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Elle La Regarde

Une vague s'échoue paisiblement sur les côtes de la plage. Un souffle frais caresse sa peau d'albâtre, rougie par le froid mordant. Le sable sous ses pieds chatouille ses orteils. Elle inspire une longue bouffée d'air au parfum d'eau iodée. Quand elle ouvre les yeux, ses iris azur s'illuminent, alors que ses pupilles se rétractent. Ses cils effleurent ses sourcils fins. Elle passe sa langue sur ses lèvres ; un goût salé envahit son palais. Elle observe la mer se perdre dans le lointain, silencieusement. Les bras le long du corps, elle se tient debout, droite et sereine. La sensation d'être épiée ne la dérangeant aucunement.

Puis la dune haute d'un mètre sur laquelle elle se trouve se dérobe, fond. Engloutie par les ténèbres, elle ne cherche pas à s'en défaire, se laisse emporter. Bientôt, elle sent chaque grain de sable glisser sur sa peau, irriter ses jambes, ses pieds nus, mordre ses bras dévêtus, absorber ses mèches de jais. Elle ne respire plus, pas affolée le moins du monde que son organe vital ait cessé sa course.

Alors la couverture de sable mouvant devient un tissu blanc, la recouvrant de la pointe de ses pieds au haut de son crâne. Allongée, perdue sur une table mortuaire au milieu de cadavres, elle se redresse lentement et hôte le drap qui l'enveloppe. Autour d'elle, une dizaine d'autres établies en fer supportant les corps de jeunes gens aussi âgés qu'elle alignés sur deux rangées.

Elle se hisse au sol, laissant retomber les pans de sa robe parfaite, opalescente, à hauteur de ses genoux. À ses côtés, elle touche du bout des doigts la soie blanche de son voisin de morgue. Un frisson la parcours, et, sans hésiter, elle abaisse le bout de toile jusqu'aux épaules du défunt. Elle le fixe un long moment, les traits neutres. Elle ne le reconnaît pas. Sa crinière blonde ne lui rappelle rien, pas plus que son arrête sourcilière épaisse, ni ses lèvres pincées, presque violacées, ou sa mâchoire serrée. Sa peau est aussi immaculée que la sienne, et elle laisse sa main traîner sur sa joue. Il est gelé, elle aussi.

Elle fait demi-tour, se dirige vers le centre de la pièce. Delà où elle se trouve, tous les macchabées lui font face. Eux et leur noms ; leur prénoms affichés sur des papiers, eux-mêmes placardés à l'opposé de leur lits de mort. Sauf les siens. Sa feuille est vide, vierge de toute écriture. Elle cherche à voir la raison de leur présence en ce lieu, toutefois celle-ci demeure floue, illisible pour elle. Comme si elle était incapable de lire, qu'elle ne connaissait pas ces lettres. Mais elle sait déjà. Elle sait, et elle ne ressent rien.

Il fait froid. Les murmures qui la poursuivent se font lourds, oppressants. Elle entend des pas affolés derrière la porte. Celle au fond de la pièce : imposante, en métal écrasant. Elle abandonne ses compagnons disparus, ces armoires de glace étalées le long d'un mur, ces outils dont elle ne veut connaître l'utilisation minutieusement rangés dans les placards prévus à cet effet, et elle tire la poignée. La porte s'ouvre dans un petit grincement sur un couloir si long qu'on n'en voit pas la fin.

Seule court une jeune fille. Elle aussi arbore une chevelure en ambre noir lisse qui chute entre ses omoplates, un derme cireux, blanchâtre, une robe simple dont les mouvements sont guidés par ceux de la demoiselle. Alors que celle-ci poursuit sa course sans jamais s'arrêter, l'autre tend la main, comme si elle pensait pouvoir atteindre son sosie d'une seule trajectoire. Elle la regarde.

Un montée d'adrénaline atteint sa raison, qui la pousse à vouloir la rattraper - quel qu'en soit le prix. Alors elle sillonne le sol en béton rafraîchi, ignorant l'obscurité gagnant du terrain. Elle avait voulut lui dire de l'attendre, seulement les mots étaient restés coincés dans sa gorge, bloqués. Pourtant, elle avait senti ses cordes vocales vibrer, et elle entend à présent sa voix résonner dans son dos tel un écho abandonné : attend !

Elle arrive déjà au bout du couloir, dans une noirceur semblable à celle d'une nuit sans étoile. Elle tâte devant elle et découvre une porte en bois. Ses phalanges se glissent sur la poignée, et avant qu'elle ne le réalise, elle se trouve à l'intérieur d'un cagibi, dont la porte disparaît pour ne faire plus qu'une avec le mur en ébène asiatique. La pièce déjà exiguë se referme petit à petit sur elle, laissant tout juste la place à son frêle corps.

La gravité s'inverse soudainement, et elle ne se trouve plus debout, mais allongée. Le dos contre les parois boisées. Elle se sent bercée par des vagues, cependant elle étouffe, dans cet espace étroit, où l'air se fait rare. L'adrénaline redescendu, la panique prend possession de son être et elle plie tant bien que mal ses bras afin de repousser la surface dure à quelques centimètres de son corps. Des sueur froides naissent le long de son échine. Dans une position des plus désagréable, elle parvient finalement à soulever ce qui s'avère être un couvercle. Le dessus d'un cercueil. D'un tombeau. Son sépulcre. Celui-ci tombe lourdement à l'eau, les dorures ornant ses pourtours désormais totalement immergées, il s'échoue dans les abîmes océaniques sans aucun retour possible.

Elle se redresse, les doigts crispés de chaque côtés de son caveau, le souffle court. L'océan. Elle tourne la tête de chaque côté et une falaise attire son attention. La plage qui l'entoure semble être la même que celle où elle se trouvait plus tôt. À une quarantaine de mètres du sable fin, le courant la porte en l'espace de cinq minutes jusqu'au rivage. Elle s'évade de sa barque improvisée par la force des choses, une dizaine de mètres avant de toucher terre - la vue de son tombeau trop insupportable à long terme - la mer étant suffisamment peu profonde pour qu'elle ait pieds. Une fois certaine de ne plus avoir à faire avec son présumé cercueil, elle penche son regard sur le haut de la falaise. Elle y distingue la silhouette fragile de cette autre fille qu'elle avait perdu de vue dans le couloir interminable de la morgue. Elle la regarde. Elle se jette au pied du promontoire en un recours désespéré, à la recherche d'une autre personne. N'importe qui, si ce n'est pas elle.

En contournant quelques renfoncements, elle parvient à trouver un semblant d'escaliers qui la conduit tout en haut de cette muraille. Au prix de nombreuses écorchures sur sa peau fantomatique, elle se hisse à un mètre du rebord, là où se trouvait il y a encore deux minutes la fille.

Tandis qu'elle guette les horizons, elle la voit, à l'orée de la forêt, six mètres plus bas. La fille. Elle la regarde. Elle marche doucement en direction d'un endroit précis : une dune. Pas n'importe laquelle, celle où elle était, quand elle a ouvert les yeux. Elle prête alors davantage attention à ce qui l'entoure, l'océan à sa gauche, le bois à sa droite, derrière elle, son ancien sépulcre - ou radeau, cela varie selon les points de vue - déjà échoué à plusieurs rives d'ici, face à elle, la fille, immobile, sur la dune. Le ciel gris, l'air réfrigérant, l'odeur salée, désormais mêlée à celle de pin.

Puis une douleur sourde vrille ses tympans. Lorsqu'elle s'apprête à encadrer ses oreilles de ses mains, elle les voit tachées de sang. Sa robe en est imbibée, et bientôt un goût de fer envahit sa bouche. Tout ce sang lui colle à la peau. Incapable d'expliquer ce qu'il lui arrive, son seul reflex est d'aller se réfugier quelque part. Alors elle redescend de son promontoire, fait le chemin inverse en empruntant les marches du côté opposé à celui de son arrivée. Face à elle : la forêt. Des arbres, gigantesques, prêts à l'engloutir si tant est qu'elle n'y oppose aucune résistance.

Mais la souffrance est omniprésente, ainsi elle se laisse dévorer par les feuillages épais, et elle court. Elle ne s'arrête pas. Jamais. Jusqu'au moment décisif ou un craquement retenti. Pas devant elle, ni derrière. Juste elle. Elle chute. Sa jambe vient de se briser. Un second craquement. Son épaule vient de se disloquer, comme comprimée. Ses jambes sont écrasées par un poids invisible. Son estomac est creusé, et elle peine à ne pas rendre son dernier repas - si tant est qu'elle en ait eut un. Elle n'ose jeter ne serait-ce qu'un regard à son ventre : déchiré de parts et d'autres, certains organes à vifs. Ils sont morts. Tous. Son cœur ne bat pas. Il n'a jamais battu. Ses poumons sont perforés. Ses entrailles ont pris la teinte d'un dîner mal digéré.

Quand elle trouve la force de relever la tête, elle voit un autel. Toutes sortes de souvenirs sont étalés çà et là en commémoration aux seize victimes ; treize morts et trois blessés dont un grave. Des bougies aux multiples couleurs aux fleurs de représailles, passant par toutes sortes de choses : rubans, vignettes significatives, prières adressées dans de minuscules bouts de papier, et, surtout, des photos. Chacune des victimes de l'accident. Elle y est. Elle est belle. Son teint est doré. Ses pommettes sont gonflées. Ses iris brillent de malice. Ses lèvres sont pulpeuses, gourmandes. Sa crinière dressée en une queue de cheval reflète les rayons de soleil. Ses formes sont voluptueuses. À ses côtés : sa meilleure amie. Brune, iris mordorées, ni trop fine, ni trop forte : bien proportionnée. Derrière elles : leur meilleur ami. C'était lui, son voisin de morgue. Des boucles blondes, toujours l'air sauvage, vivant. Ils sont morts. Elle aussi.

La douleur disparaît, le sang aussi. Le contenu terne de son anatomie ne s'étale plus au sol. Elle n'a plus mal. Elle se relève, à quelques mètres d'elle, un lumière blanche l'attire. Elle s'en rapproche, tout doucement. Elle s'arrête juste avant de franchir le seuil du bois. Devant elle, la fille aux longues mèches en plumes de corbeaux est aspirée dans le sable. Elle la regarde. Volatilisée. Elle attend deux minutes, et s'avance jusque sur la dune.

Là-haut, elle rive son regard devant elle. Elle est en paix. Elle sourit. Une vague s'abat contre les rochers de la falaise, ceux-ci lui barrent la route, tels une muraille. On la regarde. Elle la regarde. Dans la morgue, elle la regarde. Sur la plage, elle la regarde. Sur la falaise, elle la regarde. Dans la forêt, elle la regarde. Partout, elle la regarde. Elle ferme les yeux, elle la regarde.

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