Lune À Crocs
La nuit noire envahit la pièce. L'obscurité invite ce monstre à la rejoindre. La humer. La toucher du regard. Sa cascade rousse lui intime de s'épancher et sucer son sang de même couleur. La lune s'évade d'un nuage gris pour seul répis quelques secondes passées à se refléter dans la chambre. Sur les draps emmêlés, sur le corps de sa proie, sur ses mèches échevelées, sur sa peau presque aussi translucide que la sienne, sur ses veines bien trop voyantes dans lequel pulse un liquide qu'il convoite bien trop. Son odeur l'attire. L'aimante. Il ne peut s'échapper cette nuit sans lui soustraire quelques gouttes de son élixir. Cela lui serait impossible. Trop difficile. Trop regrettable.
De sa douceur innée, il pose ses mains d'un côté du matelas. Tel un chasseur, son genou droit vient à son tour prendre place sur la couche en compagnie du gauche, toujours d'une lenteur calculée. Face à la détentrice du trésors, il aspire à savourer l'instant.
Une caresse fantôme frôle les épaules de la rousse. Puis une seconde longe ses avant-bras, tirant subtilement les abords du drap jusqu'à ses hanches.
Doit-il lire sa crainte et son horreur, ou reposer son âme jusqu'au terminus ?
Sa nuque se libère au passage de sa main froide, gelée. Il ne devrait même pas vivre. Il inspire fortement son parfum sanguin. Ses iris amarantes s'illuminent d'un cramoisi vif. Ses pupilles se dilatent. Ses lèvres s'entrouvrent, dévoilant deux canines jouissant de bientôt pouvoir libérer leur venin mortel. Mais, il est déjà mort. Son souffle posé, teste sa nuque avec ferveur. Ses mèches brunes chatouillent sa joue et se mélange à sa crinière ensoleillée.
Très lentement, sa lippe inférieure, tremblante, se glisse sur son cou. La supérieure conclut le pacte. Le sérum sous ses crocs le nargue de pouvoir y goutter. Sa langue éprouve son adoration, expérimente son épiderme frêle.
L'humaine gigote sous lui quelques instants, l'obligeant à stopper ses préliminaires. Il reprend plus doucement encore. Plus tendrement. Comme s'il ne souhaitait pas la faire souffrir, alors qu'il ne désire que son sang. Comme s'il voulait lui éviter la mort, alors qu'il lui vole sa vie.
Ses canines dansent sur sa peau humide, recherchent une artère. Le temps se suspend. Son poison se déverse jusqu'à son cœur. Il hôte ses crocs rubescents de sa chair délicate, mince. Le plasma goutte des deux orifices, mais avant qu'il ne s'en aille s'échouer sur le coussin, il le suçote.
Il aspire ce sang si délicieux si vite qu'il est difficile de croire à sa lenteur.
Pourquoi ne l'a-t-il jamais rencontrée auparavant ?
Un gâchis sans nom. Quoiqu'enfant, il n'y aurait pas eu assez de ce superbe. Son goût délectable excelle dans la perfection de satisfaction de ses papilles. Il pourrait être repus, or cette disposition lui convient si bien qu'il pourrait s'en sustenter jusqu'à son éternité.
Toutes les bonnes choses ont une fin.
Sa réserve d'hémoglobine s'assèche à grande gorgées. Plus une seule goutte ne demeure dans son organisme. Il l'a vidée, de son cruor et son existence.
Lorsqu'il se redresse, il croise son regard éteint. Mort. Elle avait les yeux verts. Il lui clôt les paupières et pourlèche le coin de ses lèvres où goutte une larme de raisiné. Il rabat la couette sur elle, et fixe la lune à nouveau visible. La maîtresse de son univers. Un monde dans lequel il n'est qu'un monstre moins monstrueux que d'autres. Un monde dans lequel il est un monstre qu'il n'a jamais désiré être. Un monde dans lequel il se hâte de retourner.
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