Chapitre 15
La situation était catastrophique. Elle était désastreuse. Un véritable calvaire. Elle avait dégénéré tellement rapidement, seulement quarante-huit heures pour qu'elle se transforme en champs de bataille. Une débâcle cataclysmique.
Louis se réfugia un peu plus sous ses couvertures. Il voulait disparaitre et ne plus jamais revenir. Peut-être que s'il s'enfonçait encore plus profondément dans son lit, celui-ci allait l'aspirer comme il le croyait quand il était petit. De ce fait, il n'aurait plus à affronter le monde extérieur et pourrait dépérir dans sa solitude. C'était tout ce qu'il méritait après tout.
Les évènements de la veille tournaient en boucle dans sa tête. Il se revoyait dans ce foutu vestiaire, Juliette en face de lui, à dire des choses qu'il aurait dû garder pour lui. Enfin, pas à dire à proprement parler, mais à sous-entendre. Il avait ouvert sa bouche alors qu'il savait pertinemment qu'il devait la garder fermer parce qu'il allait dire des choses qu'il ne voulait pas dire.
C'était pour ça qu'il ne l'avait pas confrontée après le porté avec Adam, il fallait d'abord qu'il se calme et qu'il recommence à penser logiquement. Il était donc parti et avait attendu le lendemain, espérant qu'il aurait suffisamment reflété sur la situation pour trouver les bons mots.
Malheureusement, ça n'avait pas été le cas. Il avait donc décidé d'attendre le passage de la compétition qui allait sans doute le mettre de bonne humeur. Mais Juliette était tombée et tout était parti en vrille.
Ils avaient commencé à se disputer alors qu'il voulait juste la rassurer et, dans un élan d'impatience, il avait mentionné Adam et avait été complètement injuste dans ses reproches. Forcément, c'était obligé qu'elle lui demande pourquoi il ne l'aimait pas comme ça. Il aurait pu lui mentir et simplement dire que sa tête ne lui revenait pas, mais lorsqu'il avait regardé dans les yeux bleus de Juliette qui le suppliaient d'être honnête, il n'avait pas pu s'y résoudre.
Le regard qu'elle lui avait lancé lorsqu'elle avait enfin compris ce qu'il sous-entendait le hantait et l'avait empêché de dormir toute la nuit.
Il n'aurait pas dû perdre son sang-froid de cette façon, pas quand tout ce qu'elle demandait était qu'on l'aide à calmer la crise de panique qui commençait à s'emparer d'elle. Tout ce que Louis avait réussi à faire était empirer la situation et il s'en voulait terriblement.
Le garçon grogna et enfouit son visage dans son coussin. Il n'avait pas envie de quitter son lit, il voulait juste mourir comme un paria rejeté par la société et que personne ne se souvienne de lui.
Malheureusement, le destin en avait décidé autrement.
La porte de sa chambre s'ouvrit à la volée, libérant un monstre qui sauta sur son lit, l'écrasant à moitié. « Joyeux anniversaire petit frère ! »
Oh non. Il avait tellement été obnubilé par le drame qu'il avait causé, qu'il avait complètement oublié que c'était son anniversaire. Cette perspective le rendait malade. Il aurait dû être content d'avoir enfin dix-huit ans, il aurait passé sa journée à faire n'importe quoi avec ses amis, avec Juliette, mais c'était maintenant impossible.
Et c'était sa faute.
Sa sœur le secoua un peu plus, bien décidée à le réveiller. « Allez lève-toi, on t'a préparé un petit déjeuné de haut niveau ! »
Mais Louis ne voulait pas, il ne voulait pas sortir de son lit. « Laisse-moi tranquille. »
Il essaya de la faire descendre, mais elle s'accrochait à lui d'une poigne de fer. « Tu as assez dormi, tu n'es même pas rentré tard hier. Lève-toi. »
Elle continua à le secouer, sachant pertinemment que c'était le seul moyen pour qu'il l'écoute. Sauf que Louis était fatigué et en colère, il n'était pas du tout d'humeur à devoir endurer ses manières. Il voulait juste être seul.
« Laisse-moi tranquille ! » S'exclama-t-il en se tournant brusquement vers elle, une lueur mauvaise dans le regard.
La jeune fille s'immobilisa. Toute trace de sourire avait disparu de son visage et elle l'observait avec un sérieux qui ne lui ressemblait pas. Encore une fois, Louis avait été injuste, elle voulait juste lui souhaiter un joyeux anniversaire.
Soudainement, elle descendit de son lit et le toisa. « Debout et habilles-toi. »
Louis leva les yeux au ciel et reposa sa tête sur son lit coussin. « Non. »
« Louis ! » S'écria-t-elle d'une voix froide et pressante. « Je ne te laisse pas le choix. Tu te lèves et tu t'habilles. Tu me rejoins en bas dans cinq minutes. »
Sur ces paroles, elle sortit de sa chambre en claquant la porte derrière elle. De mauvaise foi, le garçon se débarrassa de ses couvertures et se leva de son lit. Il enfila un jogging et un sweat, tout en marmonnant des menaces à l'encontre de sa sœur et se lava les dents avant de la rejoindre dans le salon. S'il voulait se débarrasser au plus vite d'elle et retourner dans son lit, alors il devait faire ce qu'elle lui disait.
Une fois arrivé en bas des escaliers, elle lui jeta une paire de baskets et enfila une veste. Le temps était couvert ce jour-là et les températures avaient drastiquement chuté, signe que l'hiver se préparait à arriver.
« On va où ? » Demanda-t-il en la suivant dehors, une bourrasque glaciale le faisant regretter de ne pas avoir lui-même pris une veste supplémentaire.
Chloé ne lui répondit pas et continua sa route d'un pas plutôt soutenu. Ils marchèrent en silence pendant quinze minutes supplémentaires, ce qui n'arrangea pas l'humeur de Louis qui souhaitait juste retourner dans la chaleur de son lit.
Au bout d'un moment, sa sœur s'arrêta au niveau d'un bâtiment quelque peu isolé et poussa la porte, l'invitant à entrer. Confus, Louis regardait autour de lui, sans comprendre où il avait atterri. Les murs étaient gris et rarement décorés, un comptoir se trouvait en face de la porte et une jeune femme leur sourit en les voyant entrer.
Sa sœur s'approcha d'elle avec détermination. « Bonjour, deux pass d'une heure s'il vous plait. »
« Bien sûr. » Elle leur tendit deux billets et leur demanda de payer, ce que Chloé fit sans demander son reste. « Est-ce que vous connaissez les règles ? »
La jeune fille hocha la tête en rangeant ses papiers dans sa poche. Louis était bien tenté de dire que non, il ne les connaissait pas, il ne savait même pas où il était, mais il avait également l'impression que sa sœur allait le frapper s'il ouvrait la bouche.
« Vous trouverez tout l'équipement obligatoire derrière la porte qui se trouve à votre droite et la pièce numéro trois est à votre disposition pendant une heure. Le chronomètre démarre dès que vous passez le seuil et nous vous demandons de bien vouloir restituer tout le matériel utilisé une fois le temps écoulé. »
Chloé la remercia et entraina son frère vers la fameuse porte de droite. Un certain sentiment d'appréhension s'était installé dans le creux de son ventre alors qu'elle l'ouvrait et pénétrait à l'intérieur. A contre-cœur, Louis la suivit.
Il ne savait pas vraiment à quoi il s'était attendu, mais certainement pas à ce que les murs soient recouverts de masses et de marteaux en tout genre. Un bac comprenant des lunettes de protection ainsi que des combinaisons se trouvait sur le côté, juste avant un couloir qui déversait de nombreuses portes.
« Ça y est, » grimaça-t-il en se tournant vers sa sœur, « tu t'es enfin décidée à te débarrasser de moi pour toujours. Le jour de mes dix-huit ans en plus. »
La jeune fille leva les yeux au ciel et lui tendit une combinaison et des lunettes. « Après tu dis que c'est moi qui suis dramatique. Enfile ça et tais-toi. »
Le garçon s'obligea. Il se sentait parfaitement ridicule accoutré de cette façon, mais, encore une fois, il ne dit rien, sa sœur étant actuellement en train de manipuler des objets lourds et dangereux. Elle lui donna d'ailleurs une masse et un marteau, certainement pour pouvoir se défendre face à son assaut, et prit le couloir, s'arrêtant devant la porte qui affichait le numéro trois. Elle l'ouvrit et lui fit signe d'entrer.
Louis s'arrêta sur le seuil avec choc. La pièce qu'elle desservait était de taille moyenne et n'avait rien de particulier si ce n'est son contenu. Des dizaines d'objets étaient éparpillés dans tous les coins, la plupart à moitié détruits. De la poussière recouvrait le sol alors que des jets de peinture venaient tapisser les murs.
Il regarda tout autour de lui avant de jeter un coup d'œil inquiet à sa sœur. « Tu veux te mettre au bricolage ? »
Celle-ci secoua la tête et le poussa pour entrer à son tour. « Non, je veux que tu tapes sur tout ce que tu trouves. » Il l'observa avec incertitude. « Je ne sais pas ce que tu as, mais tu es insupportable. En revanche, je sais que tu ne vas pas vouloir m'en parler alors tu vas laisser sortir tes émotions d'une manière différente : tu vas détruire des objets. »
Louis n'était toujours pas convaincu. Ce n'était pas quelqu'un de violent. La seule fois où il avait perdu le contrôle, il l'avait amèrement regretté derrière, il n'avait vraiment pas envie que ça recommence. Il se voyait mal frapper des objets juste pour le plaisir de frapper des objets.
« Je ne vois pas en quoi ça va m'aider. » Rétorqua-t-il avec une grimace.
« Arrête de te poser des questions et tape ! » Elle lui montra du doigt un moellon à moitié éventré qui se trouvait à côté de lui. « Frappe-le ! »
Sans grande conviction, Louis leva sa masse et la laissa tomber sur le moellon. Du fait de simplement la laisser tomber, il n'y mit aucune force. Elle se contenta donc de rebondir mollement dessus en soulevant un peu de poussière.
« Sérieusement Louis ! » Chloé le fusilla du regard. « Si tu ne veux pas y mettre de la bonne volonté, dans ce cas-là, dis-moi ce qui s'est passé et pourquoi tu es aussi énervé. »
Le garçon soupira, il n'avait pas envie de lui en parler. Il se tourna donc à nouveau vers le moellon et abattit la masse dessus avec un peu plus de force. Cette fois-ci, un morceau s'en décrocha. Un frisson de satisfaction le parcourut.
Il recommença donc une première fois, puis une deuxième et une troisième, détériorant encore plus le matériau qui n'avait déjà pas vraiment bonne mine. La colère faisait surface à chacun de ses mouvements, se répandant petit à petit dans l'intégralité de son corps.
Une fois que le moellon était trop détruit à son goût, Louis se tourna vers une table en bois sur laquelle reposait un certain nombre d'ustensiles composés de différentes matières. Il ne se posa aucune question et abattit sa masse dessus, envoyant voler son contenu aux quatre coins de la pièce.
Il perdit la notion du temps tellement il fulminait. Ce n'était pas juste. Peut-être avait-il fait une erreur en se comportant de la sorte avec Juliette, mais ce n'était pas juste de l'avoir obligé à avouer ses sentiments, en quelque sorte. Il ne savait pas quelle entité divine avait la main mise sur sa vie et sur son destin, mais il était persuadé de n'avoir rien fait pour mériter un tel sort.
C'était cruel.
Il avait mis en péril leur amitié et leur carrière sportive pour une simple histoire de jalousie. Il allait aller lui parler du porté avec Adam, il allait le faire quand le moment était opportun. Pourquoi avait-il fallu qu'on le laisse le faire d'une manière aussi accusatoire ?
Ce n'était pas juste, quelqu'un aurait dû l'arrêter, n'importe qui.
Avec un dernier coup dans une vieille en cube qui n'avait déjà plus d'écran, Louis laissa tomber sa masse sur le sol, rapidement suivie par son propre corps. Il se passa une main sur le visage, soudainement épuisé. Il sentit une présence s'installer à ses côtés.
La voix de sa sœur n'était qu'un murmure lorsqu'elle prit la parole. « Louis, qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
Il secoua la tête, n'osant pas la regarder dans les yeux. Il avait beaucoup trop honte de ce qu'il s'apprêtait à lui dire. « J'étais jaloux d'un gars qui vient d'arriver cette année et qui n'arrêtait pas de tourner autour de Juliette, sauf que ça a dégénéré. » Il s'interrompit pour prendre une grande inspiration et se donner du courage. « Elle est tombée au milieu de notre passage et a enchainé sur une crise de panique. Je voulais juste la rassurer, mais, ne me demande pas pourquoi c'est venu sur le tapis, elle m'a demandé pourquoi j'étais jaloux. Je- »
Il s'interrompit de nouveau. Il n'arrivait pas à le dire à voix haute. Il avait déjà dit tellement de choses qu'il s'était promis de garder pour lui, il ne voulait pas commettre une nouvelle erreur. Mais en même temps, en quoi le dire à sa sœur allait empirer la situation. »
« Je lui ai dit. » Murmura-t-il, espérant presque qu'elle ne l'avait pas entendu.
Malheureusement, ce n'était pas le cas. La jeune fille écarquilla les yeux, comprenant très bien son sous-entendu. « Tu lui as dit ? Tu lui as vraiment dit ? »
Louis hocha la tête. Certes, il n'avait pas utilisé ses mots, mais l'esprit était le même. Le message était clairement passé.
« Et alors ? »
Il fronça les sourcils, regardant enfin Chloé dans les yeux. « Et alors quoi ? Rien du tout. Tout le monde à débarqué à ce moment-là et on ne s'est pas adressé la parole depuis. » Il eut du mal à avaler sa salive, une boule se formant au fond de sa gorge. « Je savais qu'il fallait que je garde ça pour moi, j'ai vraiment tout gâché. »
Chloé lui prit la main et la lui serra d'un geste rassurant. Il était rare qu'un tel contact physique se fasse entre eux, mais, actuellement, il l'accueillait avec bienvenu.
« Ecoute Louis, j'adore Juliette, vraiment. C'est la petite sœur que je n'ai jamais eue, » elle grimaça avant d'ajouter, « mais on ne peut pas dire qu'elle soit vraiment douée quand il en vient à ce genre de choses. »
Ce dernier fronça les sourcils, sans comprendre. « Qu'est-ce que tu veux dire ? »
« Tu te souviens quand elle a mis des mois à comprendre qu'Ester était ma copine et non mon amie ? » Elle haussa les épaules, un petit sourire se dessinant sur ses lèvres. « Elle était complètement aveugle à tes sentiments alors que tout le monde était au courant et que ça se lisait sur ton visage. Elle n'y connait rien à l'amour et je suis sûre qu'elle ne sait même pas à quoi ça ressemble. »
« Tu crois que- » Mais Louis ne savait même pas quoi dire, il ne savait même plus quoi penser.
« Je crois qu'il faut que tu lui laisses le temps de digérer. » Elle lui sourit à nouveau, cette fois-ci plus franchement. « Elle doit se poser un milliard de questions, pas seulement sur ce que tu lui as dit toi, mais également sur ce qu'elle ressent elle. Patiente et tu verras bien. En attendant, essaye de retrouver ta meilleure amie car vous avez vraiment besoin l'un de l'autre. Je ne pense pas que votre saison survivrait à une tempête de ce style et, d'après ce que j'ai compris, vous n'avez plus le droit à l'erreur. »
Louis essaya de prendre du recul sur ce qu'elle venait de lui dire. Il espérait tellement qu'elle avait raison. Il était vrai que Juliette n'avait jamais vraiment porter intérêt à une quelconque vie sentimentale, elle était bien trop occupée avec sa carrière sportive, mais de là à ne même pas savoir à quoi ça ressemblait.
Dans tous les cas, tout ce qu'il voulait à cet instant précis était retrouver sa meilleure amie et faire comme si de rien n'était.
Sa sœur se leva, attirant son attention sur elle. « Allez, à mon tour maintenant. »
Louis haussa un sourcil. « Tu as quelque chose à sortir de ton système ? »
Elle se tourna vers lui, un doigt pointé sur sa poitrine. « Moi ? Oh non non non, j'aime juste fracasser des objets. »
Sur ces paroles, elle abattit sa masse sur la chaise qui se trouvait juste devant elle.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro