et demi que j'étais pour ainsi dire foutu et que ce n'est pas vrai ? demanda-t-il alors qu'en même temps qu'un immense soulagement le gagnait, il sentait tout à la fois la colère l'envahir. Mais vous vous rendez compte ? Où est le type qui a interprété mes clichés le mois dernier, cria-t-il, je vais lui dire deux mots ! Et le chirurgien que j'ai vu qui a confirmé une erreur pareille ! Mais on se fout du monde, là-dedans !

Le médecin le regarda, pensif, avec des yeux ronds comme un hibou et dit :

- Je comprends votre désarroi et votre colère mais ce n'est pas une erreur, Monsieur Cottin. Le scanner du mois dernier montre clairement un cancer avancé et celui que vous venez de passer ne montre plus rien. Je ne sais pas quoi vous dire, sauf que vous semblez hors d'affaire, ce qui est une bonne nouvelle, avouez-le. Nous allons essayer de comprendre, avec mes confrères...

Sylvain quitta la clinique et monta dans sa voiture comme un robot.

*******

- Mais ils en sont sûrs ? demanda sa femme. Comment est-ce possible ?

- Je n'en sais rien et visiblement eux non plus. Je suis certes croyant, mais pas au point de m'imaginer avoir été l'objet d'un miracle ! A mon avis, il y a eu une erreur la première fois : ces cons là ont dû se gourer de nom sur les clichés et bien sûr, maintenant ils ne vont pas le reconnaître ! En tout cas, voilà le truc.

Il lui montra une nouvelle fois le compte-rendu accompagnant les clichés, lequel mentionnait sans ambiguïté qu'il était exempt d'affection cancéreuse.

- Putain alors celle-là ils me la copieront ! s'écria-t-il en sautant de sa chaise et en prenant Eléonore dans ses bras.

On n'entendait pas souvent ce genre de juron dans la bouche de Sylvain.

Il la serra à l'étouffer et l'embrassa.

- Quelle heure est-il ? demanda-t-il en regardant la pendule. Midi moins le quart. C'est l'heure de l'apéro ! On va arroser ça !

Il était fou de joie. Eléonore aussi, bien sûr.

Cela pouvait se comprendre : mourir à 62 ou 63 ans, quasiment sans avoir profité de sa récente mise à la retraite ! Cette affreuse perspective s'envolait.

C'était presque comme si une nouvelle vie commençait pour Sylvain.

Que le Ciel en soit remercié, pensa-t-il.

Ils trinquèrent en riant de bon cœur.

Le soir, ils allèrent dans leur restaurant préféré pour fêter la bonne nouvelle.

Le chirurgien, à qui l'équipe du scanner avait dû se dépêcher d'expliquer les choses par téléphone, reçut Sylvain en urgence. Il excluait toute possibilité d'erreur sur la personne et confirmait le diagnostic découlant des derniers clichés, ne comprenant pas, lui non plus, cette soudaine guérison. La science allait d'ailleurs se pencher sur ce cas, assurait-il.

Il se passa trois ou quatre jours avant que Sylvain ne retourne chercher des verres polis à la plage.

Une nouvelle fois, la lumière du matin était splendide. La marée montait et l'eau envahissait peu à peu la plage mais, compte tenu du petit coefficient d'amplitude à cette époque, Sylvain savait qu'une large bande de sable resterait découverte, laissant bien assez d'espace pour chercher sa verroterie.

Il marchait courbé en scrutant le sol lorsqu'apparut soudain à sa gauche, les mains dans le dos et marchant tranquillement à ses côtés dans le sable mouillé, un type qu'il n'avait pas vu arriver.

- Bonjour, lui dit-il.

- Bonjour Sylvain, répondit l'inconnu d'une voix de basse.

Surpris, il tressaillit et s'arrêta. Se redressant, il dévisagea l'homme qui soutenait son regard et se rendit compte qu'il ne le connaissait pas.

L'inconnu, entièrement vêtu de noir, était très brun avec de gros sourcils et une sorte de petite barbichette pointue.

- Pardonnez-moi, monsieur, mais je ne crois pas vous connaître. Comment savez-vous mon prénom ? demanda-t-il, abasourdi.

- Laissons cela, dit l'homme de sa voix très grave. Ca n'a aucune espèce d'importance que je connaisse votre nom et votre prénom. J'ai une question beaucoup plus importante à vous poser : que pensez-vous de la bague et de ses vertus ?

En disant cela, il montra de son index la main droite de Sylvain où brillait la pierre rouge.

- Je ... Cette bague est à vous ? Je l'ai trouvée ici, dans le sable, il y a une quinzaine de jours. Elle est jolie et...

- Oh ça, je le sais que vous l'avez trouvée, coupa l'inconnu. Vous l'avez trouvée ici parce je l'y ai mise précisément à cet effet. Je ne parlais pas de sa beauté ni du fait que vous l'ayez gardée, mais de ce que vous pensiez de ses vertus ... disons ... thérapeutiques.

- Mais, que voulez-vous dire ? Et puis d'abord, qui êtes-vous ?

- Ce que je veux dire ? Vous ne croyez tout de même pas, cher ami, que vous avez spontanément guéri du cancer qui vous rongeait...

- Je ne comprends rien. Comment avez-vous entendu parler de cette histoire de cancer ?

- Ce cancer a disparu de votre corps grâce au pouvoir de la bague que je vous ai ... prêtée, c'est-à-dire grâce à mon immense pouvoir, dit l'homme en appuyant exagérément sur le mot « immense ». Vous devriez me remercier.

- Mais qui êtes-vous à la fin ? cria Sylvain.

L'inconnu le regarda d'un air étrange. Il arborait un sale sourire et au fond de ses yeux s'alluma une inquiétante lueur couleur de braise.

- Nous y venons. Croyez-vous en Dieu ? demanda-t-il.

Sylvain se dit qu'il avait une hallucination. Son cœur battait la chamade. Ce type inspirait une frayeur incroyable. Il se dégageait de lui quelque chose de maléfique. Oui, maléfique, c'était le mot.

- Oui, je crois en Dieu, enfin ... comme tout le monde, s'entendit-il balbutier.

Le type partit d'un rire sardonique.

- Ah ah ah ! Alors, si vous croyez en Dieu ... comme tout le monde, vous devez croire au Diable ... comme tout le monde, non ? fit-il, reprenant son affreux ricanement.

Sylvain n'osait comprendre. Il était tétanisé par la peur, statufié. Le regard de l'autre était devenu insoutenable.

- Vous êtes cinglé, souffla-t-il.

- Allons, Sylvain, restons poli. Maintenant que vous avez compris, venons-en à l'objet de ma visite.

- Vous êtes cinglé ! Vous vous prenez pour le Diable ?

- Je ne me prends pas pour le Diable, dit l'autre. Je suis le Diable.

Ce disant, il se retourna et regarda ironiquement par terre, derrière eux.

Sylvain regarda à son tour et crut défaillir : dans le sable, là où ils avaient marché quelques mètres côte à côte, il vit ses propres traces de pas qui descendaient très logiquement de la jetée et se prolongeaient jusque sous ses pieds.

Mais à côté de ses traces apparaissaient subitement d'on ne sait où, sur trois ou quatre mètres en arrière, les traces de l'inconnu, comme s'il avait surgi du néant.

Et ce n'était pas tout : alors que l'inconnu portait des chaussures, les traces dans le sable mouillé étaient celles d'un pied fourchu !

- Etes-vous convaincu ? lui demanda celui qui se prétendait le Diable. Non ? Pas encore ?

Alors qu'il se trouvait sur le côté gauche de Sylvain, il disparut en un éclair et réapparut du côté droit.

Sylvain tomba à genoux et fit un signe de croix.

Le Diable recula de deux pas et tendant la main vers lui comme pour le repousser, siffla d'un air furieux sans desserrer les dents :

- Ne commencez pas ces simagrées sinon je vous reprends la bague et vous mourrez. Relevez-vous, imbécile, et ne faites plus ce signe en ma présence.

Sylvain s'exécuta comme dans un rêve.

- Ecoutez-moi bien, Sylvain. Sans cette bague que je vous ai concédée, qui vous assure la santé et une trèèèèèès longue vie, vous seriez mort dans moins d'un an emporté par la maladie, dans la déchéance physique et les souffrances aggravées par des traitements médicaux inutiles. Vous voici guéri. Mais toute chose comporte un prix à payer. Je suis aujourd'hui venu vous indiquer quel est ce prix.

- Un pacte, dit Sylvain dans un souffle, c'est ça, un pacte, vous voulez mon âme !

Le Diable sourit.

- Non, elle ne m'intéresse pas. D'ailleurs, vous êtes trop croyant, vous ne me la donneriez pas contre quoi que ce soit. Non, il s'agit d'une chose plus terre à terre dirons-nous, mais qui m'importe énormément. En échange de ce petit service qui est largement à votre portée, je vous laisserais cette bague définitivement.

Sylvain était un homme très pragmatique. Même dans ces conditions et avec un tel interlocuteur, il fallait au moins connaître les termes du marché.

- Que voulez-vous ? demanda-t-il finalement.

- C'est très simple, dit le Diable en le regardant sournoisement par en-dessous. Dans l'église d'Abzac, en Charente, se trouvent notamment deux petites châsses renfermant l'une les reliques de Saint Lucius, l'autre les reliques de Saint Emerite. Pour des raisons tenant à mon ... statut, que vous comprendrez aisément, je ne puis entrer dans une église, ce qui n'est pas votre cas. Or il se trouve que j'ai grand besoin, ne serait-ce que d'une seule, des reliques de Saint Lucius. Si vous me procurez l'un de ces objets, la bague est à vous.

- Vous me demandez de voler une relique sacrée dans une église en échange de ma santé et d'une vie très longue ?

- Oui. Vous avouerez que c'est bien payé pour un bout de chiffon.

- Mais, que voulez-vous en faire ?

- Cela, cher ami, est mon affaire. Réfléchissez, je reviendrai vous voir ici même afin de connaître votre réponse. En attendant ce moment, ne parlez à personne de notre petite affaire et n'essayez pas d'enlever la bague, ce n'est plus possible tant que vous ne m'avez pas répondu. Sauf à vous couper le doigt, ou la main, rajouta-t-il en levant l'index.

Sylvain n'eut pas le temps d'en demander plus, il avait disparu.

En le voyant rentrer ce matin là avec ses morceaux de verre, Eléonore vit bien que Sylvain avait l'air bizarre. Il lui dit qu'il se sentait fatigué mais ne lui parla pas de l'entrevue sur la petite plage : Eléonore ne croyait en rien, ni à Dieu ni au Diable. Elle l'aurait pris pour un fou.

Il ne dormit pas de la nuit, ni les nuits suivantes d'ailleurs.

C'était si tentant...

Abzac se trouvait à 150 kilomètres, deux heures de route tout au plus. Que risquait-il à aller voir ?

Il inventa une fumeuse histoire de pêche aux tellines à l'Ile d'Oléron pour s'absenter le surlendemain matin de bonne heure et se rendit à l'église d'Abzac.

Les reliques se trouvaient enfermées au sein de l'église dans une petite chapelle protégée par une solide grille métallique, mais celle-ci ne comportait pour toute fermeture qu'un cadenas, lequel, pour solide qu'il parût, ne résisterait pas longtemps à un coupe-boulons.

Techniquement, cela ne posait donc pas de vrai problème. Il suffisait de pénétrer la nuit dans l'église dont la porte n'avait, elle non plus, rien qui puisse arrêter un homme outillé et décidé.

Restait à s'arranger avec sa conscience...

S'il volait la relique et que le Diable tenait parole, certes il vivrait encore longtemps et en bonne santé, mais après ? Quels comptes aurait-il à rendre ? Car il faudrait bien qu'il meure un jour.

Profaner une châsse pour voler une relique sacrée ayant appartenu à un Saint !

Pour le coup, si l'Enfer existait, et cette fois il n'avait plus guère de raison d'en douter, il risquait fort après sa mort d'y être reçu par son « ami » de la plage...

D'un autre côté, mourir dans un an et de cette façon...

Il se décida en rentrant.

Ou plus exactement en achetant un kilo de tellines au marché. Il fallait bien donner le change à Eléonore !

Le lendemain, il faisait beau et il retourna à la plage avec son petit sac à ramasser les morceaux de verre.

A peine était-il à l'œuvre que le Diable apparut à sa gauche tout comme la dernière fois.

- Bonjour Sylvain, dit celui-ci.

- Bonjour, répondit tout court Sylvain qui ne savait comment nommer cette créature.

- Alors, avez-vous pris votre décision ? Faites-moi plaisir !

- Qu'est-ce qui me prouve que, si j'accepte, vous tiendrez votre engagement ?

- Je respecte toujours mes engagements, dit le Diable, chacun sait cela. D'autant qu'ils seront consignés sur un pacte signé de nous deux. Alors, que dites-vous ?

- J'accepte, dit Sylvain.

- Je n'en doutais guère, lui dit le Diable en sortant un papier de sa poche intérieure. C'est pourquoi j'avais prévu l'engagement écrit. Tenez, lisez.

Le papier parcheminé était rédigé d'une belle écriture calligraphiée à l'ancienne. La clause principale était que Sylvain s'engageait à remettre au Diable une des reliques de Saint Lucius, en échange de quoi il gardait la bague lui conférant une parfaite santé et une vie ne pouvant être inférieure à cent dix ans.

En cas d'échec, le Diable reprenait la bague.

Ils signèrent sur un rocher plat qui se trouvait à proximité, en double exemplaire dont l'un fut remis à Sylvain.

- Voilà de la belle ouvrage comme je l'aime, dit le Diable dont les yeux brillaient déjà de convoitise. Dès que vous êtes en possession de la chose, venez ici comme d'habitude, je vous rejoindrai. Si vous avez alors un souhait supplémentaire, quelque babiole, je pourrais faire un geste.

- Comme ? demanda Sylvain.

- Je ne sais pas moi, dit le Diable. Aimez-vous l'argent, les jolies femmes ? Voulez-vous que je vous débarrasse de votre épouse ?

- Non, non, je souhaite juste que vous respectiez l'engagement.

- Je vous l'ai dit : le Diable respecte toujours ses engagements lorsqu'on respecte ceux qu'on a pris avec lui. Il en va de ma crédibilité. Ce n'est déjà pas si facile d'acheter les hommes, vous savez...

Il éclata d'un rire satanique et disparut.

Le sort en était jeté.

Sylvain ne pouvait plus reculer, cela lui aurait coûté la vie.

Il mentit de nouveau à Eléonore en prétextant une partie de pêche au carrelet avec des amis qui, selon lui, devait avoir lieu le surlendemain matin aux aurores à cause des horaires de la marée. Comme c'était assez loin, il était préférable qu'il aille coucher sur place le lendemain soir, chez l'un des amis en question, pour être à pied d'œuvre dès l'aube du surlendemain.

Ce n'était pas la première fois que cela se passait ainsi et Eléonore le crut.

Le lendemain soir, il partit donc avec quelques affaires pour donner le change mais surtout muni d'un outillage spécialement destiné à ouvrir la porte de l'église d'Abzac ainsi que le cadenas de la petite chapelle aux reliques.

Ce ne fut pas bien difficile, comme il l'avait prévu lors de sa petite visite de repérage : ouvrir la porte de l'église ne prit pas plus de deux minutes. Quant au cadenas, le coupe-boulons en vint à bout en quelques secondes.

Sylvain ouvrit avec d'infinies précautions la vitrine dans laquelle se trouvaient les deux reliquaires.

Sans même déplacer les châsses il ouvrit ensuite celle contenant les reliques de Saint Lucius.

Il s'agissait de divers objets sacrés dont des morceaux d'étoffe et...

Il lui vint soudain une idée. Une idée folle qui pouvait, si ce qu'il pensait s'avérait juste, lui sauver la mise ou bien, tout au contraire, causer sa mort.

Prenant le risque, il vola la relique et fila, rentrant innocemment en fin de matinée auprès d'Eléonore après la soi-disant partie de pêche.

L'affaire fit bien évidemment grand bruit : pensez-donc, quel mécréant avait-il pu commettre un tel sacrilège ? Voler une relique sacrée de Saint Lucius ! Mais pour quoi faire ?

Le journal local ne parla que de cela pendant toute la semaine qui suivit.

Une semaine, le délai que s'était fixé Sylvain pour retourner à la plage avec la relique et y rencontrer le Diable...

Comme à son habitude, il regarda ce jour-là le soleil se lever au dessus de l'océan et ôta ses chaussures.

A peine eut-il posé les pieds dans le sable de la plage que le Diable apparut.

- Bonjour Sylvain, dit-il, les yeux brillants d'excitation. Alors, vous avez la relique ?

- Oui, dit Sylvain, une des reliques comme vous me l'avez demandé.

- Faites-moi vite voir cela, dit le Diable avidement.

- Voici, dit Sylvain en sortant de sa poche la relique, une petite croix en bois dans laquelle passait un lacet de cuir.

Le Diable, voyant la croix, fit un bond en arrière en grimaçant.

- Mais, dit-il, que m'avez-vous rapporté là ?

- Il s'agit d'une relique de Saint Lucius, dit Sylvain. La croix en bois qu'il portait en permanence autour du cou en signe de sa dévotion.

- Pouah ! Mais vous savez bien que je ne peux toucher une croix ! cria le Diable. Ne pouviez-vous m'apporter un morceau de sa bure ou toute autre chose ?

- L'engagement ne précise pas, dit Sylvain en sortant le pacte. Une relique est une relique.

Il déroula le parchemin et lut à haute voix : « Sylvain Cottin s'engage à remettre au Diable une des reliques de Saint Lucius, en échange de quoi il gardera la bague lui conférant une parfaite santé et une vie ne pouvant être inférieure à cent dix ans.

En cas d'échec, le Diable reprend la bague ».

- Vous voyez, il est dit « une des reliques ». Cette croix est l'une des reliques. Si elle ne vous convient pas pour des raisons qui vous sont propres, je ne puis en être tenu pour responsable. Un pacte est un pacte, j'ai rempli ma part du contrat.

Le Diable fulminait. Ses yeux de braise révélaient son courroux mais il restait à bonne distance de la croix dont la vue, de toute évidence, lui était insupportable.

Il toussa et cracha par terre d'une salive noire qui s'enflamma et se consuma aussitôt qu'elle toucha le sable.

Puis soudain, il sembla se radoucir et, toujours sans s'approcher, éclata de rire. Un rire de dément, sorti des antres de l'Enfer.

- Vous m'avez bien eu, finit-il par dire. Votre part du contrat est en effet remplie mais je ne peux pas disposer de l'objet. Celle-là, elle est bien bonne ! Je n'irai pas jusqu'à dire que vous ne l'emporterez pas au Paradis, ce serait malvenu de ma part.

Il éclata à nouveau de rire, content de sa plaisanterie.

- Vous m'avez roulé, mais de bonne guerre. La prochaine fois je préciserai mieux les termes du pacte. Je tiens donc mon engagement. Le Diable tient toujours ses engagements, je vous l'ai dit. La bague est à vous et je ne vous reverrai pas. Adieu.

Il jeta un dernier coup d'œil à la croix, grimaça de dégoût et disparut en un instant, laissant Sylvain seul sur la plage avec la croix dans sa main droite à laquelle il portait la bague.

Dans son autre main, le parchemin du pacte avait disparu.

Quelque temps plus tard, lorsque l'émoi causé par la disparition de la relique de Saint Lucius se fut apaisé, il retourna, de jour, à l'église d'Abzac.

Profitant de ce que l'endroit était vide, il posa la croix de Saint Lucius debout bien en évidence sur l'autel, là où il était sûr que le curé la verrait puis, se signant, repartit discrètement.

Pour la tranquillité de son âme.

On ne sait jamais...

__________

FIN

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