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IV - Chapitre 35 : Le cadeau empoisonné

CRAQUAGE BONJOUR

Remis.es du dernier chapitre? 

Bon j'ai tenu plusieurs semaines d'affilé, et là je viens enfin de rentrer chez moi à Reims après quelques jours de haute intensité sociale. Chouette mais ... épuisante. J'ai mal à la tête et envie de lire vos petits commentaires, donc go ! 

Et comme ça fait longtemps, petit point sport avec la MAGNIFIQUE victoire de La Rochelle en finale de coupe d'Europe de Rugby ! Vraiment, un magnifique match de rugby, magnifique remontada (le 17-0 en 13 minutes pique), que d'émotions ! 

Et dans la foulée je suis allée au stade de Lille pour LOSC-OM ! Belle ambiance, beau match, et belle victoire de mon club, WE parfait sportivement. 

MAINTENANT CE CHAPITRE. 

QUI A ETE LE PLUS DIFFICILE ECRIRE D'O&P. 

C'est simple, quand je l'ai envoyé à Anna' juste avant de prendre le train, j'ai insisté incroyablement pour qu'elle le lise vite tellement il me gênait. Je l'ai presque totalement réécris suite à notre brainstorming. C'est la première fois que ça m'arrive. 

Tout ce mic-mac en fait le chapitre le plus long de cette partie 4, et je suis quand même contente du rendu. J'espère qu'il en sera autant pour vous ! Bonne lecture ! 

*** 

Les minutes étaient cruelles. 
Les heures étaient une punition. 
Quand il était éveillé, le sablier du temps se déversait au dessus de lui et menaçait de l'étouffer. Mais il le laissait vivre. On peut faire beaucoup de mal à quelqu'un en le laissant vivre. 

- La Voleuse de livre 
Markus Zusak 

***

Chapitre 35 : Le cadeau empoisonné.

Nous avions retrouvé Remus Lupin à l'endroit exact où nous l'avions abandonné.

Il était entouré de trois adolescents : l'irlandais envoyé auprès d'Arthur Weasley, une fille aux longs cheveux blonds entremêlés de brindilles et Ernie McMillan, le garçon dont Emily s'était tant moquée pour ses manières issues d'un autre temps. Pourtant, il était là, dévasté et blessé, appuyé contre son camarade, veillant tête basse et masque affligé son professeur tombé au combat.

Je le savais. Je l'avais su dès le début, dès que je m'étais détournée pour courir à perdre haleine derrière Podmore. Je l'avais su qu'en l'abandonnant à la lisère, je renonçais à le sauver, justement parce que je ne pouvais pas sauver tout le monde. Je l'avais su. Dès qu'il avait reculé.

Dès lors, nous avions formé un sinistre cortège funéraire. Les dépouilles de Tonks et Remus, réunis dans la mort, nous précédaient recouverts d'une cape qui frôlaient la pelouse ravagée du parc. Anthony, je l'avais perdu de vue quand je luttais contre la nuée de Détraqueurs. J'espérais sincèrement qu'il avait seulement poursuivi un Mangemort. Après ce qui en était sorti, je n'osais pas mettre un pied dans la Forêt pour vérifier. A chaque pas, nous trouvions un stigmate de la bataille qui venait de faire rage. Le trou encore fumant de l'impact d'un sortilège. Des gravats de pierre tombées des tours. Des armures désarticulées et fracassées sur la pelouse. Les pas immenses des géants qui avaient creusé la terre de leur empreinte. Le parc était défiguré. C'était comme contempler le visage de Nestor Selwyn. Effroi et fascination mêlées.

-Ce n'est pas juste.

C'était le premier mot que je prononçais depuis que je m'étais agenouillée devant Tonks, et je ne reconnaissais pas ma voix. Les cris l'avaient déformée. Boitillant à mes côtés, Podmore poussa un long soupir, lourd de mille et une émotions que son visage se refusait à refléter.

-La mort n'est jamais juste, Tac. Evite de ressasser.

Je battis des paupières désespérément, mais les larmes s'échappèrent tout de même. Jusque là, j'avais trouvé un sens à toutes les morts qui étaient tombées telles des bombes incendiaires sur mon âme. Cédric, mort pour unir, parti avant que la guerre ne puisse le déformer. Amelia Bones, morte pour sa cause, comme les lionnes qu'étaient les femmes de sa famille. Renata, tant habitée par son combat qu'aucune autre issue n'était possible. Mais à l'heure de trouver un sens à ce qui venait de nous déchirer, je ne rencontrais un immense vide, un trou noir abyssal. Ils avaient un fils. Un tout petit bébé. Un bébé qui n'avait même pas encore conscience de ce qu'il venait de perdre en l'espace de quelques heures ... presque par hasard. Par un coup du sort fatal. Tonks n'aurait jamais dû se rendre à Poudlard, jamais elle n'aurait dû quitter la Salle-sur-Demande ... Elle n'aurait jamais dû mourir. Pas en ayant cette vie brillante devant elle. L'injustice du destin me tordait les entrailles, une douleur intense et vaine. De la torture pure et simple.

-Ils sont dans un monde meilleur, souffla la fille, alors que nous approchions des lumières chaleureuses du château. Je suis certaine que ma mère est en train de les accueuillir ... Là-haut, ils ne manqueront de rien.

Elle se tourna vers moi, et je fus frappée par la sérénité irréelle de ses traits. La mort, la douleur et le deuil ne semblait pas l'atteindre, au contraire de son ami Irlandais qui pleurait silencieusement tout en soutenant un Ernie dont la cheville semblait fracturée. Ils avaient évité des géants, m'avait-il expliqué succinctement avec un frisson de dégoût. La nonchalance de la fille m'était presque apaisante, faisait écho à ce qui s'était épris de moi depuis que j'avais contemplé le corps de Remus Lupin dans la pelouse. En moi s'était instillé une froideur paralysante qui ankylosa totalement mon corps et mon esprit. Je reconnus parfaitement la sensation : c'était la même qui m'avait engourdie le soir de la mort de Cédric, où j'avais été trop éprouvée pour les événements pour accepter de me laisser m'emporter.

Il avait fallu que je retrouve Simon pour le faire.

Que je retrouve Simon. Je devais le retrouver.

-On n'a pas revu Harry, ajouta la fille devant d'un ton rêveur. J'espère qu'il a trouvé le diadème ... Ça avait l'air important.

-J'espère que c'est important, maugréa l'irlandais, les dents serrées. Sinon ça veut dire qu'on se serait battu pour rien ...

Trouver le diadème, me répétai-je, à peine perplexe. Même mon esprit s'était mis à tourner au ralenti, comme en hibernation. Nous faisions réellement tout ça pour un diadème ?

Les portes du château furent enfin en vue et nous les passâmes avec un soulagement palpable. Quelque part, nous étions tous rassurés de ne pas avoir été attaqué par traîtrise ... et surtout, de n'avoir fait aucune autre découverte morbide. La vérité, c'était que j'avais aperçu des silhouettes dans la pénombre, affalées dans le parc, mais mon regard étaient passés sur elles sans réellement les voir. Ernie avait besoin de soin. C'était une excuse. Je m'en fichais.

Seulement, le pire semblait être encore devant nous. Si le parc était défiguré, c'était pire une fois à l'intérieur. Le Hall était méconnaissable. J'avais cette sensation acide qu'une bombe avait explosé en son sein. Le sol de dalle était jonché de sang et d'émeraudes qui s'échappaient du sablier brisé. Une partie de la rambarde de l'escalier avait été arrachée et ses débris de marbre couvraient le sol. J'entendais le vent d'engouffrer dans l'immense espace, et j'eus aucune difficulté à imaginer en levant la tête que les géants aient pu défoncer les murs. A l'entrée de la Grande Salle, une jeune fille semblait faire la circulation, auscultait sommairement toutes les personnes qui passaient devant elle avant de désigner l'intérieur. Avec un soulagement qui faillit m'étourdir, je reconnus sous la poussière et la terre les traits d'Eugenia Dragonneau, la tresse toujours sommairement nouée autour de son brin de muguet. Elle sembla réprimer un cri en me découvrant passant la porte.

-Miles ! appela-t-elle à l'intérieur avant de se précipiter vers nous.

Elle n'eut pas un regard pour les corps qui nous précédaient et dérapa presque à genoux devant nous pour immédiatement prendre la cheville blessée d'Ernie dans ses mains. Son visage était pâle, mais son regard vif, alerte alors qu'elle examinait la blessure.

-Cassée, décréta-t-elle avant de se relever. Pomfresh est sur l'estrade, elle va regarder ça ...

-Et eux ? s'enquit Podmore.

Eugenia déglutit nerveusement en comprenant qu'il parlait des dépouilles. Toujours sans tourner les yeux vers eux, elle pointa la Grande Salle sans un mot. Podmore hocha gravement la tête et s'y engouffra, Ernie et ses compagnons à sa suite. Je n'eus même pas le temps de m'appesantir sur l'idée qu'ils me quittaient à tout jamais qu'Eugenia attrapait déjà mon visage entre ses mains experte et m'examinait sous toutes les coutures.

-Tout va bien ? Rien de cassé ?

-Mon cœur, ça compte ?

Eugenia pinça des lèvres devant ma piteuse tentative de dérision et posa une main sur ma poitrine, sans doute dans l'espoir qu'un pouvoir miraculeux ne lui naisse pour recoller les morceaux épars de mon cœur. Maintenant que nous étions seules, son contrôle sur elle semblait lui échapper et des tremblements compulsifs lui agitèrent les doigts. Derrière elle, quelqu'un apparut brusquement sur le seuil de la Grande Salle et se laissa aller contre l'embrassure, visiblement terrassé par le soulagement.

-Mais ça ne va pas d'hurler comme ça, j'ai cru que c'était grave ! haleta Miles, sidéré.

-Tonks et Remus c'est déjà bien assez grave à mes yeux.

Ma voix vacillante eut raison du courroux qui crispait les traits de Miles et son visage se décomposa entièrement. Ses cheveux si soignés d'habitude volaient dans tous les sens, tombés sur un front où saignait une plaie. Son bras gauche était porté en écharpe, pour soutenir une épaule où son pull semblait brûlé, comme si un sortilège l'avait frappé. La nausée fit tourner mon monde et je m'accrochai au bras d'Eugenia. La jeune fille avait trouvé la blessure sur ma tempe et y portait la baguette. Une douce chaleur se répandit alors sur ma peau, maigre apaisement au milieu d'un océan de tourments.

-Je vous en supplie, dites-moi que Simon est vivant, lâchai-je, laissant enfin échapper ma peur la plus prégnante et la moins avouable. J'ai besoin de l'entendre ...

-Il n'est pas encore arrivé, mais comme personne qui était posté dans les tours, ajouta précipitamment Miles devant mes yeux agrandis par l'épouvante. Alors jusqu'à preuve du contraire, il ne lui est rien arrivé ...

Mais il était arrivé quelque chose. C'était forcé. Depuis l'intérieur de la Grande Salle commençaient à s'élever des plaintes et des pleurs, des cris et des gémissements. Cette pièce empestait la mort à plein nez. Elle criait tout son désespoir. En franchir le seuil et contempler toutes ses vies brisées était au-dessus de mes forces, alors je rassemblai celles qui me restaient pour chuchoter :

-Qui ?

-Vic' ..., commença Miles d'un ton étranglé.

J'entendais déjà la suite. Toutes les précautions oratoires qui amorçaient, enrobaient et assourdissaient une mauvaise nouvelle, une nouvelle flèche propre à me frapper. Je devais savoir, mais comment savoir sans que cela ne m'abatte ? Sans réfléchir, alors que je voyais la pitié et la détresse envahir le regard de Miles, je m'approchai de lui et lui agrippai le col dans une prise qui n'avait rien de doux. Au contraire, mes mains pleine de sang noir lui arrachèrent un haut-le-cœur avant qu'une grimace ne déforme ses lèvres face à la pression.

-Miles, écoute-moi, murmurai-je d'un ton résolument neutre. Tu étais là, tu m'as vu dans les geôles. Et là je te jure, je suis à deux doigts de me rouler en boule et de retourner à cet état. Littéralement à deux doigts. Alors je veux des noms et rien d'autre, d'accord ? Juste des noms.

Miles planta dans mes yeux un regard absolument déchiré. Il s'écoula quelques secondes, quelques affreuses secondes, avant que ses lèvres s'ouvrent pour articuler péniblement trois terribles syllabes :

-Fred Weasley.

Le nom tomba de ses lèvres directement sur mon cœur avec la violence d'un rocher chutant de la cime des montagnes. Il roula, emporta tout dans son passage et se fracassa contre moi.

Non, ce n'est pas vrai, fus la première chose qui me traversa l'esprit. Et George ? La seconde. Parce qu'il me l'avait avoué. Il l'avait dit, lorsqu'il m'avait fièrement montré sa baguette. Une âme dans deux corps. Qu'advenait-il de l'un lorsque l'autre ... ? Mais la pensée était trop absurde, trop abstraite pour prendre réellement forme dans mon esprit. Et pour l'heure, c'était une bénédiction. Oui, le bouclier toujours actif dans mes veines, crée lorsque mon corps avait refusé la moindre émotion supplémentaire, tenait vaille que vaille et je me permis t'intégrer l'information et de la ravaler au plus profond de moi. J'eus la sensation d'avaler une bombe, une bombe à retardement qui cliquetait dans mon estomac, comptait les secondes avant d'exploser et de m'exploser au passage.

Tic-tac.

Tic-tac.

Tic-tac.

L'heure s'écoulait avec une lenteur infernale. C'était un cadeau empoisonné que nous avait accordé Voldemort. Tant que nous nous battions, nos cœurs vaillants étaient trop occupés à lutter pour songer aux conséquences, à l'après. Mais à présent, l'adrénaline refluait. Une heure, une heure pour contempler l'étendue des dégâts. Une heure pour considérer sa force de frappe, mortelle, inéluctable. Une heure pour laisser la douleur et le désespoir nous rendre fou, nous ôter toute volonté.

Le second cadeau empoisonné, j'eus la sensation de le recevoir lorsqu'une autre personne émergea de la Grande Salle, l'air perdu, des larmes brillants sur ses joues. Ses yeux verts fouillèrent le Hall avant de tomber sur moi et aussitôt, plus rien ne semblait compter que le lien qui nous unissait l'une à l'autre depuis l'enfance et qui nous attirait comme un aimant.

-Seamus et Ernie m'ont dit que tu étais revenue, mon Dieu, Vic' !

-Susie !

Nous nous percutâmes plus que nous nous enlaçâmes. Et alors je sus, je sus au plus profond de moi que Voldemort voulait ses retrouvailles, qu'il voulait qu'on réalise ce qu'on avait encore à perdre, qui il pouvait encore nous arracher pour atteindre Harry Potter. C'était une autre manière de faire monter la peur en nous. Et ça marchait. Ça marchait terriblement. A l'idée même que Susan s'effrite entre mes bras, mon bouclier faillit refluer et un sanglot me déchirer la gorge.

Bouleversée, je pris son visage en coupe, ce visage beaucoup plus haut de moi depuis qu'elle s'était mise à grandir. De la poussière et de la suie maculait sa peau, si ce n'était les deux sillons rosés que les larmes avaient tracées sur ses joues. Sa queue de cheval ne tenait plus qu'à un fil. La dernière fois que j'avais contemplai ce minois semblait appartenir à une autre vie. Une vie qui précédait le Ministère, une vie qui précédait mon arrivée ici ... Une vie où malgré les ombres, l'espoir me baignait.

-Simon ... ? s'étrangla-t-elle.

-... Va arriver, affirmai-je fermement, puisque c'était l'unique option que j'envisageai. Il va arriver, Susie. Il était avec McGonagall, McGonagall n'est pas là-dedans, non ?

-Non ...

-Ma sœur n'est pas revenue non plus, nous apprit Eugenia avec angoisse. Elle aussi était dans les tours ...

-Venez, on ne va pas rester au milieu du Hall ..., proposa Miles en passant une main derrière sa taille. Venez, on va s'assoir ...

Un peu sonnés, tous autant que nous étions, nous gravîmes les marches usées et couverte d'éclats, de débris et de brûlure du Hall. Susan avait logé sa main dans la mienne, une main agitée de tremblement si brusques qu'ils tenaient du spasme.

-Il y a une dizaine de corps déjà à l'intérieur ..., déclara-t-elle d'une voix morte. Et Chourave essaie de recruter quelques personnes pour aller rechercher dans les couloirs et le parc ceux qu'on n'aurait pas encore trouvé ... Seamus dit ... il dit ...

Je hochai plusieurs fois la tête, défaite. Ainsi lui aussi les avait perçus, ces silhouettes allongées pour l'éternité dans le noir. Lui aussi avait choisi de ne pas les voir. Je me sentais moins seule dans ma lâcheté. Epuisés, nous nous arrêtâmes simplement à la première plateforme qui faisait l'angle de l'escalier, et Miles se laissa lourdement tomber sur la marche qui amorçait une nouvelle volée.

-Et le pire, c'était qu'il n'était même pas là ..., enchérit-t-il, sonné. Ils ont percé nos défenses comme du beurre, nous ont littéralement décimé ... et il n'était même pas là ... Je n'arrive même pas à déterminer si ça me révolte ou si ça m'effraie.

-Les deux, évalua Eugenia dans un souffle.

Ses yeux se perdirent sur les étages à peine discernables entre les escaliers qui grimpaient à l'infini jusqu'au septième étage. Je découvris en suivant son regard qu'une partie du mur du niveau supérieur s'était effondré et laissait entrapercevoir la nuit noire. Un peu déboussolée, je jetai un coup d'œil à ma montre et découvris à ma plus grande horreur que son cadran était fracturé. Lâchant Susan, je saisis immédiatement la baguette pour la pointer sur elle.

-Reparo.

Le verre se ressouda en un battement de cil et me laissa entrevoir les aiguilles indiquait les quatre heures. Quatre heures ... Je m'étais battue des heures durant, sans relâche depuis minuit. C'était cela les muscles raides et la fatigue qui me brûlait les yeux. Je pressai mes paumes contre les paupières. Je préférai me concentrer sur mes douleurs purement physiques que sur le nom que Miles avait lâché. Fred Weasley. C'était inconcevable. Je n'arrivais même pas à me l'imaginer mort. Non, l'unique image qui hantait mon esprit, c'était ce sourire espiègle, annonciateur d'un mauvais coup qui l'avait toujours caractérisé.

C'était pire. Je ne voulais penser que plus jamais je ne contemplerai ce sourire.

D'un bond, comme piquée par une mouche, je me relevai, et me mis à parcourir la plateforme de long en large. L'idée de rester immobile me révulsait totalement. M'immobiliser, c'était laisser mon corps au repos, et donc libéré mon esprit qui se retrouvait assaillie d'une tonne d'image. M'immobiliser, c'était laisser les émotions m'emprisonner, m'atrophier. M'immobiliser, c'était retrouver l'état qui m'avait habité dans les geôles, cet était plus proche de la mort que de la vie. C'était Tonks qui était immobile. Pour toujours. Moi il fallait que j'avance.

Non, si je m'arrêtais, je ne pourrais plus jamais me relever. Cédric ne serait pas toujours là pour me tendre la main et m'arracher aux enfers.

Le fracas des pas contre le marbre me fit relever la tête, et fit carrément bondir Eugenia. Quelques têtes, quelques éclats de voix, et Minerva McGonagall fut enfin visible. Méconnaissable, elle portait ses cheveux noirs détachés qui pendaient autour de son visage qui n'avait plus rien de sévère. Marquée, lasse, les traits alourdis par le tourment, ce n'était plus une professeure, mais une cheffe de guerre qui descendait parmi les mortels. Dans son sillage, trois corps, trois corps qui me donnèrent la nausée, l'envie de hurler, trois corps qui ne m'étaient rien dans le linceul qu'on avait lancé sur leur profil, trois corps devant lesquels Susan sanglota. Puis la vie émergea du chaos de façon miraculeuse. La suite des corps, c'était Audrey Dragonneau qui se jeta dans les bras de sa sœur, c'était la jeune Daphné Greengrass, qui sourit faiblement à Miles, mais surtout, mais surtout ... C'était Simon, en queue de fil, dernier à descendre. Intact. Pas de poussière sur son visage au nez pointu, pas de brûlure sur mon pull bleu qu'il portait depuis ce matin, juste une expression hantée qui voilait son regard. Mais elle s'effaça dès que ses yeux se posèrent sur nous. Dès lors, son pas s'accéléra : quitte à trébucher, il descendit, vite, dépassa les quelques élèves qui le devançaient pour nous rejoindre, Susan et moi, côte à côte dans l'attente.

-Oh mon Dieu, lâcha-t-il avant de tomber dans nos bras.

Les sanglots que Susan lâcha dans notre étreinte devint l'espace de quelques minutes ma seule réalité, comme le bras de Simon qui enserrait mes épaules pour me presser contre lui, la caresse de ses mèches contre ma joue. Il tremblait. Il tremblait littéralement de tous ses membres, libérant la pression qui devait l'étreindre depuis quatre longues heures où nous avions été séparés. Le visage enfoui dans son cou, je maudissais Voldemort, et sa trêve qui n'en était pas une. C'était atroce d'avoir le nez sur ce qui risquait encore de nous être arraché. Comment allais-je faire pour repartir, dans cet état ? J'aurais voulu me fondre dans notre étreinte, me fondre, oublier les prunelles étoilées de Tonks ou le visage éclairé par la lumière blafarde de Remus, le nom de Fred qui était tombé sur mon cœur. Je voulais me fondre pour oublier le cliquetis des araignées, le râle des Détraqueurs et le rire de Bellatrix Lestrange. J'étais arrivée à un véritable point de bascule, comme trois ans plus tôt la nuit où Cédric était mort. Je n'avais réussi à pleurer qu'entre les bras de Simon, les mêmes bras qui m'enserraient à présent. Les larmes étaient là, à me brûler la cornée et pourtant je les refoulai de toute mes forces. Je rompis même l'étreinte au moment où je me sentais vaciller, prête à me fondre non pas en Simon mais dans les limbes. Il ne me laissa pas partir pour autant, glissa sa main dans ma nuque avant que son pouce ne vienne balayer ma mâchoire. L'intensité de son regard me cloua sur place.

-Je t'avais dit qu'on se retrouverait ...

La phrase était passée dans un souffle, un souffle qui faisait tant échos à toutes les angoisses que j'avais pu ressentir que mon cœur s'en serra douloureusement. Sans un mot, je tournai simplement la tête pour embrasser sa paume avant de laisser ses doigts parcourir mon visage, la courbe de ma joue avant de se perdre dans mes cheveux. Comme s'il fallait qu'il s'assure de toute les manières que j'étais réelle sous sa peau. Sa main avait enfin fini son examen pour glisser jusque la mienne quand Susan, toujours frissonnante, s'écarta enfin de son frère. Il n'y avait pas la moindre trace de soulagement dans ses yeux. Son regard n'était qu'un océan de troubles.

-C'étaient qui ... ? Sous les draps ... ?

-Honnêtement, personne que je ne connaissais, assura tristement Simon. On a ramassé tout ceux qu'on a pu trouver ... (Il blêmit lorsqu'il réalisa les dessous de la question de Susan). Et vous, qui ?

Je plaquai une main dans ma bouche et me détournai, incapable d'articuler le moindre nom, ni d'affronter la réaction de Simon. C'était un aveu en tant que tel, et fort heureusement, Miles eut le courage de me suppléer. Je contemplai la nuit à travers le mur brisé alors que les noms s'alignaient, même ceux que je ne connaissais pas, même des blessés qui ne m'étaient rien. La honte m'acidifia le ventre lorsque je réalisai que le sentiment qui prédominait était le soulagement. Puis, j'étais surtout trop heureuse de voir s'empiler les noms qui n'apparaissaient pas ... Ce fut déjà bien assez pénible de me retourner et de découvrir Simon défait sur les marches, des larmes inondant ses joues, les yeux plongés dans le vide pour atteindre un monde auxquels trop n'appartenaient plus.

-Je lui avais dit de rester, murmura-t-il, le timbre broyé. Je lui avais dit ... je ne lui avais dit ...

-A qui, Fred ? interrogea Susan.

Non, Fred n'est pas mort, voulus-je répondre, mais mes lèvres demeurèrent scellées. Simon tressaillit à la question et de nouvelles larmes dévalèrent ses joues. Même Miles se détourna, les dents serrées, les yeux brillants.

-Non, Tonks ... Elle a un fils ... Je lui avais dit. Mon Dieu, je lui avais dit ...

-Tu ne pouvais pas la retenir, intervins-je, la voix rauque. C'était une Auror, Simon ... se battre pour un monde meilleur, c'était sa vocation. Sa raison de vivre. Justement pour Teddy ...

Les mots parurent glisser sur Simon sans réellement l'imprégner. Il me considéra quelques secondes, sans me voir. Non, l'unique chose qu'il voyait à travers moi, c'étaient les visages superposés de Tonks et de Cassiopée Bones, deux Aurors morte baguettes à la main, pour des raison strictement identiques ... et qui laissaient en héritage une vie dévastée.

Ce fut alors que je remarquai, alors que le deuil semblait nous figer, qu'une chose elle, refusait de rester en place. La main gauche de Simon était agitée non de tremblements, mais de spasme irréguliers, compulsifs, qu'il masquait mal en l'emprisonnant dans son autre main. Eugenia aussi lorgnait dessus, remarquai-je, presque soulagée, et finit même par s'assoir résolument aux côtés de Simon. Elle lui arracha sa main et il ne protesta même pas, malgré un agacement visible.

-Ce n'est rien, juste les répliques du maléfice, McGonagall a déjà regardé ... je n'ai même pas mal – et c'est vrai, cette fois !

-Quel maléfice ? s'inquiéta Susan, estomaquée.

-Reste quand même tranquille pendant cette heure, évalua Eugenia en lui rendant sa main. Si c'est juste des tremblements et que ça ne réveille pas le maléfice ...

-On ne peut pas réveiller un maléfice qu'on a vaincu, rétorqua Simon en levant les yeux au ciel. C'est juste qu'il a endommagé ma main et que lorsque je fais trop de magie bien ...

Elle tremblait. Et les qualités de Simon ayant pour socle la précision et la puissance, la constatation avait de quoi me faire trembler, moi aussi. Même lorsqu'il dissimula sa main dans sa poche, j'eus la sensation de la voir tressauter.

-Si ça vous intéresse, Harry Potter en personne vient de passer la porte, annonça alors Miles.

Le ton était neutre, mais la voix trop éraillée pour faire illusion. Comme les commères que nous étions au fond de nous, Eugenia et moi nous précipitâmes sur la rambarde fissurée pour apercevoir le Hall, traversé par trois adolescents qui semblaient avoir vécu l'enfer. La chevelure d'Hermione Granger semblait plus indomptable que jamais, Ron avait le visage bruni par les épreuves et que dire de Harry ... ? Peau noircie par la suie, lunette gauche fissurée, vêtement fumant, il contempla le Hall ravagé avec un désarroi qui me brisa le cœur. Mon œuvre, disait son œil vert empli de détresse. C'est mon œuvre. Tête basse, il s'engouffra dans la Grande Salle où l'attendait, je le savais, bien pire que des gravats et des taches de sang.

-Pas de diadème, constatai-je mécaniquement.

-Hein ?

-Une fille a parlé de diadème. C'est ce que Harry cherchait, apparemment. Un diadème ...

-Un diadème ? répéta Miles, perplexe. Qu'est-ce que ça peut être l'enjeu d'un diadème ?

-Si c'est celui de Serdaigle, ça peut être un enjeu magique, tout simplement.

Simon s'était levé pour contempler Harry traverser le Hall avec nous, les épaules voûtées, le regard voilé. Une lueur rassurante de réflexion s'était allumée dans son regard et il enlaça ma taille d'un geste machinal.

-Rowena Serdaigle possédait un diadème qui donnait sagesse à celui qui le portait, ajouta-t-il résolument, comme pour éviter à son esprit de divaguer vers des pensées plus morbides.

-Ma vie pour voir Tu-Sais-Qui porter ce diadème, ricana Miles.

C'était tant quelque chose qu'un Weasley aurait pu dire que mon cœur se brisa et j'enfouis mon visage dans le cou de Simon, les dents serrées à l'en les briser.

-Je ne comprends pas forcément l'enjeu, poursuivit Simon, un peu perplexe. Mais je suppose que c'était un grand artefact magique. Peut-être que c'est le réceptacle plus que ses pouvoirs en tant que tels qui les intéressaient, je ne vois pas pourquoi il chercherait de la sagesse ...

-C'est Julian qui t'a raconté cette histoire ? m'enquis-je d'un ton étouffé.

-Comment tu as deviné ?

Le sourire dans la voix de Simon fut comme un soleil intérieur qui chassa de ses modestes rayons les tempétueux nuages qui obscurcissaient mon horizon. Sans répondre, je me blottis davantage contre lui et il resserra sa prise sur ma taille. Julian voudrait peut-être être là, songeai-je distraitement, le cœur serré. Pour Matthew. Et surtout, parce que Noah serait le premier à se ruer sur Poudlard dès que l'information atteindrait ses oreilles. Sauf que l'idée que les deux se plongent dans une bataille qui ne pouvait se solder que par la mort m'attirait irrémédiablement vers le sol. Cette fois, il fallut que je m'accroche aux épaules de Simon pour que mes jambes ne vacillent pas. Derrière moi, Eugenia s'éclaircit la gorge.

-Oui, sauf qu'en l'occurrence ... Le diadème de Serdaigle est perdu depuis Serdaigle elle-même, Flitwick nous l'a répété maintes fois

-Dites-moi que c'est une blague, lâcha Audrey, consternée.

Elle pleurait abondement et sans discontinuer – l'un des corps ramassés dans les étages étaient l'une de ses amies. Pourtant là, les larmes semblaient se figer sur ses joues et elle serra les poings, l'œil embrasé par la colère.

-C'est bon. Genna, viens. On rentre à la maison. Ça suffit ...

-Audrey ...

-Je ne veux plus le battre ! Tu l'as entendu ? Tu crois qu'il va se rendre, le grand Harry Potter ? Non ! Alors c'est Tu-Sais-Qui en personne qui viendra nous tuer ! Nous tuer, Genna !

Sa voix, pourtant forte et sonore, dérailla sur la fin. Eugenia accusa le coup, la bouche entrouverte, visiblement à court de réplique.

-On ne peut pas s'échapper, juste comme ça, lança alors Susan. J'ai entendu Ginny Weasley dire que la Salle-sur-Demande était en proie à un violent incendie ... C'est par-là qu'ils ont évacué. Quant aux autres passages secrets, les rares qui n'étaient pas condamné, on les a fait ébouler. On est coincé ici ...

Malgré tout, je n'avais jamais eu la volonté de me dérober à mon sort, et pourtant l'idée d'être emprisonnée dans ce château resserra ma cage thoracique sur mon cœur à l'en étouffer. Suffoquée, je quittai les bras de Simon pour reprendre mes allées et venues sur la plateforme. La mélodie du Do you hear the people sing ? berçait mon esprit en un rythme à la fois infernal et apaisant.

-Il veut nous piéger comme des rats ..., murmura Simon, épouvanté.

-La Forêt, peut-être ? hasarda Miles.

-Vu ce que j'ai vu sortir de la Forêt je peux t'assurer que je n'y mettrais pas les pieds !

Mon éclat haut perché parut surprendre tout le monde, y compris Simon qui darda un regard inquiet sur moi. Je déglutis et détournai les yeux avant de me remettre en marche.

-Si c'est des Acromentules que tu parles, il y a des manières de s'en défaire, affirma tranquillement Miles. Quant aux Détraqueurs, je crois savoir que tu as un très joli patronus.

-Magnifique patronus, rectifia Simon avec l'ombre d'un sourire. C'était encore du haut vol, Vicky ...

Savoir qu'il avait vu mon colibri depuis sa tour, comme je l'avais souhaité, espéré, fut comme un baume sur mon cœur endolori. Maigre baume, mais vu la situation, je prenais tout réconfort possible.

-Parfait alors, tentons, nous enjoignit Audrey, désespérée.

-Moi je ne pars pas, annonça Susan d'un ton farouche.

-Non mais toi tu es une Bones, aussi. Vous êtes naturellement candidates à la mort.

Susan se dressa sur ses pieds d'un bond, furibonde, mais Simon lui attrapa vertement le bras avant qu'elle n'ait pu saisir sa baguette. Mais c'était celle qui tremblait toujours et Susan se défit aisément de sa prise pour s'avancer vers Audrey, presque menaçante avec ce regard vert flamboyant, intensifié par la brillance des larmes ... Mais avant qu'un mot n'ait pu jaillir de sa bouche ouverte par l'indignation, des pas retentirent dans le Hall et martelèrent les marches jusque nous. En une fraction de seconde, Harry Potter, hagard, tête basse, gravit le marbre sans même nous adresser un regard, sans même sembler avoir conscience de notre présence. Il nous traversa comme un fantôme avant de monter, avaler les marches comme si le Diable en personne était à ses trousses. Ce qui était plus ou moins le cas. Son apparition nous réduisit tous au silence, et nous échangeâmes des regards estomaqués.

-La Forêt Interdite, c'est dans l'autre sens, fit cyniquement remarquer Miles, désabusé. Alors je suppose qu'on doit se préparer à combattre ...

-C'est le parrain de Teddy, me souvins-je, le cœur morcelé. Oh Seigneur ...

Je pressai une main contre mon cœur qui menaçait de fracasser mes côtes et sortir de ma poitrine. Ça serait si simple de l'arracher ... Ne plus ressentir, ne plus sentir ce poids qui me plombait, m'attirait inexorablement vers le sol ... Alors qu'est-ce que ça devait être pour Harry, porté par Voldemort en seul responsable de ce carnage ? Qu'est-ce que ça devait être pour lui, de qui dépendait notre salut à tous ?

Qu'est-ce que ça devait être d'avoir à choisir entre sa vie et celles de toutes les âmes vivantes de ce château ?

-C'est atroce, pleura Audrey, visiblement bouleversée. Je veux rentrer à la maison ...

-Oh, sœurette, déplora Eugenia en la prenant tendrement par les épaules. Je comprends, si tu savais comme je comprends ... Je pense qu'il n'y a pas une personne qui ne pense pas ça en ce moment. Pourtant ... ce serait illusoire de penser qu'il suffit juste qu'on se retire pour que tout s'arrête.

Je hochai silencieusement la tête, la mâchoire contractée, habitée de la même conviction. Les mots d'Eugenia qui suivirent se posèrent sur un sentiment qui ne m'avait jamais quitté depuis que j'étais entrée dans ce château :

-Regarde autour de toi. Regarde ce qu'il déploie pour détruire ce château, pierre à pierre. Ce n'est pas un événement lambda, qui se déroule. C'est le genre de chose qui s'écrira un jour dans les livres d'Histoire.

-Victoria, aiguise ta plume, intervint Susan, et de façon miraculeuse, tout le monde se fendit d'un petit rire.

-Pour ça, il faudrait qu'on gagne, observai-je sans faire l'effort de sourire. Ce sont les vainqueurs qui rédigent l'Histoire ...

-Et c'est là où je veux en venir, poursuivit Eugenia en plantant son regard sur sa sœur. Soit on gagne, et ça aura été au moins le point de bascule de cette guerre, le moment où on aurait vaincu Tu-Sais-Qui, ou au moins trébuché. C'est ce vers quoi on doit tendre. Soit il triomphe, et alors il aura annihilé toute la résistance qui existait. L'Ordre du phénix est là, les professeurs de Poudlard qui sont les héritiers de Dumbledore ... et Harry Potter, la figure de l'espoir, l'unique personne à l'avoir vaincu. Et après ça, l'Angleterre sera à lui. Il n'aura plus qu'à la cueillir comme un fruit bien mûr ...

Audrey l'écoutait, les larmes figées sur ses joues. Le discours avait même eu raison de la fureur de Susan, qui s'était sagement replacée aux côtés de Simon, soufflée par l'enjeu. Leurs identiques yeux verts étaient rivés sur le visage mortellement sérieux d'Eugenia.

-Alors en fait, je ne vois pas de choix, personnellement. Je ne peux pas vivre dans ce monde. Alors s'il faut être là pour se tenir entre lui et sa proie ... Ainsi soit-il.

-Amen, ma sœur, murmurai-je, saisie.

-Amen, conclut Susan.

L'immensité de la tâche, de ce qui nous attendait, parut littéralement sonner Audrey. Simon contempla le vide à s'en dessécher les yeux, sans doute incapable de nous considérer, Susan et moi, sans nous voir tomber sous le coup des sortilèges de Voldemort. Miles lui, accueillit la sentence de mort avec un étrange sérénité. Sans doute avait-il pris sa décision et envisager la possibilité dès l'instant où il avait déclaré à Daphné Greengrass qu'elle ne serait pas la seule Serpentard à se battre.

-D'accord, on ne part pas. Mais il faut qu'on trouve un moyen de renverser la vapeur.

Je reconnaissais bien là l'esprit pratique et pragmatique de Miles Bletchley. La phrase arracha un rire sinistre à Simon qui se couvrit le visage avant de le frotter vigoureusement de sa main saine.

-Très bien et qu'est-ce que tu proposes ?

-Je ne te ferais pas l'affront de te demander si tu sais faire parler ton patronus alors je vais aller au plus simple : à combien de personne tu peux envoyer un message ?

Simon papillonna les yeux avant d'émerger de ses mains, vaguement songeur. Des traces de larmes faisaient toujours briller son regard.

-Beaucoup. Pourquoi ?

-On est au beau milieu de la nuit. Le soleil va se lever dans une heure. Combien se réveilleront demain et regretteront amèrement de ne pas avoir été prévenu de ce qui se jouait cette nuit ? Combien de parents dont les enfants n'ont pas encore eu le temps de rentrer, combien de sorciers qui ont besoin de cette étincelle pour se battre ?

-Papa et maman voudraient se battre s'ils savaient qu'on était là, renchérit Susan en hochant la tête. Tu le sais.

Les arguments touchèrent Simon autant qu'ils jetèrent une ombre sur son visage. L'image d'un Teddy orphelin faisait déjà trop douloureusement échos à sa propre histoire, alors l'imaginer se répéter en mettant ses parents face au danger devait totalement le révulser. Pourtant, il s'efforça d'articuler :

-Disons que ça peut s'envisager ... Il faudrait quand même en parler à Kingsley et McGonagall. S'ils n'en ont déjà pas eu l'idée ...

-Donc ça, c'est la première et la plus simple option. La seconde, j'avoue ... C'est de me tourner vers la Forêt.

Un frisson de dégoût parcourut ma colonne vertébrale, un frisson que parut anticiper Miles car il me lança un long regard.

-Il n'y a pas que des créatures maléfiques dans cette Forêt. C'est comme partout : il y a un équilibre, tangible, branlant, mais qui existe.

-Il y a des Centaures, hasarda Susan. Ils étaient là à l'enterrement de Dumbledore ...

-Je ne compterai pas sur les Centaures, personnellement, refusa Eugenia en fronçant du nez. Pour eux, un sorcier est un sorcier. Vous-Savez-Qui ou nous, ça ne fait pas grande différence. Fudge a bafoué leurs droits et réduit leur territoire à peau de chagrin. Enfin, Fudge, pardon ... Dolores Ombrage serait plus correct ...

Susan et moi poussâmes une identique exclamation de dédain. Un brin ragaillardie par les propositions de Miles, Eugenia tapa du pied sur les dalles.

-Et puis puisqu'on pense aux créatures, pourquoi ne pas tout simplement penser à celles qui sont sous nos pieds ? Il y a une centaine d'elfe de maison qui travaillent dans les cuisines de Poudlard ...

-On les aura sans doute évacués, objectai-je. Et puis quoi, tu vas les forcer à les battre, en faire de la chair à pâté pour Voldemort ?

Le nom du mage noir provoqua un frémissement collectif qui me laissa de marbre.

-Leur laisser le choix, précisa Eugenia avec un soupir.

-Ils ne se sentiront jamais d'avoir le choix. Pour eux, chaque mot qui sortent de notre bouche est un ordre.

-Je ne leur donnerai pas d'ordre, insista-t-elle, butée. Il faut arrêter de croire qu'ils n'ont pas de volonté propre, de libre arbitre ! Ce sera justement l'occasion pour eux de le découvrir pour la première fois ... Promis, je prendrais toutes les précautions nécessaires et ordonnerai à ceux qui ne veulent pas se battre de transplaner sans plus attendre. Tu veux venir avec moi vérifier si je mets des gants ?

Sous la dérision coupante, je sentis une réelle demande de sa part, certainement liée à l'appréhension de parcourir seule les couloirs du château où avaient fait rages les combats, de contempler seule les stigmates. De retrouver de nouveaux corps. Un frisson glacé me parcourut l'échine et pourtant je me sentis acquiescer, presque contre mon gré.

-Très bien. On y va.

L'expression butée d'Eugenia se fendilla pour laisser apercevoir un air soulagé. Comme toujours, il fallait avancer, bouger. Ne pas se laisser figer dans le désespoir. Simon parut le comprendre, car malgré un long regard déchiré, il n'émit aucune protestation, pas même lorsque j'embrassai sa joue en guise d'adieux. Alors que nous dévalions les marches en direction du Hall, je remarquai une silhouette assise seule près des portes, la main pressée contre la bouche. Hermione Granger avait le visage noirci par la suie, que les larmes venaient nettoyer, les unes après les autres. L'œil vitreux, elle contemplait l'ancien Capitaine de Gryffondor – son nom m'échappait ... Dufrêne ? – ramener une dépouille du parc. La bile me monta aux lèvres, et alors que j'étais partie pour la dépasser, l'ignorer, la transpercer telle un fantôme, je m'accroupis à sa hauteur. La main que je posais sur son épaule la fit sursauter et pendant quelques secondes, elle me contempla sans me voir. Ce regard hanté me déchira de l'intérieur. D'autant que j'avais la sensation de lui renvoyer la même chose. Le sourire que je tentai de lui servir sembla effriter mon visage.

-C'est mon moment d'adhérer à la S.A.L.E., tentai-je pitoyablement de plaisanter. On va évacuer les elfes ...

Je me souvenais encore du badge, certainement relégué dans l'un des tiroirs de ma maison, que je lui avais acheté par solidarité à la fin de ma scolarité alors qu'elle faisait la quête seule dans les couloirs. Hermione se redressa, piquée au vif, et nous contempla avec de grands yeux.

-Pardon ? se recria-t-elle, suffoquée. Personne ne les a encore évacués ?!

Et devant notre dénégation, elle bondit sur pieds et s'élança sans même nous attendre dans les couloirs, devant notre regard médusé.

***

Cela me fit tout drôle de parcourir les couloirs de l'école aussi sinistrement déserts. Poudlard avait toujours été un lieu grouillant de vie, et là il n'y avait pas un couloir de l'école qui n'était pas désolé. Même dans les parties reculées du château proche de la cuisine où peu de combat semblait avoir lieu, on pouvait trouver des socles privés de leurs armures, des lustres brisés, et les cadres vides des tableaux dont les personnages avait fui vers des panoramas plus exaltants. Mon cœur se serra lorsque les tonneaux qui dissimulaient la Salle Commune de Poufsouffle furent en vue. La mélancolie avait beau être un mal plus tenable que la douleur qui m'étreignant sans discontinuer, ce fut éreintant d'y résister et de ne pas simplement passer les portes, contempler le visage d'Helga Poufsouffle et se laisser emporter par le confort et le moelleux des coussins. Je rêvai de m'enfoncer dans mon ancien lit, de retrouver l'insouciance d'antan et d'hiberner jusqu'à ce que ce cauchemar cesse.

-Oh, je n'ai jamais vu votre Salle Commune ! fit remarquer Eugenia lorsque nous passâmes devant. Tu nous montres ?

-On n'a pas le temps, l'heure est quasiment écoulée, rétorqua Hermione, exaspérée. Nom d'une gargouille, je n'en reviens pas que personne n'ait eu l'idée de faire fuir les elfes ! Enfin si on y a pensé, mais on avait autre chose à faire !

-Comme chercher un diadème perdu depuis des lustres ? glissa subtilement Eugenia.

Hermione papillonna plusieurs fois des yeux, stupéfaite. Elle semblait avoir vécu l'enfer : ses vêtements dégageaient une odeur âcre de brûlé, certaines de ses mèches étaient figées dans de la boue et elle s'accrochait à sa baguette comme si sa vie en dépendait.

-Comment ... ?

-Non mais sérieux, on fait vraiment tout ça pour un diadème ? Dis-moi au moins que c'est celui de Serdaigle, qu'il y ait une sorte de logique à ce que deux ennemis mortels fondent sur une école ! Vous l'avez, au moins ?

-Mais qui es-tu ?!

-La personne qui a pensé aux elfes de maison.

-Hermione, les interrompis-je en lançant un regard d'avertissement à Eugenia. Ecoute ... D'accord, je suppose que tu ne peux rien nous dire, on a compris qu'on ne pouvait pas tout savoir ... juste ... s'il te plait, dis-nous au moins ... que ça vaut le coup ...

Ma voix se brisa quelque peu sur les derniers mots et je m'enserrai de mes bras, prise d'un frisson glacé. Je sentis à peine la main qu'on passa dans mon dos – le geste m'apparaissait trop tendre pour Eugenia, et pourtant ... Hermione baissa la tête, visiblement affligée, et lorsqu'elle se redressa, ses yeux brillaient à la fois de colère et de larmes.

-Oui, on l'a, déclara-t-elle alors dans un souffle. Ecoutez, je comprends que ce soit frustrant, mais vraiment, je ne peux rien nous dire ... Seulement qu'il y a une raison à tout ça. Vraiment. On a récupéré un objet d'un importance capitale ... C'était l'avant-dernier. Il ne nous reste qu'une étape. Une étape ...

Le mot me désarçonna et je faillis trébucher sur les gravas d'une poutre de bois éclatée sur le sol. Eugenia contemplait Hermione avec ses grands yeux, profondément stupéfaite.

-Alors on est en train de gagner ... ? comprit-t-elle, d'une voix à peine plus haute qu'un murmure.

Hermione ne répondit pas : les dents serrées, elle essuya sa joue où venait de rouler une larme et ses doigts se retrouvèrent couverts de suie. A moi aussi, l'idée m'apparaissait contre-intuitive, à l'opposé des cris de désespoirs qui s'échappaient de la Grande Salle, à l'opposé de l'image du sinistre cortège funèbre que j'avais formé avec Podmore, Ernie et les autres pour ramener Tonks et Remus en leur dernière demeure ... Vraiment, cette idée se fracassa contre le bouclier froid instillé dans mes veines et pourtant ...

Qui ne voulait pas croire à la lumière au bout du tunnel ?

Une étape. Une étape, et tout serait fini. L'idée avait de quoi faire vaciller. Mais c'était une histoire qu'on pourrait raconter à Teddy Lupin le jour où il serait en âge de comprendre. Tes parents sont morts dans ce but. Ça a un sens ... Et le simple fait d'en trouver un desserra l'étau sur ma poitrine.

-Alors pendant tous ces mois, vous suiviez vraiment un plan ..., ajoutai-je, saisie.

-Parce que les gens pensaient sérieusement qu'on ne faisait que du camping ? rétorqua-t-elle, proprement agacée. On s'est démené, on a failli mourir deux ou trois fois, on a retourné le Monde Magique ... et on en voit enfin le bout. Je vous le promets, plus qu'une étape et on vous débarrassera de Voldemort.

Eugenia tressaillit au nom, mais moi il me donna la force de plonger mon regard dans celui d'Hermione. Toute la conviction qui l'habitait était plus poignante que celle que j'avais pu percevoir chez Ginny chez Muriel. Elle savait. C'était une fille idéaliste, mais logique, déterminée : si elle était si sûre d'elle, c'était qu'elle la voyait distinctement, la lumière au bout du tunnel. Alors que nous, pauvres mortels, étions voués à deviner les échos incertains d'une lueur dans nos ténèbres. Nous n'eûmes pas le temps de nous concerter davantage : l'immense toile d'une coupe de fruit se dessinait devant nous et Eugenia se planta devant en repoussant sa tresse au muguet. Avec un étrange sourire nostalgique, elle chatouilla la poire qui emplit le couloir et nos cœurs d'éclats de rire qui agirent comme un baume après avoir été assourdies par les pleurs. Pourtant, l'image qui nous attendait abattit de nouveau une chape de plomb sur nos épaules.

La cuisine avait été épargnée par les combats, mais pas par les secousses, les tremblements, les coups de poings qui avaient éventrés le château. Les poêles cuivrées étaient toutes sans-dessus-dessous sur le carrelage, couvrant une porcelaine brisée en mille éclats. Les vitres au fond et en hauteur, proches du niveau du parc, avaient été brisées. Un trou encore fumant indiquait qu'un sortilège l'avait fracassé et s'était perdu dans le mur. Mais surtout, l'image d'une centaine d'elfes de maison recroquevillés dans les coins, sous les tables, se protégeant d'une assiette ou d'une casserole en tremblant, avait de quoi briser le cœur. Ils poussèrent collectivement un cri effrayé lorsque nos pas firent craquer la porcelaine et Hermione se porta immédiatement devant, effarée. Elle avait rangé sa baguette.

-Ne vous en faites pas, c'est nous ! Vous ne nous reconnaissez pas ?

Quelques elfes émergèrent de leur refuge et nous fixèrent de leurs yeux globuleux. Il manquait Dobby, remarquai-je alors qu'ils sortaient tous, les uns après les autres. Il avait toujours été l'unique touche de couleur dans cet océan de tenues grises, ternes, sales.

-Ecoutez c'est urgent : vous l'avez compris, il y a une féroce bataille dans le château, entonna Eugenia d'une voix claire. Alors vous avez deux choix : soit vous transplanez pour vous mettre à l'abri, soit vous venez vous battre avec nous pour défendre l'école.

-Winky doit se battre ? s'étrangla une voix aigüe dans le fond.

-Non ! Vous n'êtes pas obligés, c'est ... si vous le voulez ...

Un murmure perplexe parcourut les rangs des elfes et leurs oreilles se balancèrent au rythme de leurs hochements de tête consternés. Je jetai un petit regard à Eugenia, un peu blasée par la réaction. Oui, ça m'avait paru évident qu'un peuple rompu à la servitude absolue aurait besoin d'un ordre clair. La notion de choix restait au mieux un fantasme pour eux. Seul Dobby avait compris son importance.

-Pourquoi ils se battraient pour nous ? murmurai-je, désabusée. On les exploite depuis tant d'année ... La moindre des choses qu'on peut faire pour eux c'est les sauver, non ?

-Tu crois qu'avec Vous-Savez-Qui, leur vie seraient meilleures ? rétorqua Eugenia, irritée. Nous au moins on veut faire changer les choses. Ils auront l'espoir de voir leur condition s'améliorer. Mais avec ... (Elle parut prendre sur elle, buter sur les mots, mais il finit par franchir ses lèvres : ) Voldemort ...

-Le Seigneur des Ténèbres ?

L'elfe le plus disgracieux qui m'était donné de contempler émergea du groupe, avec un air peu amène, un nez en forme de groin et une touffe de cheveux blancs qui lui sortaient des oreilles. Il n'était vêtu que d'un pagne qui lui enserrait la taille et sur sa poitrine creuse reposait un médaillon de la forme d'un œuf incrusté d'un grand « S ». C'était bien la première fois que je voyais un elfe porter un bijou ... Hermione étouffa un cri.

-Kreattur ? Comment tu as atterri ici ?

-Tous les elfes perdus viennent à Poudlard, crossa-t-il avec un haussement d'épaule. Quand maître Harry et vous n'êtes pas rentrés, et que les méchantes personnes ont fouillés et saccagé la noble maison de ma maîtresse, Kreattur s'est réfugié ici.

-Harry Potter a un elfe ? me souffla Eugenia, consterné. Eh beh ...

-C'est celui des Black, me souvins-je de façon très brusque.

J'avais entendu cette histoire à mon arrivée à l'Ordre : dans les faits très juridique, le 12 Square Grimmaurd appartenait à Harry, filleul de Sirius Black. Simon en avait ri tant l'ironie de la chose lui apparaissait parfaite. Et avec le titre de priorité lui avait échu un elfe au fait des secrets de l'Ordre ... Hermione s'était agenouillée auprès de Kreattur pour être à sa hauteur. Avec ses vêtements froissés, maculés et son visage noirci, ils semblaient égaux dans la misère.

-C'est le Seigneur des Ténèbres qui attaquent l'école d'Albus Dumbledore ? poursuivit-t-il. Celui qui est responsable de la mort de Maître Regulus ?

-Qui ? murmura Eugenia, mais je la fis taire d'un coup de coude.

Une étincelle venait de s'allumer dans le regard vitreux de l'elfe quand Hermione acquiesça gravement, sans un mot. Un embrasement de pure fureur.

-Maître Regulus ..., répéta-t-il, comme une terrible incantation.

Sa voix avait empli toute la cuisine et ses minuscules poings s'étaient serrés. En une seconde, ce petit être sembla empli d'une rage et d'une colère que sa modeste personne ne semblait pas être en mesure de contenir. D'un bond un peu laborieux, il se hissa sur la table et tira d'un tiroir un immense couteau de cuisine dont la lame reflétait la lumière et aveugla les autres elfes alentour. Il darda un regard brillant sur Hermione.

-Kreattur se battra.

-Non, Kreattur, opposa une voix aigüe. Elles ont dit qu'il fallait transplaner.

-Ceux qui ne veulent pas se battre peuvent transplaner, rectifia précipitamment Eugenia. Dites-vous que vous avez deux ordres : transplaner, ou rester et se battre. Sondez votre cœur et suivez l'ordre vers lequel il penche.

-Nous ne vous avons jamais traité avec bienveillance, mais celui qui assiège l'école veut en tuer tous ses occupants, y compris les elfes de maison, ajouta Hermione avec vigueur. Il n'a de mépris pour vous, et ce que vous faites alors que sans vous, des centaines de familles de sorciers seraient démunis. Sans vous, Poudlard cesserait même de fonctionner ! Vous êtes l'un des fondements de notre société ... Demandez à Kreattur comment Voldemort traite les elfes ! ajouta-t-elle en désignant l'elfe.

Le brouhaha enfla autour de nous et toutes les petites voix se mirent à pépier, soit avec exaltation, soit avec frayeur. Je consultai ma montre, où la grande aiguille atteindre son zénith – et dévastée lorsque je découvris le cadran brisé. Mais j'étais une sorcière. C'était ce pourquoi je me battais. Je pourrais le réparer ... si tout ça s'achève. Il fallait que ça s'achève.

-Vous êtes obligés de rien, reprit finalement Eugenia, malgré la rhétorique peu efficace avec eux. Mais on a besoin d'aide. Les sorciers ne peuvent s'en sortir seuls, c'est en s'alliant avec les autres créatures de ce monde et en faisant front commun avec vous qu'on pourra vaincre le mal. Vous avez des pouvoirs, des pouvoirs extraordinaires ... Servez-vous en enfin pour vous, plutôt que pour nous. Et cette fois, ce seront les sorciers qui vous seront redevables.

-Ce ne sont pas des espoirs, ce sont des promesses, enchéris-je alors, vaincue par la nécessité. Ne vous battez pas pour nous ... nous, nous vous avons méprisé, ignoré ... Mais battez-vous pour vous. Battez-vous pour vos droits, pour hurler votre existence. Pour un monde meilleur. Si vous cela ne vous dit rien, alors vous pouvez juste transplaner.

Une centaine de paire d'yeux globuleux étaient rivées sur moi, ainsi que le regard brillant d'Hermione qui, elle aussi, se battait pour exister. Elle avait croisé ses bras contre son ventre, et je réalisai que c'était un geste que reproduisait certains elfes. Un geste de repli, un geste de défense. Mon estomac se chargea de plomb. Des Mangemorts avaient parcouru les couloirs de l'école ... Qu'avaient-ils pu leur faire subir, eux qui avaient été habitués à la bienveillance de Dumbledore ? La réflexion agit comme un éclair qui éclaira mon esprit embrumé de sa lumière crue mais clairvoyante.

-Les Carrow, les nouveaux professeurs ... ce sont leurs amis qui attaquent le château.

Une exclamation d'épouvante parcourut les rangs et je compris avec horreur et amertume que mon intuition avait été bonne. D'ailleurs certains portèrent la main à leurs oreilles, leur bras, leur ventre, comme au souvenir de l'endroit où ils avaient été frappés. Mais chez d'autres, je vis s'allumer dans leurs grands yeux une lueur agressive peu commune. Face à l'agitation grandissante et cette centaine de petits êtres frémissants d'indignation, avec leurs pouvoirs phénoménaux et les couteaux à portée de main, la cuisine me sembla devenir l'endroit le plus dangereuse de l'école.

-Maître Carrow ... ils ... ils sont méchants avec les elfes !

-Et Maître Rogue a tué Maître Albus, reprit un autre en hochant si vivement la tête que ses oreilles peinaient à suivre le rythme. Maître Albus était un grand Maître !

-Mais c'est dangereux ! Ils vont nous punir !

-Maîtres Carrow aussi sont dangereux !

Alors que les débats reprenaient de plus belle et que la cuisine semblait baigner dans des pépiements de voix suraiguës et survoltées, Kreattur tira un pan du tee-shirt d'Hermione pour attirer son attention.

-Je vais les convaincre et ferais transplaner les autres, lui annonça-t-il de façon solennelle. Vous, faites ce que vous avez à faire ... miss Hermione.

-Merci, Kreattur, répondit-t-elle, étrangement émue.

Elle parut vouloir ajouter quelque chose, amorça un geste qui ressemblait davantage à un spasme avant de finalement renoncer et de pivoter vers nous. Elle papillonnait des yeux, mais ce mouvement constant ne m'empêcha pas de remarquer le voile qui lui couvrait la cornée.

-Pour une fois je n'ai pas eu le droit à l'habituel « Sang de bourbe », fit-t-elle remarquer, avec une satisfaction trop prononcée à mon goût.

-Il n'avait pas intérêt sinon il aurait pris un coup de poêle, répliquai-je avec sécheresse.

Pourtant, ce fut mon cœur qui se prit un véritable coup de poêle et je refermai mon poing au creux de ma gorge, sonnée. Les mots terribles de Miles tombèrent de nouveau sur moi comme des pierres propres à m'ensevelir. « Fred Weasley ». C'était à Fred que j'avais donné un coup de poêle, dans cette exacte cuisine ... ou bien était-ce à George ... ? Ils m'avaient pris ma baguette ... Le souvenir referma ses terribles griffes sur moi et je serais restée longtemps à m'y noyer si Eugenia n'avait pas saisi rudement ma main.

-Viens, m'enjoignit-t-elle avec plus de douceur que sa prise. Victoria, viens, le temps est presque écoulé ...

-Le temps est écoulé, et depuis un moment, rectifia Hermione et elle s'élança vers la porte. Vite ! Il faut que je retrouve Harry ! Il faut qu'on trouve le serpent !

L'urgence lui avait arraché la confidence, mais elle trouva difficilement écho en nous : nous nous mîmes à courir dans les couloirs dévastés, baguette à la main, le cœur battant à tout rompre les tambours de guerres qui s'annonçait de nouveau. Voldemort était-il déjà arrivé à nos portes ? m'interrogeai-je subitement, soucieuse. L'attaque avait-elle commencé dès le dernier grain de sable tombé ?

La réponse vint nous cueillir, nous abattre d'un uppercut alors que nous venions d'atteindre les tonneaux qui dissimulaient la Salle Commune de Poufsouffle. Nous nous prîmes un véritable mur qui stoppa net notre course lorsqu'une voix glacée tonna dans les couloirs si fort qu'elle nous broya :

-Harry Potter est mort.

Hermione plaqua la main contre sa bouche, livide, mais ça n'empêcha pas un cri étranglé d'en jaillir. Moi-même je portai les deux mains à mon cœur, comme pour le retenir alors que la voix le poussait à la chute. Les mots résonnaient en moi à l'infini sans pour autant m'imprégner.

-Quoi ... ? soufflai-je, hébétée.

-Il a été tué alors qu'il prenait la fuite, reprit Voldemort, en réponse à ma stupeur horrifiée. En essayant de se sauver pendant que vous donniez vos vies pour lui. Nous vous apportons son cadavre comme preuve que votre héros n'est plus.

-Mais quel ..., s'étrangla Hermione, suffoquée.

Le désespoir qui déformait sa voix me toucha assez pour que je pose une main sur son épaule. Mais Voldemort n'avait pas fini de diffuser son venin : sa voix amplifiée à en faire trembler les pierres continuait de nous matraquer impitoyablement :

-La bataille est gagnée. Vous avez perdu la moitié de vos combattants. Mes Mangemorts sont plus nombreux que vous et le Survivant est fini à tout jamais. Il ne doit plus y avoir de guerre. Quiconque continuera à résister, homme, femme, enfant, sera éliminé ainsi que tous les membres de sa famille. Sortez maintenant du château, agenouillez-vous devant moi, et vous serez épargnés. Vos parents, vos enfants, vos frères et vos sœurs vivront, ils seront pardonnés, et vous vous joindrez à moi pour que nous reconstruisions ensemble un monde nouveau.

Les derniers mots résonnèrent à l'infini alors que la voix semblait refluer comme l'océan sur la plage après s'être abattu en plusieurs vagues violentes. Nous restâmes quelques secondes figées sur place, frissonnantes, abattues. Le discours polluait notre air et nous volait notre souffle et le peu de courage que notre visite en cuisine avait réussi à nous insuffler.

-Non, déclara Hermione d'une voix rauque, assourdie par la détresse. Non, c'est forcément une ruse ... forcément c'est certain ... il passe ... il passe son temps à mentir ... c'est une ruse, c'est une ruse ...

Je la laissai se répéter cela, se convaincre, se souler de ses arguments sans en trouver un seul pour la rassurer. J'étais trop occupée à mobiliser toutes mes forces pour ne pas me laisser clouer sur place, et tomber sur le sol. Harry Potter est mort. Eugenia jeta un regard peiné à Hermione. Une larme avait roulé sur sa joue. Elle y croyait, elle. Le désespoir la submergeait.

-Tout le monde n'est pas prêt à sacrifier des centaines de vie pour sauvegarder la sienne ...

-Non, refusa Hermione, butée, détruite. Non, c'est faux. Harry ... il nous reste que le serpent ... Ce n'est pas possible, non. Il ment. Pitié, il ment.

Elle s'élança dans le couloir, à moitié en titubant et en hurlant une dernière fois « Il ment ! » qui résonna terriblement dans les murs. Le cri de douleur et de rage qu'elle poussa, le corps courbé et déformé projeté vers l'avant, fut encore plus déchirant et faillis m'arracher un sanglot. Je ne sus par quel miracle il resta bloquer dans ma gorge. Il fallut bien qu'Eugenia la suive, la tête baissée en signe de deuil, pour que je m'ébroue à mon tour.

J'avais eu raison. Un cadeau empoisonné. Une heure pour voir renaître l'espoir ... et tout fracasser ensuite.

Harry Potter est mort. Seigneur qu'Hermione ait raison. Qu'il mente. Pitié.

Pitié.

Le tumulte qu'on entendait dans le Hall me frappa en plein ventre et je serrai les doigts sur ma baguette, prête à devoir me jeter à corps perdue dans la bataille dès que j'émergerai de l'escalier. Mais quand ce fut le cas, je ne vis aucun éclair lumineux, encore corps en mouvement, aucun signe de lutte : seulement des armures disposées devant la porte barricadée et une foule qui évoluait entre elles, parcourue de murmures inquiets. Hermione fut la première à se plonger dans la foule pour rejoindre une Ginny Weasley sonnée, qui suivait de près Minerva McGonagall qui la fendait comme Moïse la mer Rouge. Chourave trottinait elle aussi à ses côtés, talonnée par Hannah Abbot et Seamus avec son visage tuméfié. Même le barman de la tête de Sanglier avait fini par se joindre aux combats. Tonks aurait été fière ... Mais tout mon être se relâcha lorsque j'avisai Simon, Susan, Miles et Audrey à l'endroit exact où nous les avions laissés, sur les marches. Le soulagement éclata dans les yeux de Simon lorsqu'il m'aperçut et il dévala les marches pour me rejoindre. Sa main ne sursautait plus, constatai-je lorsqu'il m'enlaça, rassurée. Ses sortilèges atteindront leur cible.

-Qu'est-ce qui se passe ? interrogea Eugenia à Miles. Il est vraiment ... ?

Elle fut incapable de prononcer les mots qui sonnaient comme une sentence de mort, une assurance de défaite. Le visage de Miles était livide et il nous contempla longuement. Il crispa une main sur son bras blessé.

-On ne sait pas ... On sait juste qu'ils arrivent.

-Seigneur, bredouillai-je, les larmes aux yeux.

Faute de mieux, nous plongeâmes nous aussi dans le Hall et j'accrochai fermement mes doigts à ceux de Simon. Ce fut alors qu'au milieu de la foule qui se densifiait, j'aperçus la famille Weasley. Molly, les yeux rougis par les pleurs, Ron déjà baguette en main, un garçon à lunette qui m'était inconnu ... Mais surtout, j'aperçus George.

Et mon monde s'effondra.

Parce qu'il était seul. Seul, avec son oreille en moins, seul sans le moindre simulacre de sourire sur ses lèvres. L'absence d'oreille ne suffit pas : il fallut que je l'observe, quitte à quitter la chaleur de Simon pour le suivre dans la foule. J'étais obsédée par ses lèvres, ses lèvres soudées, désespérément ... il fallut qu'il s'adresse à l'un de ses frères pour que la vérité me fracasse sous la forme d'une canine mal alignée.

Fred est mort.

Le soleil aurait bien pu cesser de briller.

Dévastée, je restai plantée au milieu du Hall alors que, d'un mouvement de baguette, Minerva McGonagall relevait les immenses poutres qui barraient la porte. Les battants s'ouvrirent pendant que dans le Hall, le murmure enflait, se chargeait d'attente et d'angoisse :

-Qu'est-ce que c'est ?

-Qu'est-ce qui se passe ?!

-NON !

Le cri, inhumain, arraché même à la chair, me fit frémir jusqu'aux tréfonds de mon âme. Si je n'avais pas reconnu les accents de Minerva McGonagall sous le hurlement, je l'aurais cru jaillir de mes lèvres tant j'étais encore sous le coup de ma sinistre réalisation. Pire que tout, il fut suivi du même rire qui avait accompagné la chute de Tonks et le souvenir réinjecta du courroux et de la vigueur dans mes veines. Sans attendre, nous dévalâmes les marches et suivirent le flot qui se déversait du Hall jusqu'à l'entrée, jusqu'aux marches de pierre polies par les âges qui limitait le seuil de Poudlard. Les cris se succédèrent, plus déchirants les uns que les autres, alors que j'émergeai dans la pâle lumière de l'aube :

-Non !

-Non !

-Harry ! HARRY !

-Mon Dieu, souffla Susan, livide. Non, pitié, non ...

Pitié. C'était le mot. Hermione venait de nous servir l'espoir : même une lueur, je n'étais pas prête pas à la rendre, pas alors que le soleil s'était éteint lorsque Fred s'en était allé ... Non, je ne pouvais pas, c'était impossible, pitié ...

Et pourtant, l'espoir se brisa. Le tableau qui attendait à la sortie était des plus apocalyptique. Alignés en un front sombre et unis devant nous, les Mangemorts nous faisaient face, tous de noirs vêtus, tête nue, le menton relevé par la fierté et le triomphe. Perchées sur les marches, je les reconnus un à un, bouche bée. Bellatrix, bien sûr, bien au centre, ses lèvres sanglantes relevées en un sourire extatique. L'homme qui se tenait à ses côtés m'était familier et j'en déduisis qu'il s'agissait de son mari évadé en même temps qu'elle, dont le visage avait été tout aussi placardé. L'autre visage remarquable était celui du Ministre. Sur son front bombé était découpé une plaie sanguinolente et sa présence m'horrifia presque plus qu'aucune autre. Le Ministre de la Magie. En tenue noire des Mangemorts. Attaquant Poudlard. Nestor, plus loin dans la ligne, reconnaissable à ses cicatrices terribles, aux côtés de Rowle et de Yaxley. Je reconnus même Robert Jugson – et j'en serrai la main de Simon à lui en briser les os. Lui aussi l'avait repéré. Ses yeux ne le lâchaient pas.

Et bien sûr, Lord Voldemort en personne était venu, comme promis, à la tête de ses armées. Un immense serpent ondulait dans l'air à ses côtés, sa langue frémissante entre ses crocs.

Mais ce n'était pas ce qui attiraient tous les regards. Non, ce qui m'obnubilait, c'était Rubeus Hagrid, traînant derrière Voldemort au bout d'une corde, comme un animal. Les épaules tremblantes sous le poids de l'émotion, il transportait un corps inerte dans ses bras. Un corps aux cheveux noirs. Avec des lunettes rondes et reconnaissables plantées sur son nez.

Le désespoir s'abattit sur moi, referma mon univers et mon champ de vision. J'eus la sensation de le contempler à travers mille voiles, mille réalités. J'étais propulsée de l'autre côté de la barricade. Les cris et les sanglots de Susan m'apparurent lointains, appartenant à un autre monde. C'était fini, j'avais vacillé. Cédric, j'arrive.

-Harry, pleura Susan, défaite.

C'était fini.

Harry Potter était mort.   

***

Soooo? 

Moins éprouvant que le dernier en terme d'émotion, mais alors que c'était pénible à écrire ! Pour tout vous dire, la 1re version, Vic' ne suivait pas Eugenia aux cuisines. Et j'avais cette désagréable impression qu'elle n'était que spectatrice de la bataille, que je l'avais mise au milieu un peu gratuitement. Vraiment ce truc que je n'aimais pas : juste en faire une seconde paire d'yeux dans la Bataille. D'où cette excursion aux cuisines qui, en plus de réinjecter Hermione, donnait à Vic un rôle un peu plus actif. 

Et au moment où j'avais tout réécris, requalibré et tout, je me rends compte que j'avais oublié le morceau où Voldemort annonçait à distance la mort de Harry (tout simplement parce que dans mes relectures je me suis concentrée sur la Bataille et pas sur ces moments où Harry était seul). Et voilà qu'on retravaille pour intégrer ça ! 

BREF j'espère que ce chapitre ô combien récalcitrant vous a plu ! On se retrouve vendredi pour la suite <3 

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