pennsylvanie, états-unis

EMPIRE SCHOOL

Une fois, j'ai rêvé que ce monde était fait de la couleur des roses.

Si j'ai réalisé que je n'étais qu'une enfant perdue dans un rêve, le cauchemar ne s'est pas arrêté pour autant.

Ce rêve sans couleur, cette défunte voix, tous envolés un par un, par le cauchemar de ce monde silencieux, là où je ne ressens aucun amour, et qui ne s'arrête toujours pas.

- 10 séries de 25 pompes ! Maintenant !

Il est 3h et quart. Entraînement des Nocturnes dans le sous sol aménagé de l'école.

Les Nocturnes sont une société secrète qui combinent des cours de self-défense aux cadences infernales, ainsi qu'un entraînement à la survie digne des commandos d'élite.

À la Empire School, nous sommes synonyme de curiosité et d'entrain de la part des autres élèves. Nul ne sait ce que nous faisons au sein de ce groupe, nul si ce ne sont les membres.

Nous apprenons à vivre comme les impitoyables personnages de pouvoir que nous sommes appelés à devenir : politicien de haute volée, PDG de multinationale, ou conseiller de l'ombre. Un groupe d'élèves triés sur le volet par la directrice des lieux ; Mme Cunningham. Et le message des Nocturnes est clair : pour pouvoir dominer le monde, il faut renoncer à sa vie propre et se dévouer corps et âme à l'Organisation...

- Prenez exemple sur Mlle Dawson ! braille une nouvelle fois M. Patel.

Un homme d'âge mûr, avec un début de calvitie, d'origine indienne, qui a une fille du nom d'Ashanti qui se tape le prof de littérature. M. Patel est le capitaine des Eagles de Ravens, l'équipe de foot de l'école, et a un profond égo d'homme misogyne. Sauf avec moi.

- Toujours aussi impec'.

Je me tourne vers Jaydeen, assis sur le sol, à mes côtés. Adulé par toutes les filles de l'école, il est ce garçon froid qui ne donne attention à aucune d'elles. Pourtant, nous avons 18 ans. L'âge où l'attirance et l'amour entrent dans nos vies. Était-ce un stratagème de sa part de s'efforcer à ne parler avec aucune d'entre elles ? Le faisait-il en étant conscient de ce qu'on leur réserverait à la fin de l'année ?

Je finis mes pompes et reprend mon souffle.

- Tu devrais t'y mettre toi aussi. La fin de l'année approche, sacrifier nos camarades, pour le semblant d'immortalité de notre grand-père. Tu t'en souviens ? Alors fais moi tes pompes. Il ne nous reste plus qu'une semaine.

- Est-ce qu'on est obligé de le faire ?

Je lève un sourcil. Vient-il de perdre la tête ?

- Je plaisante, reprend t-il. Juste, si un jour...tu as envie de tout quitter et partir loin, sache que je suis là et que je te suivrai peu importe ta décision.

Je le fixe durant une poignée de secondes, puis n'ajoute rien, et poursuit mes étirements. On est nés pour servir notre famille, on est nés pour cette fameuse nuit, ne gâche pas tout Jaydeen. Ne t'attache pas aux gens de cette école.

mais aurais-je dû écouter ses mots à ce moment là...? les choses auraient-elles été différentes ?

Vingt heures tapantes.

Les hurlements. Rien que les hurlements, accompagnés de tirs. Massacré, égorgé, criblé de balles, en cette nuit du 1er juin, la chasse à l'homme vient de commencer. Où nos camarades sont les proies, et nous les chasseurs.

Je marche parmi les cadavres entassés dans les couloirs de l'école, à la recherche des derniers élèves qui s'y cachent, mon sabre à la main gauche, et mon arme à feu dans la seconde.

Je remarque Blake, le visage lacéré, le sang luit sur son visage, il a la gorge ouverte, et s'étouffe dans son propre sang. Pas loin, je discerne le visage de Yuki, présidente du journal de l'école, son corps a disparu, il ne reste que sa tête, laissée dans une mare de sang. Blake est adossé contre la porte de la bibliothèque, tentant sûrement de se sauver. Ce garçon qui m'avait invité à être sa cavalière pour le bal de fin d'année, se meurt sous mes yeux.

Soudain, un membre des Nocturnes s'approche de lui, le visage cagoulé. Je l'ai reconnu, par son rire hystérique et sa démarche boiteuse. Il s'agit de Lukas, le fils du ministre le plus influent du Danemark. Un connard, tête à claque, qui mérite fièrement sa place parmi les proies. Mais le sort en a décidé autrement. Le voilà à présent qui s'acharne tel un barbare sur Black.

Je le regarde faire sous les hurlements de ce dernier.

Lukas frappe sa tête contre le carrelage à plusieurs reprises. Du sang gicle de partout et tâche les murs onéreux du couloirs. Se défouler sur lui lui faisait du bien. Je le voyais. Il répète frénétiquement "La gloire est aux Dawson" tandis que ses doigts se resserrent sur sa nuque pour mieux le tenir, et cogne à présent de toutes ses forces son visage contre tout ce qu'il voyait. Blake ne proteste plus. Son corps semble ramolli. Lorsque Lukas arrête enfin de le frapper contre le mur, je pose mon regard sur Blake. Impossible de discerner les traits de son visage. À certains endroits, on pouvait même voir certains morceaux d'os, la trace de son nez semble avoir disparu. Ses pommettes et sa mâchoire sont brisés. Son visage n'est plus qu'un amas rouge et violacé. Il était mort. Comme ça, il n'était plus aussi beau qu'avant.

Il ne sera certainement pas parmi les sang purs. Mais mon grand-père voudra sûrement de lui, boire ce qu'il reste de sa chair, en garder pour les années à venir, vivre le plus longtemps possible.

Je quitte l'intérieur de l'école et m'en vais pour le stade. L'endroit favori de Jaydeen. Les gradins étaient son repaire, peut-être avait-il besoin d'aide. Pourtant, je n'étais pas au bout de mes surprises, loin de me douter de la décision irréversible que ce dernier avait pris.

Cette nuit là, j'ai tué mon frère. Cette nuit là, j'ai tué ma chair. Programmée depuis petite pour cette soirée d'expiation, et ayant vu Jaydeen nous trahir en sauvant une camarade, une violente dispute a éclatée, et l'instant d'après, ...plus rien. Ils étaient morts, tous les deux, abattus par mon arme.

Je me souviens de son regard à cet instant là, ses yeux me suppliaient de ne pas appuyer sur la détente, qu'il était mon frère, mon petit frère, bien qu'aucune parole ne sortait de sa bouche, son regard lui m'implorait de renoncer au joug de notre famille, de m'y extirper, mais hélas, je n'étais à ce moment là qu'un esprit vide paramétrer pour purger en cette nuit de juin. Et quiconque venait en aide aux élèves de l'école devait y laisser la vie.

C'est ainsi que j'ai prise celle de Jaydeen, celui que j'appelais "mon frère", et de ceux que j'appelais autrefois "mes camarades de classe". Combien ont survécu à cette nuit d'horreur...? Deux, ou peut-être trois.

Vivre avec ce poids est douloureux, je ne compte plus les jours où mon arme s'est posé consciemment sur ma tempe, dans l'espoir d'y mettre un terme, mais en vain. Ma souffrance est minime, si on la compare avec l'étendue de mes actes. Je suis désormais captive de ce cauchemar silencieux, là où je ne ressens aucun amour, où tout est sans couleur, où cette défunte voix s'est envolée, ce cauchemar...qui ne s'arrête toujours pas.

On tape doucement sur ma table.

- Vodka, il est 4h moins cinq, le bar se ferme. Reviens demain soir, m'informe le gérant.

Je termine mon verre, puis me lève de mon siège.

- Finalement, j'aurais bien aimé te suivre.

- Comment ? s'étonne celui-ci.

Je quitte le bar, et m'enfonce dans les ruelles malfamées du quartier sud d'Avalon.

Pardonne moi Jaydeen.

Attitrée comme ma toute première série virtuelle, Empire School a suivi l'histoire de la meilleure école élitiste, dans une mystérieuse ville de Pennsylvanie, où les élèves ont été massacrés et sacrifiés en offrande au doyen de la famille Dawson, -fondateur de l'école- pour que celui-ci puisse vivre éternellement en se baignant et s'abreuvant de leur sang.

Angela et Jaydeen étaient les petits fils du fondateur, et entraînés depuis leur plus jeune âge pour prendre part à cette nuit d'horreur qui aura marquer les survivants à tout jamais.

À venir :

Nasir et Krochet, la rencontre (books divina hills, billionnaire housewives)
Memphis et Giuseppe, l'or et l'argent (books divina hills, billionnaire housewives)
Vortex, l'avènement des ténèbres (book d.s.l)