Chapitre 2
— Lola ! s'écrie Mathilde. Ça fait si looongtemps !
À peine la nouvelle arrivante a-t-elle posé un pied à l'intérieur que Mathilde la prend dans ses bras.
— Je suis vraiment heureuse de te retrouver, Tildou, gargouille-t-elle dans l'écharpe qui lui cache la moitié du visage, mais j'arrive plus à respirer, là.
— Oh pardon, pardon ! Donne-moi ce manteau et enlève-moi cette écharpe. Pourquoi est-ce que t'as mis autant de couches, il fait pas si froid !
Maxime, qui a suivi l'échange depuis le couloir, ne fait pas remarquer à Mathilde ses deux valises remplies de vêtements chauds. Elle aura le temps de s'en rendre compte toute seule.
Hiba profite de l'accalmie dans l'enthousiasme de Mathilde et s'avance vers Lola pour lui faire la bise.
— Est-ce que t'arrives à croire qu'on ne s'est pas vues depuis juillet ?
— C'est à peine croyable, j'ai l'impression de t'avoir vue hier, rit Lola en secouant la tête.
Son carré brun virevolte autour de son fin visage pâle.
— On va peut-être passer dans le salon, sauf si vous préférez rattraper le temps perdu sur le palier, suggère Maxime. D'ailleurs, vous voulez boire quelque chose ?
— Avec plaisir, sourit Lola.
Les quatre ami∙es se suivent à travers le chalet. On passe un couloir étroit pour déboucher dans une grande pièce à vivre. Autour de la cheminée massive en pierre trônent deux canapés et un fauteuil. Sur le mur opposé, dans une symétrie illusoire, se trouve un piano droit. Discrète à côté de l'instrument, une lampe diffuse une lumière tamisée apaisante. Sur le mur transversal court une grande baie vitrée qui donne sur la terrasse. À l'extérieur, les lumières du village rougeoient dans l'obscurité de cette fin d'après-midi. Hiba frissonne. Le jour ne tombe pas si tôt à Paris, elle a l'impression qu'il est déjà 20 heures.
Au fond à gauche, à moitié séparée du salon par un plan de travail, se dévoile la cuisine. Le lait bout, l'air se remplit d'une odeur de chocolat et de cannelle. Lola ferme les yeux et sourit en respirant ce parfum sucré. Ses joues rosies par le froid lui donnent un air enfantin. La boisson chaude est servie dans de grandes tasses décorées à la main. Les adolescent∙es s'installent autour de la large table de bois qui trône au centre de la pièce à vivre, entre l'âtre et le piano. Le liquide onctueux procure des frissons, c'est chaud et rassurant, ça apaise et vivifie. Le temps s'écoule, le silence est plein de tendresse et de chaleur, tout le monde s'en délecte.
— Ce que ça fait du bien, soupire Lola, une fois la dernière goutte avalée.
— Comme c'est mignon, t'as la moustache du petit chat, s'amuse Mathilde.
— Et toi, de la buée plein les lunettes, rétorque Hiba.
Lola se lèche les babines et rigole, Maxime sourit.
La présence de ses ami∙es l'emplit d'une douce joie. Cependant, une pensée vient tout de même le déranger.
— Ça va, Max ? demande Lola. T'as l'air songeur.
— Hein ? Oh non, rien, ça va.
Enfin, ça ne va pas exactement. Il ouvre cette compétition de ski à Méribel, mercredi prochain, qui sera un slalome pour des plus jeunes. Certes, cela lui enlève tout enjeu de qualification, mais il s'impose tout de même une pression non négligeable. Et il espère que la foutue douleur qui le dérange à la cheville voudra bien le laisser tranquille le temps qu'il assure.
— Vous savez quand arrivent les autres ? s'enquiert Mathilde.
— Dans la soirée, répond Hiba. Cerys a rejoint Émile à Lyon, iels devaient prendre un train jusqu'à Moûtiers puis... je ne sais pas comment iels montent jusqu'ici. Remarquez, il est déjà 19 heures, iels ne devraient plus tarder.
— Il est seulement 19 heures, tu veux dire, et je suis claquée, bâille Lola en se levant.
Elle chancelle avant de se reprendre sur le comptoir de la cuisine et dépose sa tasse vide dans l'évier.
— Il y a un lave-vaisselle, ici ! clame Maxime qui l'a suivie des yeux.
— Bonne nouvelle, sourit Lola en ouvrant ledit lave-vaisselle.
Revenue de la cuisine, elle se poste devant ses ami∙es et, hésitante, désigne le couloir du doigt.
— Si ça ne vous dérange pas, je vais aller prendre une douche et me coucher.
— Déjà ? s'étonne Maxime. Tu n'attends pas les autres ? Et tu n'auras pas faim ?
— Non, c'est gentil et je pourrai voir Émile et Cerys demain. J'ai juste vraiment envie de dormir.
— Viens, je vais te montrer ta chambre, propose Mathilde en prenant son amie par la main. Il y en a trois mais celle de Hiba est petite et Maxime dort sur le canapé du salon. Il reste donc une place avec Émile ou Cerys et une...
— Je peux dormir avec toi ? la coupe Lola en se frottant un œil.
Sa paupière tressaute depuis une demi-heure et ça commence à l'agacer. Vivement qu'elle se repose, tout son corps réagit à la fatigue et elle n'apprécie pas ça.
— Avec plaisir ! s'exclame Mathilde en sautant de joie.
Les jeunes filles empoignent les bagages restés dans l'entrée, grimpent les escaliers grinçants et débarquent dans leur chambre.
— Tu es sûre que ça va, ma belle ? demande Mathilde.
Lola pose ses yeux dans les siens un instant, soupire et hoche la tête.
— Disons que la fin du semestre m'a un peu achevée mais je vais pouvoir me reposer et reprendre des forces ici. D'où une bonne douche et un gros dodo ce soir.
— De toute façon, comme on dit : « qui dort dîne » ! Je vais retourner en bas avec Maxime et Hiba, ça ne te dérange pas que je te laisse ? Tu as tout ce qu'il te faut ? Tu as des serviettes ou tu veux que je t'en prête ?
— J'ai tout ce qu'il me faut, merci beaucoup, sourit Lola.
La jeune fille ne peut s'empêcher de se sentir rassurée par la sollicitude de son amie. Mathilde est toujours prête à se plier en quatre pour ses proches, une qualité que Lola admire particulièrement. Surtout là, épuisée comme elle est, à deux doigts de craquer après sa semaine trop fatigante et le trajet qui l'a conduite jusque dans ce coin reculé des montagnes. Peut-être aussi la perspective de revoir Cerys. Mais elle préfère ignorer cette hypothèse-là. Une douche bien chaude lui remontera le moral de toute façon, elle en est presque sûre.
À l'étage du dessous, les trois ados échangent sur leur rentrée respective, les rencontres qu'iels ont faites, en licence d'histoire de l'art et d'archéologie pour Mathilde, au centre de formation aux métiers de la montagne pour Maxime. Hiba raconte son expérience en première année de médecine à Paris, les vacheries des QCM, l'exaltation du concours et la grosse décompression qui l'a suivie. Mathilde interroge Maxime sur ses compétitions de ski, Maxime demande à Hiba si elle continue de peindre. Oui, même si ce n'est pas évident de trouver le temps. Mathilde fait part à Hiba de son souhait d'apprendre elle aussi et Hiba lui assure qu'il suffit d'oser poser son pinceau sur un support.
À 20 heures, on frappe à nouveau à la porte. Maxime court ouvrir, ce sont Cerys et Émile qui débarquent touxtes deux couvert∙es de neige. C'est que le temps a tourné depuis l'arrivée de Lola et une couche toute fraîche d'or blanc s'est déposée au sol.
Émile renifle l'air parfumé du chalet et demande si l'on mange des pizzas. Maxime répond à l'affirmative et Cerys ajoute qu'iel meurt de faim. Hiba se jette dans les bras des nouvelleaux venu∙es et leur fait la bise. Mathilde les rejoint, la bouche pleine et une part à la main. Elle mâche péniblement, sous le regard amusé de ses ami∙es puis leur fait la bise à son tour. Elle demande s'iels ont fait bon voyage, Cerys répond « nickel », Émile tempère en racontant que leur train a eu une demi-heure de retard, puis que leur covoiturage a failli avoir un accident à l'entrée de Pralognan. Bref, la montagne, ça secoue.
— Moh, c'était trois fois rien ! rigole Cerys. C'était marrant. Lola est là ?
— Elle est partie se coucher il y a une heure, la pauvre bichette était crevée.
Surpris∙e, Cerys se contente de hocher la tête.
— T'inquiète, tu la verras demain ! s'amuse Maxime en tapant sur l'épaule de son ami∙e.
Cerys lève les yeux au ciel en secouant la tête et Mathilde, qui ne perd pas une miette de l'échange, sourit.
— Moi aussi, j'suis fatigué, intervient Émile, mais je ne dirais pas non à une bonne pizza...
Les cinq jeunes s'esclaffent et se suivent dans la cuisine où iels se régalent jusque tard dans la nuit, touxtes heureuxes d'être arrivé∙es à bon port.
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Ça y est, tout le monde est arrivé au chalet, l'aventure peut commencer !
Oui, je vous gâte avec un deuxième chapitre ce matin, mais l'éclat précédent était tout petit, aussi. 🙈😁
Bon week-end ☀️
Aimelou
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