Elle ne dis pas un mot en rentrant dans le renfort. Je ne comprend pas ce qui se passe :
« Tu voulais pas partir ?
- Non, j'ai surveillé, m'indique-t'elle, un petit sourire entre les lèvres.
- C'est toi qui a fait le grognement ?
- Oui, pour dire "tout va bien". »

Elle m'explique alors avec ses mots, le système de communication par des bruits d'animaux établit par son grand frère il y a des années de cela, pour signaler quelque chose : en plus du grognement pour "tout va bien", la pie pour une proie ou un objet à récupérer, écureuil pour l'ordre de monter au arbre, serpent pour le danger, et moineau pour dire "on est en sécurité". Son système est simple et efficace, je me demande encore pourquoi il lui faut un protecteur. Je me note mentalement son système, pour le cas où elle l'utiliserait, et je me repose un peu plus. Ma jambe m'a lâchement abandonné, et elle a raison de faire grève, comme dans l'ancien temps, après la marche que je lui est faite subir. Je suis pathétique comme ça, un chasseur de prime qui clopine, un protecteur qui se fait aider de son faiblard pour survivre, quel honte !
Le soir, elle prépare le feu, et ramène elle-même un lapin, en disant clairement le mot, grâce à un arc fabriqué avec un bâton et un bout de ficelle. Deux flèches, dont une ensanglantée, avaient été confectionné avec des bâtons de bois et des silex. Elle est douée, et son instinct de survie avait reprit la possession de son corps. Je me sentais ridicule à coté d'elle, elle pouvait se débrouiller dans la nature avec tout ce que cette dernière pouvait lui offrir, alors que je dois avoir mon fusil et mes armes de bonnes factures pour être efficaces, sans parler des munitions. Je ne suis clairement pas son protecteur, ou nous sommes mutuellement des protecteurs de l'autre, devenant ainsi Protecteur et Faiblard en même temps. Cela n'a plus de sens maintenant, ce système est arbitraire, juste bon à classer les hommes dans des cases. Chacun a à offrir quelque choses à un autre être humain, voila ce que je pense en me frottant le mollet. Mais je garde ceci pour moi, à quoi bon réfléchir dans des temps pareils...
Le dîner est délicieux, et elle est très gentille avec moi. Elle me donne beaucoup de viande, espérant que cela me guérirait ma jambe, mais je refuse poliment, et nous nous partageons ce repas frugal équitablement.
« Merci, je m'oblige à dire devant tant d'effort de sa part
- Merci Clopin, me répond-elle. »

Je me frotte la tête, gêne, et je la corrige :
« Appelles-moi Thomas, d'accord ?
- D'accord Thomas Protecteur. »

Je me gratte à nouveau la tête de gêne. Je ne sais pas si elle le fait exprès pour me gêner ou si elle le pense vraiment, et je n'ai pas envie ce soir de la contredire. Avec elle, je me rend compte que notre fuite a prit une tournure inattendue. Je peux voir la suite sous de meilleurs hospices. Ce soir, je passe le relais à Mélodie, qui devra surveiller cette nuit. Ma jambe est un peu douloureuse encore, mais il ne lui manque plus qu'une nuit de repos pour être totalement opérationnelle. Demain, nous partirons tranquillement, je dois être prêt...
Nous partons le lendemain, avec une Mélodie somnolente, et une jambe disponible. Nous partons sans attendre, baisant le rythme imposé d'hier. Nous marchons à travers une forêt tout aussi bruyante, des feuilles qui bruissent et des arbres qui craquent sous le vent, l'eau qui ruisselle, les animaux qui crient. Tout cela forme une harmonie, qui fut interrompu par un bruit de discutions au loin...
Ces idiots ne sont pas les plus intelligent du monde, d'être ainsi à découvert et à discuter aussi fort. Ils sont plus loin derrière nous, et ne nous ont pas remarqué. Nous trouvons rapidement une cachette, derrière un arbre qui a son tronc qui se sépare en deux. Je prend mon fusil, et je regarde. Mélodie à côté de moi est silencieuse, et sait quand il faut être discrète comme maintenant. Néanmoins, elle ne loupe pas l'occasion de me regarder faire, son protecteur à la jambe boiteuse, se servir enfin d'un fusil à longue portée...