IV - Chapitre 8 : Le monde dans lequel on vit
HELLOOOO
ça m'a frappé alors que je répondais au commentaire d'Anna sur mon chapitre 18 (oui j'ai repris 10 chapitres d'avances, yeah !) : ça faisait longtemps que je n'ai pas fait un petit craquage des familles. So here I am <3
Je fais le meilleur métier du monde, sachez-le. Je viens de claquer une somme indécente en livre pour le CDI, j'ai juste beaucoup trop hâte d'avoir notre commande il y avait tant de produits qui avaient juste l'air incroyable, je crois que je vais être une tortue quand je vais les rentrer dans l'ordi, je vais surtout les lire en fait. C'est trop bien d'être docu.
Si ça vous intéresse je vous montrerai mes coups de cœurs sur insta ! (C'est d'ors et déjà Les oiseaux ne se retournent pas, un roman graphique dont les dessins sont juste sublimes)
Sinon comment vous allez vous-mêmes?
Maintenant le chapitre, comme promis on va faire redescendre un tout petit peu la pression après les fortes émotions des derniers temps. Bonne lecture !
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Le peuple sait d'instinct que la guerre est la guerre, et, quand on se bat, qu'on tape. Le peuple sait que la vie est sérieuse, et que la vie est dure. Nous lui montrerons, par les persécutions que l'on nous prépare, que la guerre contre la démagogie est la plus dure de toutes les guerres.
- Charles Peguy
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Chapitre 8 : Le monde dans lequel on vit.
Le 19 août au matin, le lendemain du jour où aurait dû avoir lieu mon entretien, ils brûlèrent ma maison.
Ce fut Susan qui remarqua la fumée qui s'élevait depuis les hauteurs de la colline en allant chercher le courrier et qui au loin entendit les sirènes des pompiers. George s'était alors dépêché au cœur du village pour découvrir ma maison complètement calcinée. Seule vestige, la porte d'entrée étrangement intacte, frappée de la Marque des Ténèbres et des mots « Your turn to burn ». J'avais filé entre les doigts de Nestor ... et il avait visiblement décidé de passer sa colère sur les murs qui m'avaient jadis renfermé.
La nouvelle m'avait secouée et je serais allée me recueillir devant les restes fumants de ma maison si Simon ne m'avait pas retenue en me rappelant vertement que je ne devais pas être vue. D'autant que le stratagème semblait avoir fonctionné à merveille. Mes voisins avaient avoué à George que des hommes étranges, vêtus de noirs – et dont l'un était défiguré – les avait rudement interrogés sur notre départ. Et comme de bons villageois, ils avaient chanté ce qu'on leur avait seriné : le révérend était parti aux Philippines avec sa famille, y compris sa fille. Deux minutes plus tard, la maison brûlait.
L'excursion d'une bande de Mangemort à Terre-en-Landes mit néanmoins la famille Bones dans son ensemble sur le qui-vive. Ils ne pensèrent pas à descendre jusqu'à leur demeure, mais tout le monde s'accorda pour faire profil bas quelques semaines : les coups d'éclats, quels qu'ils soient, attendraient. Et la vie reprit son cours : Simon à l'IRIS, George et Rose au Ministère et moi j'errais dans la maison. Je ne pouvais même pas m'aventurer dans la rue, dans les campagnes, me promener histoire d'occuper mes journées. Non, il fallait que je demeure invisible. Alors je me résignais à m'enfermer dans la bibliothèque. Quand Susan faisait ses devoirs, moi j'épluchais les carnets de Nicholas Bones, le grand-père de Simon, et en constituai des notes comme j'avais pu le faire avec mon livre. Parfois, cela me rappelait trop les longues heures passées dans cette même pièce avec Octavia, des longues heures pour rien, ça me rappelait qu'Irène McAdams, née-moldue, avait été arrêtée et qu'à l'heure actuelle elle devait depuis longtemps être passée devant Ombrage et son sourire de crapaud et j'en déchirais mes notes de rage.
-Tu vas écrire un nouveau livre, me dit néanmoins Susan avec confiance quelques jours après le départ de mes parents. « Une Histoire de Terre-en-Landes, par Victoria Bennett, d'après les travaux de Nicholas Bones ». Ça ferait plaisir à mon père, tiens !
Je savais qu'elle disait principalement cela pour que je ne décourage pas, car elle comprenait que l'inaction menaçait de me paralyser. Je lui en étais reconnaissante, même si je captais trop l'artifice dans son enthousiasme pour être complètement touchée.
-On verra, éludai-je vaguement. Ça avance ta Métamorphose ?
Susan grimaça face à son devoir. Contrairement aux jours précédents, nous avions décidés de prendre le soleil sur la terrasse qui donnait sur le jardin. Lui-même était entouré de champs, certains en friche, d'autre occupés de vaches étaient visités par leur éleveur le matin quand je demeurais dans la maison. Tout était incroyablement paisible, simplement traversé d'une légère brise qui nous permettait de respirer par cette chaleur. Mettre un pied dehors après près d'une semaine à me calfeutrer à l'étage par prudence m'avait paru être un véritable acte d'audace et de courage. Susan écarta quelque peu son débardeur de sa peau, visiblement essoufflée.
-Pas assez vite, c'est un enfer. Le pire, c'est que je dois enchainer avec l'Histoire de la magie ... Tu ne veux pas le faire à ma place ?
-Tu travailles sur quoi ?
-L'établissement du code pénal sorcier.
Ma mine profondément dubitative fit rire Susan de bon cœur. Malgré mon manque d'intérêt et des maigres connaissances, elle entreprit de me présenter son projet qu'elle devait établir pour sa septième année. Simon me sauva du laborieux exposé en apparaissant sur la terrasse, vêtu de la tunique bleue et sorcière des membres de l'IRIS. Elle venait d'être rendue obligatoire. J'aurais pu m'en moquer ... si derrière, Simon n'avait pas précisé que c'était notamment pour proscrire l'habit moldu de son enceinte. L'IRIS prenait le pas sur le Ministère pour s'éviter à son tour les ennuis ...
-Devinez qui vient officiellement de valider sa première année, annonça-t-il immédiatement avec un sourire fatigué.
-Ogma ? proposa Susan sans relever les yeux de ses parchemins.
-Ogma dort dans le cellier donc ça m'étonnerait.
-La chaleur les écrase, Archimède non plus n'est pas bien, évaluai-je avant de prendre la main de Simon. Mais félicitations ! Je t'embrasserai bien mais on dégouline tous les deux et pas devant Susie-Jolie.
-Ouais, pas devant moi, ça me rappelle que je suis seule et célibataire, puis que ma sœur couche avec mon ancien béguin. (Susan poussa Simon qui lâcha un glapissement). Oust, toi ! Va prendre une douche, j'étais en train d'expliquer des trucs à Vic' !
-Hey ! Attends ...
Il fouilla son sac et en sortit une liasse d'enveloppe entourées de ficelles. Il me les tendit et il fallut que j'effleure du regard son sourire tendre et la lueur nostalgique dans ses prunelles pour comprendre ce qu'elles renfermaient. Mon cœur manqua un battement et je les lui arrachai presque des mains.
-Déjà ?!
-Je pense qu'une semaine, c'était déjà trop pour tout le monde ... Leonidas les a envoyés à Julian par colis moldu, c'est plus sûr. (il m'embrassa brièvement sur la tempe). Maintenant, je vais me doucher. Profite bien.
-Merci ...
Il avait à peine franchi la porte que j'arrachai déjà les enveloppes et dépliai la première lettre avec avidité. Ça avait été déjà un soulagement ultime lorsque nous avions appris par un signe discret de Leonidas que l'avion avait atterri sans encombre à New-York, mais le silence-radio depuis m'avait véritablement pesé. Le président allait poursuivre ses aller-retour entre les Etats-Unis et l'Angleterre, protégé par son aura de diplomate issu d'une puissante famille américaine et c'était par ce biais que nous pensions faire voyager nos correspondances. L'idée m'avait mortifiée, tant les voyages promettaient d'être espacés, mais cette solution de passer par la poste moldue avait été accueillie comme une bénédiction.
Susan se replongea dans ses devoirs, me laissant à mon courrier. Mes grands-parents et mes parents étaient installés dans la maison de Leonidas à Boston, alors qu'Alexandre était logé chez un cousin de Julian, un certain Archer qui avait épousé une Anglaise et avait deux jeunes enfants. Ma mère ne supportait pas l'accent américain. Mon père s'était trouvé une église anglicane et y œuvrait déjà comme bénévole. Jaga était heureuse d'être dans la banlieue de Boston plutôt que dans la ferveur New-Yorkaise. Avec Miro, ils faisaient des promenades le long du fleuve Charles. Mon grand-père avait pris contact avec un médicomage. Les potions d'Emily étaient efficaces et Melania parvenait à les reproduire à la perfection. Je leur manquais énormément. Vous aussi vous me manquez ...
Quelques larmes décolorèrent le papier mais Susan fit mine de ne pas les voir. Je rédigeai mes réponses dans la foulée, avec une frénésie que je n'avais plus ressenti depuis la conclusion de mon livre. Au moment d'évoquer le destin de notre maison, j'hésitai avant de la passer sous silence. Non, je voulais que ce moment d'échange soit un rayon de soleil ; pas un cauchemar de plus ... Je n'avais pas fini lorsque Susan et Simon commencèrent à préparer le repas, me laissant profiter des nouvelles de ma famille. Lorsque je revins dans la maison, les lettres et mes réponses pressées contre mon cœur, Rose et George étaient revenus du Ministère. Aussitôt, la quiétude craqua comme une bulle de savon face à la pression. Dans la cuisine, tout le monde était tendu. Rose, verte de rage, éructait en traversant la pièce de long en large.
-... une manifestation pacifique, rien de plus ! Un rassemblement spontané sur le Chemin de Traverse, je ne suis pas sûre que c'était prévu, ils voulaient simplement protester contre les mesures contre les nés-moldus ... Je n'aurais jamais su qu'elle avait eu lieu si leur dossier n'était pas arrivé sur mon bureau ce matin ... Les journaux ont complètement étouffé l'affaire ...
-Qu'est-ce qu'il leur ait arrivé ?
La lèvre de Rose tremblota et elle y planta ses dents avant de se détourner. Elle s'entoura de ses bras, visiblement affectée et George se chargea de répondre à sa place d'une voix blanche :
-Je connais quelqu'un, à la Brigade de Police Magique ... Elle dit qu'il y a eu un mort dans la répression.
-Oh par Merlin, souffla Susan en fermant les yeux.
-Quant à ceux qui ont été arrêté, certains en sont quittes pour passer devant la Commission d'Enregistrement des Nés-Moldus ... Les autres ...
-Six mois à Azkaban, révéla Rose sans relever la tête. Sans procès. C'est ce qu'on m'a demandé de signer ...
Et aux accents étranglés de sa voix, je compris qu'elle l'avait fait. Elle qui s'était toujours battue pour la justice, elle qui avait mis des Mangemorts derrière les barreaux, elle avait apposé sa signature sur cet acte arbitraire. Rose frotta sa joue et je soupçonnai qu'une larme venait d'y rouler.
-Tiberius Ogden a protesté aussi en plein Mangenmagot cette semaine. Il a pris la parole pour dénoncer les nouvelles lois, il a soutenu que Thicknesse était arrivé au pouvoir de façon illégale, qu'il fallait qu'on le destitue et qu'on organise des élections ... Et vous savez quoi ? Son fils a disparu hier. Disparu ... Alors dans l'assemblée, Tiberius s'est tu ...
Simon et Susan échangèrent un petit regard chargé d'appréhension, devinant sans peine qu'ils seraient les cibles si jamais leurs parents décidaient d'avoir un mot de travers. George posa une main sur leurs épaules.
-C'est le monde dans lequel nous vivons désormais. Les enfants, vous êtes majeurs tous les deux et je ne veux pas vous dire comme mener votre vie ... Mais il va falloir être prudent. Très. Ces gens sont intelligents : ils ne s'en prendront pas à vous, ils s'en prendront à vos proches. Ça marchait déjà très bien pendant la première guerre, et avec les moyens du Ministère à leur disposition ça risque d'être encore plus efficace.
-De toute manière on est déjà dans l'illégalité, fit remarquer Susan en me désignant du menton. Mais ce n'est pas grave ! ajouta-t-elle précipitamment quand Simon la toisa, l'air outré. C'est normal, enfin, personne ne dit rien contre ça !
-Personne, confirma Rose avec fermeté. La question ne se pose même pas.
Elle effleura doucement mon bras avant de s'ébrouer et de pointer sa baguette sur les fourneaux. La marmite que Simon avait mis à chauffer trembla alors et commença à siffler, tandis qu'un couteau s'animer pour couper les légumes avec vivacité.
-Cela dit, Susan a raison, on a déjà un pied dans l'illégalité par omission, entonna-t-elle d'un ton qui se voulait neutre. Peut-être qu'on devrait poursuivre dans cette voie ...
-Je n'aime pas trop comment ça commence, marmonna Simon, les yeux plissés.
-Oh je crois qu'elle est pour moi celle-là, devina Susan en fronçant du nez. Tu ne veux pas que je retourne à Poudlard ?
Un silence de plomb s'abattit dans la cuisine. George baissa la tête, l'air coupable et Rose se contenta de surveiller les légumes, mais leur mutisme n'était qu'un aveu. Pressant toujours les lettres contre mon cœur, je me plaquai contre le mur dans l'espoir de m'y fondre et d'éviter l'un des éclairs qui crépitaient déjà dans les yeux de Susan.
-C'est un grand non, déclara-t-elle d'un ton glacial. Maman, je t'ai prévenu. Essayez simplement de m'en dissuader et je quitte cette maison en claquant la porte.
-Susie, essaie seulement d'y réfléchir, plaida son père. Ils ont rendu l'école obligatoire pour tous les petits sorciers, et ce n'est pas pour rien. Non seulement ils veulent avoir des otages sous la main mais en plus ils veulent vous laver le cerveau. Poudlard va changer, c'est inévitable.
-McGonagall sera la directrice, c'est littéralement l'héritière de Dumbledore, je doute qu'elle infléchisse la politique de l'école ...
-Le Ministère a déjà son nez dans les affaires de l'école. Souviens-toi d'Ombrage. Si Fudge l'a fait, tu penses que Thicknesse va s'en priver ?
Mais cela ne fit que redoubler le feu dans les prunelles de Susan. Lorsqu'Ombrage s'était mis à tyranniser Poudlard, elle, alors jeune fille plutôt timide, était entrée sans hésiter dans un groupe illégal de Défense contre les Forces du Mal. Que ferait-elle face à pire ? L'espace d'un instant, moi aussi je me mis à craindre pour Susan. A l'époque, elle avait fustigé Simon pour sa radicalité, arguant qu'elle au moins était dans la discrétion et la mesure. Saurait-elle l'être encore, deux ans plus tard, forte d'une nouvelle assurance ?
-Ecoutez, je serais prudente, céda-t-elle finalement. C'est tout ce que je peux vous promettre. Mais j'irai à l'école. C'est l'année de mes ASPIC, je vous rappelle.
Elle avait énoncé cela comme étant l'argument ultime, le plus rationnel, espérant toucher ses parents avec une promesse de réussite scolaire. Mais George pinça des lèvres, visiblement peu rassuré par le ton de sa fille. Rose, elle, chercha le regard de Simon. Lorsque celui-ci le remarqua, il haussa les sourcils et désigna sa sœur :
-Attends, tu veux que j'intervienne, là ? Sérieusement ? Moi ?
-J'avoue, il a fait pire, ricana Susan. L'Ordre du phénix, rien que ça ...
Simon lui planta son coude dans les côtes et Rose leva les yeux au ciel avec désespoir. Son visage était devenu un masque de marbre, exsangue.
-Je me demande de qui vous tenez tous les deux, tiens ..., maugréa-t-elle.
-Rose, gronda George, visiblement indisposé.
Son regard vagabonda vers le salon, où trônait une grande photo de son frère et de sa sœur, Edgar et Amelia, tous deux assassinés. Au fond, n'était-ce pas ce qu'il voyait lorsqu'il contemplait Simon et Susan ? Les voyait-il de chair et d'os, ou le marbre de leur tombe ? Frissonnante, je finis par laisser tomber mes lettres pour aider Rose au dîner. Elle était restée étrangement silencieuse, comme prenant pour acquis que sa fille filerait dès qu'elle laisserait échapper la moindre complainte et pourtant elle semblait retenir ses larmes. Et si son attitude protectrice avec Simon avait pu me mettre hors de moi, cette fois son état me toucha. De même, je trouvais difficile de rester aveuglément en colère contre une femme qui prenait sans réfléchir des risques en m'hébergeant chez elle. Rose avait certes tenté de me dissuader de rester, mais une fois la décision prise elle m'avait accepté sans hésiter, sans même souligner les dangers, au mépris de l'intégrité de ses propres enfants. D'un geste machinal, j'effleurai la montre qu'elle et George m'avaient offert pour mes dix-sept ans.
Le repas se déroula dans un silence plutôt tendu. Susan se tenait sur le qui-vive, attendant la moindre attaque de ses parents concernant Poudlard et Simon se contenta de jouer avec la nourriture sans regarder personne. Comme son anniversaire, l'obtention de sa première année passa dans l'anonymat le plus total et il parut relativement blasé lorsque je le retrouvai dans sa chambre un peu plus tard après avoir fait la vaisselle.
-Tu veux que j'aille piquer une bouteille de bièraubeurre dans le placard ? proposai-je en me lançant sur son lit. Ou du chocolat !
J'étendis le bras pour ébouriffer ses cheveux, lui arrachant un vague sourire. Il était assis en tailleurs sur le sol, adossé à son lit et je découvris deux carnets devant lui. L'un d'entre aux baignait dans un pâle halo argenté.
-Qu'est-ce que c'est ?
-Un truc que je teste et je dois être concentré alors attends un peu avant la bièraubeurre. Pourquoi, au fait ?
-Pour ta première année.
-Oh ...
Il fronça les sourcils mais ne répondit pas davantage. Il agita sa baguette qui effectua un gracieux arabesque et le halo argenté devint des étincelles crépitantes, comme de petits éclairs lumineux qui furent attirés comme un aimant par le second carnet. Bientôt, les deux furent unis par des filaments d'argent qui lâchait des sons de feu d'artifices sous l'œil attentif de Simon. Ils s'auréolèrent tous deux de la même lueur qui blanchit jusqu'à disparaître quand les éclairs fondirent dans les pages. Simon s'en saisit, l'air satisfait.
-Parfait. Maintenant il faut que j'ensorcèle l'encre ...
-Mais qu'est-ce que tu fais ?
-Un cadeau d'anniversaire un peu en avance pour Susie. Celui-ci c'est pour elle et lui pour moi. Tout message qu'elle notera sera transféré dans l'autre carnet et inversement. Ça nous permettra de communiquer prudemment non ?
Je contemplai les carnets, fascinée par la magie de Simon.
-Tu sais que tu pourras toujours lui envoyer des lettres ?
-Ombrage ouvrait notre courrier, rappela Simon en grimaçant. Mon père a raison, ce que Fudge a fait, Thicknesse le reproduira. Ça reste à ce jour l'intrusion du Ministère à l'école la plus réussie ... je préfère prendre mes dispositions. C'est pour ça aussi qu'il faut que j'enchante l'encre avec laquelle Susie va écrire, pour redoubler de prudence ... il ne faudrait pas que ce soit n'importe qui qui me parle.
-C'est intelligent.
J'attendis une réplique de Simon avec son habituel manque de modestie, moitié mordant, moitié pédant, mais elle ne vint pas. Faisant mine de m'en faire, je plaquai une main contre son front.
-T'es malade ?
-Quoi ? protesta Simon en se dégageant.
-Pas de « normal, je suis un génie » ou « comme toujours » ou je ne sais quelle vantardise contre laquelle je lutte depuis que je suis née ? A quoi je sers moi, si je ne peux plus dégonfler ton égo ?
Un petit sourire ourla les lèvres de Simon. Abandonnant sa tâche, il laissa aller sa tête contre le lit et la basculer pour pouvoir me regarder, une lueur malicieuse au fond de ses prunelles vertes.
-Je ne sais pas. En plus tu prends toute la place la nuit.
-Et toi tu tires la couverture.
-Je vais te renvoyer dans la chambre de Caroline.
Ça avait été le plan de départ. A la fois pour ne pas créer de tension avec Rose mais aussi pour maintenir une certaine pudeur, nous avions décidé que je m'installerai dans la chambre désertée par l'aînée des Bones. Malheureusement, il s'était trouvé qu'avec le choc qu'avait constitué le départ de mes parents, j'avais eu besoin de la présence de Simon pour m'endormir et très vite nous avions considéré la futilité de notre plan. Mes affaires avaient beau être dans la chambre de Caroline, je passai tout mon temps – et surtout mes nuits – dans celle de Simon. Rose, qui avait toujours été d'une extrême prudence face à notre intimité, avait fini par se résigner.
-Elle ne revient pas beaucoup, d'ailleurs, fis-je remarquer en caressant machinalement les cheveux de Simon.
-Non. Elle considère que mes parents soutiennent Susan et ça la met hors d'elle.
-C'est vrai ?
-Bof, répondit Simon en haussant les épaules. Ils ne sont pas à l'aise qu'elle sorte avec un garçon qui n'est même pas sorti de l'école, c'est tout. Et puis de toute manière elle travaille beaucoup, tu sais, elle veut s'élever vite ... (Ses lèvres se tordirent). Je ne dirais pas que ça la rend dangereuse ... je dis seulement que je préfère qu'elle ne sache pas que tu es restée.
Mes doigts se figèrent sur les mèches de Simon. L'hypothèse de Simon venait de complètement me glacer et je m'affaissai contre le matelas, meurtrie. Jusque là, j'arrivais à repousser la culpabilité de mettre toute cette famille en danger par ma simple présence mais j'avais réalisé qu'ils iraient jusqu'à mentir à Caroline, à l'exclure de ce secret. Leur propre sang ...
-Tu crois ... ?
-Je n'en sais rien ... les nouvelles que mes parents ont d'elles ne sont pas extrêmement rassurantes. Déjà le fait qu'elle continue de largement fréquenter Anthony ... Apparemment sa mère l'a appris et est venue demander des comptes à la mienne – comme si elle y pouvait quelque chose ... Ensuite visiblement elle fait peu état de ce qui se passe. Je pense que ça lui fait peur et on ne peut pas lui en vouloir ... mais du coup mon père pense qu'on devrait la laisser en dehors de tout ça. Pour ne pas lui ajouter de poids. Pour ne pas risquer qu'elle panique.
-Et si jamais elle vient ... ?
-Tu devras restée enfermée dans ma chambre.
-Formidable ...
Simon parut percevoir le scepticisme dans mon ton – ou serait-ce sur mon visage ? Quoiqu'il en était, il attrapa la main qui était restée statiques dans ses cheveux et la pressa avec douceur.
-Tu savais que ce ne serait pas facile, Vicky ...
-Oui, concédai-je avec un pauvre sourire. Non c'est juste ... Il faut vraiment que trouve de quoi m'occuper. Utilement.
-Je demanderai à Bill, on doit essayer de se voir dans la semaine ... Il doit bien avoir quelque chose à faire. La guerre ça passe aussi par les mots, non ? Tu le sais ...
Je hochai laconiquement la tête. Mon regard se promena sur la pièce, de ma machine à écrire qui trônait sur le bureau de Simon jusqu'à l'exemplaire de La Gazette arrivée le matin même. Le visage de Harry Potter y était étalé en une, barré de la mention « INDESIRABLE N°1 ». Il était toujours recherché dans le cadre de l'enquête de la mort de Dumbledore – et considéré depuis en fuite. Je ne savais pas que penser de l'information. Quelque part, j'espérais qu'il apparaisse à Poudlard pour sa septième année ... Réprimant mon dégoût, je l'attrapai de ma main libre et tournai les pages jusqu'à la liste que j'avais découvert le matin même. Les nés-moldus qui ne s'étaient pas présentés à leur entretien. Mon nom était là, inscrit en toute lettre en haut de la colonne. « Bennett, Victoria ». C'était étrange de voir son nom étalé dans un journal. Un mélange d'excitation et d'effroi. De nouveau, je la suivis des yeux. Mon cœur manqua un battement au nom de Callum, Arnold et Ferguson, Sarah. Visiblement, les deux joueurs avaient été assez lucide pour échapper à ce piège ... Puis un peu plus loin, ce fut un autre nom familier qui me sauta aux yeux.
« Granger, Hermione ».
Un petit sourire ourla mes lèvres. Un sourire plein de dépit. Au même titre que Harry, devenu « indésirable », nous étions recherchées. Simon avait même trouvé dans le journal un petit article qui promettait un sac de gallion pour capture de tout né-moldu en fuite ... Un rire étranglé m'avait échappé lorsque je l'avais appris. Dépitée, je refermai La Gazette et la lançai hors de ma vue.
-Et puis tu te plaignais l'année dernière de ne pas avoir eu le temps de lire, entre le Quidditch, ton livre, l'Ordre, ajouta Simon en balayant le dos de ma main de son pouce. Tu dois avoir plein de lecture en retard, non ?
-J'ai déjà relu tous mes Shakespeare ...
-Il va peut-être valoir voire plus loin que l'ami William, Vicky. Il n'y a pas quelque chose que tu voulais lire depuis longtemps ?
-Tolkien peut-être ... j'ai lu Le Hobbit il y a une éternité, il a trois ou quatre ans peut-être mais je n'ai pas pris le temps de lire la suite ... (Je me fendis d'un rire sans joie). Et vu l'œuvre de Tolkien, ça me tenir un petit moment ... Rien que Le Seigneur des anneaux je peux en avoir pour quelques mois ...
-Et bah voilà, ça fait un objectif.
Ses doigts pressèrent de nouveau les miens avec douceur et sa seconde main remonta mon bras avant d'effleurer ma joue. C'était de petites caresses, sans doute destinées à me tranquilliser et non à m'électriser. C'était efficace : je commençais à peine à me détendre quand des éclats de voix venues de l'escalier craquèrent ma quiétude.
-... que ça ne paraîtra pas suspect si je ne me pointe à Poudlard à la rentrée ? C'est obligatoire maintenant, papa, tu l'as dit !
-Pardon de ne pas vouloir que tu deviennes un otage !
-Crois-moi, je comprends, mais si je dois être honnête je pense que maman et toi êtes tout autant otage en étant employés au Ministère. Ils ont tellement de levier contre vous et au moins en vous gardant dans leurs rangs, ils s'assurent un œil et un levier sur Simon ! Jugson est de nouveau dehors, papa, tu penses qu'il n'y songe pas ?
A la mention de Jugson, les doigts de Simon se paralysèrent sur ma joue. J'eus la sensation que toute chaleur les désertés, qu'ils devaient pierre sur ma peau.
-Mieux vaut les maintenir à l'écart de notre famille et pour ça il ne faut pas éveiller les suspicions. Comment tu veux justifier que je ne retourne pas à l'école ?
-Je n'en sais rien ... on aurait trouvé ... une solution ...
-Qu'ils viendraient vérifier ici, dans cette maison où Victoria se cache. Je doute que ce soit intelligent ... Vraiment, je ne pense pas que je suis sans cœur, que je joue la fière et que je deviens tête brûlée sans prendre en compte votre inquiétude : c'est faux. Je trouve simplement que ne pas aller à Poudlard nous mettrait plus en danger qu'autre chose. Vous, Victoria, Simon ... C'est aussi votre sécurité qui m'importe. Laisse-moi faire ma part, je suis assez grande pour ça ...
Le silence s'insinua de nouveau dans le couloir. J'étais sur le point de me détourner de la conversation lorsque George avoua dans un filet de voix :
-Susie, ma chérie ... pardon ... c'est moi qui vous mets en danger.
-Mais qu'est-ce que tu racontes ?
-La semaine dernière ... ils ont tenté d'emporter l'un de mes amis du bureau de Liaison des Gobelins, Dirk Cresswell. C'est un né-moldu, je lui avais fournis de faux papiers ... mais quelqu'un a fouillé, a compris ... j'ai juste ... réussi à jeter un sortilège de confusion à l'Auror qui l'emmenait. Déjà que Dawlish n'ai pas beaucoup de plomb dans la tête, j'espère sincèrement que ça permettra à Dirk de s'en sortir.
-Oh papa ..., murmura Simon, une main sur la bouche.
Je lui jetai un regard de biais, la poitrine frappée par un souvenir soudain. Celui de lui et moi, passant la porte de cette même maison à son retour de France et la colère terrible de George qui faisait trembler les murs à l'idée d'accepter que Voldemort était de retour. Simon avait eu des mots durs pour son père, ce jour-là. Etait-ce à cela qu'il songeait alors que son père poursuivait :
-Malgré tout. Malgré Victoria chez nous, malgré Jugson qui se balade, j'ai pris ce risque ... Susie, on est déjà assez de tête brûlées dans cette famille. Je pensais avoir été épargné et je réalise que je ne vaux pas mieux que mon frère et ma sœur – et tu vois comment ils ont fini. Je suis fier mais ... Merlin que c'est douloureux de te voir prendre le même chemin ...
-Papa ...
La phrase de Susan se perdit dans le silence. A dire vrai, les voix avaient surtout mués en reniflements et en respirations hachées et lourde d'émotion réprimées, à leur tour ils se noyèrent dans un grincement de parquet. Lentement, je me laissai glisser au bas du lit aux côtés d'un Simon qui s'était mis à regarder dans le vide, la mâchoire contractée. Lui aussi sa famille allait être écartelée, d'une manière bien différente de la mienne. Tous voulaient agir. Les mots et mêmes les actes filtraient dans le noir. Mais tous craignaient pour les autres ...
-Avec tout ça, j'en venais presque à oublier que Jugson était dehors, murmura Simon.
-Hum ... continue d'oublier.
Il coula sur moi un regard oblique et torve, la bouche plissée en une mine vexée.
-Tu penses vraiment que Jugson risque de devenir ma priorité, là ?
-Non, mais je te sais quelque peu irrationnel concernant cette histoire. Et c'est parfaitement normal que le sois, cela dit. Mais ...
-Mais rien du tout, cingla Simon avec sécheresse. D'ailleurs je ne sais même pas ce qui nous prend de proférer le nom de cet homme dans cette maison. Mes parents sont certainement en train de se retourner dans leur tombe.
La remarque était un brin superstitieuse, étrange dans la bouche de Simon mais un frisson glacé me parcourus lorsque je me souvins que c'était à l'étage d'en-dessous que Jugson avait assassiné la famille, accompagné d'autres Mangemorts. Et avec un sentiment de malaise, je réalisai que je ne savais même pas où était mort Spencer. Où se trouvait ce fameux placard où Simon avait été enfermée à trois ans. Il s'agissait de sa chambre d'enfant ... mais j'ignorai de quelle pièce il s'agissait. C'est sans doute pour le mieux. Par ailleurs, Simon se releva vivement et attrapa les carnets au vol. Toujours un peu blême et crispé, il choisit de se changer les idées en achevant l'ensorcellement du matériel et se mit en quête d'une plume et d'une encore. De nouveau, le halo argenté illumina la pièce et je finis par la quitter avec un soupir. Je pris mon pyjama et profitai que la salle de bain soit déserte pour l'enfiler et me brosser les dents. Mais en allant aux toilettes, je découvris que Dame Nature ne m'avait pas oublié malgré les malheurs qui s'abattaient sur moi.
-C'est pas vrai, rageai-je en constatant que ma culotte était largement tâchée, ainsi que mon short. Elles ne pourraient pas s'annoncer ?
Normalement, elle le faisait d'une sensation de gêne au creux du ventre mais il fallait dire qu'il était constamment noué depuis quelques semaines. Mon stress avait littéralement mis mon corps en sourdine. Faute de mieux et puisque je n'avais pas pensé à tout, sauf à ça, je nettoyai ma culotte à l'aide de ma baguette, la bourrai de papier et me mis en quête de Susan. Mais lorsque je la trouvais, elle était dans sa chambre, dans les bras de son père. Les laissant à leur intimité, je descendis les escaliers, gênée par mon bricolage et ma requête. Rose était toujours en bas, des lunettes sur son nez, mais eut un sourire indulgent lorsque je lui demandais des protections hygiéniques.
-Tu peux fouiller les placards tu sais, m'assura-t-elle dans la salle de bain en me tendant la boite de protection. J'en rachèterai si elles viennent d'arriver ... Tu en as besoin de beaucoup ?
-Juste les premiers jours ... merci. Vous voulez que je vous donne de l'argent ?
Rose eut un triste sourire.
-Tu sais, comme tu ne t'es pas présentée à ton entretien ... tes comptes ont dû être bloqués. Je ne sais pas s'ils ont simplement gelé tes fonds ou s'ils les ont carrément saisis mais je doute que tu puisses accéder à ton coffre.
L'idée répandit un goût amer dans ma bouche. J'avais toujours été fière d'être relativement indépendante financièrement, d'avoir géré à la perfection ma bourse d'étude, de mettre soigneusement mon salaire de côté ... comprendre que ces efforts n'avaient servis à rien, qu'on me confisquait allégrement mes biens de façon arbitraire me souleva l'estomac. Mais comme l'avait dit George, c'était le monde dans lequel nous vivions désormais ...
-De t'en fais pas pour l'argent, poursuivit Rose avec un sourire. Ce n'est pas comme si nous en manquions ... Et si vraiment ça te tient à cœur, on en reparlera quand tout ça sera fini.
-Si ça finit un jour ...
-Il faut y croire, Victoria ... Je ne compte pas signer ce genre de condamnation le reste de ma vie. Ni devenir grand-mère dans ses conditions.
La plaisanterie manifeste avait une étrange sonorité, comme si elle s'était forcée à la lancer mais que le cœur n'y était qu'à moitié. Mais comme c'était la première miette qu'elle me donnait depuis que j'étais officiellement avec Simon, je décidai de passer outre.
-Vous avez encore largement le temps, vous savez ...
-Ce ne sera pas ce mois-ci en tout cas, renchérit-t-elle avec une certaine dérision.
Sans doute consciente d'être peu crédible, elle soupira profondément et ses épaules s'affaissèrent. Elle se laissa tomber sur le rebord de la baignoire et joua distraitement avec les rideaux.
-Peut-être qu'il est temps que je te fasse mes excuses, non ? Pour ce qu'il s'est passé en juin dernier ...
Je restai silencieuse, la boite de protection entre les mains, indisposée par la sensation de moiteur sur mon entrejambe. Mon corps était peut-être partiellement étourdi, mais mon esprit rappela aisément à lui la frénésie de Rose, la façon dont elle s'était accrochée désespérément à Simon, la lueur dans son regard ... Je ne le permettrai pas ... je t'ai sorti du placard ...
-Ce n'est pas à moi que vous devez des excuses mais à Simon, articulai-je finalement avec raideur. C'est surtout à lui que vous avez fait du mal ...
Rose ferma les yeux et inclina la tête, laissant sa masse brune et mordorée couvrir son visage. Elle avait la petite cinquantaine et elle avait encore les cheveux épais, lustrés et brillants, mais qui commençaient à se strier de gris à la racine.
-Ne crois pas que je l'ignore, il me l'a bien fait comprendre. Je ne l'ai jamais vu aussi en colère qu'après cette nuit-là, j'ai cru ... l'avoir perdu à tout jamais.
Elle redressa la tête et je découvris un sourire cynique retroussait ses lèvres.
-Tu l'as sentie la vérité, pas vrai ? Ce n'est jamais agréable de se retrouver face à elle ... je me sentais menacée. Soudainement, j'ai découvert qu'il t'écoutait plus toi que moi et ça m'a fait perdre pied ... On a toujours eu une relation si spéciale...
-Pas fondées sur les bonnes bases, objectai-je néanmoins.
Je croisai les bras sur mon ventre, les doigts toujours crispées sur la boite que je rêvais d'ouvrir pour soulager mon inconfort. Mais Rose ne paraissait pas encore prête à me libérer et se défendit :
-J'ai fait de mon mieux ...
-Vous voulez vraiment débattre de ça avec moi ? Parce que non seulement je ne suis pas sûre d'en avoir envie mais en plus je pense qu'on a dû vous faire comprendre que « de votre mieux » n'avait pas été suffisant.
Le ton était sec, avec les restes de rancœurs qu'avait pu me laisser l'incident. Rose roula des yeux mais laissa couler la pique. Je ne doutais pas que George, Susan et Caroline avaient dû profiter de la brèche ouverte à Simon pour mettre Rose face à ses travers comme mère. Je me doutais même que Lysandra Grims, toujours très critique, y était allé de son petit commentaire cinglant. Elle n'avait pas besoin de moi pour en remettre une couche. Je frottai mon front, embarrassée. Mon ventre commençait à me lancer, je voulais me coucher au plus vite.
-Ecoutez, je suis désolée si vous avez un jour cru que je vous volais Simon. Mais c'est à vous de comprendre qu'on ne pourra jamais voler un fils à sa mère et que pour que votre relation reste intacte, il faut me faire de la place. A dire vrai ... (je laissai échapper un petit rire incrédule). Je pensais déjà l'avoir, cette place.
Je ramenai mon poignet contre ma poitrine pour montrer la montre dorée que je portais depuis ma majorité. La lettre qui avait accompagné le cadeau faisait parti des objets que j'avais emporté avec moi, caché dans mon dictionnaire de rune avec mes autres trésors – une lettre de ma mère, celle de Simon me donnant rendez-vous dans le parc après notre premier baiser ... Une expression presque penaude se peignit sur les traits de Rose.
-Si ça peut te rassurer, je pensais chaque mot que j'ai écrit, souffla-t-elle, les yeux rivés sur ma montre. Le jour où je t'ai appris que tu étais une sorcière ... je t'ai vraiment intégrée dans mon système. Dans ma famille. J'avais tellement de peine quand je voyais comment réagissaient tes parents ... tu avais besoin d'un guide et j'étais heureuse d'être là pour toi. Vraiment.
-Et dans ce rôle-là vous avez été parfaite ... Sincèrement, je vous remercie de tout cœur d'avoir été présente toutes ses années et de l'être encore ... mais pourquoi ... ?
-Je ne sais pas, me coupa-t-elle avec un geste agacé de la main. Ne me demande pas, je ne sais pas. Moi non plus je ne comprends. Tu étais une gamine que j'adorais, que je défendais corps et âmes y compris contre mon fils ... et le jour où vos rapports ont changé, je t'ai vu différemment. Je me suis prise votre relation comme un mur. Lorsque Simon m'a annoncé que vous étiez ensemble ... tous les petits détails qui m'avaient échappé jusque là m'ont sauté aux yeux à me les crever. Il n'avait plus besoin de moi, au moindre bouleversement c'est toi qu'il cherchait, à la moindre bonne nouvelle tu devais être la première au courant ... Avant c'était vers moi. Je me sentais comme dépossédée de mon rôle.
Elle s'éventa le visage pour réprimer l'émotion qui le rougissait.
-Comprends moi bien ... Caroline, Susan ... elles ont toujours été plus proches de George, elles n'ont jamais eu besoin de moi. Simon, si. Et soudainement il m'écartait de sa vie et la responsable que j'avais en tête c'était cette adorable gamine qui avait grandi. Elle, je l'avais vu grandir, j'ai remarqué et apprécié chacun de ses changements mais pas Simon. Non, pas Simon ...
Elle haussa les épaules avec un sourire. Ses yeux brillaient, mais je n'avais pas l'impression qu'ils étaient enduits de larme. Simplement étincelants.
-Je n'ai pas de meilleure explication que cela. C'est ... stupide, lâche et égoïste, mets les qualificatifs que tu veux mais avec le recul c'est ce que j'analyse. En tout cas ça n'a rien à voir avec quelque chose que tu aurais fait ... Tu es toujours une jeune fille adorable. Très courageuse. Et maintenant que tu as cessé de taper Simon tu as balayé le dernier défaut que tu aurais pu avoir à mes yeux ...
-... mais en gommant ce dernier défaut, vous m'avez détesté, c'est ça ?
Malgré tous les compliments qu'elle plaçait soigneusement pour me ménager, ce simple fait tournait aigre dans mon ventre. Les lèvres de Rose esquissèrent un sourire contrit.
-C'est ça. Mais tu as raison ... il faut que je te fasse de la place. De toute manière, j'ai bien compris que si je m'obstinais à lutter ... j'allais tout perdre. Y compris me perdre. Cette femme jalouse et aigrie ... Ce n'est pas moi Victoria. J'espère que tu le sais.
-J'ai envie de croire que vous êtes surtout la femme qui m'héberge au péril de sa famille, avouai-je dans un filet de voix.
Rose sourit, l'air soulagé et je m'efforçai de rajouter, à moitié sérieuse :
-Mais ne pensez pas que parce qu'on a eu cette explication, je vais convaincre Simon de rester ici pour toujours.
-Tu ruines mon plan, railla-t-elle avant de me congédier avec un geste de la main. Allez ... va le rejoindre. Au moins je suis sûre que la nuit sera chaste ... Oh pardon, il faut que j'arrête. Vous êtes grands, maintenant, dix-neuf ans ... (Elle se redressa assez brusquement, la mine inquiète). Mais d'ailleurs, tu connais les règles de bases, pas vrai ? Je sais que tes parents ont certainement dû être prude sur la question, surtout ton père, est-ce quelqu'un t'a expliqué comment vous protéger ? Merlin je n'ai jamais pensé avoir cette conversation avec Simon ! Jusque toi il ne paraissait vraiment pas s'intéresser aux filles, je m'en suis même demandée s'il ne préférait pas les garçons !
L'accumulation fit monter dans ma poitrine un mélange de rire et de suffocation et je me retrouvée à bredouiller, rouge comme une pivoine, que j'étais parfaitement informée sur la contraception. Puis elle me répéta d'aller rejoindre Simon et me trémoussai dans l'encadrement de porte, la boite pressée contre la poitrine.
-En fait ... j'ai besoin de la salle de bain.
-Oh ! réalisa Rose en se dressant brusquement sur les pieds. Excuse-moi ... bonne nuit !
Elle libéra prestement la pièce et je pus alors me libérer du papier souillé qui venait de me sauver dans l'une des conversations les plus étranges et les plus longues de ma vie. Tout était plus long quand Dame Nature était présente ... Je me rafraichis, nettoyai mon short tâché et ajustai mon pyjama avant d'enfin monter rejoindre Simon. Cette fois, l'impression d'être épiée et la gêne sourde restèrent sur le pallier et j'entrai sereine dans la chambre de Simon. Il avait profité de mon absence pour se changer et je le retrouvai allongé sur son lit, une lettre dépliée au-dessus de son visage concentré. Il tenta de me la cacher lorsque j'arrivai mais je le rassurai d'un sourire.
-Je ne vais pas me vexer si mon frère t'écrit, promis-je, supposant qu'il s'agissait de cela.
-Ton père, rectifia-t-il avec un petit sourire. Il me demande de réguler ta consommation de chocolat !
-Chocolat ! Mince, j'ai oublié !
De ma baguette déjà en main, je fis apparaître avec une pirouette parfaitement inutile une plaquette de chocolat. Un petit rire secoua Simon et il replia patiemment la lettre de mon père.
-Comment tu as pu oublier le chocolat ? Toi ?
-Ta mère m'a dit qu'elle te pensait gay, tu comprends, ça m'a un peu déconcentré ...
-Pardon ?!
Le choc absolu qui se lisait sur le visage de Simon m'arracha mon premier véritable éclat de rire depuis des semaines. Je m'en laissai tombée sur le lit, hilare, le laissant pester contre sa mère et ses idées « à la noix », les joues rouges de confusion. Et au milieu de ce moment d'insouciance, elle apparut la phrase maudite qui coupa net mon rire et m'étreint la poitrine si fort que les larmes m'en montèrent aux yeux.
Il faudra que je le dise à Alex.
C'était venu machinalement. Ça n'avait fait que me traverser l'esprit, aussi fugacement qu'une étoile filante dans le ciel. Et pourtant, ça avait suffi à tout éteindre. Parce qu'il s'écoulerait une éternité avant que je ne puisse le dire à Alexandre ...
-Ravi de constater que tu es plus à l'aise avec la question, maugréa Simon, visiblement peu conscient de mon trouble, avant de tendre la main vers le chocolat.
-Bas les pattes, glapis-je en serrant la plaque contre mon cœur. Elle est pour moi !
Simon se laissa aller contre son oreiller, une moue boudeuse aux lèvres.
-Donne-moi une raison pour laquelle tu aurais le droit à tout le chocolat et pas moi !
-Je n'ai pas une raison, j'ai la raison. (Je me mis à arracher l'emballage comme on épluchait un fruit). J'ai mes règles.
Poussée par l'émotivité et le tiraillement dans mon ventre, je n'avais réellement réfléchi à une autre façon de formuler les choses et pris compte avec un temps de retard de la brusquerie de l'annonce. Un peu gênée, je lorgnai Simon du coin de l'œil. Difficile de juger son expression, d'autant que ne demeurait qu'en éclairage qu'une lampe de chevet qui se trouvait de mon côté.
-Ah, lâcha-t-il finalement. Et, euh ... ça va ?
-Ça va ? répétai-je, interloquée.
-Oui ... enfin ... tu n'as pas mal ou quoi ?
Je clignai les yeux, contemplai son expression étrange qui se voulait compatissante mais qui paraissait surtout figée avant de pouffer dans ma main.
-Oh mais t'es adorable ! Tu sais que la plupart des garçons se contenterait de dire « eurk » ?
-Oui bah je ne dis pas que je suis à cent pourcent à l'aise non plus, maugréa-t-il en tirant la couverture à son menton, visiblement vexé par ma réaction.
-Mais tu t'inquiètes quand même pour moi, c'est trop mignon !
Simon roula des yeux, excédé et s'enfonça définitivement dans le matelas, regrettant visiblement sa sollicitude. Il éteignit la lampe de chevet d'un coup de baguette, nous plongeant dans la pénombre. Ne demeurait en seule lumière que les rayons pâles de la lune qui découpaient la forme de la fenêtre sur le plancher. Simon détestait dormir dans le noir complet : il fallait toujours que les rideaux soient tirés. J'étais certaine qu'il s'endormait en contemplant l'ombre spectrales des branches du saule devant sa fenêtre qui se balançaient sur la vitre.
-Eh oui, Victoria Bennett, c'est ma croix. M'inquiéter pour toi chaque jour que Dieu fait ...
-Tu es d'humeur biblique.
-Je viens de lire une lettre de ton père, je suis certainement influencé.
J'essuyai un petit rire avant de me glisser à mon tour dans les couvertures et de me blottir contre le flanc de Simon. Il poussa un profond soupir mais finit par céder en entourant mes épaules d'un bras et me caresser avec tendresse. Apaisée, je posai ma tête sur sa poitrine et mordis un morceau de chocolat à même la plaque. Le son de ma mastication arracha un rire à Simon.
-Ça donne faim, me défendis-je.
-Je refuse que cette plaque de chocolat dorme dans mon lit.
-Ne t'en fais pas, elle sera engloutie avant même que le sommeil ne t'emporte. (Simon rit distraitement et je laissai s'égrainer quelques secondes avant de préciser :) et ça va. Je ne suis pas ce genre de fille qui se tord de douleur à l'arrivée des règles, j'ai de la chance. C'est juste un peu gênant.
-D'accord.
Sa voix était déjà à moitié pâteuse. Ses caresses s'étaient déportées dans mes cheveux mais étaient moins précise, avaient moins d'ampleur. Quelques minutes plus tard et alors que ma plaque de chocolat n'était même pas finie au tiers, il roula sur le côté, m'abandonna lâchement sur mon oreiller et emportant la couverture avec lui.
-Bones, la couette ! glapis-je en tirant vertement dessus.
-Dors avec l'emballage de chocolat, t'es tellement petite que ça te suffira.
-Pff !
Je frappai son épaule du plat de la main et Simon pouffa dans son oreiller. Il emprisonna ma main à l'aveugle et l'emporta avec lui comme un doudou. Vaincue par mon besoin de proximité et le sommeil qui montait, je me pelotonnai contre son dos, le front pressé contre son omoplate et la main posée sur son ventre qui s'élevait et s'abaissait à un rythme régulier et apaisant. Alors que mon esprit s'embrumait, je me surpris à songer que c'était certainement la meilleure façon de s'endormir. Que rien que pour sentir la chaleur de Simon sur ma peau, son souffle sous ma paume, d'entendre son rire par intermittence, cela valait la peine d'être restée en Angleterre au milieu d'un monde qui valsait. J'inspirai une dernière fois profondément, emplissant mes poumons de son odeur et relâchai avec mon souffle :
-Je t'aime.
-Hum. Le pire c'est que moi aussi, minus.
-Minus toi-même ...
***
Alors, ça fait du bien de se détendre un peu?
De manière général, vous l'appréciez ce début de partie 4? Je n'oublie rien, tout va bien?
A la semaine prochaine pour LDP - et deux pour O&P ! Bisous les enfants, prenez soin de vous !
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