Chapitre 3: Focalisations
« Quoiiii ? »
Évidemment, il fallait que je hurle. Fort. En début de chapitre.
Le précédent s'est terminé sur un incroyable cliff hanger, et je dois rappeler aux lecteurices que la tension narrative est à son comble.
« Un cliff hanger, tu y vas fort, quand même. Je pense que pas mal de lecteurices ont compris que le quatrième mur avait été brisé avant qu'on le dise nous-même »lança Kat.
J'allais répondre quand Dray me coupa la parole.
« Depuis quand on est passé à un récit à la première personne, d'ailleurs ? Ça y est, tu as eu trois répliques originales et tu te sens plus péter ?
-Je fais ce que je veux, d'abord ! »
On est dans un Virginity game, c'est normal que la focalisation change tout le temps. On a juste eu la coquetterie de ne pas mettre de sous-titre en début de chapitre pour l'annoncer.
« C'est pas vraiment ma came, les Virginity Games, figure-toi ! Je suis pas une pré-ado qui sait pas canaliser ses pulsions hormonales ! »
Je rêve ou il lit dans mes pensées ?
« Tout le monde entend tes pensé, pauvre courge, fit-il en levant les yeux au ciel. Fallait pas passer en focalisation interne si tu avais envie de discrétion. Enfin, ça me dérange pas trop d'avoir un accès à ton esprit, ça doit être sacrément reposant, tout ce vide...
-Ta gueule, Dray ! »
Kat avait parlé d'un ton tranchant, sans même tourner la tête vers lui, mais avec une telle autorité qu'il ne trouva rien à répondre. Il s'empourpra légèrement et nous lança à toutes les deux un regard mauvais, avant de se lever pour regarder par la fenêtre, les bras croisé.
Je rêve, ou... il boude ?
Au moment où je formulai cette question, je me rappelai qu'il entendait mes pensées. Il me lança une œillade peu amène par dessus son épaule, mais referma sa bouche quand Kat lui fit signe de se taire.
« Il ne devrait pas se défouler sur toi de sa mauvaise humeur, excuse-le, Francesca, dit-elle d'un ton calme. Ce n'est pas une excuse pour t'agresser gratuitement, mais on vient d'un chapitre ultra glauque où il a failli se faire décapiter par un type qui ressemblait à son père, et je crois que ça nous a tous les deux un peu affectés. »
J'avais toujours du mal à comprendre de quoi elle parlait, mais je la laissais développer.
« Ce que je vais dire est un peu choquant, mais tu dois me croire, ok ? On vient d'une autre histoire sur Wattpad, et ça fait un petit moment qu'on navigue de chapitre en chapitre. Tu es un personnage de fiction, tout comme nous, et on a profité de la fragilité du tissu narratif pour générer une faille et entrer.
-Quoi.. ? Mais... Comment vous avez fait ça ?
-L'autrice a brisé le quatrième mur un certain nombre de fois, avec ses remarques idiotes, et quand elle a carrément fait un aparté pour commenter la fin de l'histoire, la trame narrative était suffisamment fine pour opérer une déchirure. Dray n'est pas juste un râleur, il a des pouvoirs assez puissants, et il sait très bien faire ça. »
Je sentais bien que je devais les regarder comme s'ils étaient cinglés, tous les deux. Mais en même temps, je ne voyais pas pourquoi je leur cacherais mon état d'esprit. Je n'aimais pas du tout ce qu'ils disaient – vraiment pas.
« Comment ça, une histoire Wattpad ? Wattpad n'existe pas, ici, et je suis pas un personnage ! Je suis une vraie adolescente avec des problèmes typiques d'ado, comme savoir où retrouver mon mini short préféré dans mon dressing de quinze mètre carrés. Et aussi, je dois tout le temps gérer des flirts gênants avec des beau gosse irrespectueux et aller à des soirées monumentales dans des maisons de luxe, sans jamais croiser un seul parent ! »
C'était plus fort que moi, je ne pouvais pas m'empêcher de parler. Étrangement, alors que je pensais que décrire ma vie me rassurerait, j'ai senti un malaise grandissant m'envahir. Cette vie est si... superficielle. Les gens que je fréquente ne sont pas vraiment attachants, à bien y regarder. Et je n'ai aucun projet et aucune passion.
Enfin si, si on me pose la question, des passions, j'en ai : je suis ceinture noire de judo et de karaté, j'ai fait quinze ans d'équitation et j'ai joué sur scène à Broadway mais... Tout ça n'a aucune incidence sur ma vie, en fait. Je n'ai aucune occasion d'exploiter toutes ces aptitudes, il faut toujours aller à des fêtes sur la plage, ou flirter, adossé à ces casiers à l'américaine qui recouvrent les murs du lycée.
« Sérieusement, tu t'es entendue ? Lança Dray. Comment est-ce que tu peux encore croire que tu n'es pas un personnage ?! « Quinze ans d'équitation » ? Vraiment ?!
-Ouais, et j'ai même un cheval, je te ferais dire !
-De quel race ? »
Quoi ? C'est quoi cette question ?
« Je te demande de quel race est ton cheval, ô grande cavalière. »
Je restai sans voix. J'aurais adoré répondre, et lui clouer le bec, mais : je ne savais pas. C'est dur à concevoir, mais j'étais incapable d'expliquer quoi que ce soit sur l'équitation, alors que c'était ma passion. Depuis quinze ans.
Comment ça se faisait ?
« Écoute, nous coupa Kat, ce n'est pas amusant pour nous non plus de te dire tout ça brutalement, mais c'est la vérité. On est comme toi, à la base, même si à force de naviguer dans l'univers dramaturgico-littéraire on a développé une certaine autonomie. Et on a besoin de toi, Francesca. »
J'allais poser une question, pour relancer le dialogue de façon naturelle – « Pourquoi ? » ou « Comment ça ? » me semblaient des options appropriées – mais Dray reprit la parole avant que j'aie pu remplir mon rôle narratif.
« Tu es une Marie-Sue*. Ou du moins une Marie-Sue en puissance, parce qu'on est arrivé dans ton deuxième chapitre, avant que tu n'aies pu vraiment développer ton intrigue. Ton autrice t'a donné toutes les qualités possibles, tu es incapable d'échouer, tu es protégée par une Plot armor à toute épreuve, et en plus tu sais te battre. Sans compter que d'un point de vue psychologique, tu n'as pas de failles, parce que les adolescentes doivent pouvoir reconnaître en toi une version idéalisée d'elles-mêmes. Tes pouvoirs sont presque sans limite. »
Je déglutis. Je n'aimais pas vraiment ce que j'entendais là.
« Il n'y a pas que nous qui savons voyager comme ça entre les dimensions fictionnelles. Un certain Lord B. en a après nous, et il a déjà fait pas mal de dégâts. Il faut vraiment qu'on le neutralise.
-Et vous ne pouvez pas faire ça tous seuls ?
-Non, sinon on ne serait pas là, cracha Dray en me fusillant du regard. Ce type est comme toi, unidimensionnel, sans failles, et il ne doute jamais. Mais en plus de ça, c'est un sadique assoiffé de pouvoir, et il a la capacité de repérer les faiblesses de ses ennemis dés qu'il les rencontre. On a développé une psychologie trop complexe pour lui résister, mais toi, tu as encore la pureté des débuts... »
La sonnette retentit, et je me levai pour ouvrir la porte, soulagée. Toute cette conversation m'avait déplu, c'était une histoire à dormir debout.
« Salut Frances', ça te dit d'aller manger une glace au bord de la plage ? J'avais envie de faire une petite promenade en moto. »
C'était Chad. Jamais je n'avais été aussi soulagée de le voir. Qu'est-ce qu'il était beau, avec ses yeux verts et sa petite fossette au creux du visage ! Je me sentais en terrain familier, avec lui, au moins.
« Ne te laisse pas distraire, Francesca ! » fit Kat depuis le salon.
J'ignorais sa mise en garde et attrapai mon casque. Non, attendez : j'attrapa mon casque et parti.
« Allons nous promené, Chad ! J'ai trop besoin de bouger ! »
Je claquai la porte au nez de Dray et Kat avant qu'ils me rejoignent. Bon débarras.
***
Et voilà, c'était le chapitre 3, j'espère qu'il vous a plu ! Si c'est le cas, n'hésitez pas à me le dire en commentaire, à liker le chapitre, à me suivre sur Wattpad, à recommander l'histoire à tous.tes vos ami.es, à me faire livrer des fleurs... Enfin vous voyez l'idée, n'est-ce pas ? Rien n'est trop beau pour moi.
Sinon, le terme de "Marie-Sue" est défini dans le chapitre, mais si jamais ce n'était pas assez clair ou que vous voulez une clarification, je vous en propose une petite définition. Elle n'est pas de mon cru mais vient de tvtropes.org, et je vous conseille d'aller voir leur article, si vous voulez en savoir plus.
*Mary Sue est un terme dérogatoire principalement utilisé dans les cercles de Fanfiction pour décrire un type particulier de personnage. [...]
La Mary Sue prototypique est un personnage féminin original dans une fanfiction qui sert manifestement en tant que projection de l'auteur idéalisée principalement dans le but de satisfaire ses fantasmes. Elle a un charme exotique, ayant souvent une couleur de cheveux ou d'yeux inhabituelle, et un nom tout aussi cool et exotique. Elle est exceptionnellement talentueuse dans une variété implausible de domaines, et peut posséder des dons qui sont rares ou inexistants dans les règles du Canon. Elle manque aussi des failles qu'aurait un personnage réaliste, ou du moins pertinent dans l'intrigue ou bien ses "failles" sont manifestement écrites pour être attendrissantes.
Elle a une histoire de fond inhabituelle et dramatique. Les protagonistes du canon sont tous submergés d'admiration pour sa beauté, son esprit, son courage et d'autres vertus, et sont prompts à l'adopter comme l'un de leurs vrais camarades, mêmes des personnages qui sont habituellement antisociaux ou défiants. [...]
En d'autres mots, le terme "Mary Sue" est généralement placardé sur un personnage qui est important dans l'histoire, possède des traits physiques inhabituels, et a une nature surdouée ou sur-idéalisée impertinente dans l'histoire.
[source : https://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Fr/MarySue ]
On a aussi parlé de cliff hanger, que Léa Herbreteau définit ainsi : "ans le jargon du storytelling, le cliffhanger, c'est l'art de mettre brutalement fin à une scène, et de n'apporter aucune résolution immédiate. Exemple :Lili traverse la rue et la scène se termine quand elle se prend un bus.Olivier rentre chez lui et découvre que sa femme est dans le lit avec un autre. L'intérêt de ce procédé est d'amener le lecteur à tourner la page." Si la question vous intéresse, je vous conseille de lire l'article qu'elle a écrit à ce sujet : http://leaherbreteau-auteure.fr/ecriture-tout-savoir-sur-le-cliffhanger/
Quant à la focalisation, c'est, selon Wikipedia " le foyer de la perception de l'univers contenu dans un texte narratif". Comment ça, cette définition est incompréhensible ? La suite est plus claire, rassurez-vous : c'est "le point de vue à partir duquel les éléments de cet univers sont décrits et racontés.La focalisation est également appelée perspective narrative et on en distingue usuellement trois types, conceptualisés par le théoricien de la littérature Gérard Genette : la focalisation externe, la focalisation interne et la focalisation omnisciente (ou zéro)"
Dans le premier cas, on voit tout de l'extérieur, comme sur l'écran d'une caméra de surveillance, et la narration est neutre et sans commentaire. Dans le second on voit les choses selon le point de vue d'un personnage, et dans le dernier, le narrateur sait tout et connaît le point de vue de tous les personnages.
Pour être parfaitement honnête, dans ce texte, j'ai plus ou moins confondu la notion de focalisation avec celle de narration à la première ou troisième personne. Ne m'en voulez pas ! ;)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Focalisation_%28narratologie%29#Focalisation_externe
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